III. DES CHANGEMENTS STRATÉGIQUES ET UNE RÉVOLUTION CULTURELLE INDISPENSABLES POUR QUE LA DSNA RETROUVE SON RANG
A. INDISPENSABLE AU REGARD DE LA DÉRIVE DES GRANDS PROGRAMMES, LA DSNA SEMBLE AVOIR ENGAGÉ SON AGGIORNAMENTO
Le rapporteur spécial l'avait déjà identifié dans son rapport précité de juin 2018, la gestion de ses projets de modernisation par la DSNA souffrait d'une série de faiblesses qui sont largement à l'origine des difficultés rencontrées sur les programmes 4-Flight, Coflight et Sysat. Une profonde révolution stratégique et culturelle était indispensable pour que la DSNA puisse enfin rattraper son retard technologique en mettant un terme à ce cycle d'échec et à son incapacité à faire aboutir ses programmes de modernisation.
À travers les dernières décisions, parfois douloureuses à l'instar de Sysat, prises sur ses grands programmes, le rapporteur spécial a le sentiment que la DSNA a commencé à amorcer un revirement stratégique à plusieurs facettes qui rejoint en grande partie les recommandations qu'il formule depuis cinq ans.
Un vrai changement de paradigme semble en effet émerger des dernières orientations stratégiques prises par la DSNA à travers un objectif de convergence et d'harmonisation des systèmes entre les différents centres et le renoncement à la logique du « sur-mesure », le principe d'achat de produits « sur étagère » et la volonté de mettre un terme au phénomène de sur-spécification pour, à terme, une fois son retard technologique comblé, et notamment en perspective de « l'après 4-Flight », inscrire l'effort de modernisation de la DSNA dans de véritables feuilles de routes industrielles partagées avec d'autres PSNA afin de ne plus se laisser distancer.
Les dernières décisions prises par la DSNA, notamment dans le cadre du déploiement de 4-Flight témoignent aussi d'un souci de piloter davantage les programmes par les dates de mise en service, quitte à faire passer au second plan, au moins temporairement, certaines demandes opérationnelles non prioritaires. La DSNA le revendique d'ailleurs désormais explicitement : « la maîtrise des plannings dans le pilotage des programmes est également centrale dans la stratégie et devra guider les décisions intervenant dans la vie des programmes afin de permettre leur mise en service dans les délais prévus »28(*).
Alors qu'elle a parfois été dans une logique de quasi confrontation souvent stérile avec les industriels, la DSNA semble de plus en plus s'inscrire dans des rapports de partenariat exigeant. Le rapporteur spécial a notamment pu constater cette évolution sur le programme 4-Flight.
Le rapporteur note également que, notamment dans le cadre de la spécification de la version post convergence de 4-Flight, la DSNA a pour préoccupation d'associer les contrôleurs le plus en amont possible des projets puis tout au long de leur développement. Ce principe est absolument déterminant pour éviter les mauvaises surprises découvertes trop tardivement et génératrices de délais importants.
Cette dernière évolution, comme le souci d'en finir avec le phénomène de sur-spécification, est indissociable de l'enjeu de la réorganisation de la DTI dont le rapporteur avait démontré en 2018 qu'elle était beaucoup trop coupée des opérationnels.
Le rapporteur spécial a noté que la DTI avait été réorganisée au 1er octobre 2021 dans le but notamment de créer des équipes dédiées à chaque programme pour supprimer le fonctionnement en silos et le phénomène de dilution de la maîtrise d'ouvrage (MOA) qui a conduit à des incohérences ou des injonctions contradictoires aux industriels par le passé, de renforcer le pilotage par le planning ou encore de rapprocher les opérationnels des développeurs29(*). Par ailleurs, tout ce qui relève de la gestion de projet des grands programmes est désormais du ressort de la direction de la stratégie et des ressources (voir infra).
Ces évolutions vont dans le sens d'une rationalisation de l'activité de MOA de la DSNA. Le rapporteur spécial considère néanmoins qu'il est nécessaire d'aller encore plus loin dans le rapprochement des ingénieurs de la DTI d'avec les opérationnels, notamment en permettant à davantage de contrôleurs d'intégrer ses rangs. Pour que la nouvelle organisation fonctionne et que la DTI s'approprie pleinement les nouvelles orientations stratégiques de la DSNA, il est par ailleurs essentiel de faire aboutir rapidement le plan de recrutement qui a été engagé pour intégrer de nouvelles compétences. Pour cela, la DSNA ne doit pas se priver de l'opportunité d'engager des contractuels.
Pour résumer, le rapporteur spécial considère que la DSNA, et à travers elle la DTI, doit avant tout se concentrer sur le « quoi » plutôt que sur le « comment », qui est davantage du ressort des industriels, et ne pas vouloir réinventer systématiquement et dans les moindres détails chaque système.
Parce qu'il appelle depuis 2018 la DSNA à conduire ce nécessaire aggiornamento, le rapporteur spécial ne peut qu'encourager le virage stratégique et culturel qui vient d'être amorcé. Aussi, dans les prochaines années, pour ses projets de modernisation, la DSNA devra-t-elle conforter sa transition d'un modèle « artisanal » vers un véritable modèle « industriel ».
* 28 Réponse de la DSNA au questionnaire du rapporteur spécial.
* 29 Notamment en diffusant largement les principes de conduite de projets dits « agiles ».