LISTE DES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : Accroître les garanties d'indépendance exigées pour les animateurs, dont le rôle doit être clairement distingué de celui des citoyens.

Recommandation n° 2 : Codifier les règles applicables aux conventions citoyennes, et notamment les exigences d'indépendance, d'impartialité et de contradictoire, au sein d'un règlement de procédure interne au CESE, enrichi le cas échéant par les propositions des citoyens de chaque convention citoyenne finissante.

Recommandation n° 3 : Renforcer le pluralisme de la gouvernance et du suivi des conventions citoyennes en instaurant une règle d'un tiers de membres du CESE au sein du comité de gouvernance, incluant nécessairement des citoyens participants.

Recommandation n° 4 : Renforcer les liens informels entre Parlement et conventions citoyennes et développer une implication plus directe des assemblées parlementaires dans le déclenchement des conventions citoyennes.

Recommandation n° 5 : Centraliser au CESE les dispositifs nationaux de consultation des citoyens, s'agissant des domaines économiques, sociaux et environnementaux relevant de sa compétence, ces consultations n'ayant pas vocation à se substituer à la représentation nationale.

Recommandation n° 6 : Internaliser intégralement la compétence d'animation au CESE, via le développement d'un plan de formation continue, à court terme pour les journées délibératives et à moyen terme pour les conventions citoyennes.

Recommandation n° 7 : Mieux maîtriser les coûts des conventions citoyennes par la réduction de leur durée, l'utilisation de formats numériques ponctuels et l'accroissement des partenariats pour négocier les prix du transport et de l'hébergement des citoyens participants.

Recommandation n° 8 : Prévoir annuellement un nombre fixe de dispositifs de participation citoyenne, avec une évaluation ex ante de leur coût, dont l'exécution serait retracée au sein d'une action budgétaire dédiée à la participation citoyenne.

AVANT-PROPOS

Le 3 avril dernier, à l'occasion de la remise du rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, organisée par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), le président de la République a salué cette « oeuvre de réinvention démocratique ». Il souhaite par ailleurs adresser de nouveau à des citoyens tirés au sort des questions relatives à la vie de la Nation, dans le cadre de conventions citoyennes organisées par le CESE.

De prime abord, la consultation de citoyens tirés au sort peut surprendre dans nos démocraties représentatives modernes, caractérisées par la place centrale de l'élection, principe clé du gouvernement représentatif. Ce dernier est fondé non pas sur le principe de la participation de tous, mais sur la distinction de quelques-uns1(*).

Toutefois, à partir des années 1970, se développent des outils participatifs à l'échelon local, et notamment dans le cadre de projets d'urbanisme et d'aménagement du territoire. Des comités de quartier sont alors créés, mais aussi des ateliers populaires d'urbanisme ou encore des commissions extramunicipales. À partir des années 1990, la participation des citoyens s'institutionnalise, tant à l'échelon local que national. Par exemple, la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite loi « Barnier », instaure la Commission nationale du débat public (CNDP). Les budgets participatifs sont expérimentés pour la première fois cette même année. À l'étranger, des conventions citoyennes voient le jour dès les années 1970 aux États-Unis et en Allemagne, avant de se diffuser plus largement dans toutes les démocraties représentatives à partir des années 2000. Les dispositifs de participation citoyenne se développent particulièrement depuis une dizaine d'années, si bien que l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évoque une « vague délibérative »2(*) avec la multiplication des « mini-publics » réunissant des citoyens tirés au sort.

Ce foisonnement d'instruments de participation citoyenne recouvre à la fois des mécanismes de démocratie délibérative et de démocratie participative. Les deux se distinguent par le mode de sélection des participants : alors que la démocratie participative repose sur une association de citoyens volontaires, la démocratie délibérative implique quant à elle une sélection aléatoire de citoyens, afin de rassembler un groupe représentatif de la population. Il en résulte en ce sens une légère différence de nature des différents procédés : la méthode délibérative « permet aux citoyens de former leur propre volonté sur les affaires collectives, par l'information, la réflexion et l'argumentation. En cela elle se distingue des innovations strictement participatives qui se fixent comme objectif que les citoyens puissent faire entendre leur voix sur les affaires collectives, de quelque manière qu'ils aient formé leurs volontés, dans le cadre de pétitions, de référendums ou de consultations, ouverts à tous ceux qui veulent s'exprimer »3(*).

