N° 742
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2022
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur l' information du consommateur ,
Par M. Fabien GAY, Mmes Françoise FÉRAT et Florence BLATRIX CONTAT,
Sénateurs et Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, MM. Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .
L'ESSENTIEL
Les consommateurs n'ont jamais disposé d'autant d'informations sur les produits qu'ils achètent (santé, environnement, bien-être animal, conditions de rémunération, etc.). Malgré cet effort de transparence, beaucoup d'entre eux restent défiants ou perplexes, car s'orienter dans cet ensemble d'informations est devenu difficile. Labels, scores, allégations, mentions valorisantes, informations obligatoires, simple marketing : la profusion semble mener à la confusion. L'augmentation du nombre d'informations mise à disposition des consommateurs ne suffit pas, manifestement, à les accompagner vers des choix plus favorables à leur santé ou à l'environnement.
L'illisibilité des étiquettes, la complexité des informations, les scandales (sanitaires et environnementaux) et les pratiques trompeuses contribuent à brouiller l'information, limitant son impact sur les choix de consommation.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques propose 14 recommandations pour rendre plus lisible l'information, s'assurer de sa fiabilité, et donner aux consommateurs les clés pour se l'approprier et la traiter en connaissance de cause. Les rapporteurs issus de trois groupes politiques différents proposent également une certification et un ensemble de bonnes pratiques pour accompagner le développement des applications de notation des produits.
I. AMÉLIORER LA QUALITÉ DE L'INFORMATION (ORIGINE, NUTRI-SCORE, ETC.) ET LA CAPACITÉ DE DÉCHIFFRAGE DU CONSOMMATEUR
Être consommateur est devenu un métier : le flux d'information est désormais si dense que seuls les plus aguerris et motivés savent faire la différence entre une information obligatoire et une information facultative, un label et un score, une allégation fiable et un slogan marketing, l'origine d'un produit et celle de son ingrédient principal. Or ce flux est appelé à s'amplifier : affichage environnemental, indice de durabilité, « rémunérascore », devraient bientôt apparaître sur les emballages, pour ne citer qu'eux.
Face à ce constat, les pouvoirs publics ont essayé de favoriser des modalités d'information plus synthétiques et accessibles : Nutri-Score, Eco-score, étiquette énergie, promotion de labels publics (AB, Label Rouge, AOP/AOC), etc. D'autres évolutions visent à s'assurer de la véracité des informations, comme le renforcement du cadre lié à l'étiquetage de l'origine des produits alimentaires.
Pour autant, le consommateur continue de faire face à une jungle de labels et de mentions valorisantes peu règlementés , souvent sources de confusion voire de tromperie. Or la compréhension des informations implique de mettre les consommateurs en situation de les traiter correctement, formation qui débute dès l'école.
RECOMMANDATIONS :
- fiabiliser et crédibiliser les labels , notamment en rendant obligatoire la mise à disposition de leur cahier des charges et en adoptant une définition officielle, exigeante, de ce qu'est un label ;
- mettre fin aux incohérences et insuffisances de l'affichage de l'origine des produits alimentaires , source de défiance et de déception, en défendant une obligation générale plus large d'étiquetage de l'origine, notamment sur les viandes encore non concernées et sur le lait ;
- anticiper l'obligation européenne à venir d'un affichage nutritionnel simplifié en défendant l'adoption du Nutri-Score « à la française » , tout en plaidant pour des adaptations de son calcul pour encore plus tenir compte des spécificités de certaines filières ;
- prévoir un ensemble de critères communs à remplir pour utiliser les mentions « sans [...] », ou « naturel » ;
- agir résolument en faveur de l'éducation alimentaire et nutritionnelle à l'école et tout au long de la vie, prérequis indispensable pour déchiffrer les informations sur les produits.
II. RENDRE PLUS LISIBLES LES INFORMATIONS SUR LES EMBALLAGES
Alors que la dématérialisation est engagée dans nombre de secteurs économiques est déjà bien engagée, celle des informations à destination des consommateurs reste balbutiante. Dans le même temps, les consommateurs souhaitent davantage d'informations, pourvu qu'elles soient claires et fiables, afin d'orienter leurs achats. Tous les consommateurs, néanmoins, ne sont pas demandeurs des mêmes informations. La dématérialisation s'impose comme une solution pour résoudre cette contradiction : grâce au QR code , notamment, les emballages seront moins saturés d'informations facultatives et celles accessibles parmi cet outil pourront être beaucoup plus variées, personnalisées, et détaillées.
