B. SANS RÉGULATEUR INDÉPENDANT, UNE RÉFORME DE LA GOURVERNANCE INABOUTIE
Pour résoudre certaines de ses lacunes en matière de pilotage de programmes, la DSNA a engagé une réorganisation administrative. La création de la direction de la stratégie et des ressources (DSR) en est la réalisation la plus emblématique. Elle a pour vocation de centraliser toutes les questions relatives au pilotage budgétaire des grands programmes, un pilotage qui était jusqu'ici trop diffus et trop déresponsabilisant. Aussi, au sein de la DSR, le pilotage et la gestion budgétaire des grands programmes de la DSNA sont-ils désormais traités par le département support aux transformations et directions de portefeuille30(*). Cette évolution va dans le bon sens dans la mesure où la DSNA avait de toute évidence besoin de disposer d'outils décisionnels et budgétaires beaucoup plus efficaces pour piloter ses programmes de façon optimale et mieux en maîtriser les coûts comme les délais.
La création de la DSR s'est accompagnée de la rationalisation du nombre des portefeuilles de suivi budgétaire des investissements de la DSNA qui sont passés de 10 à 3 au 1er janvier 2022. Désormais, la DSNA envisage de réaménager sa cartographie budgétaire pour tenir compte de cette évolution.
Sur les questions de pilotage contractuel et tout particulièrement pour le suivi des investissements de modernisation technologique de la DSNA, la DGAC a créé une commission de cadrage et de contrôle contractuel dite « C4 ». Elle doit veiller à la cohérence entre la stratégie contractuelle des marchés et les objectifs et caractéristiques de chaque programme de modernisation. Cette commission consultative doit notamment émettre des avis sur la stratégie industrielle de la DSNA, notamment en matière d'acquisition et de coopération.
Si le rapporteur spécial a le sentiment que ces différentes initiatives sont de nature à atténuer certaines des lacunes les plus manifestes de la DSNA en matière de pilotage de projets, il estime qu'elles ne vont pas assez loin. Le principal problème de la DSNA et de la manière dont elle mène à bien ses ambitieux programmes de modernisation technologique est qu'elle continue de trop fonctionner en « vase clos ».
Le rapporteur spécial considère qu'au regard de l'ampleur et du caractère systématique des dérives constatées sur l'ensemble des programmes, le fait qu'aucune autorité n'ait été en mesure de « tirer le signal d'alarme » plus tôt pour imposer les révisions stratégiques qui s'imposaient constitue un dysfonctionnement évident. Il estime que c'est avant tout cet aspect qu'il faut corriger pour éviter à la DSNA de retomber dans ses travers passés. Il faut désormais garantir qu'une autorité, le moment venu, soit en mesure de poser un diagnostic objectif sur d'éventuelles nouvelles dérives pour permettre à la DSNA d'infléchir sa stratégie de façon beaucoup plus réactive qu'elle ne l'a fait dans le cadre de la gestion des programmes actuels.
La DSNA est encore trop dans « l'entre soi » et a un besoin manifeste de regards et d'avis externes, tout particulièrement s'agissant du pilotage de ses grands programmes de modernisation.
Le rapporteur spécial a notamment acquis la conviction qu'un véritable régulateur indépendant de la DSNA aurait pu et dû dresser beaucoup plus tôt les constats qui s'imposaient afin de guider les décisions de la DSNA et d'éviter certains des surcoûts, retards, abandons constatés sur les différents programmes. Une régulation indépendante des performances de la navigation aérienne peut être un incitateur puissant à son retour puis à son maintien à un niveau d'excellence. Elle serait en mesure de poser un diagnostic objectif sur d'éventuelles nouvelles dérives.
Il est indispensable de mettre en oeuvre une nouvelle gouvernance plus adaptée, associant des interlocuteurs extérieurs afin de disposer d'une expertise non uniquement ciblée sur des préoccupations internes et afin de circonscrire bien en amont les risques de dérive des projets en termes de délais et de coût.
Cette évolution de la gouvernance des grands programmes de la DSNA doit à minima passer par la création d'un comité d'engagement associant notamment la direction du budget. De tels comités ont par exemple été mis en oeuvre au sein des ministères des armées31(*) et de l'intérieur32(*). Ils ont notamment vocation à rendre des avis financiers très en amont des grands programmes d'investissement. Ils permettent ensuite de suivre finement l'exécution financière de ces projets grâce à des réunions régulières, deux fois par mois par exemple pour le comité mis en place au sein du ministère des armées. Ces comités ont également vocation à suivre les engagements au titre des activités de MCO qui deviennent de plus en plus importants en termes financiers.
Recommandation n° 3 : garantir une régulation réellement indépendante et efficace des performances de la DSNA et mettre en oeuvre un comité de suivi financier des grands programmes du type de ceux qui existent au sein des ministères des armées et de l'intérieur.
* 30 Un département structuré autour de deux pôles : le pôle planification et assistance opérationnelle aux projets et le pôle support et conseil méthodologique.
* 31 Depuis 2009.
* 32 Récemment institué par l'arrêté du 30 mars 2023 modifiant l'arrêté du 16 décembre 2013 relatif au cadre de la gestion budgétaire et au contrôle budgétaire des ministères de l'intérieur et des outre-mer pris en application de l'article 105 du décret no 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.