Toutefois, dans les deux cas, ces outils permettent de donner plus de place aux citoyens, sans leur conférer in fine un pouvoir décisionnel4(*). Les démocraties délibérative et participative sont dès lors des compléments de la démocratie représentative, qui permettent de renforcer sa résilience en impliquant davantage les citoyens dans l'élaboration des politiques publiques ou les choix de société, tant à l'échelon national que local5(*). La centaine de citoyens tirés au sort pour participer à une convention citoyenne n'a en effet pas de mandat pour décider au nom de tous les citoyens puisqu'elle ne bénéficie pas de la légitimité de l'élection.

En France, les deux conventions citoyennes, celle sur le climat et celle sur la fin de vie, ont été organisées au CESE. Dès la Convention citoyenne pour le climat, le président de la République entendait ériger le CESE en « chambre des conventions citoyennes »6(*). Après deux réformes constitutionnelles avortées, la loi organique n ° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental fait de ce dernier « le carrefour des consultations publiques »7(*), en élargissant sa saisine par voie de pétition et en institutionnalisant la possibilité pour le CESE de recourir à des procédures de consultation du public, le cas échéant après tirage au sort des participants.

Sur cette base, le CESE a développé de nombreux dispositifs annexes aux conventions citoyennes, qui existaient déjà parfois dans les faits : des questionnaires et consultations en ligne complétés de dispositifs présentiels au CESE, des groupes de citoyens tirés au sort, intégrés à une formation de travail ou bien travaillant en parallèle, ainsi que des pétitions déposées sur une plateforme propre. La participation citoyenne au CESE emprunte dès lors à la fois les traits de la démocratie délibérative et de la démocratie participative.

D'un point de vue budgétaire, le CESE gère en propre une enveloppe de 4,2 millions d'euros entièrement fléchée vers la participation citoyenne. Le coût de la dernière convention citoyenne sur la fin de vie a toutefois été évalué, à lui seul, à 4,7 millions d'euros, ce qui représente plus de 10 % du budget du CESE en 2023.

Si le rapporteur spécial tient à souligner l'intérêt des conventions citoyennes, notamment pour pacifier les débats sur les grandes thématiques sociétales, il prône une utilisation modérée et encadrée de ces conventions, qui ne sauraient constituer la panacée démocratique. Un tel succès contemporain des démocraties délibérative et participative s'adosse aussi à « la mise en scène d'une demande sociale de participation »8(*).

Le rapporteur spécial souhaite aussi souligner le coût de tous ces dispositifs de participation citoyenne, et notamment de ceux annexes aux conventions citoyennes, qui se développent dans le cadre strict de ses missions constitutionnelles consultatives. Les dépenses d'ores et déjà plus élevées en juin 2023 que celles prévues en loi de finances initiale témoignent d'un manque de pilotage de la dépense, qui peut mettre en cause la sincérité de la budgétisation initiale.

Des efforts sont toutefois opérés pour contenir les dépenses d'animation des conventions citoyennes et autres outils participatifs par un début d'internalisation des compétences, permettant ainsi le développement d'une expertise interne propre au CESE. Le rapporteur spécial ne peut qu'encourager cette professionnalisation du CESE en matière de participation citoyenne, dans un contexte de pérennisation annoncée des conventions citoyennes. Cette réappropriation publique permet ainsi de limiter le recours au « marché de la démocratie participative »9(*), impliquant de nombreux prestataires extérieurs.

Enfin, le rapporteur spécial appelle de ses voeux à concentrer les dispositifs de participation citoyenne organisés, au CESE, conformément à la loi organique du 15 janvier 2021. La multiplication de consultations des citoyens en dehors du CESE, à l'instar du Conseil national de la refondation (CNR), est de nature à remettre en cause la légitimité du CESE10(*) en tant que carrefour des consultations publiques.

