B. UN RÉGIME COMPOSITE INSUFFISAMMENT FINANCÉ

1. Des prestations adaptées à différents publics

Le régime verse aujourd'hui quatre types de pensions, non cumulables entre elles, selon l'ancienneté :

- la pension d'ancienneté , liquidable lorsque le marin réunit au moins vingt-cinq années de services. L'âge d'ouverture des droits est alors de 50 ans. La pension peut être liquidée à 52 ans et demi voire 55 ans si le marin a cotisé durant 37 ans et demi. Un marin peut, par ailleurs reporter au-delà de ses 55 ans la liquidation de sa pension afin d'acquérir un nombre suffisant d'annuités ;

- la pension proportionnelle , liquidable dès lors qu'au moins quinze années de services ont été accomplies . L'âge d'ouverture des droits est fixé à 55 ans ;

- la pension spéciale, liquidable lorsque la durée de services est comprise entre trois mois et quinze ans . L'âge d'ouverture des droits est fixé à 60 ans mais peut être ramené à 55 ans si le marin détient une autre pension servie par l'État ou par un autre régime de sécurité sociale ;

- la pension de retraite anticipée , versée si, au -delà de 15 annuités de service, l'exercice de l'activité est impossible en raison d'une inaptitude dûment constatée.

Cette offre variée répond à la question centrale de la pénibilité et de son corollaire, la disponibilité. Ces critères justifient également des règles de liquidation éloignées de celles applicables au sein du régime général ou d'autres régimes spéciaux. Il en va ainsi de l'âge d'ouverture des droits fixé entre 50 et 60 ans selon le type de pension, de l'absence de décote ou du mode de calcul des arrérages sur les 3 dernières années de service.

Nonobstant ces avantages, l'âge moyen de liquidation reste supérieur à celui constaté au sein d'autres régimes spéciaux (cf supra ), pour atteindre 59,7 ans en 2021. L'âge moyen de départ en retraite est largement supérieur à 55 ans en raison de la part importante de pensions spéciales , accordées aux marins disposant de moins de 15 ans de services et qui sont pour la plupart polypensionnés. L'effet indirect des réformes des retraites de 2010 et de 2014 et de l'allongement de la durée de cotisation qu'elles prévoient sur les pensions annexes conduit, de fait, les anciens marins qui en seraient bénéficiaires à poursuivre leur activité actuelle et décaler dans le temps la liquidation de leur pension auprès de l'ENIM. Il convient de rappeler à ce stade que les pensions spéciales constituent 47,5 % des pensions directes versées par le régime . L'âge moyen de liquidation des pensions pour les assurés concernés atteignait 62,7 ans en 2021.

Âge moyen de liquidation des pensions servies par le régime des marins

(en années)

Type de pension

Age moyen de liquidation

Pension spéciale

62,72

Pension proportionnelle

58,61

Pension de retraite anticipée

50,10

Pension d'ancienneté

Âge minimum de liquidation : 50 ans

51,46

Âge minimum de liquidation : 52,5 ans

54,08

Âge minimum de liquidation : 55 ans

56,67

Tous types de pension

59,71

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'ENIM

Les montants divergent logiquement en fonction du statut de la pension. Les pensions spéciales, qui constituent près de la moitié des pensions directes versées, ont ainsi un montant faible - 191,05 euros mensuels - ce qui pose la question de la pertinence de maintenir leur service par le régime spécial et laisse ouverte la question d'une éventuelle portabilité du droit à pension vers d'autres régimes auprès desquels l'assuré aurait davantage cotisé. Le même raisonnement peut s'appliquer s'agissant des pensions proportionnelles.

Nombre de pensionnés directs et montant mensuel de la pension servie
en décembre 2021

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'ENIM

La question de la pénibilité ne ressort pas nettement s'agissant de l'espérance de vie, comme en témoigne l'âge moyen des pensionnés directs décédés en 2021 : 82,1 ans (82,1 ans chez les hommes et 80,2 ans chez les femmes). La durée moyenne de perception est, quant à elle, établie à 25 ans. Ces données restent cependant des moyennes et n'illustrent qu'imparfaitement la réalité des carrières et leur durée. Il conviendrait en effet de distinguer les catégories d'emploi - un marin-pêcheur n'a pas les mêmes conditions de travail qu'un membre du personnel d'un navire de plaisance - mais aussi la durée d'affiliation au régime.

Les débats en cours sur la création, au sein du régime, d'une branche Accidents du travail / maladies professionnelles (AT/MP) (cf infra ) illustrent assez bien ces différences.

Répartition des accidents du travail maritime

Source : Commission des finances du Sénat d'après Ministère de la Mer, Accidents du travail et maladies professionnelles maritimes, Bilan 2019

1 887 accidents du travail environ ont été comptabilisés en 2019, dont 93 % dans le secteur de la pêche et de la marine marchande.

Fréquence des accidents du travail maritime en 2019

Catégorie de navigation

Pêche

Cultures marines

Commerce

Services portuaires

Plaisance professionnelle

Indice de fréquence 2019 pour 1 000 ETP Marins

75

25

63

48

22

Source : Commission des finances du Sénat, d'après Ministère de la Mer, Accidents du travail et maladies professionnelles maritimes, Bilan 2019

L'indice de fréquence des accidents du travail atteint en moyenne 60 pour mille ETP dans le secteur, soit un chiffre plus élevé que celui constaté au sein d'autres secteurs d'activité.

Indices de fréquence des accidents du travail pour mille ETP par secteurs d'activité

Source : Commission des finances du Sénat d'après Ministère de la Mer, Accidents du travail et maladies professionnelles maritimes, Bilan 2019

2. Une diminution attendue des charges qui ne résout pas la question de la viabilité du régime

Le montant des prestations servies représentait 999,5 millions d'euros en 2021, dont 81 % ont été pris en charge par l'État. Les dépenses de la Caisse ont atteint au total 1 012 millions d'euros en intégrant diverses charges (12,6 millions d'euros en 2021).

Évolution des charges du régime des marins entre 2020 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale

Si 2022 devrait coïncider avec une légère montée en charge des pensions, la tendance sur le long terme reste une baisse des versements opérés par le régime. L'ENIM table ainsi sur une diminution de 31,5 % du montant versé annuellement d'ici à 2050.

Projection des montants versés entre 2021 et 2050

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM

La diminution du nombre de pensionnés à l'horizon 2050 explique principalement cette baisse attendue de la charge.

Évolution du nombre de pensionnés entre 2021 et 2050

Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM

En dépit de cette diminution annoncée, le rapport démographique de la caisse des retraites des marins devrait demeurer extrêmement défavorable. Établi à 0,27 cotisant pour 1 retraité (pensionnés directs et réversataires confondus) en 2021, il pourrait remonter à 0,33 à l'horizon 2050. Un tel ratio fragilise toute option d'un désengagement financier de l'État à moyen terme si les paramètres du régime restent inchangés.

Dans ces conditions, le besoin de financement actualisé du régime des marins est estimé, à l'horizon 2120, à une somme comprise entre 15,9 et 22,8 milliards d'euros, en fonction du taux d'actualisation retenu.

Évolution du besoin de financement du régime des marins à l'horizon 2120 en fonction du taux d'actualisation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

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