E. UN SUJET ANNEXE, MAIS FONDAMENTAL, LE CONTRÔLE DES ARMES DE CHASSE
À la demande de la pétition, la mission s'est ensuite intéressée aux règles régissant la possession et le contrôle des armes de chasse dans notre pays.
1. Les armes de chasse : des armes soumises à déclaration dont le suivi devrait prochainement être amélioré grâce à la mise en place du système d'information sur les armes (SIA)
a) La possibilité pour les détenteurs de permis de chasse d'acquérir et de détenir des armes de catégorie C
Les détenteurs du permis de chasse peuvent acquérir des armes de catégorie C sur présentation de leur permis de chasser accompagné de la validation de l'année en cours ou de l'année précédente 32 ( * ) . Cela constitue une exception en droit français, puisque le principe est aujourd'hui celui d'une interdiction de l'achat et de la détention d'armes à feu, sauf exceptions limitativement énumérées.
La présentation du permis de chasse et de la validation annuelle supplée à la production du certificat médical normalement exigé pour toute acquisition d'armes, en application de l'article L. 312-4-1 du code de la sécurité intérieure. Un tel document a en effet été produit au moment de l'inscription à l'examen du permis de chasser, comme cela a déjà été souligné 33 ( * ) .
Le permis de chasser et la validation annuelle sont vérifiés par l'armurier, qui procède également à la consultation préalable du fichier des interdits d'acquisition et de détention d'armes (Finiada) 34 ( * ) afin de s'assurer que le demandeur n'y est pas inscrit et ne s'est donc pas vu interdire d'acquérir ou de détenir une arme.
Les personnes ne pouvant obtenir ou valider le permis de chasser
L'article L. 423-11 du code de l'environnement prévoit que ne peuvent obtenir la délivrance d'un permis de chasser :
- les personnes âgées de moins de seize ans ;
- les majeurs en tutelle, à moins qu'ils ne soient autorisés à chasser par le juge des tutelles ;
- ceux qui, par suite d'une condamnation, sont privés du droit de port d'armes ;
- ceux qui n'ont pas exécuté les condamnations prononcées contre eux pour l'une des infractions prévues par le titre du code de l'environnement relatif à la chasse ;
- tout condamné en état d'interdiction de séjour ;
- ceux qui n'ont pu produire le certificat médical nécessaire pour l'inscription à l'examen du permis de chasser ;
- les personnes qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour elles-mêmes, l'exercice de la chasse sur leurs biens ;
- les personnes privées du droit de conserver ou d'obtenir un permis de chasser par décision du directeur général de l'office français de la biodiversité ou par décision de justice ;
- ceux qui sont inscrits au fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes (Finiada).
En vertu de l'article L. 423-15 du même code, ces mêmes personnes ne peuvent valider leur permis de chasser , dans le cas où elles l'ont obtenu précédemment.
En complément, l'article L. 423-25 du même code prévoit que la délivrance du permis de chasser est refusée et la validation du permis est retirée :
- à tout individu qui, par une condamnation judiciaire, a été privé de l'un ou de plusieurs de ses droits civiques, civils et de famille ;
- à tout condamné à un emprisonnement de plus de six mois pour rébellion ou violence envers les agents de l'autorité publique ;
- à tout condamné pour délit de fabrication, débit, distribution de poudre, armes et autres munitions de guerre ; de menaces écrites ou de menaces verbales avec ordre ou sous condition ;
- à toute personne faisant l'objet d'une mesure administrative de suspension du permis de chasser ou d'interdiction de sa délivrance.
b) La mise en place du système d'information sur les armes (SIA) : vers un suivi plus exhaustif des armes légalement détenues en France
L'acquisition et la détention des armes et éléments d'armes de catégorie C nécessitent l'établissement d'une déclaration 35 ( * ) , pour les chasseurs comme pour les autres personnes bénéficiant du droit d'en acquérir ou d'en détenir, cette déclaration permettant le suivi des armes de catégorie C légalement détenues.
La déclaration des armes de catégorie C s'effectuait, jusqu'à il y a peu, par l'intermédiaire d'un certificat rempli par l'armurier et transmis en version papier à la préfecture . Il revenait ensuite aux agents des préfectures de rentrer les données ainsi obtenues dans le répertoire informatisé des propriétaires et possesseurs d'armes (Agrippa) , mis en place en 2007. Ce processus « artisanal » ne permettait pas un suivi efficace des armes . Ainsi, les services compétents estiment que 47 % des armes sont mal enregistrées dans Agrippa et qu'environ 20 % des données qui y sont contenues sont incomplètes, que cela soit sur le numéro de série des armes ou sur les fiches qui précisent le modèle de l'arme, dites fiches RGA 36 ( * ) . Par ailleurs, le répertoire n'alerte pas les agents de préfecture qu'une autorisation arrive à son terme ou que le détenteur est décédé : 20 % des détenteurs d'armes enregistrés dans le fichier seraient ainsi décédés. Le suivi des armes régulièrement détenues nécessitait donc d'être amélioré .
C'est la raison pour laquelle il a été décidé de la fin du fichier Agrippa et du déploiement progressif du système d'information sur les armes (SIA) . Ce nouveau système permet une transmission informatisée de la déclaration en préfecture par le biais d'un compte individualisé que le détenteur d'armes doit impérativement créer. L'instruction du dossier de déclaration est donc initiée dès l'arme acquise.
Calendrier de déploiement du système d'information sur les armes (SIA)
Depuis le 8 février 2022, l'ensemble des portails du SIA a été ouvert. Le déploiement de ce système d'information est progressif, ciblant successivement chaque public détenteur d'armes, ce public ayant l'obligation d'ouvrir un compte sur le SIA avant le 1 er juillet 2023 pour conserver le droit de détenir lesdites armes :
- février 2022 : chasseurs majeurs 37 ( * ) ;
- novembre 2022 : personnes mises en possession d'une arme suite à une découverte ou un héritage (détenteurs non licenciés) 38 ( * ) ; ouverture d'une application mobile du SIA pour les chasseurs ;
- janvier 2023 : licenciés et anciens licenciés des fédérations de tir, ball-trap et ski-biathlon ;
- juin 2023 : fédérations et associations (de chasse, tir, ball-trap et ski-biathlon) ainsi que certains détenteurs métiers (polices municipales, sociétés de sécurité privée, SNCF et RATP), collectionneurs, détenteurs mineurs, autres détenteurs métiers (musées, forains, etc .), journalistes de la presse spécialisée, détenteurs ultramarins.
Pendant les six mois suivants la création de leurs comptes, les détenteurs pourront mettre à jour leurs informations sur le numéro de série ou le numéro RGA de l'arme et ajouter ou supprimer des armes dans leur râtelier.
Outre un meilleur suivi des armes légalement détenues, la mise en place de ce fichier permet une harmonisation de l'enquête administrative réalisée pour tous les détenteurs d'armes . Pour les personnes détentrices d'armes de catégorie C, il est également prévu de réaliser des entretiens de manière aléatoire , à l'appréciation du préfet. À l'acquisition d'une vingtième arme, puis toutes les dix armes, un tel entretien sera systématiquement réalisé entre le détenteur et les forces de police ou de gendarmerie compétentes localement.
Enfin, pour améliorer le contrôle de la capacité des personnes à détenir une arme, plusieurs interconnexions entre le SIA et d'autres traitements de données à caractère personnel sont également prévues 39 ( * ) :
- avec le Finiada , afin de s'assurer que les personnes enregistrées comme détentrices d'armes ne sont pas interdites d'acquisition ou de détention d'armes ;
- avec le casier judiciaire national automatisé , afin de s'assurer que les personnes enregistrées n'ont pas fait l'objet de condamnations incapacitantes en matière de police des armes figurant sur le bulletin n° 2 de leur casier judiciaire ;
- avec le fichier national de contrôle de la validité des titres , afin de vérifier les titres d'identité ;
- avec les systèmes de traitement de la fédération française de tir, de la fédération française de ball-trap et de tir à balle, de la fédération française de ski-biathlon, et de la fédération nationale des chasseurs , afin de contrôler la validité des informations transmises par les personnes physiques ou morales.
La mise en place de ces interconnexions devrait permettre un contrôle récurrent des détenteurs d'armes par le recoupement des informations contenues sur les différents fichiers .
En ce qui concerne la chasse toutefois, et alors que ces interconnexions constituent un levier important du contrôle des armes de chasse sur le territoire français, il n'existe aujourd'hui pas de fichier centralisé et complet du permis de chasser . L'article L. 423-4 du code de l'environnement en prévoit toutefois l'existence, comme indiqué précédemment. Ce fichier sera constitué du fichier central des titres permanents du permis de chasser géré par l'office français de la biodiversité (OFB) et du fichier central des validations et autorisations de chasser géré par la fédération nationale des chasseurs. Selon les informations recueillies par la mission conjointe de contrôle, le fichier central des titres permanents du permis de chasser est en cours de développement par l'OFB , qui dispose des données des personnes ayant passé leur permis de chasser depuis 2003, mais doit encore recenser les permis attribués avant cette date, avec l'aide de la fédération nationale des chasseurs.
La constitution de ce premier fichier central étant en cours, le SIA sera interconnecté avec le fichier central des validations et autorisations de chasser géré par la fédération nationale des chasseurs en janvier 2023, afin de s'assurer de manière fiabilisée de la capacité du chasseur à acquérir une nouvelle arme.