Dans ce contexte et au regard des nouvelles compétences confiées au CESE en matière de participation citoyenne, celui-ci « se trouve, une fois encore, à un tournant de son existence »11(*).

I. UN ENSEMBLE COMPOSITE DE DISPOSITIFS DE PARTICIPATION CITOYENNE DOMINÉ PAR LES CONVENTIONS CITOYENNES

A. UNE INSTITUTIONNALISATION DE LA PARTICIPATION CITOYENNE AU SEIN D'UNE ASSEMBLÉE CONSULTATIVE

1. Un développement progressif de la participation citoyenne au CESE avant la réforme organique
a) Un rôle de conseiller des pouvoirs publics avant tout

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été historiquement conçu comme une assemblée consultative composée de représentants de la société civile organisée. Il n'avait donc pas originellement vocation à être le lieu de la participation citoyenne.

Le CESE puise historiquement ses racines dans le Conseil national économique, créé par décret du 16 janvier 192512(*), qui avait pour fonctions « d'étudier les problèmes intéressants la vie économique du pays, d'en chercher les solutions et de proposer l'adoption de ces solutions aux pouvoirs publics. Les attributions du conseil national économique, autonome dans sa composition, sont administrativement d'ordre consultatif ».

Dissous sous Vichy, la Constitution du 27 octobre 194613(*) instaure sous la IVème République un Conseil économique, qui examine, pour avis, les projets et propositions de loi de sa compétence et peut, en outre, être consulté par le Conseil des ministres.

Celui-ci devient le Conseil économique et social (CES) sous la Vème République, puis le Conseil économique, social et environnemental (CESE)14(*) à la suite de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. L'article 1er de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental précise qu'il « est auprès des pouvoirs publics une assemblée consultative ».

Jusqu'à la réforme de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au CESE par la loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021, les compétences constitutionnelles du CESE étaient largement limitées à son rôle de conseiller des pouvoirs publics, dont les modalités sont détaillées par l'article 2 de ladite ordonnance.

À ce titre, le CESE peut être saisi par le Premier ministre. Ce dernier doit obligatoirement le saisir pour avis des projets de loi de plan et des projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental. Sa saisine pour avis est en revanche facultative pour les projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques, les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que les propositions de loi entrant dans le domaine de sa compétence. Le CESE peut également être consulté, par le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat, sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. Ces mêmes autorités peuvent aussi lui demander des avis. Enfin, il peut s'autosaisir15(*) ou bien être saisi par voie de pétition. Cette voie constituait, avant la réforme organique, le noyau dur de la participation citoyenne au CESE.

b) Une expérimentation de plusieurs dispositifs de participation citoyenne dans le silence de la Constitution et de la loi organique

Avant la loi organique du 15 janvier 2021, la saisine du CESE par voie de pétition est le seul outil de participation citoyenne prévu par la Constitution, qui a été introduit à l'article 69 dans le cadre de la révision constitutionnelle du 23 juillet 200816(*). Ce droit de pétition a été encadré par la loi organique du 28 juin 2008, qui prévoyait notamment un seuil de 500 000 signatures, établies par écrit, sur toute question à caractère économique, social ou environnemental17(*). Ce dispositif ayant peu fonctionné, seules trois pétitions ayant été portées devant le CESE de 2010 à 202018(*), le CESE a mis en place en parallèle un dispositif de veille des pétitions en ligne à partir de mai 2017. Le CESE réalise une veille via les plateformes de pétitions existantes, les réseaux sociaux, les sites spécialisés tels que les sites d'associations de consommateurs, ou encore la presse, afin de repérer des thématiques qui pourraient faire l'objet d'une éventuelle autosaisine.

À côté des pétitions, le CESE avait déjà pris plusieurs initiatives en faveur de la participation citoyenne, dans le silence des textes.

Tout d'abord, à partir de 2018, le CESE a créé une plateforme de consultations en ligne19(*) sur des sujets très divers tels que l'orientation des jeunes ou encore la vaccination contre la Covid-19.

