C. C. FRANCE.TV DISTRIBUTION ET LA QUESTION DES DROITS

1. Une filiale au service de la diversification des ressources

Disposant du statut de société anonyme, france.tv distribution est une filiale à 100 % du groupe public depuis 1990, en charge de la diversification des ressources.

Son activité est déclinée autour de cinq axes :

- la distribution internationale de programmes et la vente des droits afférents ;

- la gestion des parts producteurs pour le compte de France Télévisions ;

- la vente de licences pour le développement de produits autour des programmes du service public, principalement livres et magazines, jeux. 500 contrats de licence sont ainsi actifs sur une cinquantaine de marques. Plus de 100 parutions sont enregistrées chaque année ;

- le divertissement : co-exploitation de spectacles et expositions (10 événements par an) et coproductions d'album (80 par an). La filiale met également en avant une unité dédiée à la recherche de nouveaux talents pour le compte des unités de divertissement des chaînes ;

- l'édition de DVD et de Blu-Ray (500 références dans les domaines de la fiction, du documentaire et des programmes jeunesse) et la mise en avant d'un catalogue de vidéo à la demande (VOD), enrichi de 150 nouveautés par an (cinéma et audiovisuel).

Répartition du chiffre d'affaires de france.tv distribution par activité

( en pourcentage )

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv distribution au rapporteur spécial

Le chiffre d'affaires de france.tv distribution a atteint 50,4 millions d'euros en 2021, soit une progression de 11 % (5,2 millions d'euros) par rapport à 2020.

Évolution du chiffre d'affaires de France.tv distribution par secteur d'activité
depuis 2018

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv distribution au rapporteur spécial

La distribution de droits, en dépit d'un contexte économique et réglementaire peu favorable (cf infra ), constitue le premier relais de croissance de france.tv distribution. Ses représentants ont néanmoins insisté devant le rapporteur spécial sur le rôle croissant de nouvelles activités à l'instar de celles regroupées dans le pôle divertissement (édition musicale, coproduction de spectacles et d'expositions). À l'inverse, des activités jugées moins rentables - à l'image de la vidéo physique en 2019 - ont été externalisées. Un tel recentrage permet à la filiale d'afficher aujourd'hui un taux de marge de 25 % au cours des trois dernières années.

Reste que france.tv distribution ne couvre pas tout le champ de la diversification, certaines activités étant gérées directement par France Télévisions ou france.tv publicité, la régie publicitaire du groupe . Il en va ainsi des activités digitales, des podcasts ou du contenu de marque ( brand content ). Un tel éclatement peut interroger à l'heure où france.tv distribution semble atteindre un plafond de verre en matière de diversification des ressources au regard des difficultés rencontrées sur le marché des droits (cf infra ).

Recommandation n° 7 (France Télévisions) : Regrouper auprès de france.tv distribution l'ensemble des activités dédiées à la diversification des ressources, notamment les activités digitales et la production de podcasts.

2. Une filiale relativement indépendante

La totalité des ressources de france.tv distribution sont constituées de ressources propres.

La filiale remonte, par ailleurs, des ressources au groupe avec une moyenne de 11 millions d'euros sur les trois derniers exercices. Ce chiffre doit cependant être mis en perspective avec le chiffre d'affaires de France Télévisions : 2,9 milliards d'euros en 2020 .

Recettes de france.tv distribution remontées à France Télévisions

( en milliers d'euros )

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv distributions au rapporteur spécial

En diminution de 22 % depuis 2019, le nombre d'ETP opérant dans la filiale s'élève à 56. Ces emplois ne sont pas comptabilisés au sein de ceux de France Télévisions SA.

Évolution des effectifs de france.tv distribution depuis 2018

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv distribution au rapporteur spécial

23 personnes sont spécifiquement affectées aux activités de distribution, dont 10 sont en charge de la vente.

