B. LES FILIALES CINÉMA : UNE ORGANISATION À RÉVISER
1. Des filiales visant à respecter le cahier des charges de France Télévisions
a) Une filialisation déjà ancienne
L'article 10 du décret du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions prévoit que le groupe public contribue à la diversité de la production cinématographique et soutienne un cinéma d'initiative française et européenne « fort, pluriel et indépendant » 9 ( * ) .
Le service public de l'audiovisuel avait développé, dès 1970, une activité de production/coproduction dans le domaine du cinéma, en participant directement au financement de leur réalisation. Antenne 2 acquiert à partir de 1979 des droits de diffusion anticipés de films sur lecture des scenarios.
La deuxième chaîne obtient en 1980 le statut de producteur à la condition de créer une filiale dédiée. Les statuts de celle-ci sont déposés le 22 décembre 1980, la société nouvellement créée récupérant le portefeuille des participations antérieures du service public. Les recettes issues de l'exploitation de son catalogue sont complétées par une subvention du groupe. La filiale de FR3 dédiée à la production est, quant à elle, créée en 1984.
France 2 Cinéma a contribué à la production de 1 132 films depuis sa création. Depuis 1984, France 3 Cinéma a participé au financement de 966 films.
Nombre de films coproduits par les filiales
cinéma de France Télévisions
depuis 2018
Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial
La coexistence de ces deux filiales est garantie au niveau législatif en 2016 par la modification de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoit désormais que les sociétés nationales de programme « ne peuvent investir en parts de coproducteur dans le financement d'une oeuvre cinématographique que par l'intermédiaire de filiales ayant cet objet social exclusif » 10 ( * ) .
b) Une filialisation en trompe l'oeil ?
L'existence des deux filiales est avant tout garantie par la subvention d'équilibre versée par France Télévisions. Celle-ci atteignait en 2021 10,5 millions d'euros pour France 2 Cinéma et 8,3 millions d'euros pour France 3 Cinéma. Ce montant dépasse largement les ressources propres (valorisation du catalogue et fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée) des deux entités qui s'élèvent respectivement en moyenne à 7 millions d'euros et à une somme comprise entre 3,5 et 4 millions d'euros par an.
Les deux filiales n'ont, en revanche, pas été destinataires d'une partie des crédits du Plan de relance affectés à France Télévisions en faveur de la création (45 millions d'euros).
Les effectifs - 6 personnes au sein de chacune des entités - sont par ailleurs comptabilisés dans les équivalents temps pleins du groupe.
2. Un apport de 60 millions d'euros annuel pour le cinéma français
L'article 3 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne prévoyait que les éditeurs de services consacrent chaque année au moins 3,2 % du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent de chacun de leurs services à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres cinématographiques européennes. La production d'oeuvres d'expression originale française doit, par ailleurs, représenter au moins 2,5 % du chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent. Le pourcentage du chiffre d'affaires est porté de 3,2 % à 3,5 % suite à un accord passé entre les organisations de producteurs et France Télévisions le 20 décembre 2017.
L'accord trouvé avec le Bureau de liaison des organisations du cinéma (BLOC) et la société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) le 27
février 2020 sur l'exposition du cinéma dans les offres de France télévisions table, quant à lui, sur un investissement de France Télévisions, via ses filiales cinéma, d'au moins 60 millions d'euros par an dans les oeuvres de cinéma européenne et d'expression originale française . Le groupe s'engage, par ailleurs à « poursuivre la politique de soutien au cinéma dans toute sa diversité, aussi bien pour les achats que les préachats, sur le plan artistique comme financier ». Le texte prévoit, par ailleurs, la diffusion de 250 films de cinéma par an sur les antennes hertziennes et l'exposition d'au moins 50 oeuvres sur sa plateforme. L'accord prévoit également que France Télévisions puisse acquérir pour les films de cinéma qu'elle a préfinancés des droits de mise à disposition en télévision, pendant une durée maximale de 7 jours.
Cet engagement en valeur absolue permet d'éviter une diminution mécanique des investissements dans le cinéma au regard de la trajectoire d'économies à laquelle a été astreinte France Télévisions entre 2017 et 2022 . Ainsi, en 2021, 3,5% du chiffre d'affaires aurait représenté un investissement de 56,8 millions d'euros alors que l'investissement cumulé des deux filiales a atteint 61,8 millions d'euros.