Ensuite, des panels de citoyens ont été associés à l'élaboration des avis du CESE : 30 citoyens sur l'avis « Générations nouvelles : construire les solidarités de demain », adopté le 7 juillet 2020 et 28 citoyens sur l'avis « Fractures et transitions : réconcilier la France », adopté le 12 mars 201920(*). Cinq citoyens de ce panel ont d'ailleurs intégré temporairement la commission saisie au fond du CESE, avec voix consultative.

Enfin, l'innovation la plus ambitieuse a été résolument la Convention citoyenne pour le climat, annoncée par le président de la République le 25 avril 2019, et dont les travaux ont débuté en octobre 2019.

La Convention citoyenne pour le climat (CCC)

Une lettre de mission claire avec une visée législative

La lettre de mission du Premier ministre du 2 juillet 2019, adressée au Président du Conseil économique, social et environnemental, explicite le mandat de cette Convention, à savoir « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2023 par rapport à 1990 ». Elle mentionne également que le rapport final fait état de l'ensemble des mesures législatives et réglementaires que la Convention aura jugées nécessaires pour atteindre l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et qu'elle peut désigner, parmi les mesures législatives, celles dont elle jugerait opportun qu'elles soient soumises à référendum.

Ainsi, afin de mener le travail de transcription légistique des mesures préparées par les membres de la convention citoyenne, un comité légistique, composé d'administrateurs du CESE, d'une conseillère d'État et d'une universitaire, a été instauré. Par ailleurs, un groupe d'appui composé d'experts a été constitué pour conseiller les membres de la Convention dans l'exploration des pistes de travail et l'élaboration des mesures.

Un comité de gouvernance co-présidé par des personnalités extérieures au CESE

Le comité de gouvernance, présidé par Laurence Tubiana, présidente et directrice exécutive de la Fondation européenne pour le climat, et, Thierry Pech, directeur général de la Fondation Terra Nova, a été institué pour assurer l'accompagnement de la Convention ainsi que préserver son indépendance par la détention d'un pouvoir exécutif. Ses membres ont été nommés par le gouvernement à l'issue de négociations entre le président de la République, le ministère de la Transition écologique et solidaire, le CESE, des think tanks et les Gilets citoyens. Deux citoyens ont été intégrés au comité de gouvernance après le premier week-end de session.

Le panel de citoyens tirés au sort pour élaborer des propositions

150 citoyens ont été tirés au sort par l'institut Harris Interactive afin de reconstituer une « France en miniature » selon les termes de Thierry Pech. Six critères ont été retenus (le sexe, l'âge, le niveau de diplôme, la catégorie socioprofessionnelle, le type de territoires et la zone géographique).

Un calendrier bousculé par la crise sanitaire de 2020

La CCC s'est déroulée en sept sessions durant les week-ends, avec également deux séminaires en ligne. Neuf mois se sont donc écoulés entre le début des travaux en octobre 2019 et le rendu du rapport et des propositions en juin 2020. De plus, les citoyens ayant participé à cette convention se sont réunis en février 2021 pour évaluer la prise en compte de leurs propositions par le Gouvernement.

Un budget conséquent de 5,9 millions d'euros attribué au CESE

Le budget de la Convention citoyenne pour le climat est de 5,9 millions d'euros après consolidation du budget.

Cette somme recouvre le tirage au sort des citoyens, l'organisation des transports et des hébergements pour les participants lors des sessions21(*), l'animation, l'aménagement et la mise à disposition de salles et de matériels informatiques, la mise en place de plateformes de travail collaboratif, la captation vidéo et la reprographie, la communication, et enfin l'hébergement et le déplacement d'experts. Il convient également de mentionner que les participants à la convention perçoivent une indemnité journalière de session de l'ordre de 86 euros, une indemnité de perte de revenu professionnel pour les personnes venues sur leur temps de travail (10 euros par heure) et la garde d'enfants a été prise en charge dans la limite de 18 euros par heure et sur présentation de justificatifs.

