Rapport d'information n° 406 (2022-2023) de M. Éric JEANSANNETAS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 8 mars 2023

Disponible au format PDF (702 Koctets)

Synthèse du rapport (582 Koctets)


N° 406

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 mars 2023

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le Service national universel (SNU),

Par M. Éric JEANSANNETAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mercredi 8 mars 2023, le rapport de M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « sport, jeunesse et vie associative », suite à son contrôle budgétaire sur le service national universel.

I. L'EXPÉRIMENTATION DU SNU A VOCATION À PRÉPARER SA GÉNÉRALISATION

A. LE SNU EST PRÉVU POUR SE DÉROULER EN TROIS PHASES

La mise en place d'un « service national universel » (SNU) a été annoncée en 2018, et une expérimentation du service national universel basée sur le volontariat des jeunes est mise en oeuvre depuis 2019. Les objectifs du SNU sont de favoriser la mixité sociale, d'enseigner aux jeunes les enjeux de la défense et d'inciter à l'engagement associatif .

Le SNU, une fois généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, est prévu pour se dérouler en trois temps : la première phase consiste en un « séjour de cohésion » en hébergement collectif d'une durée de deux semaines, et durant les deux phases suivantes, la seconde obligatoire et la troisième facultative, le jeune doit s'engager auprès d'une association ou d'une institution publique.

L'expérimentation du SNU est basée sur le volontariat : tous les jeunes âgés de 15 à 17 ans qui possèdent la nationalité française, quel que soit leur lieu d'habitation peuvent décider de s'y inscrire. En 2023, l'objectif fixé par le Gouvernement est que 64 000 jeunes participent au séjour de cohésion.

Les retours sur la qualité des séjours proposés aux jeunes durant la phase expérimentale sont positifs . 9 jeunes sur 10 se déclarent satisfaits du séjour, et le rapporteur spécial a pu constater que les séjours sont de bonne qualité. Le SNU est loin de la caricature de « service militaire bis » qui en est parfois faite. Toutefois, l'expérimentation du SNU a également soulevé plusieurs difficultés .

La représentativité sociale du séjour de cohésion peut être améliorée . Les jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville (QPV) ont représenté environ 5 % des jeunes qui ont participé au séjour de cohésion en 2022, alors qu'ils constituent 8 % des 15-17 ans en France. Surtout, il y a une surreprésentation des jeunes participants dont l'un des parents travaille dans les corps en uniforme (33 % en 2022, contre 2 % dans la population générale). Les retours de terrain indiquent qu'il est déjà très difficile de trouver suffisamment de centres d'hébergement disponibles en été, et le recrutement du nombre d'encadrants nécessaires à la généralisation du SNU soulève également de nombreuses questions. Aussi, le rythme du déploiement du déploiement du SNU s'est-il déroulé de manière plus lente que prévue , même si l'on prend en compte la crise sanitaire, et le nombre de jeunes effectuant le SNU est resté inférieur aux objectifs en 2021 et en 2022.

Déroulement de l'expérimentation du service national universel

(en nombre de jeunes)

Année

Objectifs

Réalisation

2019

Entre 2 000 et 3 000

1 941

2020

20 000

0 1 ( * )

2021

25 000

14 653

2022

50 000

32 416

2023

64 000

-

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. DEUX SCÉNARIOS DE GÉNÉRALISATION DU SNU SONT À L'ÉTUDE

Deux scénarios de généralisation du SNU ont été présentés devant le rapporteur spécial par les services de la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.

Le premier consiste à généraliser le SNU hors du temps scolaire , dans la lignée des expérimentations qui ont été menées jusqu'à présent. Dans le second, le SNU serait généralisé sur le temps scolaire , et de nombreux séjours de cohésion seraient organisés tout au long de l'année. Le second a la préférence de la secrétaire d'État .

Les deux scénarios de généralisation du SNU : principaux chiffres

Scénario 1 : généralisation
hors temps scolaire

Scénario 2 : généralisation sur le temps scolaire

Nombre de séjours

3 ou 4

Entre 13 et 15

Nombre de jeunes par séjour

Entre 210 000 et 280 000

Entre 56 000 et 64 615

Nombre de centres requis

Entre 2 100 et 2 800

Entre 748 et 862

Nombre d'encadrants requis

Entre 39 375 et 52 500

Entre 14 000 et 16 153

Nombre de jours de travail moyen par encadrant

Entre 30 et 45

Entre 90 et 120

Source : commission des finances

Si le second scénario est plus « réaliste » que le premier en termes de nombre d'encadrants et de centres d'hébergement requis, il suppose une articulation entre l'administration du SNU et l'éducation nationale qui reste à construire . L'absence des élèves pendant les deux semaines du séjour de cohésion aura un impact sur la structuration des programmes, et fera l'objet d'oppositions au sein de l'éducation nationale. Si ce scénario devait être mis en oeuvre, il faudrait s'assurer que les élèves de seconde « rattrapent » les deux semaines de cours perdues .

Dans le deuxième scénario, l'obligation de participer au séjour de cohésion se retrouverait mêlée avec « l'obligation scolaire », qui s'applique pour les jeunes français ou étrangers jusqu'à 16 ans révolus. Toutefois, il n'est pas certain que le SNU puisse se « fondre » entièrement dans l'obligation scolaire . En l'état actuel du droit, dès lors qu'un voyage scolaire prévoit une nuitée, il n'est pas obligatoire d'y participer, et étendre l'obligation pourrait constituer une atteinte aux libertés individuelles. Ainsi, il est probable que la généralisation de deux semaines de séjour de cohésion en hébergement collectif, même sur le temps scolaire, suppose au moins d'adopter une loi .

II. LE PROJET DE GÉNÉRALISATION DU SNU FAIT FACE À DES DIFFICULTÉS MAJEURES EN TERMES D'ENCADREMENT ET D'HÉBERGEMENT

A. LA GÉNÉRALISATION DU SNU IMPLIQUE LA CRÉATION D'UNE « FILIÈRE » DE L'ENCADREMENT DU SÉJOUR DE COHÉSION

La généralisation du service national universel sera impossible sans la mise en place d'une véritable stratégie de recrutement du personnel. Quel que soit le scénario retenu, la généralisation hors du temps scolaire ou sur la période scolaire, les modalités de recrutement qui sont aujourd'hui mises en oeuvre durant la phase expérimentale, essentiellement du « bouche à oreille », ne pourront pas être répliquées à large échelle.

Le taux d'encadrement constaté au cours de la session 2022 est environ d'un adulte pour six jeunes , ce qui est un taux meilleur que celui fixé dans les objectifs du service national universel (un adulte pour huit jeunes), mais qui s'explique en partie par les désistements : environ 20 % des jeunes qui ont eu leur dossier validé ne sont pas rendus au séjour de cohésion.

Dans le scénario d'une généralisation hors temps scolaire, le nombre de personnes recrutées devrait être compris entre 39 375 et 52 500 . L'administration n'a pas fourni d'estimations pour ce scénario, et il est évident que le recrutement d'un nombre aussi important de personnes sur un temps court est très difficilement réalisable.

Concernant le scénario d'une généralisation du SNU sur le temps scolaire, les besoins de recrutement seraient moins élevés (entre 14 000 et 16 153 personnes) , mais le nombre d'encadrants requis en simultané serait important (entre 7 000 et 8 076). Les encadrants devraient en outre être disponibles tout au long de l'année pour assurer des séjours de cohésion.

Des représentants de l'éducation populaire ont déclaré devant le rapporteur spécial qu'ils préféraient le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire à celui d'une généralisation hors temps scolaire, dans la mesure où ils n'ont pas vocation à « prêter » du personnel sur des périodes courtes.

La généralisation du SNU sur le temps scolaire supposerait cependant de recruter et de former des encadrants longtemps à l'avance. Une « filière » du service national universel nécessiterait ainsi plusieurs années pour être opérationnelle, et son coût serait important .

Par ailleurs, les membres de l'éducation nationale et des corps en uniforme, qui représentent pendant l'expérimentation environ 50 % des chefs de centre, ne seraient plus disponibles dans le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire .

B. LE NOMBRE DE CENTRES D'HÉBERGEMENT N'EST PAS SUFFISANT POUR ACCUEILLIR L'ENSEMBLE DES JEUNES SANS UNE FORTE AUGMENTATION DES COÛTS

La disponibilité des centres d'hébergement est une problématique majeure du projet de généralisation du SNU, au point que le groupe de travail relatif à la création d'un service national universel d'avril 2018, dirigé par Daniel Ménaouine, la qualifiait de « difficulté la plus importante à surmonter pour assurer le complet déploiement du service national » 2 ( * ) .

Durant les déplacements et les auditions, les personnes interrogées par le rapporteur spécial ont quasi-unanimement affirmé que le nombre de centres d'hébergement disponibles atteignait sa limite, et qu'il a déjà été difficile de trouver suffisamment de lieux d'accueil pour les sessions de 2021 et de 2022 .

Dans le scénario d'une généralisation hors temps scolaire l'hébergement reposerait majoritairement sur les internats scolaires . Les besoins en centres seraient extrêmement importants : le rapporteur spécial estime qu'il serait nécessaire de disposer de 2 100 à 2 800 centres au total, et entre 1 400 et 1 867 en simultané pour parvenir à accueillir l'ensemble des jeunes effectuant le séjour de cohésion. Sachant que les places d'internats effectivement utilisables en été se chiffrent probablement aux alentours de 100 000, les capacités des internats sont manifestement très inférieures à ce qui serait nécessaire pour accueillir entre 210 000 et 280 000 jeunes par période de séjour .

Dans le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire, il ne serait pas nécessaire de disposer d'autant de centres d'hébergement, mais leur nombre n'en resterait pas moins très important. Le rapporteur spécial estime qu'entre 748 et 862 centres seraient nécessaires au total, et entre 374 et 431 centres en simultané .

Les internats ne seraient plus disponibles , à l'exception du mois de juin, et l'organisation du service national universel reposerait donc très majoritairement sur les centres de vacances . Or, les centres de vacances ne sont pas tous disponibles hors de la période estivale, leur répartition sur le territoire est inégale, et surtout, ils sont loin d'avoir tous la taille requise pour accueillir des séjours de cohésion.

Alors que l'objectif est de 200 jeunes par centre, l'effectif moyen des accueils collectifs de mineurs (ACM) est inférieur à 30 mineurs par séjour (incluant les campings) 3 ( * ) . La moyenne des locaux avec hébergement déclarant des ACM est estimée à 96 jeunes hébergés par centre .

Or, la nécessité de recourir à des centres de petite taille conduirait à multiplier le nombre de centres, ce qui augmenterait les coûts du séjour de cohésion .

Enfin, recourir davantage aux centres de vacances comporte également le risque de rendre l'État trop dépendant d'acteurs privés dans l'organisation des séjours de cohésion , ce qui se traduirait par une augmentation des coûts, et des incertitudes sur la disponibilité des centres d'une année à l'autre.

La rénovation de centres existants, qui ne sont plus aux normes voire qui ont fermé, a été évoquée comme un levier pour atteindre le nombre de centres suffisant pour accueillir les jeunes accomplissant le séjour de cohésion . La rénovation des centres aurait par ailleurs l'avantage de rendre l'État moins dépendant des acteurs extérieurs, si elle est subventionnée en contrepartie d'un droit d'accès.

La rénovation des centres a toutefois un coût, qui n'est pas chiffré. D'après les informations transmises, il apparaît que les préfets sont en train d'identifier les centres devant être réhabilités. De plus, les rénovations peuvent prendre plusieurs années. Elles ne sont donc pas compatibles avec un scénario de généralisation rapide du service national universel .

III. LE PROJET DE GÉNÉRALISATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL DOIT FAIRE L'OBJET D'UNE NOUVELLE RÉFLEXION

A. IL EST PRÉFÉRABLE DE SURSEOIR AU PROJET DE GÉNÉRALISATION DU SÉJOUR DE COHÉSION

Si l'on se fonde sur le coût par jeune prévu pour 2023, qui est de 2 187,5 euros, on obtient un coût total du SNU généralisé de 1,75 milliard d'euros . Toutefois, les chiffrages qui s'appuient seulement sur les expérimentations ne permettent pas d'avoir une vision claire du coût du SNU généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge.

En effet, même en prenant en compte les économies d'échelle, la logistique requise pour assurer les séjours de cohésion pour l'ensemble d'une classe d'âge tout au long de l'année est sans commune mesure avec celle qui est actuellement mise en oeuvre dans la phase expérimentale du SNU : il serait nécessaire de mettre en place une véritable administration du SNU .

De plus, les centres d'hébergement disponibles risquent de devenir de plus en plus chers à mesure qu'il devient difficile de trouver des centres d'une taille suffisante pour accueillir un séjour de cohésion . Or, les grands centres sont en nombre limité et l'hébergement et la restauration sont déjà le premier poste de dépenses du séjour de cohésion. Enfin, ces chiffrages ne prennent pas en compte les dépenses d'investissement nécessaires pour aboutir à sa généralisation .

Pour ces raisons, le rapport des inspections générales remis au Premier ministre au printemps 2018, qui chiffrait le coût par an du SNU généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge de 2,4 à 3,1 milliards d'euros par an, semble proche du coût réel qu'aura le SNU.

En audition, plusieurs acteurs du service national universel ont souligné que si le SNU représentait en effet un coût important, ses bénéfices pour la société et la cohésion de la Nation justifiaient cet investissement. Il est juste qu'il n'y aurait pas de sens à définir un montant au-delà duquel cela ne vaudrait « plus le coup » d'investir à destination de la jeunesse.

Toutefois, le séjour de cohésion généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge présente de nombreuses incertitudes, qui ont été détaillés dans ce contrôle. De plus, l'acceptabilité sociale du séjour de cohésion obligatoire pour l'ensemble des élèves de seconde soulève des questions.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur spécial propose de surseoir le projet de généraliser le séjour de cohésion à l'ensemble d'une classe d'âge. Cette suspension devra permettre de lever des incertitudes et d'obtenir plus d'informations sur la généralisation du service national universel.

B. LE SNU DOIT ÊTRE ORIENTÉ EN DIRECTION DE L'ENGAGEMENT CIVIQUE

La seconde phase, la mission d'intérêt général (MIG), est censée concrétiser le projet que le SNU n'est pas seulement une formation obligatoire pour les élèves de seconde, mais également un instrument au service de la cohésion nationale . Toutefois, la MIG n'est pas satisfaisante en l'état actuel .

