EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 mars 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial, sur le service national universel.

M. Claude Raynal , président . - Nous entendons Éric Jeansannetas, rapporteur spécial pour son rapport sur le service national universel (SNU). J'accueille également Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur les crédits du programme « Jeunesse et vie associative ».

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial sur le SNU . - En tant que rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », j'ai choisi de consacrer un contrôle budgétaire au service national universel, et plus précisément, à la question de l'opportunité et de la faisabilité de sa généralisation à l'ensemble des élèves de seconde.

Cela fait maintenant quatre ans que l'expérimentation du SNU a été initiée. Après une interruption en 2020, en raison de la pandémie, elle a repris en 2021, et elle continue cette année. Il me semblait donc que nous avions désormais suffisamment de recul pour tirer un bilan de ce dispositif, et surtout, pour porter une appréciation sur le projet de sa généralisation.

Pour mémoire, le service national universel est prévu pour se dérouler en trois temps.

La première phase, obligatoire, sera constituée d'un « séjour de cohésion » en hébergement collectif d'une durée de deux semaines. Il s'agit de la phase qui concentre de loin le plus d'enjeux juridiques et financiers.

La deuxième phase, obligatoire également, est appelée la « mission d'intérêt général », et devra prendre la forme d'un engagement de courte durée auprès d'une association ou d'une institution publique. Elle devra être réalisée après le séjour de cohésion pendant une durée de 12 jours consécutifs ou de 84 heures réparties tout au long de l'année.

La troisième phase est facultative, et elle consistera en un engagement sur le temps long, au minimum de trois mois, auprès d'une association ou d'une institution publique. Elle pourra être réalisée dans le cadre de dispositifs de volontariat existants, comme le service civique par exemple.

Jusqu'à présent, les expérimentations ont été menées sur la base du volontariat : tous les jeunes âgés de 15 à 17 ans peuvent y participer, à la condition de posséder la nationalité française.

Pour commencer par une note positive, je me suis rendu dans des centres d'hébergement du SNU, et j'ai pu constater que les séjours proposés aux jeunes sont de bonne qualité. Les activités proposées sont variées, et le séjour de cohésion est loin de la caricature d'un « service militaire bis » qui en est parfois faite. Les études menées par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) confirment par ailleurs ces retours positifs. J'en profite ainsi pour saluer l'engagement des équipes.

Malheureusement, j'ai aussi pu constater au cours de ce contrôle tous les obstacles qui se dressent devant le projet de généralisation du SNU.

Premièrement, la représentativité des jeunes qui participent au séjour interroge. Il y a notamment une forte représentation des enfants dont l'un des parents travaille dans les corps en uniforme, comme la police ou l'armée : c'est le cas de 33 % des jeunes qui ont participé au séjour de cohésion en 2022.

Mais surtout, le SNU fait face à des limites d'ordre matériel. Les personnes que j'ai rencontrées et auditionnées ont quasiment toutes affirmé qu'elles avaient eu de vraies difficultés à trouver des centres d'hébergement disponibles pour accueillir l'ensemble des jeunes accomplissant le séjour de cohésion en 2022. Et pourtant, seuls 32 400 jeunes ont participé au séjour de cohésion en 2022. Nous sommes loin de l'objectif de généralisation à l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire 840 000 jeunes ! Le recrutement des encadrants soulève également de nombreuses questions.

En conséquence, le rythme du déploiement du service national universel a été plus lent que prévu, même en tenant compte de la pandémie.

Face à ce constat, les services de la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel ont récemment présenté deux scénarios de généralisation du SNU. Selon le premier, le séjour de cohésion serait généralisé hors du temps scolaire, pendant les vacances d'été principalement. Entre trois et quatre sessions du séjour de cohésion seraient organisées, et elles réuniraient en simultané plusieurs centaines de milliers de jeunes.

Dans le second scénario, le séjour de cohésion serait généralisé sur le temps scolaire. Entre treize et quinze sessions du séjour de cohésion seraient organisées tout au long de l'année, et les centres d'hébergement pourraient être réutilisés d'un mois à l'autre. De même, le personnel encadrant serait consacré toute l'année au SNU.

La secrétaire d'État a une préférence pour le second scénario, celui de la généralisation sur le temps scolaire. Il est vrai qu'il nécessiterait moins d'encadrants et de centres d'hébergement que dans le premier scénario, qui semble particulièrement irréaliste.