Source : Site de la CCC22(*)

Toutefois, le rôle du CESE s'est limité à apporter des moyens logistiques et budgétaires, sans réellement intervenir dans les travaux de la convention citoyenne, à l'exception de l'intégration de sept membres du CESE au sein du comité de gouvernance. À titre de comparaison avec la Convention citoyenne sur la fin de vie, le président du CESE, Thierry Beaudet a énoncé que « la Convention citoyenne pour le climat a été organisée au CESE alors que la Convention citoyenne sur la fin de vie a été organisée par le CESE »23(*).

Ce changement de paradigme a été permis par la loi organique du 15 janvier 2021 relative au CESE, qui a apporté une assise juridique aux diverses consultations citoyennes organisées par le CESE.

2. Une consécration de la participation citoyenne par la loi organique du 15 janvier 2021
a) Une participation citoyenne introduite par la loi organique à défaut de révision de la Constitution

Deux projets de révision constitutionnelle prévoyaient une réforme en profondeur du Conseil économique, social et environnemental, avec un changement de dénomination ainsi que des compétences orientées vers la participation citoyenne. Ainsi, le projet de révision constitutionnelle de mai 2018 pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace substituait au CESE la « Chambre de la société civile » ayant vocation à recueillir et traiter les pétitions, et associer les pétitionnaires aux travaux du Conseil, en recourant en complément à des citoyens tirés au sort. Le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique d'août 2019 insérait dans la Constitution un titre XI entièrement consacré à la participation citoyenne et la création d'une nouvelle institution « le Conseil de la participation citoyenne » en lieu et place du CESE. Aux termes d'un nouvel article 70-1 de la Constitution24(*), ce Conseil pouvait réunir de sa propre initiative ou sur celle du Gouvernement des conventions de citoyens tirées au sort.

Toutefois, le Sénat n'a pas eu l'occasion d'examiner ces projets de loi constitutionnels dès lors que l'Assemblée nationale a suspendu l'examen du premier projet le 22 juillet 2018 et que le second n'a pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement.

À défaut de poursuivre la réforme de la Constitution, le Gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale le 7 juin 2020 un projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, reprenant de nombreux éléments des précédents projets de lois constitutionnelles, et notamment le pouvoir conféré au CESE d'organiser des consultations de citoyens sur la base du tirage au sort.

La loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au CESE, « texte hybride, s'apparentant à une synthèse entre une loi de révision constitutionnelle et les textes organiques d'application devant l'accompagner »25(*), lui offre ainsi des outils pour organiser des consultations publiques et le légitime juridiquement en tant que lieu de la participation citoyenne.

b) Une consécration du CESE comme organisateur des consultations citoyennes

Outre la réforme de sa composition et de l'organisation de ses formations de travail26(*), la loi organique du 15 janvier 2021 étend la saisine citoyenne du CESE par voie de pétition (article 3) et lui confie un rôle d'organisation des consultations publiques (article 4).

S'agissant des pétitions, l'article 4-1 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental dispose désormais que les pétitions adressées peuvent l'être également par voie électronique, et ce dès 16 ans. Par ailleurs, le seuil de recevabilité des pétitions est abaissé à 150 000 signatures.

S'agissant de ses compétences en matière d'organisation de consultations citoyennes, l'article 4-3 de la même ordonnance prévoit que « pour l'exercice de ses missions, le Conseil économique, social et environnemental peut, à son initiative ou à la demande du Premier ministre, du président de l'Assemblée nationale ou du président du Sénat, recourir à la consultation du public dans les matières relevant de sa compétence », en organisant, le cas échéant une procédure de tirage au sort des citoyens. Dans le projet de loi initial, le Parlement ne disposait pas de la faculté de demander l'organisation d'une consultation du public au sens de cet article, ce qui l'excluait de facto de toute la procédure d'organisation d'une convention citoyenne. À l'initiative de son rapporteur, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République de l'Assemblée nationale a introduit la faculté pour le Parlement de demander l'organisation d'une consultation citoyenne au CESE « pour permettre, par ce biais, le renforcement du lien entre la démocratie représentative et la démocratie participative »27(*).