En effet, sur l'ensemble des jeunes ayant effectué le séjour de cohésion entre 2019 et 2021, on compte 11 200 jeunes ayant validé la phase 2 du SNU, ce qui représente 53,7 % des volontaires. Une des raisons est que les structures d'accueil peuvent être réticentes à accueillir des jeunes pour des durées inférieures à plusieurs mois. De plus, il peut être difficile pour des jeunes de trouver une mission d'intérêt général proche de chez eux, en particulier pour ceux qui vivent dans des zones rurales . Ces difficultés sont par ailleurs reconnues au sein de l'administration.

Ensuite, d'un point de vue plus philosophique, l'idée d'un engagement « obligatoire » est paradoxale . Il apparaît au rapporteur spécial qu'il est préférable de faire confiance aux jeunes , dont l'engagement n'est pas à prouver, et de ne pas rendre obligatoire la phase d'engagement du service national universel.

Le rapporteur spécial recommande donc la suppression de la MIG au profit de la phase 3, l'engagement volontaire sur plusieurs mois. Devenir volontaire dans une association ou accomplir un service civique pendant plusieurs mois représente toutefois un investissement en temps conséquent pour les jeunes, qui ont déjà un emploi du temps chargé dans l'enseignement secondaire. Il serait donc nécessaire de valoriser davantage l'accomplissement de la phase d'engagement volontaire sur le temps long via Parcoursup.

Plus généralement, le projet de généralisation du séjour de cohésion soulève également des questions importantes relatives aux libertés individuelles des jeunes et à la façon dont la Nation reconnaît leur engagement .

Or, le Parlement n'a jusqu'à présent pas été saisi de cette question . L'expérimentation a été engagée depuis 2019 sans qu'une véritable loi sur le service national universel n'ait été adoptée. Certes, une loi n'est pas juridiquement nécessaire tant que le dispositif se trouve à un stade expérimental, mais elle serait souhaitable pour qu'il puisse y avoir un véritable débat sur le service national universel .

Les recommandations du rapporteur spécial
(à l'égard du Gouvernement)

1. Surseoir au projet de généralisation du séjour de cohésion.

2. Supprimer la phase 2 du service national universel, « la mission d'intérêt général », au profit de la phase 3, la phase d'engagement volontaire sur plusieurs mois.

3. Davantage valoriser l'accomplissement de la phase d'engagement volontaire via Parcoursup.

4. Garantir que le Parlement puisse se prononcer sur le service national universel.

I. LE PROJET DE GÉNÉRALISATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL EST DÉSORMAIS DÉCLINÉ EN DEUX SCÉNARIOS

A. L'EXPÉRIMENTATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL A VOCATION À PRÉPARER SA GÉNÉRALISATION

Lors de ses voeux aux Françaises et aux Français pour l'année 2023, le Président de la République a déclaré qu'il posera « dans les toutes prochaines semaines les premiers jalons d'un service national universel . » Une annonce devait être faite au cours du mois de janvier, mais celle-ci n'a finalement pas eu lieu, en raison de la priorité accordée à la réforme des retraites.

Le projet de mettre en place un service national universel (SNU) auquel participerait l'ensemble des jeunes d'une classe d'âge date toutefois déjà de plusieurs années : il s'agit d'une promesse de campagne de l'élection présidentielle de 2017, et une expérimentation du service national universel basée sur le volontariat des jeunes est mise en oeuvre depuis 2019.

1. Le SNU est prévu pour se dérouler en trois phases, dont deux seront obligatoires

Le SNU, une fois généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, est prévu pour se dérouler en trois temps. Le premier consiste en un « séjour de cohésion » obligatoire en hébergement collectif d'une durée de deux semaines, suivi d'une période d'engagement obligatoire , d'une durée courte, la « mission d'intérêt général », auprès d'une association ou d'une institution publique. Enfin, le jeune peut initier la troisième phase du SNU, qui est une phase d'engagement facultative d'une durée de plusieurs mois.

Les objectifs du SNU sont de favoriser la mixité sociale, d'enseigner aux jeunes les enjeux de la défense et d'inciter à l'engagement associatif . La direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) décrit ses objectifs ainsi : « le SNU est un projet d'émancipation et de responsabilisation des jeunes en complémentarité et en cohérence avec la scolarité dont l'objectif principal est de renforcer la cohésion nationale. » 4 ( * )

L'organisation du service national universel

Depuis la session de 2022, dans le cadre de son expérimentation, le service national universel est construit en trois phases :

- une première phase obligatoire, qui consiste en un séjour de cohésion en hébergement collectif d'une durée de deux semaines . Pendant la durée de ce séjour, les jeunes participent à des activités collectives, et bénéficient de cours et de formations ;

- une deuxième phase obligatoire d'engagement dans une mission d'intérêt général , qui doit durer un minimum de 12 jours consécutifs ou 84 heures réparties au cours des 12 mois suivant l'accomplissement de la première phase. Les conditions d'accueil du volontaire dans une structure sont cadrées par un contrat d'engagement ;

- une troisième phase facultative d'engagement, qui dure au minimum trois mois , qui peut être réalisée dans une association ou une institution publique, et qui s'articule avec différents dispositifs de volontariat existants, comme les réserves opérationnelles des armées et de la gendarmerie nationale, ainsi que le service civique.

Le séjour de cohésion convoque bien entendu la mémoire du service militaire , qui est « suspendu » depuis la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997. Plus précisément, le SNU est censé avoir les vertus qui sont généralement attribuées au service militaire, comme le brassage social de la population, mais tout en étant un service « civil », centré sur les questions de citoyenneté. Pour cette raison, ses crédits budgétaires sont rattachés à la mission « Sport, jeunesse et vie associative », et non pas à la mission « Défense » 5 ( * ) .

2. Le service national universel fait l'objet d'une expérimentation depuis 2019
a) Les retours d'expérience, en ce qui concerne la qualité des séjours, sont globalement positifs

L'expérimentation menée actuellement du SNU n'est techniquement pas « universelle », puisque les jeunes qui y participent sont uniquement des volontaires. Tous les jeunes âgés de 15 à 17 ans qui possèdent la nationalité française, quel que soit leur lieu d'habitation, peuvent décider de s'y inscrire, sous réserve qu'ils aient obtenu l'accord parental.

L'expérimentation reprend le modèle qui a été décrit supra : les jeunes participent à un séjour de cohésion en hébergement collectif pendant une durée de deux semaines, et ils sont censés ensuite obligatoirement accomplir la seconde phase, la mission d'intérêt général. Une fois celle-ci accomplie, les jeunes ont la possibilité de réaliser la troisième phase, l'engagement facultatif sur une durée de plusieurs mois.

Les centres utilisés pour les séjours de cohésion au cours de l'expérimentation sont majoritairement des internats et des centres de vacances. Outre les normes de sécurité et d'hygiène, plusieurs critères doivent être réunis pour qu'un centre puisse héberger des jeunes du SNU : la restauration et l'hébergement doivent être présents sur le même site, des équipements sportifs doivent être présents à proximité, et les centres doivent être d'une taille suffisante, la cible retenue étant d'un centre pour 200 jeunes.

Les activités sont organisées autour de modules, comme « Activités physiques, sportives et de cohésion », « Culture », « Défense, sécurité et résilience nationales » ou « Citoyenneté et institutions nationales et européennes ». Le tableau suivant présente une partie des activités proposées.

Les activités proposées lors du séjour de cohésion

Activités physiques, sportives et de cohésion ;

Proposer des activités sportives fédératrices et inclusives ;

Sensibiliser aux valeurs olympiques et paralympiques ;

Autonomie : mobilité, connaissance des services publics, accès aux droits et promotion de la santé ;

Autonomie et connaissance des services publics ;

Autonomie et accès aux droits ;

Autonomie et promotion de la santé ;

Citoyenneté et institutions nationales et européennes ;

Culture ;

Arts, culture et patrimoine ;

Éducation aux médias et à l'information ;

Défense, sécurité et résilience nationales ;

Journée défense et mémoire et journée sécurité intérieure ;

Développement durable et transition écologique et solidaire.

Source : réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial

Durant la phase expérimentale, les séjours de cohésion sont organisés en dehors du temps scolaire, durant les vacances d'hiver, de Pâques et d'été.

Dates du séjour de cohésion en 2023

Source : capture d'écran du site du service national universel ( https://www.snu.gouv.fr/ )

L'expérimentation du SNU a été lancée 2019, avec 2 000 jeunes qui ont participé au séjour de cohésion. Toutefois, l'expérimentation a connu un coup d'arrêt en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, mais elle a repris dès 2021, année pendant laquelle près de 15 000 jeunes ont participé au séjour de cohésion. Elle s'est poursuivie en 2022, où un peu plus de 32 000 jeunes ont participé au séjour de cohésion, et elle doit continuer en 2023, où la majorité des séjours seront organisés durant l'été.

Les séjours de cohésion et les retours d'expérience des jeunes font l'objet d'études annuelles de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP).

Pour ce qui concerne la qualité des séjours, les résultats sont positifs. L'INJEP indique ainsi que 90 % des participants du séjour de cohésion en 2022 se déclarent « plutôt satisfaits » ou « très satisfaits » 6 ( * ) . Le même constat peut être formulé pour les participants du séjour de cohésion en 2021, où 89 % des jeunes étaient satisfaits. L'INJEP écrit ainsi que les jeunes « estiment que leur participation au Service national universel revêt un intérêt social et sociétal, qui peut être analysé à une double échelle - individuelle et collective . » 7 ( * ) Certes, les jeunes qui participent au séjour sont des volontaires, mais les chiffres de satisfaction sont suffisamment élevés pour montrer que les qualités des séjours sont réelles.

Pour la session de 2021, les jeunes ont cependant estimé pour 54 % d'entre eux que l'organisation des journées pouvait être améliorée 8 ( * ) . Les emplois du temps ont été en effet décrits comme « trop chargés » par plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur spécial, et ils ont été allégés pour la session de 2022.

En outre, 42 % et 39 % des jeunes estiment respectivement que la qualité des dortoirs et celle de la nourriture devraient être améliorées 9 ( * ) . Ce retour est plus préoccupant, car il sera plus compliqué de maintenir une qualité d'accueil élevée à mesure qu'il sera difficile de trouver des centres d'hébergement capables d'accueillir un séjour de cohésion.

D'une manière générale, lors de ses déplacements, le rapporteur spécial a pu lui-même constater que les séjours sont organisés avec soin, et que les activités sont intéressantes et variées. Le SNU est loin de la caricature de « service militaire bis » qui en est parfois faite. Il salue l'engagement des équipes, qui parviennent réellement à incarner les objectifs du SNU.

b) La représentativité sociale du séjour de cohésion peut être améliorée

L'un des objectifs du séjour de cohésion est de favoriser la mixité sociale. À ce titre, il est normal que l'origine sociale des jeunes qui participent au séjour de cohésion soit l'un des points d'attention de l'expérimentation.

La mixité sociale existe, mais des progrès restent à accomplir. Ainsi, l'INJEP relève que parmi les participants au séjour de cohésion en 2022, 20 % des jeunes déclarent avoir un père ouvrier, alors que 30 % des hommes en emploi appartiennent à cette catégorie 10 ( * ) . Les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ont représenté environ 5 % des jeunes qui ont participé au séjour de cohésion en 2022, alors qu'ils constituent 8 % des 15-17 ans en France 11 ( * ) .

Cependant, une des caractéristiques les plus nettes de l'expérimentation du SNU est la part importante des jeunes participant aujourd'hui au séjour de cohésion qui sont issus de familles comptant des membres dans les corps en uniforme .

L'INJEP indique ainsi que parmi les participants du séjour de cohésion en 2021, on compte 37 % de jeunes dont un parent travaille ou a travaillé dans l'armée, la police, la gendarmerie ou chez les pompiers, tandis que dans la population générale, les personnes qui exercent ces métiers représentent 2 % des personnes en emploi 12 ( * ) . En 2022, la part des jeunes dont l'un des parents relève de ces catégories a diminué à 33 %, mais elle n'en reste pas moins très importante.

Sur l'ensemble des jeunes ayant accompli le séjour de cohésion en 2022, on compte 47 % de jeunes souhaitant faire la mission d'intérêt général dans l'armée, et 36 % envisageant de l'effectuer dans la police ou la gendarmerie 13 ( * ) . En comparaison, seuls 25 % des jeunes souhaitent effectuer leur mission d'intérêt général dans une association, et 10 % l'envisagent dans une collectivité territoriale.

Ces chiffres ne peuvent pas être expliqués entièrement par les interventions menées par les militaires et les policiers au cours du séjour de cohésion, mais reflètent la surreprésentation des enfants ayant des parents dans les corps en uniforme parmi les volontaires du SNU.

Il est logique que ces enfants soient mieux informés et plus volontaires pour participer au séjour de cohésion, et cela ne remet aucunement en cause leur engagement. Toutefois cela interroge sur la représentativité des expérimentations qui ont été menées jusqu'à présent.

La représentativité territoriale du séjour de cohésion est relativement satisfaisante : la répartition de l'origine géographique des jeunes participant au séjour de cohésion est relativement proche de celle des 15-17 ans dans la population générale. Toutefois, l'Île-de-France constitue une exception notable : seuls 10,9 % des jeunes ayant participé au séjour de cohésion en 2021 sont issus de cette région, alors que 18,2 % des jeunes âgés de 15 à 17 ans sont franciliens.

3. Les difficultés matérielles rencontrées lors de son expérimentation ont fortement retardé la généralisation du service national universel

Dès les premiers temps de l'expérimentation, des doutes ont été exprimés sur la faisabilité et l'opportunité de généraliser le SNU à l'ensemble d'une classe d'âge, et plus particulièrement s'agissant du séjour de cohésion.

Le rythme de l'expérimentation s'est déroulé de manière bien plus lente que prévue , même si l'on prend en compte la crise sanitaire : alors que la trajectoire initiale prévoyait qu'après l'objectif de 20 000 jeunes accueillis annuellement devait succéder celui de 150 000 jeunes, les objectifs pour 2022 en étaient loin, avec une cible de 50 000 jeunes. Les réalisations sur les deux dernières années se sont également révélées nettement en deçà des objectifs.

Déroulement de l'expérimentation du service national universel

(en nombre de jeunes)

Année

Trajectoire initiale

Objectifs

Réalisation

2019

Entre 2 000 et 3 000

Entre 2 000 et 3 000

1 941

2020

20 000

20 000

0 14 ( * )

2021

150 000

25 000

14 653

2022

400 000

50 000

32 416

2023

800 000

64 000

-

Note : la trajectoire initiale a été définie en septembre 2019, tandis que les objectifs correspondent à la cible indiquée dans le projet de performance pour chaque année.

