EXAMEN EN DÉLÉGATION
M. Rémy Pointereau, président . - Notre délégation a confié le 11 mars dernier à nos collègues Philippe Mouiller et Patricia Schillinger la conduite d'une mission sur les initiatives des territoires en matière de santé. Nous avons auditionné ce même jour M. Frédéric Valletoux, président de la fédération hospitalière de France, maire de Fontainebleau ; Mme Véronique Besse et M. Frédéric Chéreau, co-présidents de la commission santé de l'Association des maires de France (AMF) et M. Olivier Renaudie, professeur de droit public.
Ces auditions ont posé des questions essentielles. Pourquoi l'État, à qui incombe, selon les textes, la responsabilité exclusive de la politique de la santé, a-t-il autant de difficultés à lutter contre les déserts médicaux ?
Les agences régionales de santé (ARS), créées en 2009, ont-elles permis d'agir plus efficacement dans ce domaine ?
Quel rôle les élus locaux peuvent-ils jouer pour améliorer l'offre de soins sur leurs territoires ? En ont-ils les moyens juridiques, techniques et financiers ? Quelles sont les bonnes pratiques ?
Les élus sont-ils aidés par l'État ou, au contraire, entravés dans leurs initiatives ? Quels sont les freins à lever afin de permettre aux élus de porter des projets innovants au service des populations ?
Quel est le bon échelon local pour agir efficacement, en application du principe de subsidiarité ?
C'est pour répondre à l'ensemble de ces interrogations que vous avez mené un travail sur six mois avec pas moins de 50 auditions.
Votre travail a permis d'identifier quelques bonnes pratiques locales, ce qui constitue en quelque sorte, « l'ADN de notre délégation ».
Il a aussi permis de formuler des recommandations propres à encourager ces initiatives et à supprimer ou limiter d'éventuelles entraves à leur expression. Je crois même que certaines propositions ont d'ores et déjà intégrées dans le cadre du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique, dite loi « 3DS ». Je pense en particulier aux propositions permettant de mieux associer les élus locaux au fonctionnement des ARS. Je m'en réjouis, car comme je l'avais indiqué le 11 mars dernier, l'ARS, c'est aujourd'hui un peu « l'État dans l'État ».
Nous sommes également très intéressés par votre regard avisé sur la télémédecine puisque notre délégation a entendu le 3 juin dernier deux valeureux maires, qui ont vanté les mérites des nouvelles technologies comme outils de lutte contre les déserts médicaux. Est-ce bien la solution miracle ? Ou une solution de dernier recours ?
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Cristallisée autour de la formule choc des « déserts médicaux », la question de l'accès géographique aux soins est de plus en plus prégnante dans le débat public. Les déserts médicaux concernent souvent des espaces ruraux, mais aussi certaines villes moyennes ou des zones périurbaines, si bien que les difficultés d'accès aux soins constituent une part significative des interpellations adressées aux élus locaux. En effet, trop de Français ont déjà renoncé ou reporté des soins, en raison notamment de délais d'attente trop longs ou de distances trop importantes à parcourir.
Face à cette situation, qui se dégrade d'année en année, les élus sont inquiets, voire en colère. Mon collègue Philippe Mouiller et moi-même sommes entrés dans cette mission délicate avec une grande humilité. Nous avons d'abord cherché à comprendre les leviers d'action des collectivités locales dans le domaine de la santé, leviers qui sont malheureusement limités.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Une anecdote : ce matin en venant, j'ai lu ce titre dans la presse : « La région Île-de-France, le plus grand désert médical de France » - c'est dire que le problème est général.
La compétence de la commune en matière de santé se fonde essentiellement sur ses pouvoirs de police administrative générale en vertu desquels le maire est habilité à prendre toute mesure pour assurer la « salubrité publique ». Le maire peut aussi s'appuyer sur la clause de compétence générale qui lui permet, par exemple, de créer des centres de santé ou de verser des aides dans le but de lutter contre les déserts médicaux.
Quant au département, il constitue l'échelon essentiel du dispositif relatif à l'action sociale et médico-sociale. Le département dispose ainsi de la compétence en matière de protection maternelle et infantile (PMI), du handicap et de la dépendance. Il peut également attribuer des aides afin de favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé.