2. Des modifications ponctuelles nécessaires pour améliorer le suivi de la détention d'armes en France
En matière de contrôle des armes, beaucoup a été fait récemment. La loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a permis d'assurer un contrôle plus efficace des armes, munitions et de leurs éléments au niveau national en suivant deux axes d'action : renforcer et améliorer l'effectivité des interdictions d'acquisition et de détention d'armes , et assurer une meilleure exhaustivité du Finiada .
Deux évolutions ponctuelles complémentaires pourraient être envisagées pour améliorer le suivi et l'effectivité des interdictions d'armes, notamment dans le cadre de la chasse.
• En ce qui concerne d'abord les interdictions de port d'arme , le 9° des articles L. 423-11 et L. 423-15 du code de l'environnement interdit la délivrance et la validation du permis de chasser aux personnes inscrites au Finiada .
Par cohérence, et afin de couvrir l'ensemble des possibles il serait pertinent d 'interdire à ces mêmes personnes de bénéficier d'une autorisation de chasser leur permettant de pratiquer la chasse accompagnée 40 ( * ) , par une modification de l'article L. 423-25 du code de l'environnement, et d'interdire aux personnes détentrices du permis de chasser, mais ne pouvant plus le valider, car inscrites au Finiada d'être accompagnateur, en exigeant la validation du permis pour exercer cette responsabilité .
• En ce qui concerne ensuite le suivi de la détention d'armes au niveau national , les officiers de police judiciaire disposent en matière judiciaire de la possibilité de saisir les armes de la personne suspectée. C'est notamment le cas lors de la constatation d'infractions de violence 41 ( * ) . La saisie de ces armes ne donne cependant pas lieu à une information des préfectures en vue d'une inscription administrative de la personne concernée au Finiada. Plus encore, l'absence d'information de la préfecture ne permet pas de retracer la saisie des armes au sein du SIA : les armes concernées sont donc réputées toujours être conservées au domicile ou dans le lieu de conservation déclaré par la personne. La préfecture n'est pas non plus informée en cas de remise de ces armes à leur propriétaire. Prévoir cette information, à titre obligatoire, permettrait à la préfecture de retracer ces saisies et remises au sein du SIA et d'améliorer l'exhaustivité de ce fichier. Cela donnerait également à la préfecture la possibilité d'inscrire à titre administratif la personne au FINIADA.
Proposition n° 14 : Améliorer le suivi de la détention des armes.
Rendre plus effectives les interdictions d'acquisition et de détention d'armes en ne permettant pas aux personnes inscrites au Finiada d'obtenir une autorisation de chasser leur permettant de pratiquer la chasse accompagnée et en exigeant que les accompagnateurs aient un permis de chasser valable pour l'année en cours, ce qui certifierait qu'ils ne sont pas inscrits au Finiada.
Améliorer le suivi des armes en prévoyant l'information obligatoire des préfectures en cas de saisie ou de remise d'armes par les officiers de police judiciaire dans le cadre d'une procédure judiciaire, notamment en cas d'enquête portant sur des infractions de violences.
* 32 Article R. 312-53 du code de la sécurité intérieure. Pour les mineurs, l'acquisition d'armes doit être réalisée par une personne qui exerce l'autorité parentale, sur présentation du permis de chasser délivré en France ou à l'étranger au nom du mineur, ou de toute autre pièce tenant lieu de permis de chasser étranger, accompagné d'un titre de validation de l'année en cours ou de l'année précédente. Si la personne exerçant l'autorité parentale est inscrite au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes (Finiada), elle ne peut acquérir une arme au nom du mineur. Si aucune autre personne ne peut acquérir une arme au nom du mineur, ce dernier ne pourra pas en acquérir (voir les articles L. 312-1 et R. 312-1 du code de la sécurité intérieure).
* 33 Article L. 423-6 du code de l'environnement.
* 34 Article R. 313-23 du code de la sécurité intérieure.
* 35 Article L. 312-4-1 du code de la sécurité intérieure. Cette déclaration est également nécessaire lorsqu'une personne physique trouve ou hérite d'une arme de catégorie C qu'elle souhaite conserver : celle-ci doit alors fournir un certificat médical mais ne peut utiliser l'arme ou détenir des munitions.
* 36 Pour référentiel général des armes.
* 37 120 000 comptes auraient été ouverts au 31 juillet 2022.
* 38 Le SCAE estime que 80°% des armes détenues « illégalement » en France sont des armes héritées. Un dispositif d'abandon auprès des pouvoirs publics sera mis en place pour permettre à ceux qui le souhaitent de s'en dessaisir.
* 39 Article R. 312-87 du code de la sécurité intérieure.
* 40 Chasse en présence et sous la responsabilité civile d'un accompagnateur titulaire depuis au moins cinq ans du permis de chasser.
* 41 Article 56 du code de procédure pénale.