Le ralentissement du déploiement du SNU s'explique d'abord par les difficultés matérielles rencontrées lors des expérimentations . En effet, le nombre de jeunes volontaires est très inférieur à celui de l'ensemble d'une classe d'âge, mais les retours de terrain indiquent qu'il est déjà très difficile de trouver suffisamment de centres d'hébergement disponibles en été. Le recrutement du nombre d'encadrants nécessaires à la généralisation du SNU soulève également de nombreuses questions.

Les problèmes logistiques auxquels fait face le SNU interrogent sur le coût qu'il représentera au moment de sa généralisation . Or, les quelques chiffrages qui ont été proposés ne sont pas suffisamment détaillés pour qu'il soit possible de s'assurer de leur crédibilité.

La phase 2 (mission d'intérêt général) et la phase 3 (engagement volontaire) concentrent moins de problématiques financières, mais elles n'en restent pas moins essentielles au dispositif, en ce qu'elles incarnent l'objectif de cohésion sociale du SNU. Or, la mission d'intérêt général ne répond pas, dans sa forme actuelle, aux objectifs qui lui sont assignés.

Face à l'ensemble de ces difficultés, deux scénarios de généralisation du SNU sont actuellement en train d'être étudiés.

B. AUCUN DES DEUX SCÉNARIOS DE GÉNÉRALISATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL ÉTUDIÉS PAR LE GOUVERNEMENT N'EST PLEINEMENT SATISFAISANT

1. Deux scénarios de généralisation du service national universel sont étudiés par le Gouvernement

Deux scénarios de généralisation du SNU ont été présentés devant le rapporteur spécial par les services de la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel.

Le premier consiste à généraliser le SNU hors du temps scolaire , dans la lignée des expérimentations qui ont été menées jusqu'à présent. Dans le second, le SNU serait généralisé sur le temps scolaire , et de nombreux séjours de cohésion seraient organisés tout au long de l'année. Le second a la préférence de la secrétaire d'État .

Les deux scénarios de généralisation du service national universel

Scénario 1 : l'ensemble des élèves de classe de seconde effectuerait le séjour de cohésion hors du temps scolaire, très majoritairement au début du mois de juillet. Le nombre de séjours de cohésion organisés par an serait proche de celui des expérimentations menées actuellement, c'est-à-dire 3 ou 4 par an, et chacun de ces séjours réunirait plusieurs centaines de jeunes élèves en simultané.

Scénario 2 : l'ensemble des élèves de classe de seconde effectuerait le séjour de cohésion pendant le temps scolaire. Entre 13 et 15 séjours de cohésion seraient organisés par an, et chacun de ces séjours réunirait en simultané un nombre d'élèves inférieur à celui du premier scénario.

La différence entre les deux scénarios est plus significative qu'il ne semble au premier abord. Au niveau juridique, le deuxième scénario ramènerait l'obligation de participer au séjour de cohésion à l'obligation scolaire jusqu'à 16 ans révolus . En conséquence, les services de la secrétaire d'État estiment qu'une loi ne serait pas forcément nécessaire pour appliquer ce scénario , tandis qu'elle serait requise pour la généralisation du service national universel hors temps scolaire.

Pour cette raison, l'option d'un « mix » entre les deux scénarios n'est pas apparue crédible pour le rapporteur : si des séjours de cohésion étaient organisés en été, hors du temps scolaire, le dispositif ne serait plus entièrement assimilable à l'obligation scolaire.

Au niveau financier, le nombre de centres d'hébergement nécessaires en simultané est moins important dans le scénario 2 que dans le scénario 1, mais en revanche, les centres doivent être disponibles toute l'année. De même, il n'est pas nécessaire de recruter autant d'encadrants sur un temps court dans le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire par rapport au scénario d'une généralisation hors temps scolaire, mais cela implique que des encadrants soient affectés de manière quasiment permanente à l'organisation du service national universel.

Le tableau suivant présente les hypothèses retenues dans ce contrôle sur le nombre de centres de séjours et de centres d'hébergement requis dans les deux scénarios.

Les deux scénarios de généralisation
du service national universel : principaux chiffres

Scénario 1 : généralisation hors temps scolaire

Scénario 2 : généralisation sur le temps scolaire

Nombre de séjours

3 ou 4

Entre 13 et 15

Nombre de jeunes par séjour

Entre 210 000 et 280 000

Entre 56 000 et 64 615

Nombre de centres d'hébergement requis par séjour

Entre 1 400 et 1 867

Entre 374 et 431

Nombre de centres d'hébergement requis au total

Entre 2 100 et 2 800

Entre 748 et 862

Nombre d'encadrants requis par séjour

Entre 26 250 et 35 000

Entre 7 000 et 8 076

Nombre d'encadrants requis au total

Entre 39 375 et 52 500

Entre 14 000 et 16 153

Nombre de jours de travail moyen par encadrant

Entre 30 et 45

Entre 90 et 120

Source : commission des finances

Notes : les hypothèses retenues pour la construction de ce tableau sont les suivantes :

- « séjour » désigne ici une période où les jeunes partent en même temps effectuer le séjour de cohésion. Les chiffres données « par séjour » indiquent donc le nombre de centres et d'encadrants requis en simultané sur toute la France à une période donnée ;

- pour le nombre de séjours, les nombres retenus reprennent les estimations transmises par l'administration au rapporteur spécial ;

- pour le nombre de jeunes par séjours, le nombre total de jeunes devant effectuer un séjour de cohésion dans l'année pris pour référence est 840 000, qui est le nombre cité par les services de la secrétaire d'État chargée du service national universel ;

- pour le nombre de jours de travail moyen par encadrant, il est estimé que chaque encadrant fera en moyenne entre 2 et 3 séjours de cohésion dans le scénario 1, et entre 6 et 8 séjours de cohésion dans le scénario 2. Chaque séjour de cohésion représente 15 jours de travail (12 jours de présence des jeunes, et 3 jours de préparation).

2. Les expérimentations ont été menées jusqu'à présent dans l'optique d'une généralisation hors temps scolaire, ce qui rend leurs enseignements limités pour le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire

Le scénario d'une généralisation hors temps scolaire présente des faiblesses majeures : il n'existe ni un nombre suffisant de centres d'hébergement, ni un nombre suffisant d'encadrants en France pour accueillir des centaines de milliers de jeunes sur l'espace de quelques semaines .

Par ailleurs, le coût d'une généralisation hors temps scolaire n'est pas chiffré par les services de la secrétaire d'État ni par la direction de la jeunesse, de l'éduction populaire et de la vie associative (DJEPVA), ce qui semble indiquer que ce scénario est a priori abandonné.

Le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire soulève également de nombreuses interrogations . L'articulation du séjour de cohésion avec le déroulement de l'année scolaire n'a pas été détaillée, et surtout, il n'a pas eu d'indications sur le fait de savoir si les élèves de seconde auraient ou non le même nombre d'heures de cours . En outre, l'encadrement ainsi que la disponibilité des centres d'hébergement continuent de présenter des difficultés majeures.

Plus généralement, la généralisation du service national universel sur le temps scolaire suppose une articulation entre l'administration du SNU et l'éducation nationale qui reste à construire . L'absence des élèves pendant les deux semaines du séjour de cohésion aura un impact sur la structuration des programmes, et fera l'objet d'oppositions au sein de l'éducation nationale.

La perte de deux semaines de cours pour les élèves de seconde serait en effet particulièrement dommageable , et si le SNU devait être généralisé sur le temps scolaire, il serait nécessaire que les élèves puissent rattraper ces deux semaines.

Il faut relever que les expérimentations qui se sont déroulées entre 2019 et jusqu'à cette année ont été menées dans l'optique d'une généralisation hors du temps scolaire, ce qui limite les enseignements qu'elles peuvent apporter pour la généralisation du SNU sur le temps scolaire .

En effet, les centres d'hébergement disponibles ne sont pas les mêmes entre la période des vacances et le temps scolaire : alors que l'hébergement des jeunes s'appuyait pour une part importante sur des établissements scolaires, ceux-ci ne seront désormais plus disponibles. De plus, de nombreux chefs de centre dans la phase expérimentale sont des directeurs d'établissements scolaires, qui ne seront plus disponibles non plus .

Tous ces éléments conduisent à s'interroger sur la sincérité des expérimentations qui ont été menées jusqu'à présent . De nombreuses alertes avaient été émises, au moins dès la session de 2021, sur l'impossibilité technique de généraliser le service national universel hors temps scolaire, mais l'expérimentation a été reconduite dans des formes similaires en 2022 et en 2023. On peut interpréter l'augmentation relativement faible de l'objectif de jeunes devant participer au séjour de cohésion entre 2022 et 2023 comme le signe que l'option d'une généralisation hors temps scolaire était progressivement abandonnée, mais l'objectif d'une généralisation du SNU sur les vacances d'hiver et d'été restait pourtant affirmé.

La mise en oeuvre du scénario d'une généralisation sur le temps scolaire nécessiterait ainsi de nouvelles années d'expérimentation du séjour de cohésion. Cette situation est regrettable, et souligne les lacunes de la préparation du SNU lors du quinquennat précédent.

3. Quel que soit le scénario retenu, la généralisation du service national universel devrait au moins requérir une loi
a) Dans le scénario d'une généralisation hors du temps scolaire, une réforme de la Constitution serait nécessaire

Dans le scénario d'une généralisation du service national universel hors du temps scolaire, une loi constitutionnelle serait probablement requise . Dans un avis du 20 juin 2019, le Conseil d'État a estimé que l'article 34 de la Constitution ne permettait pas d'imposer des sujétions aux citoyens que pour des enjeux de défense. Le SNU n'étant pas un service militaire, la mise en place d'un séjour de cohésion obligatoire nécessiterait donc la révision de cet article.

La Cour des comptes, dans son rapport sur la formation à la citoyenneté d'octobre 2021, souligne également que « le cas des jeunes qui refuseraient le SNU (nouveaux objecteurs de conscience) et de ceux qui ne respecteraient pas certaines règles liées à la vie dans les centres doit aussi être prévu » 15 ( * ) .

Enfin, les jeunes étrangers n'ont aujourd'hui pas le droit de participer au service national universel. Cette situation est bien sûr particulièrement dommageable .

Ne pas permettre à des jeunes volontaires de participer au séjour de cohésion car ils ne possèdent pas la nationalité française va à l'encontre de l'objectif de cohésion sociale que se fixe le service national universel . Cette situation a été déplorée par l'ensemble des personnes auditionnées par le rapporteur spécial.

La DJEPVA ainsi que les services de la secrétaire d'État chargée du service national universel ont néanmoins indiqué que des réflexions étaient actuellement en cours pour permettre à ces jeunes d'effectuer le séjour de cohésion.

b) Dans le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire, une loi serait probablement nécessaire

Les problématiques juridiques sont différentes dans le cas du scénario d'une généralisation du service national universel sur le temps scolaire.

En effet, d'après la secrétaire d'État, l'obligation de participer au séjour de cohésion se retrouverait alors mêlée avec « l'obligation scolaire », qui s'applique pour les jeunes français ou étrangers jusqu'à 16 ans révolus. Les services de la secrétaire d'État ont d'ailleurs ajouté qu'en conséquence, ce scénario de généralisation du SNU ne nécessiterait pas nécessairement une loi.

L'obligation scolaire

L'obligation scolaire est le sujet des articles L. 131-1 à L. 131-13 du code de l'éducation. L'article L. 131-1 en énonce le principe : « l'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans ». La loi Jules Ferry du 28 mars 1882 avait porté l'obligation jusqu'à 13 ans, et l'ordonnance n°59-45 du 6 janvier 1959 l'a prolongée jusqu'à l'âge de 16 ans révolus.

L'obligation scolaire impose l'inscription de l'enfant dans un établissement d'enseignement public ou privé, ou la mise d'une éducation à domicile dans les conditions définies par la loi. L'obligation scolaire suppose également l'assiduité aux cours (article L. 131-8).

Les objectifs de l'instruction obligatoire sont les suivants : « d'une part, l'acquisition des instruments fondamentaux du savoir, des connaissances de base, des éléments de la culture générale et, selon les choix, de la formation professionnelle et technique et, d'autre part, l'éducation lui permettant de développer sa personnalité, son sens moral et son esprit critique, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, de partager les valeurs de la République et d'exercer sa citoyenneté . » (article L. 131-1-1)

Le respect de l'obligation scolaire fait l'objet d'un contrôle et de sanctions prévus aux articles R. 131-1 à R. 131-19 du code de l'éducation.

Toutefois, il n'est pas certain que l'obligation de participer au séjour de cohésion puisse se « fondre » entièrement dans l'obligation scolaire .

Premièrement, la situation des jeunes qui seraient en classe de seconde alors qu'ils ont plus de 16 ans n'est pas définie. Seraient-ils toujours obligés de participer au séjour de cohésion ? Quelles seraient les conséquences s'ils n'y participent pas ?

De plus, il n'est pas certain que l'obligation scolaire s'étende à l'ensemble des activités du séjour de cohésion. En effet, à l'heure actuelle, les sorties scolaires ne sont obligatoires que lorsqu'elles s'inscrivent sur le temps scolaire au sens strict, c'est-à-dire qu'elles se déroulent au même moment que les cours : « Les sorties scolaires obligatoires sont celles qui s'inscrivent dans le cadre des programmes officiels d'enseignement ou des dispositifs d'accompagnement obligatoires et qui ont lieu pendant les horaires prévus à l'emploi du temps des élèves » 16 ( * ) . En conséquence, dès lors que la sortie ou le voyage scolaire prévoit une nuitée, il n'est pas obligatoire d'y participer.

Il n'est pas évident de déterminer si la règle énoncée par la circulaire peut être modifiée par voie réglementaire, ou si elle est l'expression d'un principe qui ne peut être modifié que par une loi. La Cour des comptes, dans son rapport sur la formation à la citoyenneté, semble soutenir la seconde option, en rattachant les contraintes imposées par le séjour de cohésion aux libertés individuelles, au sens de l'article 66 de la Constitution : « en cas d'obligation, les modalités du séjour de cohésion (obligation à résidence pendant le séjour de cohésion sociale) et des MIG (obligation d'accomplir une tâche d'intérêt général non rémunérée pendant 12 jours), constituent des atteintes aux libertés individuelles » 17 ( * ) .