Enfin, la région dispose, au même titre que la commune et le département, de la possibilité d'attribuer des aides destinées à favoriser l'installation ou le maintien de professionnels de santé dans certaines zones sous-denses. Elle subventionne ainsi des maisons de santé et participe financièrement à la construction des locaux. De la même façon, la région peut soutenir financièrement des actions de promotion de la santé. La région instruit, par délégation de la Commission européenne, les dossiers éligibles au Fonds européen de développement régional (Feder), lequel peut être affecté au financement de projets locaux de construction de maisons de santé. Enfin, la région, qui est l'interlocuteur naturel de l'ARS, est associée au stade de la mise en oeuvre du projet régional de santé en qualité essentiellement de partenaire financier. C'est pourquoi le rapport insiste sur la nécessité pour la région de développer des synergies fructueuses avec les départements et de veiller à une coordination efficace entre ces derniers.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Les élus locaux cherchent, de longue date, à se mobiliser face aux difficultés de l'État, en dépit de la modestie des moyens juridiques, techniques et financiers dont ils disposent pour améliorer l'accès aux soins. En effet, les élus de terrain sont régulièrement interpellés par les habitants sur cette question majeure.
Historiquement, ce sont les communes et leurs groupements qui, face à la carence de l'État, ont créé des centres de santé afin de remédier aux déserts médicaux et de limiter l'isolement des professionnels de santé par le développement de leur « exercice coordonné ». Si cette pratique est développée par un nombre croissant de communes et d'intercommunalités, elle est limitée par une demande de médecins pour le salariat inférieure à l'offre des centres de santé. Les solutions pour lutter contre les déserts médicaux peuvent également passer par la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Nombreux sont les élus qui mettent en place de telles structures, afin de développer des activités de soins sans hébergement au plus près des territoires. S'il n'est pas possible de citer toutes les initiatives locales en matière de MSP, les auditions ont permis de mettre en exergue quelques pratiques exemplaires. Citons, en particulier, la MSP à Fontainebleau : lors de son audition, M. Frédéric Valletoux a expliqué avoir créé, dans sa commune de Fontainebleau, une maison dotée du label universitaire.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Par ailleurs, certaines collectivités créent des centres de santé pour répondre aux difficultés d'accès aux soins. Autrefois dénommés « dispensaires », les centres de santé sont des structures sanitaires publiques chargées de pratiquer principalement des soins de premier recours. Ces centres emploient des médecins salariés et se distinguent ainsi des MSP, qui sont, elles, des structures privées au sein desquelles les médecins exercent une activité libérale. Si les communes et leurs groupements ont été historiquement les premiers à créer des centres de santé dans les zones déficitaires, certains départements prennent, depuis quelques années, d'opportunes initiatives en la matière. Tel est le cas du département de Saône-et-Loire, souvent cité en exemple dans la mesure où il a créé, en 2017, le premier centre de santé départemental en France.
La création des centres de santé s'accompagne parfois de solutions visant à développer la médecine ambulante. En effet, de nombreux élus développent cette modalité particulière d'exercice de la médecine afin de rapprocher l'offre de soins des patients situés en zones sous-denses ; matériellement, cela peut prendre la forme d'un bus.
Certaines collectivités ont fait le choix, plutôt que de financer des structures de soins fixes ou itinérantes, de mener des actions proactives afin de favoriser l'installation des médecins (logement, aides à l'emploi du conjoint, cadre de vie...). Citons en particulier le conseil départemental de l'Aveyron et celui des Deux-Sèvres.
Les initiatives réussies des collectivités territoriales en matière d'accès aux soins peuvent également porter sur des actions préventives : par exemple, le programme « J'agis pour ma santé » lancé par la métropole de Montpellier en 2017.
Le rapport traite également de la télémédecine. En effet, nombre de personnes entendues dans le cadre du rapport ont fait valoir que les habitants de zones médicalement sinistrées sont en détresse depuis des années et n'ont aucun espoir de voir la couverture médicale s'améliorer à court comme à moyen terme par le recours aux solutions « conventionnelles ». Ces personnes affirment également que la crise sanitaire devrait jouer un rôle d'accélérateur du déploiement des télécabines ou des cabinets de télémédecine. L'intérêt de ce rapport est de se nourrir des propositions.
Nous avons 12 recommandations, 7 pour les collectivités territoriales, 5 pour l'État.