Le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire soulève cependant de nombreuses interrogations.

Tout d'abord, ce scénario suppose une articulation entre l'éducation nationale et le SNU qui n'existe pas encore. Il impliquerait aussi de retirer aux élèves de seconde deux semaines de cours, ce qui pourrait être dommageable. Il faudrait trouver une manière de rattraper ces deux semaines.

Ma seconde série d'interrogations porte sur l'encadrement. La généralisation du SNU sera impossible sans la mise en place d'une véritable stratégie de recrutement du personnel. Durant l'expérimentation, le recrutement se déroule essentiellement par le bouche-à-oreille, ce qui suffit pour accueillir quelques dizaines de milliers de jeunes, mais ne peut être répliqué à large échelle.

Selon les estimations qui ont été réalisées dans le cadre de ce travail, si le SNU devait être généralisé sur le temps scolaire, un encadrant devrait consacrer en moyenne entre 90 et 112 jours de travail par an au séjour de cohésion. Or, un contrat d'engagement éducatif ne peut excéder 80 jours sur l'année.

La généralisation du SNU sur le temps scolaire supposerait donc de recruter et de former des encadrants longtemps à l'avance, et de leur donner un véritable statut. Une « filière » du service national universel nécessiterait ainsi plusieurs années pour être opérationnelle.

Les acteurs de l'éducation populaire ont une préférence pour le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire, dans la mesure où leur personnel n'a pas vocation à travailler par à-coups, mais tout au long de l'année. Il est vrai que cela permettrait de renforcer les liens entre l'éducation populaire et l'éducation nationale.

Toutefois, la réduction de la part des encadrants relevant de l'administration présente également des risques. En effet, les compétences et les moyens humains requis pour l'organisation du séjour de cohésion sont très spécifiques : il faut des organisations qui puissent être capables de mobiliser des encadrants tout au long de l'année, en période de « hors saison ». Cette situation peut amener à des surcoûts.

La disponibilité des centres d'hébergement est aussi une problématique majeure. Le Groupe de travail relatif à la création d'un service national universel d'avril 2018, dirigé par Daniel Ménaouine, la qualifiait même de « difficulté la plus importante à surmonter pour assurer le complet déploiement du service national ».

Les sites utilisés pour héberger des jeunes durant l'expérimentation sont essentiellement des internats d'établissements scolaires et des centres de vacances. Si le séjour de cohésion devait être généralisé sur le temps scolaire, les internats ne seraient plus disponibles, et il faudrait s'appuyer davantage sur les centres de vacances. Or, cela pose d'importants problèmes.

Les centres de vacances ne sont pas tous disponibles hors de la période estivale, leur répartition sur le territoire est très inégale, et surtout, ils sont loin d'avoir tous la taille requise pour accueillir des séjours de cohésion.

Alors que l'objectif affiché est de 200 jeunes par centre, l'effectif moyen des accueils collectifs de mineurs (ACM) est inférieur à 30 mineurs par séjour incluant les campings, et la moyenne des locaux avec hébergement déclarant des accueils collectifs de mineurs est estimée à 96 jeunes hébergés par centre. La généralisation du SNU se retrouverait vite devant l'obstacle de la pénurie de centres pouvant accueillir plus d'une centaine de jeunes.

Or, l'obligation de se rabattre sur des centres de petite taille conduirait à une forte augmentation des coûts. De plus, recourir davantage aux centres de vacances comporte le risque de rendre l'État trop dépendant d'acteurs privés dans l'organisation des séjours de cohésion.

La rénovation de centres existants, qui ne sont plus aux normes, voire qui ont fermé, a été évoquée comme un levier pour atteindre le nombre de centres suffisant pour accueillir les jeunes accomplissant le séjour de cohésion. Cette politique aurait par ailleurs l'avantage de réduire la dépendance l'État vis-à-vis des acteurs extérieurs, si la rénovation était subventionnée en contrepartie d'un droit d'accès.

Son coût n'est toutefois pas chiffré, et les rénovations peuvent prendre plusieurs années. Elles ne sont donc pas compatibles avec un scénario de généralisation rapide du SNU.

Cette problématique nous amène à la question du coût du SNU lorsque celui-ci sera généralisé.

Les estimations qui ont été réalisées jusqu'à présent s'appuient sur le coût du SNU pendant son expérimentation. Ainsi, si l'on considère le coût prévisionnel par jeune prévu pour 2023, cela nous amènerait à un coût de 1,75 milliard d'euros par an pour le SNU généralisé.