Bien entendu, les informations aujourd'hui obligatoires (origine, allergènes, mode de conservation, étiquette énergie, etc.) ont vocation à rester sur les étiquettes. La simplification et l'accessibilité des informations passeront également par l'harmonisation de certaines pratiques : noms des ingrédients des produits ménagers, liste des allergènes obligatoires, limitation de la diversité de logos liés à l'affichage environnemental. Du reste, d'ici quelques années, les QR codes remplaceront certainement les codes-barres, permettant ainsi de mieux assurer la traçabilité des produits. Certains grands distributeurs internationaux ont déjà annoncé exiger des marques une telle évolution d'ici 2027 : il est donc primordial que les fabricants prennent ce virage.
RECOMMANDATIONS :
- encourager plus avant le développement de la dématérialisation des informations par la voie des QR codes (nouvelles informations rendues obligatoires, et informations facultatives) permettant une information « à la carte », plus proche des attentes du consommateur ;
- simplifier l'information sur les produits ménagers en harmonisant au niveau européen les noms des ingrédients et en indiquant tous les allergènes, quel que soit leur poids dans le produit.
III. ENCADRER LE DÉVELOPPEMENT DES APPLICATIONS DE NOTATION
Environ 25 % des consommateurs sont utilisateurs d'une application d'évaluation ou de notation des produits. Ces dernières se multiplient rapidement et sont développées par divers acteurs : associations, fédérations professionnelles, acteurs de la grande distribution, entreprises privées. En effet, elles répondent à une demande forte : en synthétisant et en explicitant les informations figurant sur les emballages, elles contribuent à les simplifier et à les rendre compréhensibles , donc à accroître la possibilité pour les consommateurs d'orienter leurs achats en fonction de leurs préférences personnelles.
Leur impact n'est plus à démontrer : à titre d'exemple, 92 % des utilisateurs de Yuka reposeraient le produit lorsqu'il est mal noté, et plusieurs centaines de produits ont déjà vu leur recette modifiée par le fabricant afin d'obtenir une meilleure évaluation.
Ces applications complètent l'action des pouvoirs publics et des associations de protection des consommateurs. À ce titre, leur fort pouvoir prescriptif doit aller de pair avec la fiabilité sans faille de leurs données et avec plus de transparence sur leurs critères d'évaluation . Il importe donc que les pouvoirs publics se saisissent de ce sujet afin de dégager un cadre permettant le développement harmonieux (et pacifié) de ces nouveaux outils numériques. C'est pourquoi la mission d'information préconise une certification des applications d'évaluation ainsi qu'un guide des bonnes pratiques , dont une dizaine sont proposées dans le rapport.
RECOMMANDATIONS :
- mettre en place une certification publique des applications d'évaluation des produits, chargée d'attester de la pertinence scientifique des critères d'évaluation et de leur pondération, ainsi que de la fiabilité des bases de données utilisées ;
- élaborer un guide de bonnes pratiques (le rapport en contient une dizaine), dont :
• un onglet « réponse du fabricant » sur l'interface utilisateur en cas de notation contestée ;
• l'indication de l'ensemble des labels publics dont dispose le produit ;
• informer l'utilisateur ( via une notification) lorsqu'un produit anciennement scanné a vu sa note évoluer suite à une modification de sa composition ;
• privilégier, plutôt qu'une note unique agrégeant diverses dimensions hétérogènes, la présentation de la note de chacune de ces dimensions ;
• en cas de substance sujette à débat mais autorisée, privilégier une explication des tenants et aboutissants du débat scientifique plutôt qu'une évaluation directement négative du produit.
IV. REDONNER DES MOYENS PUBLICS À LA POLITIQUE DE PROTECTION DU CONSOMMATEUR
Alors que les informations (obligatoires comme facultatives) n'ont jamais été aussi nombreuses, impliquant donc davantage de contrôles de leur fiabilité, les effectifs de la DGCCRF continuent de baisser (- 450 entre 2010 et 2021) , de même que les fonds alloués aux associations de protection des consommateurs. Seuls 145 inspecteurs sont dédiés au contrôle de l'information dans toute la France (un seul dans les Hauts-de-France, 11 en région grand Est, 8 en Bretagne ...). Résultat de ces coupes budgétaires : les contrôles sont passés de 105 000 à 73 000 entre 2012 et 2021 .
En outre, les sanctions pour pratiques commerciales trompeuses ne semblent pas suffisamment dissuasives, et ne concernent pas toutes les pratiques aujourd'hui observées (mise en avant d'une caractéristique du produit alors que celle-ci n'est que l'application de la loi, valorisation d'une modification positive de la composition du produit mais manque de transparence sur les modifications négatives concomitantes).
Cette situation incompréhensible n'est pas tenable et ne peut que conduire à une moindre protection du consommateur, alors que cette dernière n'a jamais été autant d'actualité.
RECOMMANDATIONS :
- renforcer les effectifs de la DGCCRF et mettre fin à la baisse des dotations aux associations de protection des consommateurs ;
- étoffer le cadre légal des pratiques commerciales trompeuses et renforcer les sanctions pour pratique commerciale trompeuse.