Première proposition : bâtir des centres ou maisons de santé « partenariaux », c'est-à-dire en étroite concertation entre les élus locaux et les professionnels de santé, et ce le plus en amont possible. Cette synergie est essentielle pour garantir le succès de l'opération. En effet, nombreuses sont les maisons de santé dont les murs existent, mais qui n'accueillent ni patients ni médecins.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Deuxième proposition : renforcer les liens entre les collectivités territoriales et les facultés de médecine, avec des antennes universitaires dans chaque département, un label universitaire dans les maisons de santé, comme le prouve l'exemple précité de Fontainebleau.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Troisième proposition : favoriser l'installation des médecins dans les zones sous-denses par des dispositifs incitatifs, allant des bourses financières jusqu'au salariat.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Quatrième proposition : attirer les médecins par une aide personnalisée apportée à eux-mêmes ainsi qu'à leur famille afin de favoriser leur installation dans les territoires, avec, par exemple, des aides au logement ou des actions permettant au conjoint du médecin de trouver du travail localement.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Cinquième proposition : rechercher l'échelon local pertinent pour la mise en oeuvre des projets de santé. Deux critères méritent d'être pris en compte pour apprécier le niveau pertinent d'intervention : la soutenabilité financière et la technicité du projet.
On a vu nombre de projets naître dans des collectivités trop petites pour les faire tenir dans la durée ; la notion d'échelon pertinent est décisive.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Sixième proposition : généraliser les contrats locaux de santé (CLS) sur l'ensemble du territoire. En effet, ces contrats, portés conjointement par l'ARS et une collectivité territoriale pour réduire les inégalités territoriales et sociales de santé, sont l'expression des dynamiques locales partagées entre acteurs et partenaires sur le terrain pour mettre en oeuvre des actions, au plus près des populations. Il appartient donc aux élus, d'une part, de généraliser les CLS sur l'ensemble du territoire, et, d'autre part, de favoriser la généralisation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Septième proposition : encourager le recours à des projets de télémédecine quand aucune solution alternative ne paraît envisageable. En effet, la télémédecine ne doit pas se développer au détriment de la venue de médecins dans les territoires sous-dotés.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Les cinq propositions suivantes s'adressent à l'État.
La huitième proposition consiste à associer les élus locaux à la stratégie nationale de réduction des inégalités territoriales. Cette stratégie nécessite l'établissement d'un bilan des installations et des départs des professionnels de santé ainsi qu'une cartographie précise de l'offre de soin. En effet, les outils de pilotage font actuellement défaut les données sont centralisées et agrégées.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Neuvième proposition : lancer, sans tabou, un débat national sur la formation et la liberté d'installation des médecins. Jusqu'à présent, les tentatives d'ajustement de la répartition des médecins se sont heurtées à de fortes oppositions. Or, le principe de liberté d'installation est insuffisamment mis en regard du principe d'égal accès aux soins et de la notion d'intérêt général. Le rapport souligne donc l'importance de cette question, soulevée régulièrement lors des auditions. En conséquence, il s'interroge sur l'opportunité de renforcer les dispositifs d'incitation, voire d'adopter des mesures coercitives aménageant le principe de liberté d'installation .
Nous n'avons pas tranché entre les différents types de mesures, mais il faut relancer le débat à l'échelon national.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Dixième proposition : lancer une réflexion commune État-collectivités territoriales sur les risques de compétition entre les territoires. En effet, le rapport pointe le risque de concurrences, voire de surenchères entre territoires, dans un contexte marqué par un déséquilibre structurel entre l'offre et la demande de soins dans certains territoires.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Onzième proposition : renforcer le rôle facilitateur des ARS, en confiant aux délégations départementales un rôle d'interface de proximité avec les élus ou en dotant les ARS d'une direction opérationnelle dédiée aux relations avec les élus. Cette évolution est d'autant plus nécessaire que la crise sanitaire a montré que les délégations départementales, censées rapprocher la gestion des ARS du terrain, ne jouent pas suffisamment le rôle de proximité escompté. Ce sentiment est plus marqué dans les grandes régions, au sein desquelles l'échelon régional peut paraître particulièrement lointain.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Enfin, douzième proposition : mieux associer les collectivités territoriales à la politique menée par l'ARS dans la lutte contre les inégalités territoriales d'accès aux soins. Cette recommandation suppose, dans le cadre du projet de loi 3DS, de renforcer le poids des élus locaux au sein du conseil de surveillance de l'ARS ; d'élargir les attributions du conseil de surveillance des ARS ; d'associer les collectivités locales à la détermination des « déserts médicaux ».
