CONCLUSION GÉNÉRALE
Comparés aux pays du Sahel, qui subissent de plein fouet le choc du djihadisme, ceux du golfe de Guinée constituent pour le moment en Afrique de l'Ouest un pôle de stabilité et de développement économique, autour de la « locomotive » que constitue le Nigeria et, dans une moindre mesure, la Côte d'Ivoire. Abritant une population jeune et dynamique, disposant de ressources naturelles importantes, notamment les ressources halieutiques et énergétique du golfe, s'efforçant de renforcer son intégration économique et politique à travers la CEDEAO, cette région est cependant doublement menacée . Du côté de l'Océan atlantique , la piraterie mais surtout le pillage des ressources halieutiques et un trafic de drogue en pleine expansion, risquent de priver les populations les plus démunies de leurs moyens de subsistance et de rendre la lutte contre la corruption encore plus ardue. Du côté de l'intérieur de la région , la progression du djihadisme constitue désormais une préoccupation essentielle pour l'ensemble des pays, qui regardent avec inquiétude les effets du terrorisme dans les pays du Sahel.
La France coopère déjà de longue date avec les pays de la région pour les aider à faire face à ces menaces : la piraterie et les activités marines illégales à travers l'opération Corymbe , le djihadisme par le biais, notamment, de formations dispensées aux armées locales. Elle y déploie aussi de nombreux projets d'aide au développement et de coopération culturelle. Cependant, la fin de l'opération Barkhane , et de la focalisation sur les pays du Sahel qui en découlait, doit permettre d'aller plus loin et d'investir à nouveaux frais dans les relations avec les pays du golfe de Guinée, en tenant compte des échecs rencontrés au Mali ou au Burkina Faso. En particulier, la prise de conscience précoce de la menace djihadiste par les États de la région permet de prendre le problème plus en amont et de déployer un ensemble de réponses : projets de développement dans les zones les moins prises en charge par les services publics, aide au financement de certaines installations sécuritaires, renouvellement de la coopération militaire à travers des offres d'équipements et d'appui en matière de renseignement. Les forces prépositionnées et leurs bases dans la région ont un rôle à jouer dans ce renouvellement de la coopération et devront donc perdurer, quitte à adapter leur organisation aux nouveaux défis. De même, la lutte contre la pêche illégale et le trafic de drogue peut d'autant plus faire l'objet d'un effort renouvelé, notamment à travers Corymbe , que la piraterie a beaucoup diminué récemment, libérant ainsi des marges de manoeuvre.
Plus largement, le golfe de Guinée peut constituer le « laboratoire » d'une nouvelle relation de la France avec les pays africains. Dans cette région où les compétiteurs stratégiques sont nombreux, notre pays doit certes s'efforcer de ne pas « subir » sans réagir les offensives d'influence de la Russie, de la Chine ou de la Turquie, en développant, elle aussi, un usage actif et dynamique des nouveaux moyens de communication et des réseaux sociaux. Cependant, plus globalement, elle doit s'efforcer de construire un nouveau « discours » et, à travers l'ensemble des membres de l' « équipe France » mais aussi des acteurs privés qu'elle saura mobiliser, déployer des offres de partenariat et de coopération aussi attractives que celles de ses concurrents. Il s'agit ainsi de miser davantage sur l'avenir que sur un passé commun qui constitue parfois un atout, mais aussi, souvent, un frein à des relations plus riches et plus fécondes.