B. RENFORCER LES DISPOSITIFS EXISTANTS ET LES CONSOLIDER EN MOBILISANT DE NOUVELLES SOURCES DE FINANCEMENT EN FAVEUR DU PATRIMOINE EUROPÉEN
1. Promouvoir un Loto du patrimoine européen et créer une Fondation européenne du patrimoine
L'exemple français tire les leçons des expériences pratiquées de longue date dans des pays membres ou ex-membres de l'UE : le National Heritage Fund au Royaume-Uni, la GlückSpirale en Allemagne, la BankGiroLoterij aux Pays-Bas, le Lottomatica en Italie.
Dès sa première année en 2019, l'opération française du loto du patrimoine a permis de récolter 50 millions d'euros supplémentaires pour le patrimoine en danger. Outre ces moyens nouveaux, on note une augmentation significative des financements privés induits : le gain de notoriété et la visibilité accrue des projets ont permis d'accroître de 6 millions d'euros les ressources des monuments concernés, tant en mécénat qu'en financements participatifs ( crowdfunding ) et par l'augmentation du nombre de visiteurs. Ces fonds ont financé la restauration de 270 monuments historiques, dont 18 sites emblématiques, un par régions identifiés par la mission dirigée par Stéphane Bern en liaison avec la fondation du patrimoine et le ministère de la culture et de la communication.
La Commission européenne n'étant juridiquement pas habilitée à recevoir de tels fonds, la transposition d'un tel modèle aux pays volontaires voire à l'ensemble des États membres nécessiterait de passer par une Fondation européenne du patrimoine, qui pourrait être une fondation de droit national, ou, mieux une fondation européenne, ce qui implique de remettre sur le métier le projet de statut de fondation européenne qui avait été retiré de l'agenda législatif en 2014 par la précédente Commission européenne, en raison de l'absence d'unanimité, requise en matière fiscale.
Un tel statut permettrait aussi d'attirer un mécénat européen vers ces projets.
2. D'autres voies novatrices à étudier : la tarification différenciée et le droit des marques
Les besoins de restauration des grands sites et monuments les plus fréquentés augmentent au fur et à mesure de leur surfréquentation, dont on peut penser qu'elle tendra à se poursuivre dès que les restrictions de circulation liées à la crise sanitaire seront levées. De même, l'intérêt croissant des citoyens, des élus et des territoires pour le patrimoine de proximité risque d'augmenter les besoins de financements exigés par la protection du patrimoine de proximité.
Face à cette évolution, il convient d'étudier de nouvelles sources de financement.
a) La tarification différenciée
La tarification différenciée permettrait de générer des ressources liées directement à la fréquentation du monument, qui sont des ressources propres pour l'établissement gestionnaire du site ou du monument. Par surcroît, des ressources fiscales sont générées par la TVA associée.
La fréquentation massive abîme les grands sites : les Européens doivent-ils seuls ou en grande majorité en supporter la charge (par les prélèvements obligatoires), là où les visiteurs extra-européens sont les plus nombreux ?
Aussi pourrait-on envisager d'appliquer un tarif d'entrée différent aux visiteurs, selon qu'ils sont ou non ressortissants de l'Union européenne ou de pays associés au titre de l'élargissement ou du partenariat oriental. Cette distinction, respectueuse du principe de non-discrimination au sein de l'Union européenne, permettrait de faire participer les touristes extra-européens davantage que les contribuables européens à la protection et à l'entretien du patrimoine européen qu'ils visitent.
b) Protéger les marques patrimoniales
Une autre voie est ouverte par la protection du droit des marques. Les noms de lieux les plus emblématiques où se trouvent les monuments et sites les plus renommés peuvent être actuellement dénués de protection à ce titre, soit qu'ils aient cédé leurs droits (cas de Vendôme) ; soit qu'ils aient été exposés, pour la production de produits dérivés dans le cadre de la déclinaison de leur marque et de la recherche de nouvelles ressources, aux prétentions de compagnies extra-européennes privées leur demandant de payer des droits sur leur propre nom (cas de Chambord).
Il s'agit de conserver un droit de regard aux gestionnaires des lieux et sites sur leur marque, afin qu'ils puissent tenir compte de l'utilisation qui en est faite, et, le cas échéant, percevoir des ressources correspondantes.
Au-delà de la jurisprudence 22 ( * ) et des législations nationales applicables en la matière, il convient d'inciter les responsables à appliquer les règles en vigueur pour déposer et mieux protéger leurs marques.
* 22 Par exemple Conseil d'État, ass., 13 avr. 2018