B. DES ÉCHANGES TECHNIQUES FLUIDES AVEC LES SERVICES DU GOUVERNEMENT, QUI DOIVENT ETRE UTILEMENT COMPLÉTÉS PAR UN DÉBAT AVEC LE MINISTRE EN CHARGE DES RELATIONS AVEC LE PARLEMENT
1. Des divergences sur le périmètre retenu, qui expliquent des taux différents avec ceux du Secrétariat général du Gouvernement
Après rapprochement des états établis au 31 mars, les commissions échangent avec les services correspondants au sein des administrations, avec l'appui du SGG, afin de déterminer les raisons qui ont empêché ou retardé la parution de certains textes. Cela permet d'enrichir l'aspect qualitatif du contrôle et d'éviter d'éventuelles incompréhensions.
Cette interaction permet d'aboutir à une convergence relative des taux globaux d'application des lois calculés par le Sénat et le Gouvernement. Cette convergence est néanmoins relative car il existe deux différences de périmètre entre les taux du Sénat et ceux établis par les services du SGG.
Tout d'abord, le Sénat calcule deux taux d'application : un taux qui intègre les mesures dont le législateur a prévu une entrée en vigueur différée ; et un taux qui ne les intègre pas. A l'inverse, le SGG n'établit qu'un taux global d'application hors prise en compte des mesures différées.
Par ailleurs, le Sénat retient toutes les mesures réglementaires d'application des lois tandis que le SGG comptabilise uniquement les décrets d'application. Les arrêtés ne sont ainsi pas retenus par les services du Gouvernement. En outre, le Sénat raisonne par mesure, et un même texte règlementaire peut appliquer plusieurs dispositions législatives : il peut donc être compté plusieurs fois, entraînant une hausse du taux d'application.
Ainsi, le taux global d'application selon le Sénat s'établit 65 %, et à 68 % hors mesures différées. Le taux global du SGG est quant à lui de 74 %. Ces écarts sont plus importants que lors de la session précédente où le taux global d'application calculé par le Sénat était de 57 % (63 % hors mesures différées) etcelui calculé par le SGG de 60 %.
L'explication en est que le nombre d'arrêtés pris en application de la loi - non comptabilisés par le SGG - a fortement augmenté et, surtout, que son taux d'application est particulièrement faible. Ainsi, le Sénat a recensé 103 arrêtés10(*), dont le taux de parution n'est que de 42 % contre un taux de parution des décrets de 72 %.
2. La nécessité d'un suivi des arrêtés par le Secrétariat général du Gouvernement
L'absence de suivi des arrêtés par le Secrétariat général du Gouvernement, qui contribue grandement à l'écart entre les taux précédemment évoqués, demeure un angle mort du suivi de la prise des textes appelés par les lois votées, que le Sénat s'efforce, quant à lui, d'éclairer.
Comme pour la session 2019-2020, la Secrétaire général du Gouvernement avait indiqué pour le bilan de la session 2020-2021 que « la petite taille du SGG et l'importance des flux qui y convergent (nous) conduisent à nous concentrer sur ce qui relève directement du Premier ministre en termes d'application [...] c'est aux ministères de procéder au suivi des arrêtés ». Mme Claire Landais indiquait cependant pouvoir envisager que le SGG soit « au moins le relais d'une demande de suivi un peu plus précis des arrêtés et sur des schémas plus harmonisés, avec éventuellement des clauses de revoyure »11(*)
Quoi qu'il en soit, cette position de principe complique le contrôle de l'application des lois. Le Sénat ne peut que le regretter et rappelle avec force que, pour l'application d'une loi, peu importe que la disposition adoptée renvoie à un décret ou à un arrêté : la non-adoption de l'un ou de l'autre a pour effet, dans les deux cas, d'empêcher la volonté du législateur de se traduire pleinement dans le droit et dans les faits. C'est d'ailleurs ce que rappelle elle-même la circulaire du 27 décembre 2022.
En outre, conformément à l'article 21 de Constitution, seul le Premier ministre « exerce le pouvoir réglementaire »12(*) de droit commun. En dehors du pouvoir d'organisation de leurs services, les ministres ne sont associés à son exercice qu'en vertu d'une délégation accordée par une loi ou un décret. Le Premier ministre a donc à répondre des actes de ses ministres et, à ce titre, le Secrétariat général du Gouvernement n'outrepasserait pas son rôle s'il suivait la publication des arrêtés. Le Sénat s'étonne d'autant plus de cet état de fait que ses commissions permanentes veillent à ce suivi, chacune dans leur domaine de compétences, malgré une charge croissante.
Le contrôle minutieux de l'application des lois opéré par le Sénat ne saurait faire l'économie du suivi exhaustif des arrêtés, non seulement nécessaire, mais aussi utile.
3. Un débat en séance publique programmé en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement
L'audition préparatoire du Secrétaire général du Gouvernement (SGG) et le débat en séance, dont les contours avaient varié au fil des années, conformément aux recommandations de la mission de réflexion sur le contrôle parlementaire évoquée précédemment, sont désormais remplacés par un débat en séance plénière, en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement, à laquelle pourra être associée le SGG.
Outre les questions de délai précédemment évoquées, les principales difficultés techniques et juridiques ont été levées au moment de la rédaction du rapport, grâce à des échanges d'excellente tenue avec le SGG. Le débat en séance plénière, moment fort du contrôle parlementaire, permettra donc de soulever des considérations plus politiques telles que l'application de dispositions législatives en décalage avec la volonté exprimée par le législateur lors de leur examen.
* 10 Le chiffre de 103 correspond aux mesures réglementaires n'étant pas des décrets mais dont la quasi-totalité sont des arrêtés. Cela correspond à 20 % du total des mesures réglementaires contre 18 % l'année dernière.
* 11 Audition de Mme Claire Landais, Secrétaire générale du Gouvernement, sur le bilan annuel de l'application des lois, mercredi 27 juillet 2022.
* 12 Selon l'article 13 de la Constitution, le Président de la République dispose également d'une compétence d'attribution sur les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres, laquelle a été progressivement élargie.