Par ailleurs, le rapporteur a tenu à assurer le respect des principes de sincérité, d'égalité, de transparence et d'impartialité lorsque le Conseil économique, social et environnemental associe le public à l'exercice de ses missions par une consultation ou la participation aux travaux de ses commissions28(*).

Il ressort des termes généralistes de la loi organique que le Conseil peut recourir à une large palette de consultations des citoyens, qui revêtent aujourd'hui des formes très variées et multiples.


* 1 MANIN Bernard, Principes du gouvernement représentatif, Champs, Flammarion, 1995.

* 2 OCDE, Participation citoyenne innovante et nouvelles institutions démocratiques - La vague délibérative, Synthèse 2020.

* 3 BLONDIAUX Loïc et MANIN Bernard, Le tournant délibératif, Presses de Sciences Po, 2021.

* 4 PATEMAN Carol, Participation and Democratic Theory, 1970.

* 5 Recommandation 472 (2022) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe du 23 mars 2022.

* 6 Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la Convention citoyenne pour le climat et ses propositions, à Paris le 29 juin 2020.

* 7 Exposé des motifs du projet de loi organique n° 3184 relatif au Conseil économique, social et environnemental.

* 8 MAZEAUD Alice et NONJON Magali, De la cause au marché de la démocratie participative, Agone, 2015/1 (n° 56).

* 9 MAZEAUD Alice et NONJON Magali, Le marché de la démocratie participative, 2018.

* 10 Dans ce contexte, une proposition de loi constitutionnelle n° 271 a été déposée à l'Assemblée nationale le 26 septembre 2022 tendant à supprimer le Conseil économique, social et environnemental.

* 11 Rapport de Dominique-Jean CHERTIER, Pour une réforme du CESE, 15 janvier 2009.

* 12 Le statut législatif de cette institution sera consacré par la loi du 19 mars 1936 sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil national économique.

* 13 Titre III - Du Conseil économique (article 25).

* 14 Le Titre XI la Constitution du 4 octobre 1958 lui est dédié : Titre XI - Le Conseil économique et social. Le CESE est ainsi régi par les articles 69 à 71 de la Constitution.

* 15 Article 3 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au CESE : « Le Conseil économique, social et environnemental peut, de sa propre initiative, appeler l'attention du Gouvernement et du Parlement sur les réformes qui lui paraissent nécessaires. »

* 16 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Vème République.

* 17 Loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010 relative au Conseil économique, social et environnemental. Ces conditions sont aujourd'hui détaillées à l'article 4-1 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental.

* 18 Rapport n° 13 (2020-2021) fait par Mme Muriel Jourda au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.

* 19 https://participez.lecese.fr/.

* 20 Étude d'impact du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, n° 3184, déposé le 7 juillet 2020 à l'Assemblée nationale.

* 21 Le CESE a bénéficié de tarifs préférentiels de la part d'un groupe hôtelier pour l'hébergement des citoyens à Paris et de la part de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) pour leurs transports.

* 22 Les dépenses se sont, in fine, élevées à 5,9 millions d'euros après consolidation du budget.

* 23 Podcast du journal Le Drenche, Une convention citoyenne sur la fin de vie au CESE, 20 janvier 2023.

* 24 Rapport de M. Patrick Bernasconi, Rétablir la confiance des français dans la vie démocratique - 50 propositions pour un tournant délibératif de la démocratie française, Février 2022.

* 25 Denis Baranger, « Démocratie participative : l'inopportune réforme du CESE », septembre 2020.

* 26 Le CESE comprend désormais 175 membres contre 233 avant la réforme du fait de la suppression des personnalités qualifiées qui étaient désignées par le Gouvernement. Par ailleurs, les sections sont remplacées par des commissions, permanentes ou temporaires, qui sont compétentes pour émettre des avis au même titre que l'assemblée du CESE.

* 27 Rapport n° 3301(XVème législature) fait par M. Erwan Balanant au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.

* 28 Article 4-2 de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental.