B. LES LIMITES DU PLAN DE RELANCE

Malgré ces succès, trois observations peuvent être formulées.

1. Les appels à projets suscitent précarité et inégalité

Le mécanisme des appels à projets est un mode de fonctionnement qui a deux défauts principaux : la précarité des financements et l'inégalité des territoires.

La précarité tout d'abord, car rien n'est jamais acquis. Il faut sans cesse redemander pour telle ou telle opération. C'est également chronophage, sur Tarbes et Lourdes, par exemple quatre associations avaient candidaté pour 9 000 € dans le cadre des « Jardins partagés ». De même, des associations locales n'avaient pas été retenues dans le cadre d'un appel à projets sur la culture, l'État semblant avoir favorisé des associations de plus grande dimension.

« Cette insécurité financière provoque une forme d'épuisement.
Ce sont les collectivités qui doivent garantir les projets structurants. »

Des mairies s'organisent pour répondre systématiquement et envisagent de manière assez fataliste un système où « tous les gagnants ont tenté leur chance »... Il faut également que les territoires fassent preuve d'une grande réactivité, les appels à projets ne sont pas ouverts très longtemps, parfois très tardivement comme pour les quartiers d'été dont les moyens ont été délégués en mai et juin, mais bien évidemment par appels à projets !

Ce mode de fonctionnement introduit également une grande inégalité entre les territoires au bénéfice des mieux organisés, des plus mobilisés et des plus visibles. À Tarbes et Lourdes, c'est l'organisation sous la forme d'un groupement d'intérêt public, un GIP, qui permet au territoire d'attirer à lui des moyens. Dans les Yvelines, c'est le rôle de la préfecture qui semble être déterminant. Très mobilisée et réactive, elle a multiplié les réunions d'information et de suivi et s'assure que les communes puissent répondre à tous les appels à projets dans tous les domaines. À Grigny, c'est plutôt la visibilité de la commune et des équipes très professionnelles qui permettent de tirer le meilleur parti du plan de relance.

« Premier arrivé, premier servi, est-ce la promesse républicaine ? »

2. Quel avenir pour les postes créés ?

On peut ensuite s'inquiéter de la pérennité des financements et des postes créés. C'est particulièrement flagrant pour les conseillers numériques déployés dans les Maisons France services. Le plan de relance finance, pour 24,5 millions d'euros, 477 postes de conseillers numériques.

À Tarbes et Lourdes, 470 000 euros ont été attribués pour une dizaine de postes sur deux ans. L'action ne s'inscrit pas dans la durée . Il n'y a ni pilotage ni mise en réseau. Le constat des équipes du GIP, c'est que tout peut retomber s'il n'y a pas au final une prise en charge par les collectivités et les associations déjà implantées sur le territoire.

À Chanteloup-les-Vignes, l'équipe municipale explique que, particulièrement dans le domaine sportif, les associations sont échaudées par la précédente suppression des contrats aidés. Elles hésitent à s'engager alors que, de petite taille, constituées essentiellement de bénévoles et fragilisées par la baisse des pratiquants en raison de la crise sanitaire, elles ne peuvent assumer un salarié si l'aide venait à se tarir. C'est donc la commune qui doit s'engager et apporter les garanties .

3. Le plan de relance, un tournant pour les quartiers ?

Enfin, se pose la question de l'impact du plan de relance sur la trajectoire des quartiers .

Le sentiment des équipes du GIP de Tarbes et Lourdes, c'est que le plan de relance est un outil technique utile qui vient consolider le travail de terrain, mais il reste invisible pour les habitants qui ne perçoivent pas un changement net entre avant et après. En matière de développement économique et d'emplois, de nombreux jeunes intègrent les dispositifs proposés, mais il n'y a aujourd'hui aucun recul sur leur impact.

À Grigny, le retour est un peu plus positif. Le mouvement impulsé est visible des habitants qui reconnaissent que « les choses avancent » même si là aussi toute une partie est invisible compte tenu des délais de mise en oeuvre. Par exemple à Grigny 2, les relogements avant démolition progressent à toute petite vitesse.

Ce sont les programmes « Quartiers d'été » et « Vacances apprenantes » qui ont provoqué l'effet le plus sensible , « des moments de retrouvailles extraordinaires » et un vrai progrès scolaire avec un nombre d'enfants en stages de remise à niveau multiplié par cinq ou la distribution de cahiers de vacances du CP à la 5 e vécue par beaucoup comme une vraie chance !

À Chanteloup-les-Vignes, malgré les moyens du plan de relance qui devraient permettre de bâtir la cité éducative et de démolir un immeuble où se concentrent les trafics, le risque est permanent de voir se défaire ce qui a été construit avec beaucoup d'effort : le suivi des jeunes qui quittent la commune pour le lycée, le maintien en bon état des biens publics face aux dégradations et à la volonté des trafiquants de reprendre le contrôle du territoire, ou encore l'attribution des logements à des ménages toujours plus en difficulté à la place de ceux qui ont été accompagnés par le centre d'action sociale vers un parcours résidentiel ascendant.

On touche là une des difficultés fondamentales de la politique de la Ville qui doit empêcher que ces quartiers soient des ghettos fermés pour en faire des sas vers la République tout en ne parvenant pas à les normaliser et à les intégrer pleinement dans leurs villes de rattachement.

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