Or, les coûts de l'expérimentation ne sont pas forcément représentatifs du coût qu'aura le SNU obligatoire pour les élèves de seconde. Il y aura certes des économies d'échelle, mais dans le même temps, la logistique requise pour accueillir 50 000 jeunes est sans commune mesure avec celle nécessaire pour 840 000 jeunes : cela supposerait de construire une véritable administration du SNU.

De plus, les centres d'hébergement disponibles seraient de plus en plus chers à mesure qu'il deviendrait difficile de trouver des centres d'une taille suffisante pour accueillir un séjour de cohésion. Or, les grands centres sont en nombre limité, et l'hébergement et la restauration représentent déjà le premier poste de dépenses du séjour de cohésion.

Pour toutes ces raisons, il est probable que le coût du SNU généralisé soit en réalité supérieur à 2 milliards d'euros par an.

Plusieurs personnes auditionnées ont déclaré, et c'est compréhensible, qu'il ne fallait pas s'arrêter au coût du SNU, mais aussi prendre en compte ses bénéfices. Cependant, cela n'interdit pas de se demander si la généralisation du séjour de cohésion est réalisable.

Au regard de tous ces éléments, je propose de surseoir au projet de généralisation du séjour de cohésion. Cette suspension devra permettre de lever des incertitudes et d'obtenir plus d'informations sur la généralisation du SNU.

Je vais conclure mon propos sur la seconde phase du service national universel, la mission d'intérêt général.

Ce dispositif n'est pas satisfaisant en l'état actuel. En effet, sur l'ensemble des jeunes ayant effectué le séjour de cohésion entre 2019 et 2021, on compte 11 200 jeunes ayant validé la phase 2 du SNU, ce qui représente seulement 53,7 % des volontaires.

Les structures d'accueil sont réticentes, pour des raisons financières et juridiques, à accueillir des jeunes sur des périodes très courtes. De plus, il peut être difficile pour des jeunes de trouver une mission d'intérêt général proche de chez eux, notamment pour ceux qui vivent dans des zones rurales. Ces difficultés sont d'ailleurs tout à fait admises par l'administration. D'un point de vue plus philosophique, je m'interroge aussi sur l'opportunité de rendre obligatoire une période d'engagement.

Je recommande donc de supprimer la mission d'intérêt général, au profit de la troisième phase, l'engagement volontaire sur une durée d'au minimum plusieurs mois. Cet engagement pourrait ensuite être valorisé via Parcoursup.

Le projet de généralisation du séjour de cohésion soulève des questions importantes relatives aux libertés individuelles des jeunes, et à la façon dont la Nation reconnaît leur engagement. Or, le Parlement n'a jusqu'à présent pas été saisi de cette question. L'expérimentation a été engagée depuis 2019 sans qu'une véritable loi sur le SNU n'ait été adoptée.

Je souhaite donc, en guise de dernière recommandation, que nous ayons la garantie que le Parlement puisse s'exprimer sur le SNU.

M. Jacques-Bernard Magner , rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » . - Je vous remercie d'avoir clarifié ce sujet du SNU. Malgré les débats qui durent depuis 2019, nous n'en avions jusqu'ici qu'une vision parcellaire et floue.

Je comprends que la secrétaire d'État tente de mettre en oeuvre ce SNU : il s'agit d'une volonté directe du Président de la République. Depuis l'expression de cette volonté, plusieurs ministres se sont attachés à la concrétisation du projet, sans forcément y arriver.

Lorsqu'on s'intéresse à l'éducation populaire, on constate les difficultés à mettre en place un tel dispositif, surtout si l'on vise des objectifs tels que la mixité, la citoyenneté et l'éducation civique. Pour ma part, je pense que l'âge de 16 ans est déjà bien trop tardif pour ce genre d'intervention auprès des jeunes. De plus, quand on examine concrètement les moyens qui devraient être alloués à ce SNU, on reste inquiets, voire pantois. En effet, les grands organisateurs de colonies de vacances ou de séjours destinés aux jeunes sont actuellement en grande difficulté, et de moins en moins d'enfants partent en colonie de vacances pour des raisons diverses. Par conséquent, il faudrait peut-être destiner ce séjour non pas à des élèves de seconde, mais à des élèves de la fin du cours moyen jusqu'à l'entrée en sixième, afin de mener réellement des actions de mixité sociale et scolaire qui sont les objectifs du SNU.

Je suis donc très heureux de ce rapport, car il fait ressortir clairement les questions que nous nous posons depuis longtemps et fait avancer la réflexion.

M. Thierry Cozic . - J'ai compris que le SNU était réservé aux jeunes de nationalité française : je voulais savoir si des évolutions étaient prévues pour permettre aux jeunes étrangers de réaliser le SNU.

De plus, dispose-t-on de retours de la part de jeunes qui ont effectué leur SNU ? Quelle est leur perception ?

M. Roger Karoutchi . - Je vous remercie pour ce rapport tempéré et modéré, qui tranche avec certaines opinions extrêmes à l'égard du SNU : une inutilité manifeste d'un côté, un système idéal de l'autre.

Si je ne suis pas un fanatique de ce genre de structures, je considère que dans une période qui soulève autant d'interrogations sur l'intégration républicaine, le sens civique et de l'intérêt général des jeunes, l'expérimentation vaut la peine d'être développée.

J'ai rencontré beaucoup de jeunes ayant participé à ce stage et ceux qui l'ont fait s'en disent très heureux. Ils se sentent même investis d'une forme de mission civique, qu'on rencontre rarement chez les jeunes.

Je suis d'accord avec l'idée de surseoir au vu des difficultés ; l'idée de prendre sur le temps scolaire ne me semble pas pertinente, l'éducation rencontre déjà assez de problèmes. Je propose d'ailleurs que la secrétaire d'État, Mme Sarah El Haïry, soit invitée à la commission des finances : elle est très convaincante, car elle croit fortement au projet. S'il faut reconnaître que les résultats ne sont pas extraordinaires, que peut-on proposer à nos jeunes à la place du SNU ? Essayons de trouver des aménagements et de valoriser ceux qui s'engagent, mais il nous faut un texte de loi pour avancer.

M. Marc Laménie . - Notre collègue a rappelé les difficultés que ces séjours suscitent en termes d'organisation, d'hébergement ou de personnel encadrant. La généralisation coûterait 2 milliards d'euros.

Plusieurs ministères sont concernés, ce qui pose également des difficultés : l'éducation nationale, la jeunesse, les sports, et la vie associative. Il existe également un lien avec les armées et avec la Journée défense et citoyenneté (JDC). S'agissant du lien avec l'éducation nationale, notre collègue estime que l'âge de 16 ans est déjà tardif, mais il existe d'autres moyens de susciter des vocations, comme les classes « défense » qui existent au collège.

Par ailleurs, nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'une loi. Si certains départements ont déjà été désignés comme pilotes, c'est le cas des Ardennes, il faut d'abord trouver les encadrants, mais aussi définir les objectifs : quel est l'objectif ? Il s'agit peut-être de susciter des vocations, car certains métiers de la défense et des armées ont du mal à recruter.

Mme Christine Lavarde . - Même si nous ne disposons pas encore des données, le ministère a-t-il prévu les outils permettant d'étudier les trajectoires des jeunes qui ont participé au SNU ? Le rapport souligne une surreprésentation d'enfants de militaires, de policiers, de personnes qui portent l'uniforme. Les participants, certes, ne sont pas représentatifs de la société française. Toutefois, ceux qui ne sont pas dans ce cas s'engagent-ils davantage à la suite du séjour effectué ? Pour rendre compte de l'intérêt du dispositif, une étude pour le déterminer est-elle envisagée ?

M. Michel Canévet . - Ce projet est d'envergure ; le principal obstacle reste le coût. Trouver 2 milliards d'euros dans le contexte financier actuel semble particulièrement problématique. Toutefois, l'idée paraît intéressante. Les jeunes que j'ai rencontrés qui ont fait le SNU en étaient très satisfaits, même s'ils représentent, en effet, une part infime des jeunes dans notre pays.

La généralisation sur le temps scolaire paraît être la seule solution. Le dispositif supprime-t-il la journée de citoyenneté ou est-il un dispositif additionnel ? Des économies d'ensemble pourraient s'envisager, puisque le SNU touche l'ensemble des publics.

Inscrire le SNU dans le parcours scolaire d'une classe d'âge ne serait-il pas intéressant ? Il pourrait représenter un élément du parcours de formation de nos jeunes concitoyens.