Il est donc probable que la généralisation de deux semaines de séjour de cohésion en hébergement collectif, même sur le temps scolaire, suppose au moins d'adopter une loi .

c) Une loi serait également nécessaire pour garantir le nombre d'heures de cours des élèves de seconde

Enfin, l'organisation du temps scolaire soulève également des difficultés juridiques . La mise en place de deux semaines de séjour de cohésion au cours d'une année reviendrait a priori à retrancher autant d'heures de cours pour les élèves de seconde, tandis que l'article L. 521-1 du code de l'éducation dispose que : « L'année scolaire comporte trente-six semaines ».

Or, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2019-278 L du 11 juillet 2019, a rappelé que la disposition de l'article L. 521-1 du code de l'éducation a bien une valeur législative , et ne peut donc être modifiée par un règlement 18 ( * ) .

Au-delà de la question de sa faisabilité juridique, le simple fait de « retirer » deux semaines de cours aux élèves de seconde est en soi critiquable . Bien que la classe de seconde soit réputée moins « chargée » que celles de première et de terminale, il n'en reste pas moins qu'elle présente des enjeux importants sur les élèves. Elle risquerait également d'augmenter la pression pesant sur les enseignants pour terminer les programmes dans les temps.

II. LA GÉNÉRALISATION DU SÉJOUR DE COHÉSION POSERAIT DES DIFFICULTÉS MAJEURES EN TERMES D'HÉBERGEMENT, D'ENCADREMENT ET DE COÛT, QUI PLAIDENT POUR SON REPORT

A. LA GÉNÉRALISATION DU SERVICE NATIONAL UNIVERSEL IMPLIQUE LA CRÉATION D'UNE « FILIÈRE » DE L'ENCADREMENT DU SÉJOUR DE COHÉSION

1. La généralisation du service national universel implique une véritable stratégie de recrutement du personnel, qui n'existe pas aujourd'hui dans la phase expérimentale

La généralisation du service national universel sera impossible sans la mise en place d'une véritable stratégie de recrutement du personnel . Quel que soit le scénario retenu, la généralisation hors du temps scolaire ou sur la période scolaire, les modalités de recrutement qui sont aujourd'hui mises en oeuvre durant la phase expérimentale ne pourront pas être répliquées à large échelle.

En effet, d'après le témoignage des acteurs de terrain, les recrutements se font aujourd'hui en grande partie par le « bouche à oreille » et les réseaux existants. L'INJEP confirme par ailleurs ce constat dans son évaluation du service national universel en 2021 : « Confrontées à des délais contraints, les équipes de direction ont, comme en 2019, souvent dû privilégier « le bouche-à-oreille » et « le réseau » pour recruter la majeure partie des équipes encadrantes. » 19 ( * ) . Si ces méthodes peuvent convenir pour une session accueillant 50 000 jeunes, elles ne sont plus suffisantes dans l'optique d'une généralisation du SNU .

En 2022, ont été recrutés 5 460 encadrants (507 pour février, 2 377 pour juin et 2 576 pour juillet) pour 32 416 jeunes ayant effectué un service national universel.

Participation et encadrement des jeunes
dans les séjours de cohésion en 2022

Cible de jeunes participant au séjour de cohésion

Nombre de dossiers validés

Jeunes ayant participé au séjour de cohésion

Nombre d'encadrants recrutés

Février

4 000

3 000

2 450

507

Juin

23 000

16 801

14 962

2 377

Juillet

23 000

19 917

15 004

2 576

Total

50 000

39 718

32 416

5 460

Taux d'accomplissement

(jeunes ayant participé / cible de jeunes en %)

Taux de participation

(jeunes ayant participé / dossiers validés en %)

Taux d'encadrement prévisionnel

(dossiers validés / nombre d'encadrants)

Taux d'encadrement effectif

(jeunes ayant participé au séjour de cohésion / nombre d'encadrants)

Février

61,2 %

81,7 %

5,9

4,8

Juin

65,1 %

89,1 %

7,1

6,3

Juillet

65,2 %

75,3 %

7,7

5,8

Total

64,8 %

81,6 %

7,3

6,0

Source : réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial

Note : le « total » des taux d'encadrement est obtenu en faisant la moyenne des taux pondérée par le nombre de jeunes accomplissant le séjour.

Le taux d'encadrement effectif au cours de la session est environ d'un adulte pour six jeunes , ce qui est un taux meilleur que celui fixé dans les objectifs du service national universel (un adulte pour huit jeunes), mais qui s'explique en partie par les désistements : environ 20 % des jeunes qui ont eu leur dossier validé ne sont pas rendus au séjour de cohésion.

Si l'on prend en compte les dossiers effectivement validés, alors le taux d'encadrement est d'un adulte pour sept jeunes. Ce taux, à nouveau meilleur que les objectifs, s'explique quant à lui par un nombre de dossiers déposés inférieur à la cible retenue en 2022 (50 000 jeunes).

Pour 2023, le nombre d'encadrants prévus est de 6 500, pour une cible de jeunes participants au séjour de cohésion de 64 000, ce qui donne un taux d'encadrement de près d'un adulte pour dix jeunes. Le taux d'encadrement plus faible en prévision que l'objectif d'encadrement d'un adulte pour huit jeunes laisse à penser qu'il est une nouvelle fois anticipé un nombre de jeunes effectuant le séjour de cohésion inférieur aux prévisions.

Si les problèmes liés à la discipline et à l'encadrement sont relativement rares dans le séjour de cohésion, il faut rappeler que la participation au séjour de cohésion repose à l'heure actuelle sur le volontariat . Il y a certes des jeunes qui ont été contraints par leurs parents de participer au séjour, mais ils représentent une petite minorité : pour la session de 2021, l'INJEP estime à 10 % la part des jeunes qui ont participé au séjour de cohésion contre leur gré 20 ( * ) .

Le passage d'un public de « volontaires » à « non-volontaires » aura de véritables conséquences à la fois en termes de discipline, et en termes d'acceptabilité sociale du SNU. La mission d'information de l'Assemblée nationale sur le service national universel relevait déjà, en se basant certes sur un scénario d'un mois, que « l'ensemble des personnes entendues par vos rapporteures a pointé la probable faible acceptabilité par les jeunes d'un tel scénario, qui viendrait heurter les parcours universitaires et professionnels . » 21 ( * )

2. La généralisation du service national universel implique la création d'une « filière » de l'encadrement du séjour de cohésion, qui nécessite plusieurs années pour être construite
a) Le statut des encadrants devra évoluer pour tenir compte de l'augmentation de leur temps de travail sur l'année

La capacité à recruter suffisamment de personnel interroge dans la perspective d'une généralisation du SNU.

Dans le scénario d'une généralisation hors temps scolaire, le nombre de personnes recrutées devrait être compris entre 39 375 et 52 500 . Les services de la secrétaire d'État chargée du service national universel n'ont pas fourni d'estimations pour ce scénario. Il est évident que le recrutement d'un nombre aussi important de personnes sur un temps court est très difficilement réalisable.

Concernant le scénario d'une généralisation du SNU sur le temps scolaire, les services de la secrétaire d'État chargée du service national universel estiment les besoins de recrutement à 15 000 encadrants, ce qui correspond aux estimations du rapporteur spécial (entre 14 000 et 16 153 encadrants selon le tableau supra ).

Il faut souligner que l'hypothèse retenue dans les estimations du rapporteur spécial, c'est-à-dire que chaque encadrant accomplirait entre 6 et 8 séjours de cohésion par an, doit être considérée comme optimiste. En effet, chaque séjour de cohésion correspond au minimum à 15 jours de travail, et les journées sont particulièrement intenses : les encadrants sont mobilisés en continu pendant l'ensemble de la durée du séjour, bien au-delà des heures légales de travail 22 ( * ) . Les témoignages des encadrants indiquent qu'il s'agit d'un « engagement total » pendant la période du séjour de cohésion.

Emploi du temps type d'une journée du séjour de cohésion

Heure

Jour d'arrivée

Jours complets

Jour de départ

7h-8h

Lever / Petit Déjeuner

8h-8h15

Lever des couleurs

8h30-9h30

Activités physiques et sportives

Cérémonie de clôture

9h30-12h30

Arrivées

Prise en charge par les tuteurs

Présentation du site

Activités

12h30-14h

Déjeuner

Déjeuner en un seul ou plusieurs services

14h30-18h30

Arrivées

Prise en charge par les tuteurs

Présentation du site

Activités

Départ

18h30-19h

Temps libre

19h-20h30

Dîner en un seul ou plusieurs services

20h30-21h30

Démocratie interne

21h30-22h30

Temps libre

Coucher

Source : réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial

Ces conditions de travail sont admises par les encadrants dans la mesure où, dans la phase expérimentale du SNU, seuls quelques séjours de cohésion sont organisés par an. En revanche, il n'est pas certain que les encadrants soient en mesure d'effectuer, par exemple, 8 séjours de cohésion au cours d'une année.

Quoiqu'il en soit, la généralisation du SNU sur le temps scolaire supposerait de recruter et de former des encadrants longtemps à l'avance, et de leur accorder un statut qui leur permette d'être investis dans l'organisation du séjour de cohésion tout au long de l'année .

À l'heure actuelle, les encadrants sont recrutés principalement sous contrat d'engagement éducatif, dont les principales caractéristiques sont décrites aux articles L. 432-1 à L. 432-6 du code de l'action sociale et des familles. Or, l'article L. 432-4 dispose que « Le nombre de jours travaillés par une personne titulaire d'un contrat d'engagement éducatif ne peut excéder un plafond de quatre-vingts jours, apprécié sur chaque période de douze mois consécutifs », alors que, dans les estimations réalisées dans le cadre de ce contrôle, le nombre de jours travaillés dans l'année en moyenne par les encadrants serait d'au moins 90 jours.

Le statut des encadrants du SNU est également prévu par l'ordonnance n° 2021-1159 du 8 septembre 2021 relative aux conditions de recrutement et d'emploi des personnes chargées d'encadrer les volontaires du service national universel. Toutefois, l'objet de l'ordonnance est surtout de faciliter la mise à disposition de fonctionnaires pour exercer des fonctions d'encadrement ou de support au séjour de cohésion, et elle ne fonde donc pas un véritable « statut » des encadrants du SNU.

La secrétaire d'État chargée du service national universel a d'ailleurs affirmé devant le rapporteur spécial que le contrat d'engagement éducatif n'est pas satisfaisant dans la perspective d'une généralisation du service national universel, a fortiori sur le temps scolaire, et qu'il serait nécessaire de mettre en place un nouveau statut. Les caractéristiques de ce statut ne sont pas encore définies.

Il est néanmoins certain qu'une « filière » du service national universel nécessitera plusieurs années pour être opérationnelle . En effet, effectuer entre 6 et 8 séjours de cohésion au cours d'une année suppose que les encadrants soient formés à cet effet, et qu'ils soient en mesure de consacrer une part majeure de leur activité à l'année au SNU. Cela impliquerait de poursuivre pendant plusieurs années l'expérimentation de la montée en charge progressive du SNU.

b) La généralisation du service national universel sur le temps scolaire permettrait d'impliquer davantage l'éducation populaire, mais elle comporte dans le même temps le risque de rendre l'Etat trop dépendant du secteur privé

La généralisation du service national universel sur le temps scolaire pose également la question du profil des encadrants.

La DJEPVA a indiqué que les chefs de centre du séjour de cohésion de février 2022 étaient « issus à 34 % des corps en uniforme, 22 % de l'éducation nationale et à 38 % de l'éducation populaire » 23 ( * ) .

Or, la généralisation du SNU sur le temps scolaire impliquerait de fortement diminuer la part des corps en uniforme et de l'éducation nationale au profit de l'encadrement populaire, et plus généralement de services issus du secteur privé.

La mobilisation du personnel de l'éducation populaire et de structures d'accueils pour jeunes présente l'avantage que l'encadrement des jeunes en centre d'hébergement constitue le coeur du métier de ces acteurs . L'éducation populaire joue un rôle fondamental dans la cohésion du pays, et le séjour de cohésion peut être l'occasion de renforcer les liens entre éducation nationale et éducation populaire . De plus, cela permettrait de véritablement ancrer le SNU dans le domaine de l'engagement citoyen, et d'atténuer les critiques portant sur son « militarisme ».

Des représentants de l'éducation populaire ont d'ailleurs déclaré devant le rapporteur spécial qu'ils préféraient le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire à celui d'une généralisation hors temps scolaire. En effet, leurs encadrants n'ont pas vocation à travailler de manière temporaire, mais de manière continue .

Toutefois, la réduction de la part des encadrants relevant de l'administration présente également des risques . En effet, les compétences et les moyens humains requis pour l'organisation du séjour de cohésion, si le SNU venait à être généralisé sur le temps scolaire, sont très spécifiques : il faut des organisations qui puissent être capables de mobiliser des encadrants tout au long de l'année, en période « hors saison », ce qui peut amener à des surcoûts .

B. LE NOMBRE DE CENTRES D'HÉBERGEMENT DE GRANDE TAILLE N'EST PAS SUFFISANT POUR ACCUEILLIR L'ENSEMBLE DES JEUNES EN SÉJOUR DE COHÉSION SANS UNE FORTE AUGMENTATION DES COÛTS

1. Le séjour de cohésion mobilise des internats et des centres de vacances, dont la disponibilité est cependant limitée
a) Les scénarios de généralisation retenus excluent les constructions nouvelles

La disponibilité des centres d'hébergement est une problématique majeure du projet de généralisation du SNU, au point que le groupe de travail relatif à la création d'un service national universel d'avril 2018, dirigé par Daniel Ménaouine, la qualifiait de « difficulté la plus importante à surmonter pour assurer le complet déploiement du service national » 24 ( * ) . Durant les déplacements et les auditions, les personnes interrogées par le rapporteur spécial ont quasi-unanimement affirmé que le nombre de centres d'hébergement disponibles atteignait sa limite, et qu'il a déjà été difficile de trouver suffisamment de lieux d'accueil pour les sessions de 2021 et de 2022 .

Il convient premièrement de rappeler que les casernes utilisées pour le service militaire n'existent plus aujourd'hui . Le rapport du groupe de travail sur le service national universel indiquait en 2018 qu' « il n'existe plus aujourd'hui de capacités militaires inemployées qui pourraient, à moindre frais, être réutilisées pour héberger les contingents » 25 ( * ) , ce qu'a rappelé la mission d'information « Culture citoyenne » du Sénat : « il n'existe plus aujourd'hui de casernes ou de lieux susceptibles d'accueillir un grand nombre de jeunes, contrairement à l'époque du service national . » 26 ( * )

D'une manière générale, le bâti militaire ne semble pas être une option viable pour accueillir les jeunes du service national universel. Les habitations sont occupées toute l'année par les soldats, et elles ne répondent pas aux normes pour l'accueil collectif de mineurs.

La secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel a également déclaré devant le rapporteur spécial que l'option de la construction de nouveaux centres n'est pas retenue à l'heure actuelle . Elle a souligné, à juste titre, que cette piste, qui était évoquée par le groupe de travail sur le SNU, entrerait en contradiction avec l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN). De plus, la construction de nouveaux centres d'hébergement pour le SNU serait difficilement justifiable alors que le nombre de places d'hébergement actuelles n'est pas suffisant pour accueillir l'ensemble des personnes sans-abris ou qui ont besoin d'un toit en urgence 27 ( * ) .

Parmi les autres options d'hébergement possibles, le rapport de la mission de l'inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche IGESR (non publié) a évoqué les écoles des sapeurs-pompiers, et les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), tout en soulignant que leur disponibilité et leurs capacités ne sont pas considérées comme significatives par la mission.

b) Les centres utilisables pour le séjour de cohésion sont majoritairement des internats de lycée ainsi que des centres de vacances

Pour l'essentiel, les centres d'hébergement utilisables pour le SNU sont donc des centres de vacances et les internats d'établissements scolaires . Les expérimentations du SNU se sont logiquement concentrées sur ce type d'établissements.

Au mois de juillet 2022, environ deux tiers des centres s'organisaient autour d'un internat d'établissement scolaire ou d'un établissement de formation, avec une part importante des lycées agricoles
(19 %), qui s'explique par le fait que ces établissements disposent souvent d'un internat. Les centres de vacances représentaient quant à eux 22,7 % des centres d'hébergement.

Au mois de juin, la part des centres de vacances était de 34,3 %, tandis que celle des établissements scolaires ainsi que des établissements de formation était de 46,7 %. En février, la proportion s'inverse : les centres de vacances sont majoritaires, représentant 42 % des centres du SNU.

Répartition des types de centre d'hébergement
du séjour de cohésion en 2022

Typologie des centres de cohésion

Part des centres de cohésion

(février)

Part des centres de cohésion

(juin)

Part des centres de cohésion

(juillet)

Ensemble

Établissement public local d'enseignement

13%

30.2%

35%

26,1%

Lycées agricoles

6,5%

13%

19%

12,8%

Autres établissements de formation

3.1%

3.5%

12%

6,2%

Centres de vacances

42%

34,3%

22,7%

33%

Autres structures

19,3%

13%

6,7%

13%

Non renseigné

16,1%

6%

4,6%

9%

Total général

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial

2. Les centres d'hébergement ne sont pas en nombre suffisant pour accueillir les jeunes dans le cadre d'un scénario d'une généralisation hors temps scolaire

Les types d'hébergement disponibles diffèrent selon les scénarios retenus. Dans le scénario d'une généralisation hors temps scolaire, les centres de vacances seront logiquement moins disponibles, et l'hébergement reposera très majoritairement sur les internats scolaires .

Dans ce scénario, les besoins en centres seraient extrêmement importants : le rapporteur spécial estime qu'il serait nécessaire d'en disposer entre 2 100 et 2 800 au total, et entre 1 400 et 1 867 en simultané pour parvenir à accueillir l'ensemble des jeunes effectuant le séjour de cohésion.

Il est estimé que les lycées français comportent 220 000 places d'internat 28 ( * ) , mais ce nombre doit être fortement relativisé. En effet, toutes ces places ne sont pas disponibles en même temps : des internats font l'objet de travaux de rénovation, d'autres sont utilisés pour l'accueil de personnes en difficulté, certains continuent d'accueillir des élèves hors de la période scolaire, et enfin la taille de certains internats est trop faible pour organiser un séjour de cohésion.

Il est donc vraisemblable qu'il faille diviser ce nombre par deux, voire davantage, pour obtenir le nombre de places réellement utilisables pour un séjour de cohésion.

Le nombre de places disponibles est ainsi manifestement très inférieur à ce qui serait nécessaire pour accueillir entre 210 000 et 280 000 jeunes par période de séjour . Les centres de vacances libres hors période scolaires ne sont pas non plus en nombre suffisant pour permettre d'accueillir les jeunes restants.

Ce constat était déjà formulé dans le rapport du groupe d'étude sur le SNU, qui n'envisageait pas la généralisation du service national universel hors temps scolaire sans recourir à des constructions nouvelles 29 ( * ) . Le groupe d'étude sur le SNU se fondait certes sur l'hypothèse d'un séjour de cohésion qui durerait un mois, mais les retours d'expérience des expérimentations qui ont été menées jusqu'à présent montrent que cette conclusion est tout aussi valable pour un séjour de cohésion de deux semaines.

3. Trouver suffisamment de centres de vacances pour accueillir les jeunes dans le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire comporte des coûts importants et présente des difficultés majeures

Dans le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire, il ne serait pas nécessaire de disposer d'autant de centres d'hébergement, mais leur nombre n'en resterait pas moins très important. Le rapporteur spécial estime qu'entre 748 et 862 centres seraient nécessaires au total, et entre 374 et 431 centres en simultané .

De plus, l'organisation des séjours de cohésion sur le temps scolaire soulève des difficultés spécifiques par rapport au scénario d'une généralisation hors temps scolaire.

Les internats ne seraient plus disponibles , à l'exception du mois de juin, et l'organisation du service national universel reposerait donc très majoritairement sur les centres de vacances . Les divers établissements de formation seraient également écartés pour la plupart. Or, les établissements de formation et les établissements scolaires représentent aujourd'hui entre le tiers et la moitié des bâtiments utilisés pour accueillir les séjours de cohésion. À l'heure actuelle, il est difficile de concevoir comment le service national universel pourrait être généralisé en se privant de l'essentiel de ces lieux.

Il faut aussi rappeler que tous les centres de vacances ne sont pas « vides » hors de la période estivale. Des vacanciers partent régulièrement en séjour hors saison, et certains centres sont utilisés, au même titre que les internats, pour l'hébergement de travailleurs ou de publics fragiles. En outre, la répartition des centres de vacances sur le territoire est inégale, et leur accessibilité en transport peut fortement différer.

Surtout, les centres de vacances sont loin d'avoir tous la taille requise pour accueillir des séjours de cohésion . À ce sujet, le rapport de l'IGESR relatif au bâti nécessaire à l'organisation des séjours de cohésion indique qu'il sera difficile de trouver des sites d'une taille supérieure à 150 places.

Alors que l'objectif est de 200 jeunes par centre, l'INJEP précise que l'effectif moyen des accueils collectifs de mineurs (ACM) est inférieur à 30 mineurs par séjour, mais ce chiffre inclut des structures légères, comme des campings 30 ( * ) . La capacité moyenne de la totalité des locaux avec hébergement déclarant des ACM est de 96 jeunes hébergés par centre, et 80 % des sites ont une capacité inférieure à 200 places par site.

Même si l'objectif du nombre de jeunes par centre devait être abaissé à 150, ce qui correspond au nombre moyen de jeunes par centre constaté au cours de l'expérimentation, il resterait particulièrement difficile à atteindre. Or, la nécessité de recourir à des centres de petite taille conduirait à multiplier le nombre de centres, ce qui augmenterait les coûts du séjour de cohésion .

Enfin, recourir davantage aux centres de vacances comporte également le risque de rendre l'État trop dépendant d'acteurs privés dans l'organisation des séjours de cohésion , ce qui se traduirait par une augmentation des coûts, et des incertitudes sur la disponibilité des centres d'une année à l'autre.

4. La rénovation de centres d'hébergement serait nécessaire pour accueillir les séjours de cohésion, mais son coût n'est pas chiffré, et son opportunité politique interroge

La secrétaire d'État chargée du service national universel a évoqué la rénovation de centres existants, qui ne sont plus aux normes voire qui ont fermé, comme un levier pour atteindre le nombre de centres suffisant pour accueillir les jeunes accomplissant le séjour de cohésion .

La rénovation des centres aurait également l'avantage de rendre l'État moins dépendant des acteurs extérieurs, si la rénovation est subventionnée en contrepartie d'un droit d'accès.

La rénovation des centres a toutefois un coût, qui n'est chiffré nulle part. D'après les informations transmises au rapporteur spécial, il apparaît à ce stade que les préfets sont en train d'identifier les centres qui pourraient être utilisés et éventuellement être réhabilités pour accueillir des jeunes du séjour de cohésion.

De plus, les rénovations peuvent prendre plusieurs années. Elles ne sont donc pas compatibles avec un scénario de généralisation rapide du service national universel .

Enfin, la mise en oeuvre d'une politique globale de rénovation des centres de vacances pour accueillir 840 000 jeunes au cours d'une année peut susciter des critiques, alors que l'on compte 300 000 personnes sans domicile fixe en France, et plus généralement 4,1 millions de personnes mal logées 31 ( * ) .

C. AU REGARD DES INCERTITUDES, IL EST PRÉFÉRABLE DE SURSEOIR AU PROJET DE GÉNÉRALISATION

Les coûts du SNU ont déjà été évoqués tout au long des développements précédents. Il est néanmoins utile de regrouper l'ensemble des considérations sur le financement du SNU dans ce chapitre, afin de disposer de tous les éléments utiles pour porter un jugement général sur l'opportunité ou non de généraliser le service national universel .

1. Les coûts prévisionnels du service national universel dans sa phase expérimentale sont relativement stables depuis 2021, mais peu de chiffres sont disponibles sur l'exécution du dispositif

Les crédits du service national universel sont retracés dans
l'action 06 du programme 163, « Jeunesse et vie associative », de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (en AE et en CP). Les crédits inscrits en loi de finances initiale ont connu une progression importante de 2020 à 2021 (+ 109,1 %) et entre 2021 et 2022 (+ 76,6 %). Les crédits progressent toujours entre 2022 et 2023, mais de manière moins rapide (27,2 %).

Coûts prévisionnels du service national universel

Année

Coût du SNU dans le projet annuel de performance

(en millions d'euros)

Objectifs

(en nombre de jeunes)

Rapport cible de jeunes/ coût

(en euros)

2020

29,8

20 000

1 490

2021

62,3

25 000

2 492

2022

110,0

50 000

2 200

2023

140,0

64 000

2 187,5

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'évolution du coût de la politique comparée à celle de la cible de jeunes est cohérente à partir de 2021. En revanche, les coûts du SNU ont plus que doublé entre 2020 et 2021, alors que la cible de jeunes n'a augmenté que de 25 % sur la même période. Ces chiffres avaient amené le rapporteur spécial à mettre en doute la sincérité des estimations qui avaient été données en 2020 .

Évolutions parallèles du coût du service national universel
inscrit en loi de finances initiale et de la cible de jeunes

Coût du SNU Cible de jeunes

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Il n'est malheureusement pas possible d'identifier une tendance d'évolution des coûts du SNU à partir des chiffres de l'exécution du budget, car seuls les chiffres de 2021 peuvent être exploités à cet effet .

En effet, les chiffres ne sont pas encore consolidés pour 2022, et l'année 2020 fut une année blanche pour le séjour de cohésion en raison de la pandémie de Covid-19. Cette année, seules des dépenses de préparation des séjours (formation des encadrants, achats d'uniformes...) ont été exécutées, à hauteur de 2,5 millions d'euros en AE et 1,5 million d'euros en CP. Enfin, les chiffres de l'exécution en 2019 ont concerné trop peu de jeunes pour être comparables avec les données actuelles.

L'exécution en 2021 fut de 39,9 millions d'euros, pour 14 653 jeunes ayant effectivement accompli le séjour de cohésion. Le rapport est ainsi de 2 723,0 euros par jeune, ce qui est un montant nettement supérieur à la prévision pour 2021, qui était de 2 492,0 euros, et à celles pour 2022 et 2023.

On pourrait croire que ce différentiel est lié aux mesures de restrictions sanitaires, qui étaient encore importantes à l'été 2021.

Toutefois, la situation sanitaire était prise en compte dans le calcul des coûts du SNU en 2021, ce qui a été donné en partie comme explication de la progression du coût par jeune entre 2020 et 2021. L'expérience du confinement en 2020, et les nombreuses incertitudes qui existaient encore au moment de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, ont incité à un calcul « prudent » du coût du SNU par jeune.

En réalité, la principale raison de l'augmentation du coût par jeune en exécution découle des annulations qui ont précédé le séjour de cohésion. Pour 2022, les données transmises par la DJEPVA montrent que 7 302 jeunes qui ont validé leur dossier ont finalement annulé leur présence au séjour de cohésion, ce qui représente un taux de 22,5 % d'annulation. En conséquence, comme cela a été vu en supra , le taux d'encadrement pour la session 2021 a été nettement meilleur que ce que prévoyaient les objectifs.

2. Les coûts du service national universel généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge sont impossibles à déterminer précisément, mais ils seraient probablement supérieurs à 2 milliards d'euros

À terme, le service national universel est censé concerner l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire 800 000 jeunes. Si l'on multiplie ce nombre par le coût par jeune prévu pour 2023, qui est de 2 187,5 euros, on obtient un coût total de 1,75 milliard d'euros . Les services de la secrétaire d'État chargée du service national universel ont affirmé devant le rapporteur spécial qu'ils parvenaient à un coût similaire dans leurs propres estimations .

D'autres estimations du coût total ont été réalisées, mais elles datent de plusieurs années. Un rapport de la direction interministérielle de la transformation publique de 2020, cité par la Cour des comptes 32 ( * ) , estime à 3,4 milliards d'euros le coût annuel du dispositif généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge. Toutefois, ce chiffrage se base sur le séjour de cohésion de 2019, qui n'a réuni que 2 000 jeunes, et qui pour cette raison n'est pas représentatif du dispositif une fois généralisé.

D'une manière générale, les chiffrages qui s'appuient seulement sur les expérimentations menées depuis plusieurs années ne permettent pas d'avoir une vision claire du coût du SNU généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge.

La généralisation du service national universel à l'ensemble d'une classe d'âge peut, certes, amener à des économies d'échelle, mais par d'autres aspects elle peut conduire à un renchérissement des coûts .

En effet, la logistique requise pour acheminer l'ensemble d'une classe d'âge dans des centres de cohésion tout au long de l'année est sans commune mesure avec celle qui est actuellement mise en oeuvre dans la phase expérimentale du service national universel : si le séjour de cohésion venait à être généralisé à l'ensemble d'une classe, il serait nécessaire de mettre en place une véritable administration du SNU .

Or, malgré la création de la sous-direction du service national universel au sein de la DJEPVA le 1 er mars 2022, les moyens consacrés à l'administration sont insuffisants pour organiser la montée en charge du séjour de cohésion.