Le montant de 60 millions d'euros est repris au sein de l'indicateur 9.1 du COM 2020-2022.
Montant des investissements des filiales cinéma
de France Télévisions
depuis 2018
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial
Les investissements des deux filiales publiques prennent la forme de coproduction, de « parts producteurs » et de préachats de droits de diffusions linéaires et non linéaires (diffusion sur la plateforme france.tv) . Aucune acquisition de droits d'exploitation en salles n'est opérée.
Répartition de l'investissement des filiales en 2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial
Depuis leurs créations, les deux filiales ont investi 1,652 milliard d'euros dans le cinéma français, France 2 Cinéma finançant 61 % de cette participation.
Investissement des filiales de France
Télévisions dans le cinéma français
entre 1979
et 2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial
3. Deux guichets aux logiques différentes ?
Le soutien des filiales répond à différents critères.
L'investissement doit, en premier lieu, permettre d'aider à la production de films répondant notamment aux enjeux de diversité sociale et géographique ainsi que ceux réalisés par des femmes.
Les films doivent disposer d'un « potentiel grand public » destiné à alimenter les antennes de France Télévisions et ont vocation à constituer un catalogue de films, sur lesquels le groupe disposera d'un droit d'accès prioritaire. Le financement doit également prévoir un droit à diffusion sur la plateforme du groupe.
La coproduction doit également permettre aux filiales de participer aux festivals et contribuer ainsi « au rayonnement du service public de l'audiovisuel ».
Ces critères sont communs aux deux filiales. France 3 Cinéma s'engage à soutenir spécifiquement les films d'animation (2 à 3 films sont produits chaque année) et ne dispose que d'un objectif a minima de coproduction d'un tiers de films diffusables en première partie de soirée.
Ces précisions ne contribuent que marginalement à distinguer les deux filiales. Les représentants des deux filiales ont toutefois souligné, lors de leur audition, une différence d'approche au moment de la sélection des projets.
France 2 Cinéma sera ainsi amenée à porter un intérêt particulier aux films clairement identifiés grand public et destinés à être diffusé en première partie de soirée, tout en soutenant en parallèle les films plus modestes a priori en termes d'entrées et d'audience qui puissent répondre aux exigences de diversité contenue dans la mission de service public confiée à la chaîne. Cette diversité vise tout à la fois les registres (drames, comédies, films d'auteur, films de genre, documentaires), les financements (budgets variés) et les points de vue : les films doivent ainsi contribuer à multiplier les points du vue sociétaux et à diversifier le profil de ses auteurs, qu'ils soient issus de minorités ou portés par des femmes (un tiers des films engagés depuis 2021).
350 projets environ sont étudiés chaque année. Le financement moyen par film atteignait 0,95 million d'euros en 2021 (29 films engagés).
France 3 Cinéma encourage de son côté les projets portant sur le patrimoine littéraire français, l'illustration de l'histoire nationale et européenne, l'exploration et le suivi des mouvements de la société contemporaine . Les projets retenus abordent ainsi des thèmes sociétaux à l'image, notamment, de l'éducation, de l'analphabétisme, de la place des femmes dans la société, de la xénophobie, du handicap, de la désertification des campagnes ou de l'engagement écologique. La mise en valeur et le rayonnement des territoires font également partie des critères retenus : entre 2018 et 2021, 81 des 119 films coproduits, soit 68 % du total, ont été tournés en régions (hors Île-de-France).
300 projets environ sont présentés chaque année. Le financement moyen atteignait 0,91 million d'euros par film en 2021 (27 films engagés).
S'il n'est pas contestable qu'il existe une vraie différence de traitement avec les projets financés par les filiales cinéma des groupes TF1 et M6, le rapporteur spécial relève qu'en dehors du volet « patrimoine littéraire et historique », la frontière entre les approches des deux filiales du groupe public apparaît relativement ténue. De l'aveu même des associations de producteurs auditionnées, bon nombre de projets sont indifféremment présentés aux deux filiales, maximisant ainsi les chances d'obtenir un financement.
4. Une valorisation insuffisante ?
En 2018 et 2019, les coproductions de France 3 Cinéma ont cumulé respectivement près de 13,5 millions d'entrées et 11,2 millions d'entrées (373 000 entrées en moyenne par film produit), soit 17 % et 15 % des entrées pour les films français sortis au cours de ces deux exercices. Le taux de retour sur investissement historique de la filiale de France 3 au 31 décembre 2021 était stable à 50 % de l'investissement en part producteur. Ce taux est calculé sur la base des produits réalisés historiquement par les films ayant plus de 12 mois d'exploitation à la clôture de l'exercice 2021. Celui de France 2 Cinéma atteignait, quant à lui, 60 %, les films coproduits cumulant 12,9 millions d'entrées en 2018 puis 17,21 millions d'entrées en 2019 (soit environ 521 000 entrées par film produit).
Nombre d'entrées cumulées pour les films
coproduits par les filiales cinéma
de France
Télévisions entre 2018 et 2021
( en millions )
Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial
Il apparaît difficile au rapporteur spécial de fixer des objectifs de retour sur investissement tant au regard de l'impératif, pour le service public, de soutenir une production indépendante et pour partie exigeante que de l'incertitude entourant une reprise de la fréquentation en salles dans un contexte de sortie de la crise sanitaire .
Nombre de films coproduits par les filiales
cinéma de France Télévisions
sortis en salle entre
2018 et 2021
Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial
Le rapporteur spécial s'interroge cependant sur la valorisation a posteriori sur les antennes du groupe des films coproduits. Les films issus du catalogue des deux filiales ne représentaient en effet en moyenne que 40 % des films diffusés en première partie de soirée sur les chaînes du groupe (France 2, France 3, France 5 et France 4 jusqu'en janvier 2021) entre 2018 et 2021, soit un taux quasi équivalent aux films étrangers.
Nombre de films diffusés en première
partie de soirée sur les antennes
du groupe France
Télévisions
11
(
*
)
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
Total |
219 |
238 |
206 |
153 |
Films étrangers |
106 |
120 |
84 |
59 |
dont films américains |
83 |
87 |
56 |
47 |
Films coproduits par les filiales |
75 |
91 |
78 |
65 |
dont films inédits |
18 |
30 |
36 |
35 |
Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial
France Télévisions a indiqué à juste titre au rapporteur spécial que le recours aux fictions américaines avait largement diminué ces dernières années : 47 films diffusés en première partie de soirée en 2021 contre 83 en 2018 12 ( * ) . Il n'en demeure pas moins que le nombre de films est supérieur aux films inédits produits par les filiales.
La faiblesse de la mise en avant des films coproduits a été soulignée par les associations de producteurs rencontrées par le rapporteur spécial, qui relèvent notamment l'absence de réelle promotion autour de leur diffusion.
Les modalités de diffusion peuvent également interroger : sur les 297 films inédits produits par les deux filiales diffusés sur les antennes du groupe public depuis 2018, 165, soit 55 % d'entre eux, n'ont pas été diffusés en première partie de soirée .
Films inédits coproduits par les filiales
diffusés sur les antennes
de France Télévision depuis
le 1
er
janvier 2018
Source : commission des finances, d'après les données transmises par France Télévisions au rapporteur spécial
Comme le relève le Centre national du cinéma et de l'image animée, si parmi les 80 films français inédits (83 en 2019) diffusés par France Télévisions en 2020, 65 ont été coproduits par au moins une chaîne du groupe (74 en 2019), soit 81,3 % (89,2 % en 2019), seuls 53,8 % de ces titres ont fait l'objet d'une diffusion en première partie de soirée en 2020 (43,2 % en 2019) 13 ( * ) . Le niveau enregistré en 2020 est le plus haut constaté depuis le début de la décennie. Ce taux reste cependant en deçà de ceux constatés sur les chaînes des groupes TF1 - 76,9 % - et M6 : 87,5 %.
Le nombre moyen de mois entre la date de sortie et la date de diffusion sur une chaîne du groupe peut également interroger : 35 mois en 2020 (39 en 2019) contre 34 pour le groupe TF1 et 33 mois pour le groupe M6.
La modification du régime de diffusion des oeuvres cinématographiques sur les services de télévision, intervenue en pleine crise sanitaire 14 ( * ) , constitue pourtant une réelle opportunité pour une plus grande diffusion de ces oeuvres sur le service public et répondre ainsi à une des objections de la Cour des comptes dans son rapport d'octobre 2016 sur France Télévisions, qui estimait que les filiales produisaient plus de films que la grille de programmes ne pouvait diffuser 15 ( * ) . En effet, pour les chaînes généralistes, le mercredi soir, le vendredi soir sont ainsi désormais ouverts alors que le samedi soir est, quant à lui réservé aux films coproduits .
Si le rapporteur spécial peut concéder que certains films coproduits soient trop exigeants, il s'interroge cependant sur la faiblesse de la mise en valeur de l'ensemble du catalogue qui semble corrélée à des impératifs d'audience. Il convient de rappeler à ce stade qu'en principe le service public est moins tenu que ses concurrents aux impératifs d'audience. Ce critère doit d'ailleurs être relativisé. Le rapporteur spécial note ainsi que 3 films produits par France 3 Cinéma diffusés en seconde partie de soirée ont fait plus d'audience (entre 0,8 et 0,95 million de téléspectateurs) que 27 autres longs métrages produits par les deux filiales et diffusés en première partie de soirée sur les antennes de France 4 et France 5. Il convient, dans le cas de ces trois films, de parler d'une véritable sous-exposition.
Le choix de l'éditorialisation de certains films coproduits par France 3 Cinéma et diffusés sur France 2 ( Les chatouilles , Jusqu'à la garde ), couplés avec un débat suite à la diffusion, montre pourtant que des stratégies de mise en valeur des coproductions existent et s'intègrent pleinement dans la mission de service public assignée au groupe. Elles donnent du sens à l'activité des filiales et aux objectifs qui lui sont assignés, et notamment celui de l'apport à la grille des programmes. Il convient donc de poursuivre en ce sens, sauf à considérer que France 2 Cinéma et France 3 Cinéma ne sont que de simples guichets et un élément de plus dans le soutien public au cinéma. L'absence d'une mise en avant plus importante peut de fait interroger sur la pertinence des filiales et rendre pertinente une des options avancées par la Cour des comptes dans son rapport de 2016 : la suppression des filiales elles-mêmes et l'affectation, par France Télévisions, de 3,5 % de son chiffre d'affaires au Centre national du cinéma et de l'image animée en vue de financement de projets.
La mise en avant des films réduirait par ailleurs le coût de la grille des programmes, en minorant le budget dédié aux acquisitions.
Recommandation n° 4 (France Télévisions) : Profiter de l'assouplissement des règles en matière de jours de diffusion pour diffuser davantage les chaînes du groupe les films coproduits par les filiales cinéma de France Télévisions et privilégier leur diffusion en première partie de soirée. |
5. Une fusion inévitable ?
La Cour des comptes avait préconisé en 2016 une fusion des deux filiales cinéma du groupe France Télévisions. Les auditions menées par le rapporteur spécial ont montré un attachement des professionnels à l'existence de deux guichets. Le groupe public rejoint cette analyse en indiquant que l'existence des deux entités garantit une variété des projets coproduits.
Il s'avère cependant que la distinction entre les deux filiales peut apparaître artificielle compte-tenu de l'existence, depuis septembre 2018, d'un comité de concertation mensuel sur les investissements entre les deux entités. Les projets présélectionnés par chacune des filiales y sont présentés. La présidente-directrice générale de France Télévisions, le directeur des antennes et des programmes du groupe et le directeur cinéma sont membres de ce comité.
Le rapporteur spécial n'attend pas de réelles économies budgétaires d'une éventuelle fusion : le nombre d'ETP (6 pour chacune des entités) est réduit et les coûts de fonctionnement sont déjà limités. Il relève simplement que la transformation en une seule entité aurait le mérite d'une certaine cohérence au regard de l'organisation de la programmation cinématographique sur les antennes du groupe public . Un directeur unique du cinéma a ainsi été nommé en février 2021. France Télévisions a indiqué au rapporteur spécial que celui-ci influait sur l'activité des deux filiales en participant à la définition des objectifs éditoriaux de coproduction et en coordination les négociations de droits non linéaires, afin d'augmenter le nombre de films disponibles en rattrapage gratuit pour le public.
Par ailleurs, le rapporteur spécial relève que seuls 45 % des films produits par France 2 Cinéma diffusés sur les antennes du groupe public depuis 2018 l'ont été sur France 2, alors que les deux guichets sont censés obéir à des logiques différentes, prenant en compte la spécificité des deux chaînes. À l'inverse, certains films produits par France 3 Cinéma s'avèrent in fine diffusés en première partie de soirée sur les antennes de France 2 (6 depuis 2018).
Une fusion ferait d'autant plus sens que le décret du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne, dit décret « TNT » 16 ( * ) ouvre la possibilité de mutualiser les obligations cinéma au niveau d'un groupe et de favoriser la circulation des oeuvres entre les chaînes.
La réunion en une seule entité ne serait, bien évidemment, pas accompagnée d'une réduction du montant dévolu au financement de la création et un couloir spécifique pourrait être préservé pour le financement du cinéma d'animation.
La fusion permettrait, en outre de lever une ambiguïté quant au rôle de France 5 dans le financement de la création cinématographique. Si France 5 diffuse principalement des films de patrimoine, elle n'est pas pour autant exonérée de ces obligations de financement dès lors qu'elle programme plus de 52 films par an , conformément à l'article 9 du décret du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne, dit décret « TNT ». En 2019, France 5 a ainsi diffusé 65 longs métrages puis 70 l'année suivante, sans pour autant qu'elle ne consacre 3,2 % de son chiffre d'affaires à la production cinématographique. L'exercice 2021 est marqué, sur ce canal, par la diffusion de 52 films.
Le décret du 30 décembre 2021 reprend les dispositions du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010, en ajoutant que le nombre annuel total de diffusion et de rediffusion de toute nature de ces oeuvres ne doit pas excéder 104. Cette nouvelle rédaction peut susciter un doute quant à savoir si les deux critères - plus de 52 films programmés et moins de 104 diffusions - sont cumulatifs. France Télévisions a ainsi estimé qu'il s'agissait d'une double condition pour exonérer sa chaîne de son obligation de financement, les films programmés en 2019 et en 2020 n'étant pas rediffusés. Reste que cet argumentaire ne résiste pas à la date d'entrée en vigueur du décret, soit le 1 er janvier 2022.
Il appartient désormais au régulateur - en l'espèce l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique - de tirer les conséquences de cette situation pour les exercices 2019 et 2020 et d'élaborer une doctrine d'interprétation du décret du 30 décembre 2021 pour les exercices à venir.
Recommandation n° 5 (France Télévisions) : Fusionner les filiales de production cinématographique en préservant un couloir de financement pour le cinéma d'animation, afin de prendre acte de la réorganisation de la programmation cinématographique sur les antennes de France Télévisions, de la difficulté à préciser la spécificité de chacune des deux filiales, ainsi que du rôle de France 5 en matière de financement du cinéma. |
Recommandation n° 6 (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) : Clarifier l'interprétation de l'article 9 du décret n° 2021-1926 du 30 décembre 2021 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne afin de préciser les obligations de France 5 en la matière. |
* 9 Décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions.
* 10 Article 16 de la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 11 France 2, France 3, France 5 sur toute la période et France 4 jusqu'en janvier 2021.
* 12 Sur les 118 films diffusés par France 2 et France 3 en première partie de soirée en 2021, seuls 34 étaient américains, dont 11 inédits. 10 films américains sont considérés comme patrimoniaux.
* 13 Centre national du cinéma et de l'image animé, La diffusion des films à la télévision en 2020, décembre 2021.
* 14 Décret n° 2020-984 du 5 août 2020 portant modification du régime de diffusion des oeuvres cinématographiques sur les services de télévision.
* 15 Cour des comptes, France Télévisions, Mieux gérer l'entreprise, accélérer les réformes - Rapport public thématique, octobre 2016.
* 16 Décret n° 2021-1926 du 30 décembre 2021. Le décret reprend les dispositions du décret n° 2010-747 du 2 juillet 201 relatif à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles des services de télévision diffusés par voie hertzienne, en ajoutant que le nombre annuel total de diffusion et de rediffusions de toute nature de ces oeuvres ne doit pas excéder 104. Cette nouvelle rédaction peut susciter une certaine ambigüité