M. Gérard Longuet . - Le SNU est devenu une sorte d'arlésienne au fil du temps. Si le SNU devait s'opérer sur le temps scolaire, il est à craindre qu'il s'effectue au détriment de la qualité de la formation. Je reste très favorable au volontariat, à l'expérience humaine que représente ce SNU, à condition qu'il ne nuise pas à l'enseignement. L'année scolaire en France est parmi les plus brèves dans le monde et très dense. Elle suppose donc déjà des efforts scolaires intenses.

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial . - Les problématiques juridiques soulevées par le SNU sont différentes selon le scénario retenu, c'est-à-dire si le SNU sera, ou non, effectué sur le temps scolaire. Ces éléments démontrent la nécessité que le Parlement se saisisse du sujet.

Dans le scénario d'une généralisation hors temps scolaire, une loi constitutionnelle serait probablement requise pour obliger les jeunes à participer au SNU. Dans un avis du 20 juin 2019, le Conseil d'État a estimé que l'article 34 de la Constitution ne permettait pas d'imposer des sujétions aux citoyens, hormis pour des enjeux de défense.

Dans le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire, l'obligation de participer au séjour de cohésion serait mêlée avec l'obligation de scolarité pour tous les jeunes jusqu'à l'âge de 16 ans. Néanmoins, il est quand même probable qu'une loi soit nécessaire, a minima .

Un débat au Parlement est nécessaire. On dispose d'éléments fragmentaires. Nous avons trouvé certaines informations par la presse, comme le calendrier de généralisation du dispositif.

Le séjour de cohésion serait obligatoire dans six départements à la rentrée 2024, dans 20 départements à la rentrée 2025 et pour l'ensemble des départements à la rentrée 2026. Toutefois, cette information n'est pas confirmée. Nous n'avons pas vu lors de ce contrôle le document qui indiquerait ce calendrier.

Nous pourrions en effet auditionner la secrétaire d'État. Mais je sais aussi qu'elle attend de connaître la position du Président de la République. Celle-ci devait être annoncée en janvier, mais elle a été repoussée, car le calendrier législatif est complexe en ce moment, comme chacun le sait, et ce n'est pas le moment de risquer de braquer la jeunesse.

Les jeunes de nationalité étrangère, qui fréquentent l'école de la République et qui sont parfois volontaires pour effectuer le SNU pour montrer leur volonté d'intégration, ne peuvent pas effectuer le SNU pour le moment. Cela pose la question du rapport à la République. La secrétaire d'État souhaite réfléchir à ce point, car l'apprentissage de la citoyenneté et la promotion de l'engagement citoyen doivent concerner aussi ces jeunes de nationalité étrangère qui souhaitent, à terme, devenir Français.

Les retours des jeunes sur le séjour de cohésion sont plutôt positifs : 90 % des jeunes l'ayant effectué en 2021 et en 2022 sont satisfaits. Si les participants sont volontaires, les études montrent que les séjours organisés sont de bonne qualité. Je rappelle néanmoins que cette expérimentation n'a concerné au maximum que 32 400 jeunes. Il n'est pas certain qu'elle soit soutenable pour l'ensemble d'une classe d'âge, soit 800 000 personnes.

Le rapport de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) portant sur la cohorte de 2021 dresse le constat que les jeunes qui ont fait le séjour de cohésion en sont très satisfaits et s'engagent davantage que les autres. Ce dispositif apporte une vraie valeur ajoutée.

La question des relations entre les ministères de l'éducation nationale et de la défense, des liens entre le SNU et l'armée, est complexe. Le Gouvernement hésite toujours. Il semblerait que la ministre privilégierait le scénario où le ministère de l'éducation nationale serait l'acteur numéro un, sans omettre l'information sur la défense.

Par ailleurs, il est prévu que la Journée défense et citoyenneté soit intégrée dans le séjour de cohésion, ce qui me semble pertinent. Le rôle de l'armée dans le SNU est aujourd'hui assez limité : il concerne surtout la participation à la journée défense et mémoire (JDM), qui ne représente qu'une seule journée sur les deux semaines. Je ne pense pas que l'armée ait le souhait d'être davantage impliquée.

Certains réclament d'utiliser les casernes pour accueillir les jeunes pendant le SNU, mais nombre d'entre elles ont été vendues ou réaffectées.

L'audition de la ministre serait utile. Notre société a besoin d'une formation au civisme et à la citoyenneté, que pourrait délivrer le SNU. Cependant, nous avons besoin d'en débattre.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

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