B. MAINTENIR UNE ÉNERGIE COMPÉTITIVE ET ACCESSIBLE POUR LES CONSOMMATEURS, TOUT EN VEILLANT À LA SOUTENABILITÉ DES FOURNISSEURS
Les rapporteurs estiment crucial de maintenir une énergie nucléaire compétitive et accessible pour les consommateurs , tout en veillant à la soutenabilité des fournisseurs.
Cela suppose une action résolue à l'échelle nationale.
Tout d'abord, il est crucial d'évaluer l'impact du « bouclier tarifaire », sur les consommateurs comme sur les fournisseurs .
S'agissant des consommateurs, une attention doit être accordée aux entreprises et aux collectivités non éligibles aux TRVE . Si elles bénéficient bien de la baisse de la TICFE et du relèvement de l'Arenh, seuls peuvent prétendre aux TRVE les clients résidentiels et les clients professionnels dont le nombre d'employés est inférieur à 10 et le chiffre d'affaires à 2 M€. Au total, les TRVE ne bénéficient qu'à 22,2 M de sites résidentiels et 1,5 M de sites professionnels, ce qui représente 28 % de la consommation d'électricité, selon la CRE. Une vigilance s'impose aussi pour ce qui est des entreprises énergo-intensives. Si elles disposent de mécanismes dédiés 230 ( * ) et ont salué le relèvement du plafond de l'Arenh 231 ( * ) , ces entreprises demeurent les plus en risque face à la hausse des prix des énergies. En effet, elles représentent une consommation d'électricité de 65 TWh 232 ( * ) sur un total de 105 TWh pour le secteur de l'industrie 233 ( * ) .
S'agissant des fournisseurs, le coût de ce bouclier a été estimé par le groupe EDF entre 7,7 à 8,4 Mds€ 234 ( * ) en janvier et 10,2 Mds€ 235 ( * ) en mars . C'est un montant très élevé, au regard des bénéfices du groupe, de 85 Mds€, et de sa dette, de 43 Mds€ 236 ( * ) . De plus, le Gouvernement a précisé aux rapporteurs un montant de 8 Mds€ et la CRE entre 8 et 9 Mds€. Compte tenu de la très forte augmentation des prix de gros de l'électricité, avec un pic à 3 000 €/MWh le 4 avril et des prix supérieurs à 400 €/MWh fin juin, le manque à gagner pour le groupe EDF, qui doit donc vendre 150 TWh de sa production d'électricité au prix de 46,2 €/MWh, pourrait être plus important encore : il faut donc réévaluer cet impact sur les recettes, les investissements et la dette du groupe EDF, qui doit demeurer l'acteur essentiel de la filière nucléaire. De leur côté, les fournisseurs alternatifs sont impactés par le blocage tarifaire 237 ( * ) .
Au-delà de cette évaluation, il est fondamental de contrôler que le relèvement de l'Arenh bénéficie bien aux consommateurs .
En effet, l'impact de ce relèvement est direct pour les entreprises électro-intensives, qui sont réunies au sein d'un consortium dont les droits sont décomptés de l'Arenh, et indirect pour les autres consommateurs, dont les offres doivent être modifiées par leurs fournisseurs.
Certes, le Gouvernement a indiqué que « les fournisseurs se sont en particulier engagés à répercuter l'avantage tiré du volume d'électricité supplémentaire au titre de l'Arenh à leurs clients » et la CRE qu' « un suivi rigoureux de la CRE est effectué pour s'assurer que les consommateurs touchés par la hausse des prix de l'électricité bénéficient intégralement de cette mesure ».
Pour autant, ces contrôles doivent être poursuivis et intensifiés .
Le maintien d'une énergie compétitive et accessible nécessite aussi une action résolue à l'échelon européen.
D'une part, le marché européen doit être réformé . Sur le marché de gros, le principe du coût marginal , qui lie les prix de l'électricité avec ceux du gaz, doit être révisé . Sur le marché de détail, plusieurs mécanismes de régulation sont attendus : les contrats de long-terme, les interconnexions, les flexibilités ou les couvertures .
La CRE a estimé « nécessaire de préserver le cadre du marché européen de l'électricité, le merit order » tout en se disant « favorable à des réformes pour améliorer ce marché européen, notamment le développement de contrats de long terme, la facilitation des échanges via les interconnexions et un contrôle plus fort des engagements des fournisseurs et de leurs couvertures ».
Le groupe Orano a souhaité que « toute évolution du marché garantisse la sécurité d'approvisionnement et l'indépendance énergétique de l'Union européenne en privilégiant le recours à une électricité bas-carbone » et France Hydrogène que « l'amélioration de l'architecture du marché de l'électricité de gros au sein de l'UE [permette] de compléter le signal prix de court terme efficacement délivré sur le marché de gros par les bons signaux de long terme, en reflétant l'évolution structurelle du mix électrique européen vers un taux élevé de décarbonation » .
D'autre part, la fiscalité européenne doit être révisée . Dans le cadre du Paquet Ajustement à l'objectif 55, le projet de directive sur la taxation de l'énergie 238 ( * ) prévoit des réductions pour l'électricité et l'hydrogène issus des énergies renouvelables, sans considération pour ceux issus de l'énergie nucléaire. Un principe de neutralité technologique doit être appliqué.
Sur ce sujet, le groupe EDF a indiqué que « la lutte contre le changement climatique impose de l'étendre à toute l'électricité décarbonée, y compris donc le nucléaire » et France Hydrogène qu'elle « s'oppose à ce choix discriminant et pénalisant la compétitivité de l'hydrogène bas-carbone, sans que cet arbitrage n'ait aucun fondement environnemental ».
6. Maintenir une énergie compétitive et accessible pour les consommateurs, tout en veillant à la soutenabilité des fournisseurs : - Évaluer l'impact du « bouclier tarifaire » sur les consommateurs (dont les entreprises et les collectivités territoriales non éligibles aux TRVE et les industries énergo-intensives) et les fournisseurs (dont EDF, ses recettes et sa dette) - Contrôler la répercussion du relèvement de l'Arenh sur les consommateurs - Garantir une neutralité technologique à l'énergie nucléaire et à l'hydrogène bas-carbone dans la fiscalité énergétique (directive taxation de l'énergie) - Favoriser une réforme du marché européen de l'électricité pour valoriser les mix électriques décarbonés (principe du coût marginal, contrats de long terme, interconnexions, flexibilités, couvertures) |
* 230 Réduction de TICFE, abattement du TURPE et compensation du coût des émissions directes de CO 2 .
* 231 Union des industries utilisatrices d'énergie (Uniden), L'Uniden salue le relèvement de l'Arenh, 13 janvier 2022.
* 232 Union des industries utilisatrices d'énergie (Uniden).
* 233 Ministère de la transition écologique (MTE), Chiffes clés de l'énergie. Édition 2021, 2022, p. 76.
* 234 Groupe EDF, Mesures exceptionnelles annoncées par le Gouvernement français , 13 janvier 2022.
* 235 Groupe EDF, Publication du décret et des arrêtés relatifs à l'attribution de 20 TWh de volumes d'Arenh supplémentaires pour 2022 : mise à jour de l'impact sur les perspectives d'EBITDA 2022, 18 mai 2022.
* 236 Groupe EDF, Résultats annuels 2021 , 18 février 2022.
* 237 Association française indépendante de l'électricité et du gaz (AFIEG) et Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE).
*
238
Proposition de directive du conseil restructurant le cadre de l'Union de
taxation des produits
énergétiques et de
l'électricité (refonte) - COM(2021) 563 final
(15 juillet 2021).