De plus, les centres d'hébergement disponibles risquent de devenir de plus en plus chers à mesure qu'il devient difficile de trouver des centres d'une taille suffisante pour accueillir un séjour de cohésion . Or, les grands centres sont déjà en nombre limité, comme cela a été vu supra , et l'hébergement et la restauration sont déjà le premier poste de dépenses du séjour de cohésion.

Coûts prévisionnels du service national universel en 2022
par poste de dépense

(en millions d'euros)

Poste de dépense

Coût

Hébergement et restauration

37,1

Encadrement

27,1

Activités

12,5

Tenues

7,7

Logistique

7,5

Transport

6

Formation et déplacements

6

Divers

1,6

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial

Répartition des coûts du service national universel

Source : commission des finances, d'après les réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial

Enfin, ces chiffrages ne prennent en compte que les coûts de fonctionnement à l'année du service national universel, et non pas les dépenses d'investissement nécessaires pour aboutir à sa généralisation . Or, comme cela a été vu supra , le séjour de cohésion requerra la rénovation de centres d'hébergement, dont ni le nombre ni le coût ne sont à l'heure actuelle chiffrés.

Pour ces raisons, le rapport des inspections générales remis au Premier ministre au printemps 2018, qui chiffrait le coût par an du SNU généralisé à l'ensemble d'une classe de 2,4 à 3,1 milliards d'euros par an, semble proche du coût réel qu'aura le SNU par an 33 ( * ) . Ce coût ne prend pas en compte ni les investissements requis pour disposer d'un nombre suffisants de centres d'hébergement, ni les nouvelles années d'expérimentation d'un SNU qui serait généralisé dans le temps.

3. Il est préférable de sursoir au projet de généralisation du séjour de cohésion

En audition, plusieurs acteurs du service national universel ont souligné que si le SNU représentait en effet un coût important, ses bénéfices pour la société et la cohésion de la Nation justifiaient cet investissement.

Le rapporteur soutient en effet plus généralement un renforcement des investissements à destination de la jeunesse. Il n'y aurait en effet pas de sens à définir un plafond au-dessus duquel cela ne « vaudrait pas le coût » d'investir pour la jeunesse .

Toutefois, le séjour de cohésion généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge présente de nombreuses inconnues, à la fois au niveau de son coût mais aussi de sa faisabilité technique.

Pour toutes ces raisons, le rapporteur spécial recommande de sursoir au projet de généraliser le séjour de cohésion à l'ensemble d'une classe d'âge . Cette suspension devra permettre de lever des incertitudes et d'obtenir plus d'informations sur la généralisation du service national universel.

Recommandation n° 1 : surseoir au projet de généralisation du séjour de cohésion.

D. LA « MISSION D'INTÉRÊT GÉNÉRAL » N'EST PAS LE MEILLEUR OUTIL POUR FAVORISER L'ENGAGEMENT

1. La seconde phase du service national universel, la « mission d'intérêt général », est loin d'être accomplie systématiquement par les participants au séjour de cohésion

La seconde phase qui a vocation à devenir « obligatoire » du service national universel, la mission d'intérêt général, concentre des enjeux financiers moins importants que le séjour de cohésion, mais elle tient une place importante dans la symbolique du service national universel. Elle doit concrétiser le projet que le SNU n'est pas seulement une formation obligatoire pour les élèves de seconde, mais également un instrument au service de la cohésion nationale .

Malgré cet objectif louable, la mission d'intérêt général n'est pas satisfaisante en l'état actuel .

Pour mémoire, la « mission d'intérêt général », phase 2 du SNU, consiste en une mission d'engagement d'un minimum de 12 jours consécutifs ou 84 heures réparties au cours des 12 mois suivant l'accomplissement de la première phase. Le cadre de la mission d'intérêt général est défini par un contrat d'engagement.

L'option de rendre obligatoire une phase d'engagement longue, d'une durée de plusieurs mois sur le modèle du service civique, n'avait en effet pas été retenue. Les contraintes ont été jugées, à raison, trop importantes sur le parcours des jeunes. Il a été donc été préféré de rendre obligatoire un engagement court, et de laisser facultatif l'engagement sur plusieurs mois, tout en le consacrant comme la phase 3 du service national universel .

Un engagement d'une durée aussi courte soulève toutefois plusieurs difficultés. Les structures d'accueil, autant les associations que les institutions publiques, sont réticentes à accueillir des jeunes pour des durées inférieures à plusieurs mois .

Premièrement, les coûts (formations, adaptation de l'espace de travail) ne sont parfois pas négligeables pour ces structures . À cet égard, l'accueil et la mise en oeuvre de mission d'intérêt général ne fait pas l'objet de compensation par la puissance publique : « la phase 2 n'a pas de coût direct, car la structure d'accueil n'est pas indemnisée pour prendre en charge le volontaire. Aucune rémunération ou gratification ne peut également être attribuée au volontaire. » 34 ( * ) .

Ensuite, la présence d'un jeune sur le lieu d'une institution ou d'une association peut également comporter des risques au titre de la sécurité au travail, qui peut expliquer la réticence des structures à l'accueil des missions d'intérêt général.

En retour, le jeune peut difficilement être véritablement « utile » pour l'association, puisque sur une durée aussi courte, il ne peut que commencer à découvrir l'organisation au sein de laquelle il est volontaire . La mission d'intérêt général apparaît ainsi, comme elle a été décrite par plusieurs personnes auditionnées, comme un « stage de troisième amélioré ». Il ne s'agit bien entendu pas de dévaluer l'expérience que peut représenter la mission d'intérêt général pour un jeune, mais de souligner que l'engagement des structures d'accueil dans le dispositif est loin d'être acquise.

Enfin, il peut être difficile pour des jeunes de trouver une mission d'intérêt général proche de chez eux, en particulier pour ceux qui vivent dans des zones rurales . Cet enjeu était déjà relevé par la DJEPVA lors de son audition par la mission d'information « Culture citoyenne » du Sénat : « les principales difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ces missions concernent la constitution d'une offre de MIG variée au plus près des lieux de vie des volontaires et le suivi de leur réalisation » 35 ( * ) . Ces difficultés ont été confirmées en audition devant le rapporteur spécial.

Des mécanismes ont été mis en oeuvre par l'administration afin de faciliter l'accomplissement de la mission d'intérêt général. Ainsi, il est désormais possible pour le jeune d'autoriser le transfert de ses données au préfet du département et à la mairie de sa commune pour faciliter la recherche d'une mission d'intérêt général. Ces systèmes ne permettent toutefois pas de remédier au problème structurel du manque de mission d'intérêt général .

À ce titre, les données montrent que l'accomplissement de la phase 2 par les jeunes ayant effectué le séjour de cohésion présente des lacunes. En effet, sur l'ensemble des jeunes ayant effectué le séjour de cohésion entre 2019 et 2021, on compte 11 200 jeunes ayant validé la phase 2 du SNU, ce qui représente 53,7 % des volontaires.

Pour la cohorte de 2022, selon les chiffres disponibles en février 2023 :

- 3 400 jeunes ont validé la phase 2 du SNU, ce qui représente 10,6 % des volontaires qui ont effectué le séjour de cohésion cette année ;

- 14 700 jeunes sont en cours de réalisation de la phase 2, soit 45 % des jeunes, dont 2 300 sont en train de réaliser la mission d'intérêt général, et le reste est en attente de validation de leur candidature ou de démarrage de leur mission ;

- 13 400 jeunes n'ont pas commencé la phase 2, c'est-à-dire n'ont pas déposé leur candidature ;

- 700 volontaires se sont désistés du dispositif.

Accomplissement de la mission d'intérêt général
par les jeunes ayant effectué le séjour de cohésion en 2022

Source : commission des finances, d'après les réponses des services de la secrétaire d'État chargée du service national universel au questionnaire du rapporteur spécial

2. La phase d'engagement courte obligatoire doit être supprimée au profit d'un engagement volontaire sur le temps long

Au regard de ces éléments, la mission d'intérêt général présente trop de contraintes pour qu'elle puisse représenter un véritable bénéfice pour le jeune qui accomplit le service national universel, ainsi que la société dans son ensemble .

Ensuite, d'un point de vue plus philosophique, l'idée d'un engagement « obligatoire » est paradoxale . Il apparaît au rapporteur spécial qu'il est préférable de faire confiance aux jeunes , dont l'engagement n'est pas à prouver, et de ne pas rendre obligatoire la phase d'engagement du service national universel.

Le rapporteur spécial recommande donc la suppression de la phase 2 du SNU au profit de sa phase 3, l'engagement volontaire sur plusieurs mois .

Recommandation n° 2 : supprimer la phase 2 du service national universel, « la mission d'intérêt général », au profit de la phase 3, la phase d'engagement volontaire sur plusieurs mois.

Devenir volontaire dans une association ou accomplir un service civique pendant plusieurs mois représente toutefois un investissement en temps conséquent pour les jeunes, qui ont déjà un emploi du temps chargé dans l'enseignement secondaire, et qui sont soumis à la pression de la sélection dans l'enseignement supérieur.

Or, ne pas rendre obligatoire la phase d'engagement du service national universel ne signifie pas qu'elle ne doit pas être valorisée par la suite. Au contraire, la société devrait montrer sa reconnaissance aux jeunes qui s'engagent .

Mieux valoriser l'engagement associatif et la réalisation d'un service civique, ou d'un autre service volontaire, dans Parcoursup est une option qui a été évoquée à plusieurs reprises dans les auditions. Le rapporteur spécial considère qu'elle est pertinente .

Recommandation n° 3 : davantage valoriser l'accomplissement de la phase d'engagement volontaire sur le temps long via Parcoursup.

E. LE SERVICE NATIONAL UNIVERSEL DOIT ÊTRE ORIENTÉ EN DIRECTION DE L'ENGAGEMENT CITOYEN

Dans le débat public, les objectifs du SNU ont fait l'objet de questionnements . Sa dimension supposée « militariste » est parfois dénoncée, tout comme la conception de l'engagement des jeunes qu'il renverrait. Le syndicat enseignant SNES-FSU écrivait par exemple que : « Les jeunes ont besoin d'école, pas d'un dispositif de domestication qui dévoie les symboles de l'armée au profit d'un projet politique qui vise une fois de plus à affaiblir l'éducation nationale » 36 ( * ) .

La nature du séjour de cohésion, entre engagement civique et retour à une forme de « service militaire », a fait l'objet d'hésitations de la part du Gouvernement, qui ont été dommageables pour l'image du SNU .

Le rattachement en juillet 2022 de la secrétaire d'État chargée du service national universel au ministre des armées et non plus seulement au ministre de l'éducation nationale, alors qu'auparavant la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement n'était rattachée qu'au ministre de l'éducation nationale, avait envoyé le signal d'une volonté politique de rapprocher le SNU des armées.

Dans cette optique, le Président de la République avait déclaré, dans un discours prononcé le 13 juillet 2022 au ministère des armées : « Je vous demande de faire davantage en donnant à nos réserves une nouvelle ambition et en investissant plus et mieux le grand projet de SNU que je porte ». L'enjeu était à la fois de mobiliser le personnel et les centres d'hébergement des armées pour le séjour de cohésion, et de renforcer les liens entre l'apprentissage de la défense et la citoyenneté.

Cependant, il a été souligné à plusieurs reprises au rapporteur spécial que les armées sont « réticentes » à s'impliquer fortement dans le SNU. Elles craignent que le dispositif vienne rogner une partie de leur budget, et surtout, elles estiment n'avoir ni le personnel disponible ni les compétences pour encadrer un nombre aussi important de jeunes. Le ministre des armées lui-même, Sébastien Lecornu, reconnaissait au sujet du SNU que : « Les armées ne veulent pas être utilisées à quelque chose qui les éloignerait trop de leur mission » 37 ( * ) .

En conséquence, le rôle de l'armée dans l'organisation du séjour de cohésion est aujourd'hui limité . Les services de la secrétaire d'État chargée du service national universel le résume ainsi : « Actuellement, le rôle des Armées tient essentiellement à l'organisation et à la mise en oeuvre de la Journée Défense et Mémoire ainsi qu'à la participation aux actions de formation. » 38 ( * )

Enfin, le projet de généraliser le SNU sur le temps scolaire, et de le mêler à l'obligation scolaire, est un signe que le rapprochement du SNU et des armées n'est plus à l'ordre du jour.

Dans ses visites de centres de cohésion, le rapporteur spécial a pu observer que le personnel des armées jouait en effet un rôle relativement mineur dans l'organisation du séjour de cohésion : la grande majorité des activités ne portent pas sur la défense. On ne peut donc pas dire que le SNU, dans sa forme actuelle, soit « militarisé ».

Or, cette incertitude sur le degré d'implication des armées dans le dispositif a entretenu une véritable confusion sur l'image du SNU dans l'opinion publique, qui a des conséquences même sur les jeunes qui ont participé au séjour de cohésion . L'INJEP, dans son enquête sur les jeunes qui ont effectué le séjour de cohésion en 2021, présente ainsi ce témoignage : « Enfin, une quinzaine de volontaires font part de leur étonnement quant aux réactions suscitées par leur participation au SNU dans leur entourage. Ils constatent la méconnaissance du Service national universel, la confusion persistante avec le service militaire et le maintien d'a priori « négatifs » sur le dispositif : « trop politisé », « trop tourné vers l'Armée », « trop insistant sur le côté République et ordre ». » 39 ( * )

Le rapporteur spécial partage ainsi pleinement le constat de la mission d'information « Culture citoyenne » menée par la commission de la culture du Sénat : « Pour la mission d'information, il est urgent de clarifier les objectifs du service national universel, qui, au gré des interventions politiques, oscillent entre l'héritage du service national et la promotion de l'engagement associatif . » 40 ( * )

Cette clarification est d'autant plus nécessaire que plusieurs signes indiquent que l'acceptabilité sociale d'un SNU qui ressemblerait trop au service militaire serait faible parmi les jeunes.

Entre ces deux « pôles », le civil et le militaire, le rapporteur spécial est favorable à un dispositif qui soit tourné vers la société civile et l'engagement citoyen . Bien entendu, l'armée et l'éducation à la défense peuvent y prendre part, dans un objectif de cohésion de la Nation, mais le coeur du SNU doit rester l'engagement civique.

Si ce rapport s'est concentré sur les problématiques financières du SNU, le projet de généralisation du séjour de cohésion soulève également des questions importantes relatives aux libertés individuelles des jeunes et la façon dont la Nation reconnaît leur engagement .

