Réponse de Shoukria Haidar
Je salue tout d'abord toutes les personnes présentes dans cette salle. Je remercie la délégation aux droits des femmes du Sénat qui m'attribue ce prix.
Aujourd'hui, deux prix sont attribués au nom du droit des femmes afghanes. Cette attention forte de la part de deux assemblées françaises donne un certain espoir. Elle nous laisse entendre que l'appel des femmes afghanes, qui mènent courageusement leur mobilisation sous la menace quotidienne des talibans, est entendu, tout comme leur soutien aux femmes iraniennes.
La majorité des femmes afghanes a le sentiment que le monde entier les a oubliées et fait affaire avec les talibans. Il est vrai que la reconnaissance de ces derniers est stoppée. Pourtant, le danger est réel. Il y a deux jours, une ambassade du Japon s'est ouverte en Afghanistan, bien que le régime ne soit officiellement pas reconnu. Elle permet tout de même les pires exactions. Les talibans tuent, mais ils instaurent également une sorte de terreur au sein de la société en cassant les os des citoyens. Ils frappent, cassent les mains, les pieds, les côtes, les reins, la tête des Afghans devant tout le monde. La semaine dernière, ils ont égorgé une trentaine de résistants pour donner une leçon aux autres, et les inciter à ne pas bouger. Les femmes qui manifestent d'une quelconque manière sont envoyées en prison et sont battues. Les talibans leur ouvrent les jambes, et frappent leur sexe, leurs seins. Elles savent qu'elles ne peuvent pas montrer leurs blessures aux journalistes. S'y ajoutent des viols collectifs, les pires choses.
J'attire votre attention sur le fait que la non-reconnaissance du régime des talibans est en partie compensée par des arrangements sournois. Des ambassades ouvrent. Des contrats économiques sont signés. Les dirigeants des talibans continuent de voyager. Récemment, ils étaient au Qatar avec d'importants responsables des États-Unis. Ceux-ci ont noué des accords de paix avec les talibans. Les militaires afghans ou étrangers n'ont pas perdu devant les talibans. On a tout arrangé. On leur a offert 80 milliards de dollars d'armes, venant des poches des citoyens du monde entier, sur un plateau. Maintenant, ils sont armés, et les autres n'ont pas d'armes. 40 millions d'habitants sont pris au piège.
L'accès des femmes à l'école est interdit, non pour des raisons de religion ou de culture, comme vous le disiez, mais parce que les talibans veulent une société ignare et soumise.
Je souhaite que ce message soit entendu. Des arrangements sont faits avec les talibans, au nom d'une population en danger de mort. Oui, il faut que l'aide arrive pour les citoyens qui risquent de mourir de froid et de faim, mais il existe des instances pour cela. Les États doivent arrêter leur hypocrisie. Ils côtoient les talibans officiellement.
Je prends ce prix et celui que vous avez accordé à Mme Buffet au nom des femmes afghanes. Je le ferai savoir, et je le ferai entendre. Elles sauront ainsi qu'elles ne sont pas abandonnées.
Merci.
Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Merci pour ce témoignage. Un certain nombre de membres de la délégation sont avec nous ce soir. Dans la salle, certains sénateurs et certaines sénatrices ont ardemment lutté pour que ce prix ait une signification particulière pour les femmes et filles afghanes. Je citerai Bruno Belin, Dominique Vérien, Martine Filleul, Jean-Michel Arnaud, Laurence Cohen ou Laure Darcos, qui ont défendu cette grande cause. Merci pour votre engagement. Nous voyons que ce ne sont pas des paroles en l'air, et que vous vivez cette situation de l'intérieur.
J'invite maintenant Catherine Champrenault à me rejoindre, ainsi que les membres de la délégation présents et présentes aujourd'hui.