C. LES AUDITIONS ET ÉCHANGES DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE AVEC PLUSIEURS PERSONNALITÉS

1. L'intervention en séance plénière de deux hauts responsables du Conseil de l'Europe
a) La séance de questions à Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe

Lors de la séance du mardi 11 octobre après-midi, Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, a répondu à des questions sur des thématiques diverses : 4ème Sommet des chefs d'État ou de gouvernement, avenir du Conseil de l'Europe avec l'émergence de la Communauté politique européenne, création d'un tribunal international spécial pour juger les crimes d'agression de la Russie contre l'Ukraine, hostilités entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, situation des femmes en Iran et intégration des Balkans occidentaux.

b) La communication du Président du Comité des Ministres et les questions des parlementaires

Au cours de la séance du 12 octobre après-midi, M. Thomas Byrne, Secrétaire d'État aux affaires européennes de l'Irlande, a rappelé que l'Irlande a pris la présidence du Comité des Ministres il y a cinq mois, à un moment de crise profonde pour le continent européen et de défi pour le Conseil de l'Europe et a oeuvré pour renouveler « la conscience de l'Europe ».

M. Byrne, a apporté son soutien à la tenue d'un quatrième sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe, qui se tiendra à Reykjavik dans le cadre de la prochaine présidence islandaise du Comité des ministres de l'Organisation.

Il a exhorté les parlementaires de toute l'Europe à demander à leurs gouvernements de faire de même, ajoutant que le contenu du sommet devrait refléter les récentes recommandations du groupe de réflexion de haut niveau - présidé par l'ancienne présidente irlandaise Mary Robinson - et un rapport à venir de l'Assemblée parlementaire sur l'avenir du Conseil de l'Europe.

Il a également souligné l'importance vitale de la Cour européenne des droits de l'homme et l'importance pour les États d'appliquer les arrêts de la Cour, aussi difficiles qu'ils puissent paraître.

M. Bernard Fournier a demandé comment la présidence irlandaise au Comité des Ministres avait été associée à l'initiative de la Communauté politique européenne et comment était envisagée l'articulation entre le Conseil de l'Europe et cette nouvelle plateforme de coordination politique.

M. Byrne a répondu que la Communauté politique européenne et le Conseil de l'Europe avaient des rôles différents à jouer. Des thèmes importants ont vacation à être discutés au sein de cette nouvelle instance. Le Conseil de l'Europe a un agenda et un rôle spécifiques auxquels il doit se tenir : protéger les droits des citoyens des États membres (droits de l'homme, droits démocratiques, État de droit).

2. Un discours de M. Ignazio Cassis, Conseiller fédéral, Président de la Confédération suisse, qui a notamment été interpellé sur la question de la neutralité suisse

Lors de son discours du 10 octobre 2022, M. Ignazio Cassis, Président de la Confédération suisse, a déclaré : « En enfreignant les principes les plus élémentaires du droit international, la Russie nous a forcés à prendre des mesures contre un État devenu, coup après coup, une menace pour l'Europe des valeurs démocratiques ».

M. Cassis a rappelé l'engagement de la Suisse pour le respect du droit international, le dialogue et la coopération bilatérale et multilatérale.

Il a souligné que la neutralité ne signifie pas l'indifférence, déclarant notamment : « Notre neutralité est permanente et armée. Cela signifie que nous respectons strictement le droit de la neutralité ancré dans le droit international public. Nous ne nous impliquons pas dans les conflits militaires et n'apportons aucun soutien militaire à l'une ou l'autre partie à un conflit. Rien ne saurait remettre cela en question. Mais la neutralité n'a pas pour corollaire l'indifférence ni l'absence de solidarité. Nous nous engageons à sauvegarder les principes de liberté, de démocratie et d'État de droit, autant de valeurs ancrées dans notre Constitution fédérale ».

Soulignant que la portée géographique du Conseil de l'Europe en fait une organisation tout à fait unique, le Président de la Confédération suisse a apporté son soutien à l'organisation d'un 4 ème Sommet des Chefs d'État et de Gouvernement des 46 pays membres du Conseil de l'Europe.