Or, le Parlement n'a jusqu'à présent pas été saisi de cette question . L'expérimentation a été engagée depuis 2019 sans qu'une véritable loi sur le service national universel n'ait été adoptée. Certes, une loi n'est pas juridiquement nécessaire tant que le dispositif se trouve à un stade expérimental, mais elle serait souhaitable pour qu'il puisse y avoir un véritable débat sur le service national universel .

Recommandation n° 4 : garantir que le Parlement puisse se prononcer sur le service national universel.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 mars 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial, sur le service national universel.

M. Claude Raynal , président . - Nous entendons Éric Jeansannetas, rapporteur spécial pour son rapport sur le service national universel (SNU). J'accueille également Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur les crédits du programme « Jeunesse et vie associative ».

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial sur le SNU . - En tant que rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », j'ai choisi de consacrer un contrôle budgétaire au service national universel, et plus précisément, à la question de l'opportunité et de la faisabilité de sa généralisation à l'ensemble des élèves de seconde.

Cela fait maintenant quatre ans que l'expérimentation du SNU a été initiée. Après une interruption en 2020, en raison de la pandémie, elle a repris en 2021, et elle continue cette année. Il me semblait donc que nous avions désormais suffisamment de recul pour tirer un bilan de ce dispositif, et surtout, pour porter une appréciation sur le projet de sa généralisation.

Pour mémoire, le service national universel est prévu pour se dérouler en trois temps.

La première phase, obligatoire, sera constituée d'un « séjour de cohésion » en hébergement collectif d'une durée de deux semaines. Il s'agit de la phase qui concentre de loin le plus d'enjeux juridiques et financiers.

La deuxième phase, obligatoire également, est appelée la « mission d'intérêt général », et devra prendre la forme d'un engagement de courte durée auprès d'une association ou d'une institution publique. Elle devra être réalisée après le séjour de cohésion pendant une durée de 12 jours consécutifs ou de 84 heures réparties tout au long de l'année.

La troisième phase est facultative, et elle consistera en un engagement sur le temps long, au minimum de trois mois, auprès d'une association ou d'une institution publique. Elle pourra être réalisée dans le cadre de dispositifs de volontariat existants, comme le service civique par exemple.

Jusqu'à présent, les expérimentations ont été menées sur la base du volontariat : tous les jeunes âgés de 15 à 17 ans peuvent y participer, à la condition de posséder la nationalité française.

Pour commencer par une note positive, je me suis rendu dans des centres d'hébergement du SNU, et j'ai pu constater que les séjours proposés aux jeunes sont de bonne qualité. Les activités proposées sont variées, et le séjour de cohésion est loin de la caricature d'un « service militaire bis » qui en est parfois faite. Les études menées par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) confirment par ailleurs ces retours positifs. J'en profite ainsi pour saluer l'engagement des équipes.

Malheureusement, j'ai aussi pu constater au cours de ce contrôle tous les obstacles qui se dressent devant le projet de généralisation du SNU.

Premièrement, la représentativité des jeunes qui participent au séjour interroge. Il y a notamment une forte représentation des enfants dont l'un des parents travaille dans les corps en uniforme, comme la police ou l'armée : c'est le cas de 33 % des jeunes qui ont participé au séjour de cohésion en 2022.

Mais surtout, le SNU fait face à des limites d'ordre matériel. Les personnes que j'ai rencontrées et auditionnées ont quasiment toutes affirmé qu'elles avaient eu de vraies difficultés à trouver des centres d'hébergement disponibles pour accueillir l'ensemble des jeunes accomplissant le séjour de cohésion en 2022. Et pourtant, seuls 32 400 jeunes ont participé au séjour de cohésion en 2022. Nous sommes loin de l'objectif de généralisation à l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire 840 000 jeunes ! Le recrutement des encadrants soulève également de nombreuses questions.

En conséquence, le rythme du déploiement du service national universel a été plus lent que prévu, même en tenant compte de la pandémie.

Face à ce constat, les services de la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel ont récemment présenté deux scénarios de généralisation du SNU. Selon le premier, le séjour de cohésion serait généralisé hors du temps scolaire, pendant les vacances d'été principalement. Entre trois et quatre sessions du séjour de cohésion seraient organisées, et elles réuniraient en simultané plusieurs centaines de milliers de jeunes.

Dans le second scénario, le séjour de cohésion serait généralisé sur le temps scolaire. Entre treize et quinze sessions du séjour de cohésion seraient organisées tout au long de l'année, et les centres d'hébergement pourraient être réutilisés d'un mois à l'autre. De même, le personnel encadrant serait consacré toute l'année au SNU.

La secrétaire d'État a une préférence pour le second scénario, celui de la généralisation sur le temps scolaire. Il est vrai qu'il nécessiterait moins d'encadrants et de centres d'hébergement que dans le premier scénario, qui semble particulièrement irréaliste.

Le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire soulève cependant de nombreuses interrogations.

Tout d'abord, ce scénario suppose une articulation entre l'éducation nationale et le SNU qui n'existe pas encore. Il impliquerait aussi de retirer aux élèves de seconde deux semaines de cours, ce qui pourrait être dommageable. Il faudrait trouver une manière de rattraper ces deux semaines.

Ma seconde série d'interrogations porte sur l'encadrement. La généralisation du SNU sera impossible sans la mise en place d'une véritable stratégie de recrutement du personnel. Durant l'expérimentation, le recrutement se déroule essentiellement par le bouche-à-oreille, ce qui suffit pour accueillir quelques dizaines de milliers de jeunes, mais ne peut être répliqué à large échelle.

Selon les estimations qui ont été réalisées dans le cadre de ce travail, si le SNU devait être généralisé sur le temps scolaire, un encadrant devrait consacrer en moyenne entre 90 et 112 jours de travail par an au séjour de cohésion. Or, un contrat d'engagement éducatif ne peut excéder 80 jours sur l'année.

La généralisation du SNU sur le temps scolaire supposerait donc de recruter et de former des encadrants longtemps à l'avance, et de leur donner un véritable statut. Une « filière » du service national universel nécessiterait ainsi plusieurs années pour être opérationnelle.

Les acteurs de l'éducation populaire ont une préférence pour le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire, dans la mesure où leur personnel n'a pas vocation à travailler par à-coups, mais tout au long de l'année. Il est vrai que cela permettrait de renforcer les liens entre l'éducation populaire et l'éducation nationale.

Toutefois, la réduction de la part des encadrants relevant de l'administration présente également des risques. En effet, les compétences et les moyens humains requis pour l'organisation du séjour de cohésion sont très spécifiques : il faut des organisations qui puissent être capables de mobiliser des encadrants tout au long de l'année, en période de « hors saison ». Cette situation peut amener à des surcoûts.

La disponibilité des centres d'hébergement est aussi une problématique majeure. Le Groupe de travail relatif à la création d'un service national universel d'avril 2018, dirigé par Daniel Ménaouine, la qualifiait même de « difficulté la plus importante à surmonter pour assurer le complet déploiement du service national ».

Les sites utilisés pour héberger des jeunes durant l'expérimentation sont essentiellement des internats d'établissements scolaires et des centres de vacances. Si le séjour de cohésion devait être généralisé sur le temps scolaire, les internats ne seraient plus disponibles, et il faudrait s'appuyer davantage sur les centres de vacances. Or, cela pose d'importants problèmes.

Les centres de vacances ne sont pas tous disponibles hors de la période estivale, leur répartition sur le territoire est très inégale, et surtout, ils sont loin d'avoir tous la taille requise pour accueillir des séjours de cohésion.

Alors que l'objectif affiché est de 200 jeunes par centre, l'effectif moyen des accueils collectifs de mineurs (ACM) est inférieur à 30 mineurs par séjour incluant les campings, et la moyenne des locaux avec hébergement déclarant des accueils collectifs de mineurs est estimée à 96 jeunes hébergés par centre. La généralisation du SNU se retrouverait vite devant l'obstacle de la pénurie de centres pouvant accueillir plus d'une centaine de jeunes.

Or, l'obligation de se rabattre sur des centres de petite taille conduirait à une forte augmentation des coûts. De plus, recourir davantage aux centres de vacances comporte le risque de rendre l'État trop dépendant d'acteurs privés dans l'organisation des séjours de cohésion.

La rénovation de centres existants, qui ne sont plus aux normes, voire qui ont fermé, a été évoquée comme un levier pour atteindre le nombre de centres suffisant pour accueillir les jeunes accomplissant le séjour de cohésion. Cette politique aurait par ailleurs l'avantage de réduire la dépendance l'État vis-à-vis des acteurs extérieurs, si la rénovation était subventionnée en contrepartie d'un droit d'accès.

Son coût n'est toutefois pas chiffré, et les rénovations peuvent prendre plusieurs années. Elles ne sont donc pas compatibles avec un scénario de généralisation rapide du SNU.

Cette problématique nous amène à la question du coût du SNU lorsque celui-ci sera généralisé.

Les estimations qui ont été réalisées jusqu'à présent s'appuient sur le coût du SNU pendant son expérimentation. Ainsi, si l'on considère le coût prévisionnel par jeune prévu pour 2023, cela nous amènerait à un coût de 1,75 milliard d'euros par an pour le SNU généralisé.

Or, les coûts de l'expérimentation ne sont pas forcément représentatifs du coût qu'aura le SNU obligatoire pour les élèves de seconde. Il y aura certes des économies d'échelle, mais dans le même temps, la logistique requise pour accueillir 50 000 jeunes est sans commune mesure avec celle nécessaire pour 840 000 jeunes : cela supposerait de construire une véritable administration du SNU.

De plus, les centres d'hébergement disponibles seraient de plus en plus chers à mesure qu'il deviendrait difficile de trouver des centres d'une taille suffisante pour accueillir un séjour de cohésion. Or, les grands centres sont en nombre limité, et l'hébergement et la restauration représentent déjà le premier poste de dépenses du séjour de cohésion.

Pour toutes ces raisons, il est probable que le coût du SNU généralisé soit en réalité supérieur à 2 milliards d'euros par an.

Plusieurs personnes auditionnées ont déclaré, et c'est compréhensible, qu'il ne fallait pas s'arrêter au coût du SNU, mais aussi prendre en compte ses bénéfices. Cependant, cela n'interdit pas de se demander si la généralisation du séjour de cohésion est réalisable.

Au regard de tous ces éléments, je propose de surseoir au projet de généralisation du séjour de cohésion. Cette suspension devra permettre de lever des incertitudes et d'obtenir plus d'informations sur la généralisation du SNU.

Je vais conclure mon propos sur la seconde phase du service national universel, la mission d'intérêt général.

Ce dispositif n'est pas satisfaisant en l'état actuel. En effet, sur l'ensemble des jeunes ayant effectué le séjour de cohésion entre 2019 et 2021, on compte 11 200 jeunes ayant validé la phase 2 du SNU, ce qui représente seulement 53,7 % des volontaires.

Les structures d'accueil sont réticentes, pour des raisons financières et juridiques, à accueillir des jeunes sur des périodes très courtes. De plus, il peut être difficile pour des jeunes de trouver une mission d'intérêt général proche de chez eux, notamment pour ceux qui vivent dans des zones rurales. Ces difficultés sont d'ailleurs tout à fait admises par l'administration. D'un point de vue plus philosophique, je m'interroge aussi sur l'opportunité de rendre obligatoire une période d'engagement.

Je recommande donc de supprimer la mission d'intérêt général, au profit de la troisième phase, l'engagement volontaire sur une durée d'au minimum plusieurs mois. Cet engagement pourrait ensuite être valorisé via Parcoursup.

Le projet de généralisation du séjour de cohésion soulève des questions importantes relatives aux libertés individuelles des jeunes, et à la façon dont la Nation reconnaît leur engagement. Or, le Parlement n'a jusqu'à présent pas été saisi de cette question. L'expérimentation a été engagée depuis 2019 sans qu'une véritable loi sur le SNU n'ait été adoptée.

Je souhaite donc, en guise de dernière recommandation, que nous ayons la garantie que le Parlement puisse s'exprimer sur le SNU.

M. Jacques-Bernard Magner , rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » . - Je vous remercie d'avoir clarifié ce sujet du SNU. Malgré les débats qui durent depuis 2019, nous n'en avions jusqu'ici qu'une vision parcellaire et floue.

Je comprends que la secrétaire d'État tente de mettre en oeuvre ce SNU : il s'agit d'une volonté directe du Président de la République. Depuis l'expression de cette volonté, plusieurs ministres se sont attachés à la concrétisation du projet, sans forcément y arriver.

Lorsqu'on s'intéresse à l'éducation populaire, on constate les difficultés à mettre en place un tel dispositif, surtout si l'on vise des objectifs tels que la mixité, la citoyenneté et l'éducation civique. Pour ma part, je pense que l'âge de 16 ans est déjà bien trop tardif pour ce genre d'intervention auprès des jeunes. De plus, quand on examine concrètement les moyens qui devraient être alloués à ce SNU, on reste inquiets, voire pantois. En effet, les grands organisateurs de colonies de vacances ou de séjours destinés aux jeunes sont actuellement en grande difficulté, et de moins en moins d'enfants partent en colonie de vacances pour des raisons diverses. Par conséquent, il faudrait peut-être destiner ce séjour non pas à des élèves de seconde, mais à des élèves de la fin du cours moyen jusqu'à l'entrée en sixième, afin de mener réellement des actions de mixité sociale et scolaire qui sont les objectifs du SNU.

Je suis donc très heureux de ce rapport, car il fait ressortir clairement les questions que nous nous posons depuis longtemps et fait avancer la réflexion.

M. Thierry Cozic . - J'ai compris que le SNU était réservé aux jeunes de nationalité française : je voulais savoir si des évolutions étaient prévues pour permettre aux jeunes étrangers de réaliser le SNU.

De plus, dispose-t-on de retours de la part de jeunes qui ont effectué leur SNU ? Quelle est leur perception ?

M. Roger Karoutchi . - Je vous remercie pour ce rapport tempéré et modéré, qui tranche avec certaines opinions extrêmes à l'égard du SNU : une inutilité manifeste d'un côté, un système idéal de l'autre.

Si je ne suis pas un fanatique de ce genre de structures, je considère que dans une période qui soulève autant d'interrogations sur l'intégration républicaine, le sens civique et de l'intérêt général des jeunes, l'expérimentation vaut la peine d'être développée.

J'ai rencontré beaucoup de jeunes ayant participé à ce stage et ceux qui l'ont fait s'en disent très heureux. Ils se sentent même investis d'une forme de mission civique, qu'on rencontre rarement chez les jeunes.