Répartition des effectifs par activité

Activité

Nombre d'emplois

Distribution

23

Divertissement

10

Direction et administration

9

Licences de marques

8

Vidéo

6

Total

56

Source : commission des finances, d'après les données transmises par france.tv distributions au rapporteur spécial

Les relations entre la filiale et le groupe se matérialisent par :

- la tenue d'un conseil d'administration trimestriel où sont présentés les plans stratégiques le cas échéant, les comptes de la société et tous les éléments nécessaires à la compréhension de l'ensemble des décisions prises ou à venir;

- une assemblée générale annuelle, au cours de laquelle la direction de France Télévisions est représentée ;

- l'élaboration d'accords-cadres avec France Télévisions et ses autres filiales sur l'ensemble des conditions commerciales.

Le président-directeur général de france.tv distribution est par ailleurs membre du Comité éditorial de France Télévisions.

3. Une stratégie à revoir

France.tv distribution dispose d'un catalogue de droits relativement étoffé, représentant 8 000 heures de programmes environ. Le pôle distribution a ainsi généré 18,6 millions de chiffre d'affaires en 2021, abondé pour partie par la vente des droits de séries coproduite par le groupe public : « Dix pour cent » (Canada, Royaume-Uni, États-Unis, Chine, Inde, Vietnam), « Derby Girl » (Royaume-Uni) ou un « Un si grand soleil » (Grèce, Turquie).

Ces succès ne doivent pas occulter, de l'aveu même de France.tv distribution, une concurrence accrue , dans un contexte marqué par l'affirmation des plateformes en quête effrénée de programmes pour alimenter leurs offres. La consolidation observée au sein du secteur de la production dite indépendante (Banijay regroupe 115 sociétés de production, Mediawan fédère 50 entreprises, Newen regroupe 35 sociétés, Fedération Entertainment en accueille 12) limite le recours aux filiales d'éditeurs pour la revente des droits.

Le décret du 30 décembre 2021 dit décret TNT 17 ( * ) consacre cette évolution en interdisant aux filiales d'éditeurs l'accès aux mandats de distribution (que les oeuvres soient coproduites ou préfinancées), si le producteur dispose d'une capacité de distribution. Il convient de rappeler à ce stade que la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique 18 ( * ) prévoit que la détention des mandats de commercialisation d'une oeuvre audiovisuelle est encadrée dans un décret d'application. Ce décret repose, selon la direction générale des médias et des industries culturelles interrogée par le rapporteur spécial, sur un équilibre entre une conception ambitieuse du financement de la production, notamment indépendante, et la nécessité de permettre aux diffuseurs de mieux rentabiliser leurs investissements.

Une première version du décret TNT autorisait déjà en 2015 les producteurs ayant une capacité de distribution à préempter automatiquement les mandats de vente en ce qui concerne les parts de coproduction 19 ( * ) . Ainsi sur les cinq dernières années, france.tv distribution ne possédait que 40 % des mandats de commercialisation des oeuvres coproduites par France Télévisions. Si l'accord interprofessionnel relatif à la négociation des mandats de commercialisation des oeuvres audiovisuelles coproduites par les éditeurs et comptabilisées dans leurs obligations d'investissement en production indépendant signé le 24 mai 2016, dit Accord Mandat, permet de renoncer à ce droit, france.tv distribution observe peu de cas dans la pratique.

Le dernier décret TNT donne désormais la possibilité aux éditeurs d'acquérir sur leur territoire l'ensemble des droits liés à un programme (droits dits « 360° »), notamment les droits liés à la diffusion à la demande (SVOD, AVOD, TVOD). Ces droits ne seront donc plus revendus par le distributeur.

Cela étant, le décret TNT dans sa version de 2021 prévoit diverses modulations conventionnelles, destinées à prendre en compte, le cas échéant, les accords professionnels négociés par les éditeurs. En outre, si le diffuseur finance a minima 50 % du devis de l'oeuvre et que sa contribution fait l'objet d'une mutualisation, il peut également disposer des droits dits « 360 ° ».

L'ouverture, au second semestre 2022, des négociations avec les organisations représentatives de producteurs en vue de donner une suite à l'accord interprofessionnel du 9 juillet 2109, qui arrive à expiration peut ainsi constituer une opportunité pour renforcer le rôle de france.tv distribution, en échange, le cas échéant, du maintien au niveau actuel de sa part de production dépendante (cf supra ) . L'accord de 2019 a déjà permis à la filiale de détenir les droits d'édition de la musique composée pour un programme à hauteur de son financement. France.tv distribution a ainsi créé une librairie musicale - france.tv Synchro - lui permettant d'exploiter ses droits.

En attendant, il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que france.tv distribution repense sa stratégie autour de deux axes :

- un soutien des producteurs via la recherche de préfinancements. Ceux-ci ont augmenté de 50 % en 2020 ;

- une aide aux producteurs indépendants émergents, particulièrement dans le secteur de la fiction digitale.

Le ministère de la culture n'entend pas, de son côté, revenir sur l'équilibre du décret TNT à court terme, invitant france.tv distribution à privilégier d'autres relais de croissance.

Sans mésestimer les difficultés que le décret engendre pour la filiale du groupe public et en n'ignorant pas le caractère parfois factice de la notion d'indépendance des producteurs, regroupés pour l'essentiel dans de vastes confédérations, le rapporteur spécial rejoint ce point de vue qui lui semble garantir le principe de sécurité juridique, gage de prévisibilité pour les entreprises et indispensable dans le domaine industriel .

L'autre grande limite à une progression des recettes en matière de distribution des droits tient à la faiblesse de la production dépendante de France Télévisions ( cf supra ), qui n'atteint pas le plafond de 17,5 % de ses investissements. Dans son rapport d'octobre 2016 sur France Télévisions, la Cour des comptes pointait ainsi l'absence de marges de manoeuvres commerciales en la matière pour france.tv distribution, rappelant que la BBC produisait 56 % de ses programmes en interne, le droit britannique imposant une obligation d'investissement moindre dans la production indépendante 20 ( * ) . Il convient de rappeler à ce stade que le décret TNT de 2021 laisse la possibilité de porter le plafond à 33 %. Les négociations sur le futur accord interprofessionnel appelé à prendre la suite de celui de juillet 2019 donneront une indication sur le choix retenu par France Télévisions entre développement de sa production interne et recherche de droits sur la production indépendante.

Enfin, au-delà de ces considérations juridiques, le rapporteur spécial a été alerté au cours de ses auditions sur les difficultés constatées ces dernières années sur le fonctionnement même de la filiale. Celle-ci a ainsi connu, depuis 2015, 4 présidents-directeurs généraux différents, le mandat des trois derniers d'entre eux n'excédant pas deux ans. La rotation des équipes a également été ciblée, avec une incapacité, selon certains acteurs du secteur, à garder les « talents ». Cette instabilité relative affaiblit à n'en pas douter la capacité à récupérer de nouveaux mandats de distribution.

Recommandation n° 8  (France Télévisions, france.tv distribution) : Privilégier la voie conventionnelle avec les producteurs indépendants pour consolider l'activité de distribution de droits des programmes coproduits ou préfinancés tout en inscrivant dans la durée les équipes dédiées au sein de france.tv distribution.


* 17 Article 21 du décret n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre.

* 18 Loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique.

* 19 Article 6 du décret n° 2015-483 du 27 avril 2015 portant modification du régime de contribution à la production d'oeuvres audiovisuelles des services de télévision.

* 20 Outre un quota de 25 % vers les producteurs indépendants, la BBC doit, depuis 2018, ouvrir au moins 40% du reste de son investissement à la concurrence, l'objectif étant d'atteindre 100% d'ici 2027. Des appels d'offres sont ainsi publiés pour chacune de ses productions.

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