Un tel Sommet permettrait par exemple de réfléchir à la manière de pérenniser l'équilibre politique et géographique existant - voire l'élargir, afin de maintenir la vocation réellement paneuropéenne du Conseil de l'Europe -, de soutenir la Convention européenne des droits de l'homme et la Cour de Strasbourg, de mettre en valeur le travail de l'Assemblée parlementaire, dont l'ancrage démocratique offre au Conseil de l'Europe une légitimité forte, d'encourager les synergies avec d'autres organisations internationales qui oeuvrent au profit de la stabilité et de la paix sur le continent, d'identifier des thématiques sur lesquelles le Conseil de l'Europe doit développer une expertise propre et de refocaliser le multilatéralisme sur ses tâches essentielles, dont la finalité est le maintien de la démocratie, de l'État de droit et de la paix.

Son allocution a été suivie d'une session de questions et réponses.

3. Le discours de M. Michael D. Higgins, Président de l'Irlande, mettant en relief la présidence irlandaise du Comité des Ministres

Intervenant devant l'Assemblée parlementaire dans le cadre de la présidence irlandaise du Comité des Ministres, le Président Higgins s'est déclaré favorable à un retour aux atouts fondamentaux du Conseil de l'Europe pour restaurer la paix, notamment la Convention européenne des droits de l'homme. Il convient d'envisager le rôle du Conseil de l'Europe dans une perspective à plus long terme à la sortie du conflit qui a éclaté sur le continent européen et de réfléchir à la manière dont l'Organisation pourrait s'intégrer dans l'architecture multilatérale plus vaste afin de défendre efficacement les droits de l'homme, l'État de droit et la démocratie tout en veillant à ce qu'il n'y ait pas d'immunité face aux violations des droits de l'homme.

L'Organisation « doit être réactivée, étendue, renforcée, réaffirmée, dotée de ressources et faire partie du discours européen », a déclaré le Président Higgins, appelant à la création d'associations du Conseil de l'Europe et des Nations Unies dans les États membres. Le Président a souligné la nécessité de mettre l'accent sur l'indivisibilité des droits humains et de se prononcer en faveur d'une définition plus large de la sécurité globale sur le continent, en tant qu'étape européenne vers une approche universelle de la sécurité fondée sur les droits de l'homme, y compris la sécurité alimentaire. Toute révision du cadre de la convention doit intégrer des droits fondamentaux supplémentaires comme le droit à un environnement propre et le droit de ne pas connaître la faim.

4. Un discours virulent de M. Edi Rama, Premier ministre de l'Albanie, qui a pris à partie l'Assemblée parlementaire

Lors de son discours prononcé le 12 octobre 2022 à l'APCE, M. Edi Rama, Premier ministre albanais a déclaré : « La foi de l'Albanie et son destin européen sont notre ancre pour l'avenir. Quels que soient les tempêtes ou les brouillards que l'Europe rencontre, les Albanais ne peuvent qu'imaginer partager le voyage, même s'il s'avère tumultueux ».

Se référant à la Résolution 1782 de l'Assemblée, M. Rama a vivement mis en cause le rapport adopté par l'APCE en 2010, à l'initiative de M. Dick Marty, concernant les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d'organes humains au Kosovo. M. Rama a ainsi déclaré : « Le Conseil de l'Europe, l'excellence mondiale en matière de protection des droits de l'homme, je suis ici pour vous dire que suite à la décision passée de ce Conseil, de cette Assemblée, le monde de la justice a été mis sens dessus dessous. Les victimes d'horribles crimes de guerre sont devenues les auteurs de ces crimes. La recherche de la vérité s'est transformée en une réplique sans fin de mensonges. (...) Je vous demande instamment d'abandonner les accusations portées contre le Kosovo. Je vous demande instamment d'accepter la demande de l'Albanie d'adopter une résolution demandant un rapport de suivi concernant les allégations honteuses non prouvées de trafic d'organes par des membres de l'héroïque Armée de libération du Kosovo. Il s'agit d'un crime qui n'a pas été commis et qui n'aurait jamais dû être attribué ».