Je suis d'accord avec l'idée de surseoir au vu des difficultés ; l'idée de prendre sur le temps scolaire ne me semble pas pertinente, l'éducation rencontre déjà assez de problèmes. Je propose d'ailleurs que la secrétaire d'État, Mme Sarah El Haïry, soit invitée à la commission des finances : elle est très convaincante, car elle croit fortement au projet. S'il faut reconnaître que les résultats ne sont pas extraordinaires, que peut-on proposer à nos jeunes à la place du SNU ? Essayons de trouver des aménagements et de valoriser ceux qui s'engagent, mais il nous faut un texte de loi pour avancer.

M. Marc Laménie . - Notre collègue a rappelé les difficultés que ces séjours suscitent en termes d'organisation, d'hébergement ou de personnel encadrant. La généralisation coûterait 2 milliards d'euros.

Plusieurs ministères sont concernés, ce qui pose également des difficultés : l'éducation nationale, la jeunesse, les sports, et la vie associative. Il existe également un lien avec les armées et avec la Journée défense et citoyenneté (JDC). S'agissant du lien avec l'éducation nationale, notre collègue estime que l'âge de 16 ans est déjà tardif, mais il existe d'autres moyens de susciter des vocations, comme les classes « défense » qui existent au collège.

Par ailleurs, nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'une loi. Si certains départements ont déjà été désignés comme pilotes, c'est le cas des Ardennes, il faut d'abord trouver les encadrants, mais aussi définir les objectifs : quel est l'objectif ? Il s'agit peut-être de susciter des vocations, car certains métiers de la défense et des armées ont du mal à recruter.

Mme Christine Lavarde . - Même si nous ne disposons pas encore des données, le ministère a-t-il prévu les outils permettant d'étudier les trajectoires des jeunes qui ont participé au SNU ? Le rapport souligne une surreprésentation d'enfants de militaires, de policiers, de personnes qui portent l'uniforme. Les participants, certes, ne sont pas représentatifs de la société française. Toutefois, ceux qui ne sont pas dans ce cas s'engagent-ils davantage à la suite du séjour effectué ? Pour rendre compte de l'intérêt du dispositif, une étude pour le déterminer est-elle envisagée ?

M. Michel Canévet . - Ce projet est d'envergure ; le principal obstacle reste le coût. Trouver 2 milliards d'euros dans le contexte financier actuel semble particulièrement problématique. Toutefois, l'idée paraît intéressante. Les jeunes que j'ai rencontrés qui ont fait le SNU en étaient très satisfaits, même s'ils représentent, en effet, une part infime des jeunes dans notre pays.

La généralisation sur le temps scolaire paraît être la seule solution. Le dispositif supprime-t-il la journée de citoyenneté ou est-il un dispositif additionnel ? Des économies d'ensemble pourraient s'envisager, puisque le SNU touche l'ensemble des publics.

Inscrire le SNU dans le parcours scolaire d'une classe d'âge ne serait-il pas intéressant ? Il pourrait représenter un élément du parcours de formation de nos jeunes concitoyens.

M. Gérard Longuet . - Le SNU est devenu une sorte d'arlésienne au fil du temps. Si le SNU devait s'opérer sur le temps scolaire, il est à craindre qu'il s'effectue au détriment de la qualité de la formation. Je reste très favorable au volontariat, à l'expérience humaine que représente ce SNU, à condition qu'il ne nuise pas à l'enseignement. L'année scolaire en France est parmi les plus brèves dans le monde et très dense. Elle suppose donc déjà des efforts scolaires intenses.

M. Éric Jeansannetas , rapporteur spécial . - Les problématiques juridiques soulevées par le SNU sont différentes selon le scénario retenu, c'est-à-dire si le SNU sera, ou non, effectué sur le temps scolaire. Ces éléments démontrent la nécessité que le Parlement se saisisse du sujet.

Dans le scénario d'une généralisation hors temps scolaire, une loi constitutionnelle serait probablement requise pour obliger les jeunes à participer au SNU. Dans un avis du 20 juin 2019, le Conseil d'État a estimé que l'article 34 de la Constitution ne permettait pas d'imposer des sujétions aux citoyens, hormis pour des enjeux de défense.

Dans le scénario d'une généralisation sur le temps scolaire, l'obligation de participer au séjour de cohésion serait mêlée avec l'obligation de scolarité pour tous les jeunes jusqu'à l'âge de 16 ans. Néanmoins, il est quand même probable qu'une loi soit nécessaire, a minima .

Un débat au Parlement est nécessaire. On dispose d'éléments fragmentaires. Nous avons trouvé certaines informations par la presse, comme le calendrier de généralisation du dispositif.

Le séjour de cohésion serait obligatoire dans six départements à la rentrée 2024, dans 20 départements à la rentrée 2025 et pour l'ensemble des départements à la rentrée 2026. Toutefois, cette information n'est pas confirmée. Nous n'avons pas vu lors de ce contrôle le document qui indiquerait ce calendrier.

Nous pourrions en effet auditionner la secrétaire d'État. Mais je sais aussi qu'elle attend de connaître la position du Président de la République. Celle-ci devait être annoncée en janvier, mais elle a été repoussée, car le calendrier législatif est complexe en ce moment, comme chacun le sait, et ce n'est pas le moment de risquer de braquer la jeunesse.

Les jeunes de nationalité étrangère, qui fréquentent l'école de la République et qui sont parfois volontaires pour effectuer le SNU pour montrer leur volonté d'intégration, ne peuvent pas effectuer le SNU pour le moment. Cela pose la question du rapport à la République. La secrétaire d'État souhaite réfléchir à ce point, car l'apprentissage de la citoyenneté et la promotion de l'engagement citoyen doivent concerner aussi ces jeunes de nationalité étrangère qui souhaitent, à terme, devenir Français.

Les retours des jeunes sur le séjour de cohésion sont plutôt positifs : 90 % des jeunes l'ayant effectué en 2021 et en 2022 sont satisfaits. Si les participants sont volontaires, les études montrent que les séjours organisés sont de bonne qualité. Je rappelle néanmoins que cette expérimentation n'a concerné au maximum que 32 400 jeunes. Il n'est pas certain qu'elle soit soutenable pour l'ensemble d'une classe d'âge, soit 800 000 personnes.

Le rapport de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) portant sur la cohorte de 2021 dresse le constat que les jeunes qui ont fait le séjour de cohésion en sont très satisfaits et s'engagent davantage que les autres. Ce dispositif apporte une vraie valeur ajoutée.

La question des relations entre les ministères de l'éducation nationale et de la défense, des liens entre le SNU et l'armée, est complexe. Le Gouvernement hésite toujours. Il semblerait que la ministre privilégierait le scénario où le ministère de l'éducation nationale serait l'acteur numéro un, sans omettre l'information sur la défense.

Par ailleurs, il est prévu que la Journée défense et citoyenneté soit intégrée dans le séjour de cohésion, ce qui me semble pertinent. Le rôle de l'armée dans le SNU est aujourd'hui assez limité : il concerne surtout la participation à la journée défense et mémoire (JDM), qui ne représente qu'une seule journée sur les deux semaines. Je ne pense pas que l'armée ait le souhait d'être davantage impliquée.

Certains réclament d'utiliser les casernes pour accueillir les jeunes pendant le SNU, mais nombre d'entre elles ont été vendues ou réaffectées.

L'audition de la ministre serait utile. Notre société a besoin d'une formation au civisme et à la citoyenneté, que pourrait délivrer le SNU. Cependant, nous avons besoin d'en débattre.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et du service national universel

- Mme Sarah EL HAÏRY, secrétaire d'État.

Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

- M. Yves Boero, Directeur.

- M. Jean-Roger Ribaud, sous-directeur du service national universel.

Fédération Léo Lagrange

- M. Vincent Séguéla, secrétaire général.

Unis-Cité

- Mme Marie TRELLU-KANE, présidente.

Le Mouvement associatif

- Mme Frédérique PFRUNDER, déléguée générale.

-- Contributions écrites --

Syndicat national des enseignements de second degré - Fédération syndicale unitaire (SNES-FSU)

-- Déplacements --

Visite d'un centre du service national universel en Eure-et-Loir.

Visite d'un centre du service national universel en Seine-Saint-Denis.


* 1 La pandémie a conduit à l'annulation du séjour de cohésion sur le territoire métropolitain.

* 2 Rapport relatif à la création d'un service national universel, Groupe de travail sur le service national universel, Daniel Ménaouine, avril 2018, page 18.

* 3 Données de l'INJEP sur l'année 2020-2021 ( https://injep.fr/donnee/accueils-collectifs-de-mineurs-colonies-et-centres-de-vacances-centres-aeres-et-de-loisirs-scoutisme-2020-2021/#tab01 ).

* 4 Réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial

* 5 La direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative indique ainsi, dans ses réponses au questionnaire du rapporteur spécial : « Dans son rapport au président de la République, en date du 28 avril 2018, le groupe de travail SNU et son rapporteur, le général de corps d'armée Daniel Ménaouïne, préconisent le rattachement du SNU auprès du ministre en charge de la jeunesse. Ce rattachement souligne le caractère interministériel de cette politique publique majeure et sur le plan symbolique, il délivre un message clair sur la nature du service national universel. »

* 6 « Séjour de cohésion 2022 : des motivations et expériences vécues plurielles », INJEP octobre 2022, page 1.

* 7 Rapport INJEP 2021, page 159.

* 8 INJEP, 2021, page 151.

* 9 INJEP, 2021, page 151.

* 10 INJEP, « Séjours de cohésion 2022 : des motivations et expériences vécues plurielles », page 2.

* 11 INJEP, « Séjours de cohésion 2022 : des motivations et expériences vécues plurielles », page 2.

* 12 « Déploiement du Service national universel sur l'ensemble du territoire français en 2021, enseignements de l'évaluation des séjours de cohésion », INJEP, janvier 2022, page 132.

* 13 INJEP, « Séjours de cohésion 2022 : des motivations et expériences vécues plurielles ». Il faut relever que les chiffres sont proches entre les filles et les garçons : 50 % des garçons envisagent de réaliser leur MIG dans l'armée, contre 44 % des filles. Le pourcentage est pratiquement égal entre les deux sexes pour la police et la gendarmerie.

* 14 La pandémie a conduit à l'annulation du Séjour de cohésion sur le territoire métropolitain. La DJEPVA indique que 5 000 inscriptions avaient été reçues avant l'annulation. En revanche, 7 000 jeunes ont participé au service national universel au titre de la seule Mission d'intérêt général, et 88 jeunes ont pu participer au séjour de cohésion en Nouvelle-Calédonie.

* 15 Cour des comptes, « La formation à la citoyenneté », octobre 2021, page 71

* 16 Circulaire n°2011-1172 du 3 août 2011 relative aux sorties et voyages scolaires au collège et au lycée.

* 17 Cour des comptes, « La formation à la citoyenneté », octobre 2021, page 71.

* 18 https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2019278L.htm

* 19 « Déploiement du Service national universel sur l'ensemble du territoire français en 2021, enseignements de l'évaluation des séjours de cohésion », INJEP, janvier 2022, page 56.

* 20 « Déploiement du Service national universel sur l'ensemble du territoire français en 2021, enseignements de l'évaluation des séjours de cohésion », INJEP, janvier 2022, page 135.

* 21 Rapport d'information sur le service national universel, Marianne Dubois et Émilie Guerel, Assemblée nationale, février 2018, page 42.

* 22 Au titre de l'article L. 432-4 du code de l'action sociale et des familles, la totalité des heures de travail accomplies au titre du contrat d'engagement éducatif ne peut excéder 48 heures par semaine, mais cette limite est régulièrement dépassée dans la pratique.

* 23 Réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial.

* 24 Rapport relatif à la création d'un service national universel, Groupe de travail sur le service national universel, Daniel Ménaouine, avril 2018, page 18.

* 25 Rapport relatif d'un service national sur le service national universel, Groupe de travail sur le service national universel, Daniel Ménaouine, avril 2018, page 18.

* 26 Mission d'information sur « La redynamisation de la culture citoyenne : Jeunesse et citoyenneté, une culture à réinventer », Stéphane Piednoir (Président) et Henri Cabanel (Rapporteur), juin 2022, page 132.

* 27 Le groupe de travail sur SNU relevait déjà cette limite dans son rapport de 2018, page 19 : « On ne doit pas ignorer les oppositions ou critiques que susciterait un effort de construction de capacités nouvelles : alors que le parc existant ne suffit pas, et de loin, à répondre aux exigences du droit au logement opposable, alors que l'hébergement d'urgence des populations privées de toit n'a pas suffisamment de capacité alors que les demandeurs d'asile pèsent sur le logement d'urgence, des capacités neuves financées et rapidement construites pourraient apparaitre comme un privilège paradoxal ».

* 28 Rapport d'information sur le service national universel, Marianne Dubois et Émilie Guerel, Assemblée nationale, février 2018, page 84.

* 29 Rapport relatif d'un service national sur le service national universel, Groupe de travail sur le service national universel, Daniel Ménaouine, avril 2018, page 19.

* 30 Données de l'INJEP sur l'année 2020-2021 ( https://injep.fr/donnee/accueils-collectifs-de-mineurs-colonies-et-centres-de-vacances-centres-aeres-et-de-loisirs-scoutisme-2020-2021/#tab01 )

* 31 Chiffres tirées du 27 ème rapport sur l'état du mal-logement en France de la Fondation Abbé Pierre, 2022.

* 32 Cour des comptes, « La formation à la citoyenneté », octobre 2021, page 72.

* 33 Rapport et chiffres cité dans le rapport de la Cour des comptes sur « La formation à la citoyenneté » d'octobre 2021, page 71.

* 34 Réponses de la DJEPVA au questionnaire du rapporteur spécial.

* 35 Mission d'information sur « La redynamisation de la culture citoyenne : Jeunesse et citoyenneté, une culture à réinventer », Stéphane Piednoir (Président) et Henri Cabanel (Rapporteur), juin 2022, Compte rendu du 9 février 2022.

* 36 « SNU au lycée, généralisation ou obligation ? », SNES-FSU, 26 février 2023.

* 37 « Sébastien Lecornu, ce ministre très politique taillé pour le costume militaire », Le Figaro, 12 juillet 2022.

* 38 Réponses des services de la secrétaire d'État chargée du service national universel au questionnaire du rapporteur spécial.

* 39 INJEP, « Le SNU un an après : enquête auprès des participants de 2021 », février 2023, page 33.

* 40 Mission d'information sur « La redynamisation de la culture citoyenne : Jeunesse et citoyenneté, une culture à réinventer », Stéphane Piednoir (Président) et Henri Cabanel (Rapporteur), juin 2022, page 136.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page