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Ce rapport a donc deux objectifs.
D'abord, mettre en valeur les bonnes pratiques locales menées par des élus courageux qui, malgré les difficultés, sont des inventeurs de solutions et des développeurs de territoires, dans un champ de compétences largement déserté par l'État. Clemenceau disait : « Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » Cette formule illustre parfaitement le volontarisme et la détermination dont font preuve les élus locaux, confrontés aux difficultés de l'État à répondre à sa mission en matière d'accès aux soins, jusqu'au dernier kilomètre.
Face au sentiment d'abandon de nos concitoyens, nombreuses sont les collectivités qui mettent en oeuvre des solutions innovantes, partenariales et pragmatiques pour remédier aux déserts médicaux. Le rapport ne prétend pas proposer « la » solution miracle, mais un éventail de possibilités : le rapport se conçoit ainsi comme une « boite à outils » dans laquelle les élus peuvent utilement piocher pour trouver les solutions les plus adaptées à leurs territoires.
Ensuite, au travers de ses 12 propositions, nous invitons les élus et l'État à faire plus et mieux. Les élus ne ménagent pas leur peine ni leur temps pour offrir aux populations la meilleure couverture médicale possible, mais trop de projets sont conçus sans concertation suffisante, en particulier entre élus, mais aussi avec l'État et les professionnels de santé. Il faut que tout le monde se mette autour de la table, cela nous apparaît être un critère décisif de réussite.
Puisse le présent rapport permettre une salutaire prise de conscience collective à l'orée de la campagne présidentielle.
M. Rémy Pointereau, président . - Effectivement, puisse-t-il même servir de plateforme électorale.
Mme Florence Lassarade . - Merci pour ce travail important. Comme professionnelle de santé, je veux souligner le poids toujours plus grand des tâches administratives. Quand j'ai fermé mon cabinet en devenant sénatrice, je n'avais pas actualisé mes données numériques depuis un an, c'est un casse-tête pour les médecins. Je connais bien des médecins qui, atteignant la soixantaine, arrêtent leur activité par lassitude envers ces tâches administratives.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - C'est une réalité, mais nous ne l'avons pas abordée dans notre rapport, qui porte sur les initiatives des collectivités territoriales en matière de santé.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Les élus locaux manquent parfois d'information sur le départ des médecins, c'est dommage. On peut améliorer ce point, d'où l'utilité de la cartographie pour anticiper les départs en retraite et leurs conséquences sur l'offre médicale.
M. Laurent Burgoa . - Merci pour ce rapport et de nous avoir associés à vos travaux. Vous préconisez la recherche de l'échelon pertinent, c'est en effet décisif, car nous voyons éclore bien des projets qui ne paraissent pas toujours bien dimensionnés : quel est, selon vous, le bon échelon ?
M. Antoine Lefèvre . - Merci pour ce travail important, les questions médicales prennent de plus en plus d'importance, les élus locaux s'inquiètent. Il faut que les ARS soient plus opérationnelles et anticipent mieux les départs de médecins - c'est un thème qui ressort dans tous mes contacts avec les élus, y compris en ville. Vos propositions vont dans le bon sens, il est temps d'agir avec volontarisme et pragmatisme, on ne fera pas l'économie d'un débat national sur le sujet. On connaît la force de la liberté d'installation, mais quand on sait les manques actuels, il faut avancer. Quels sont les critères du label universitaire que vous mentionnez ?
M. Laurent Somon . - La concurrence entre les territoires est prégnante pour le médical, c'est même devenu un enjeu électoral : il faut renouveler nos méthodes pour l'installation des médecins, mais, plus généralement, pour l'installation des professionnels de santé. Par le passé, un guichet unique existait pour l'installation des maisons médicales, ce qui me paraît la bonne méthode. Ensuite, en raison des contraintes administratives, les jeunes médecins s'orientent de plus en plus vers le salariat. Par ailleurs, l'obligation de stage dans une maison médicale pour les internes en médecine est un bon levier d'action parce que ces stages peuvent encourager l'installation dans les territoires peu couverts. La télémédecine, elle, ne doit être qu'un complément, ou un dernier recours. Enfin, je regrette que les parlementaires ne participent pas au comité régional d'investissement hospitalier, alors que la question des déserts médicaux est liée à celle des hôpitaux de proximité, et que nous votons la loi de financement de la sécurité sociale : la participation à ce comité régional me semblerait très utile.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - L'échelon pertinent est une notion déterminante, des installations se font sans en tenir compte, ce qui compromet la viabilité des projets. Cependant, nous n'avons pas de réponse toute faite, la pertinence dépend du bassin d'habitat, des équipements existants. En tout état de cause, il faut que les acteurs se mettent autour de la table pour définir les choses ensemble.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Nous avons vu des montages étonnants, par exemple une téléconsultation où la secrétaire de mairie prenait les rendez-vous et la mairie une partie des charges de consultation.
Nous n'avons pas les critères du label universitaire, ils sont définis en concertation, chaque territoire est différent.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Il faut un cahier des charges spécifique pour l'accueil de stagiaires, avec une priorisation des maisons labellisées. Ensuite, on commence à délocaliser les premières années d'enseignement des professions médicales : les universités développent ces outils, c'est intéressant, il faut progresser pour que les formations se réalisent dans les territoires.
Notre message est bien qu'il faut créer un espace de dialogue et de coordination en amont de l'installation, c'est ce dialogue local qui permet de prendre en compte les ressources, de faire les liens avec l'hôpital local.
Mme Corinne Imbert . - Merci pour ce rapport et votre invitation. Comme professionnelle de santé, je confirme le manque de dialogue. Le CLS ne règle pas tout, d'autant que les réunions ne sont pas le fort des professionnels de santé, peut-être faut-il les prévoir en fin de journée pour que les professionnels de santé puissent y participer plus facilement.
Au Sénat, nous avons voté l'obligation pour les internes en médecine générale de faire six mois dans les territoires en besoin de médecins. Le décret n'est toujours pas publié, le ministre n'en veut apparemment pas, parce que les internes n'y sont pas favorables. Il y a environ 3 500 internes en médecine générale, cela représenterait 35 internes en moyenne par département pour renforcer l'offre médicale. J'ai insisté, mais le ministre ne répond pas directement à ma question, j'y reviendrai dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale : il faut faire bloc.
Sur la liberté d'installation, il faudra engager le débat. À l'aune de la pandémie, on se rend compte que cette possibilité permet d'assurer la continuité de certaines missions. Je ne connais pas un seul pharmacien qui n'ait pu s'installer où il voulait, sous réserve d'une autorisation. Il en est de même pour les notaires. Cela demandera du courage et du temps et supposera de relancer le dialogue entre l'État et les ARS. Quant à la cartographie, elle n'est valable que trois ans, et en Nouvelle-Aquitaine, nous attendons toujours. Or dans certains territoires, la situation s'est dégradée entre-temps. Pour le Plan santé, nous nous sommes fondés sur les données de l'e-santé.
Mme Sylvie Robert . - Je remercie nos deux rapporteurs pour leurs travaux. La question de la typologie des déserts médicaux m'importe beaucoup, d'autant que ce phénomène touche certains milieux périurbains et résulte aussi du déplacement des populations. En Bretagne, à la suite du confinement, certains de nos concitoyens veulent changer de vie, ce qui se traduit par une modification du marché de l'immobilier. Cette région est pourtant riche en belles maisons de santé. Mais d'autres incitations, telles que des partenariats avec les communes limitrophes, doivent être prises en considération. La patientèle augmente parfois avec le télétravail. Les géographes travaillent sur ces tendances, qui mériteraient d'être analysées.
M. Jean-Michel Houllegatte . - À mon tour de féliciter les deux rapporteurs. Les collectivités sont véritablement à l'épreuve des déserts médicaux, alors que l'accès aux soins est un besoin prioritaire de nos concitoyens. Quelle est la bonne échelle de dialogue entre les élus, l'État et les professionnels, dont l'assurance maladie qui est elle aussi partie prenante ? Les ARS ont un espace beaucoup trop vaste. En outre, il doit être possible d'objectiver les données, notamment sur la démographie médicale. Ma santé 2022 sur laquelle on avait beaucoup parlé, c'est maintenant ! Où en est le dispositif qui devait desserrer l'activité des médecins ? Il faut trouver des solutions pour ne pas laisser les élus seuls.
Mme Agnès Canayer . - Je salue la qualité du travail de nos rapporteurs. J'aborderai l'accès aux soins en milieu urbain. Au Havre, il faut un an pour obtenir un rendez-vous chez certains spécialistes. L'inégalité et la concurrence entre les quartiers sont patentes. Depuis la mise en place de la zone franche urbaine, la médecine a complètement disparu dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cette rupture dans l'accès aux soins se fait toujours au détriment des plus défavorisés. Dispose-t-on d'une analyse détaillée de l'accès aux soins entre les spécialistes et les généralistes ?
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - Aujourd'hui, nous manquons d'outils de pilotage. Nous ne savons pas où vont les étudiants qui viennent de terminer leurs études. Et nous manquons de données sur les consultations chez les généralistes et les spécialistes. Cela renvoie aux problématiques du dialogue. Les deux outils, à savoir les CLS et les CPTS, sont relativement intéressants. D'ailleurs, en deux ans, nous sommes passés de 400 à 671 CPTS sur le territoire national. Les résultats dépendent beaucoup de la typologie, mais il faut partout accentuer le dialogue. Les changements de population sont délicats à analyser, mais les outils de pilotage nous permettraient d'avancer. Ceux-ci favoriseraient aussi une meilleure régionalisation du nombre d'étudiants, qui repose sur des données trop anciennes.
Mme Patricia Schillinger, rapporteur . - Les outils sont d'autant plus importants que 40 % des étudiants diplômés disparaissent dans la nature. Les femmes sont aussi concernées, qui sont souvent employées à temps partiel. À Toulouse, on constate un désert médical, alors que le besoin de prévention et de soins est réel. Nous avons besoin de ces outils pour travailler.
L'installation de médecins dans des maisons de santé est importante pour éviter les déplacements dus à la fiscalité. Il faut remettre la santé au coeur des territoires, par un travail entre les élus et les ARS. En outre, la retraite des médecins doit être envisagée à l'avance, car un spécialiste ne se trouve pas facilement. Enfin, il convient de tenir compte de la profession du conjoint du médecin. Nous devons avancer au niveau national.
Mme Michelle Gréaume . - Je remercie les deux rapporteurs de leur travail très important. Je suis contre la télémédecine. Pour ce qui est des données, chaque département doit faire l'objet d'un relevé et être doté d'un centre universitaire. Une rencontre avec l'université de médecine serait à cet égard la bienvenue. L'hébergement doit aussi être envisagé, de même que la rémunération des médecins, qui effectuent de plus en plus de tâches administratives. Enfin, une réflexion sur la médecine de nuit doit être engagée, car celle-ci n'existe plus. Pourquoi ne pas prévoir des ouvertures de postes par spécialité ?
Mme Anne-Catherine Loisier . - Je salue également le travail des rapporteurs. Je voudrais revenir sur la méthode qui peut être conseillée aux maires. Il faut privilégier la coordination de terrain, qui est un gage de qualité. Certains maires veulent parfois répondre à une demande locale, mais l'exercice temporaire de la médecine soulève des problèmes de continuité des soins. Des CPTS n'existent pas partout. Quand on a la chance d'avoir un hôpital de proximité, c'est un vrai plus. De petits pôles de santé de proximité s'organisent parfois autour de l'hôpital, ce qui constitue une vraie réponse à l'attente de nos concitoyens. Les maires doivent avoir le souci du suivi des patients dans la durée.
M. Philippe Mouiller, rapporteur . - La télémédecine est le dernier outil quand on n'a pas d'autre solution. Nous sommes de nouveau sur le débat du pilotage et du dialogue entre les professionnels et les élus. Nombre d'entre eux ont lancé des investissements qui sont inopérants.
Mme Émilienne Poumirol . - Ce qui fonctionne, ce sont les maisons pluridisciplinaires de santé, où exercent divers professionnels de santé : médecins, kinésithérapeutes, psychologues, etc.
M. Rémy Pointereau, président . - Ce sujet concerne l'ensemble de nos territoires et intéresse vivement nos collègues eu égard au nombre de questions qu'ils ont posées.
La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.