De manière très inhabituelle, compte tenu de la virulence du discours tenu par le Premier ministre albanais et des accusations contre l'institution, le début de la séance de questions a été perturbé par une série de rappels au Règlement. M. Bernard Fournier a interrogé M. Rama à propos de son analyse des facteurs de déstabilisation des Balkans , région qualifié par le Premier Ministre albanais de « chaîne la plus vulnérable d'Europe ».

M. Rama a expliqué qu'il existait dans les Balkans des zones où l'influence de Vladimir Poutine est très forte : en particulier la Serbie et la Republika Srpska. En revanche, a-t-il poursuivi, la Russie n'exerce aucune sorte d'influence en Albanie et au Kosovo.

C'est pour cette raison que, bien qu'étant en profond désaccord avec la Serbie, M. Rama estime qu'il ne faut lui imposer aucune sanction car la Serbie ne pourrait pas survivre à des sanctions et cela créerait un environ favorable au ralliement de la population à la Russie qui constituerait un problème.

5. Un discours, en visioconférence, de M. Volodymyr Zelensky, Président de l'Ukraine, qui a accepté pour la première fois de répondre aux questions des parlementaires

La séance de matin du jeudi 13 octobre s'est ouverte sur l'intervention, en visioconférence, du Président ukrainien, M. Volodymyr Zelensky, qui a salué les résultats du dialogue entre Européens et encouragé les parlementaires de l'APCE à poursuivre leurs actions.

« Ensemble, nous isolons la Russie. Ensemble, nous la punissons pour la terreur qu'elle nous inflige et lui faisons sentir le prix de la guerre qu'elle a déclenchée. », a ajouté M. Zelensky.

M. Zelensky souhaite que le dialogue entre l'Ukraine et l'Europe se poursuive afin de « rendre la Russie responsable, en tant qu'État agresseur, et chaque meurtrier et boucher russe, de tous les crimes de cette guerre, de chaque manifestation de leur terreur. Lorsque des mécanismes juridiques seront créés, lorsqu'ils commenceront à fonctionner, cela deviendra l'une des garanties les plus puissantes pour une paix à long terme ». Il a encouragé l'Europe à créer un tribunal spécial pour l'agression de la Russie contre l'Ukraine, meilleur moyen de protéger les principes du droit international.

Remerciant le Président ukrainien pour son intervention devant l'Assemblée, le Président de l'APCE, Tiny Kox, a déclaré : « Nous considérons tous l'agression unilatérale de la Russie comme une attaque contre la coopération multilatérale qui est censée protéger tous nos citoyens en Europe. C'est pourquoi nous essayons de faire tout ce qui est inclus dans notre mandat pour soutenir votre pays et vos citoyens en ces moments terriblement difficiles et dangereux ».

M. Alain Milon, premier vice-président de la délégation française , évoquant les bombardements intenses qui ont meurtri de nombreux civils délibérément pris pour cible, a indiqué avoir particulièrement gardé en mémoire le bombardement de la maternité de Marioupol et des villes qu'il a pu visiter avec le Président du Sénat français. Il s'est inquiété de la situation sanitaire et humanitaire de l'Ukraine et notamment de la capacité du système de santé et des hôpitaux de faire face aux ravages causés par la guerre. Il a interrogé le Président ukrainien sur le soutien médical et humanitaire dont l'Ukraine a besoin.

M. Zelensky a remercié la France d'avoir fait venir des enfants ukrainiens atteints de cancer pour les soigner. Il a ajouté que l'infrastructure sanitaire de son pays était assez bonne, avec des hôpitaux spéciaux déployés dans les zones occupées et des hôpitaux mobiles amenés sur la ligne de front, mais que les soignants étaient confrontés à de nombreux manques et que son pays accueillait favorablement toute forme d'aide, notamment pour les programmes de réhabilitation.

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