B. LA NÉCESSITÉ DE S'APPUYER SUR LE MAILLAGE TERRITORIAL EXISTANT DE CERTAINS PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ
1. Le dynamisme du réseau des sages-femmes
Contrairement à d'autres professions médicales en milieu rural , le réseau des sages-femmes connaît, dans les territoires ruraux notamment, un dynamisme de nature à combler certaines lacunes du maillage territorial des professionnels de santé.
Ainsi que le rappelait Anne-Marie Curat, présidente du Conseil national de l'Ordre des sages-femmes, lors de la table ronde du 28 janvier 2021, « les sages-femmes constituent une référence de la santé génésique. Leurs compétences sont adaptées au suivi des femmes en bonne santé ».
Les sages-femmes accompagnent par essence les femmes dans leur grossesse, quelle qu'en soit l'issue. Mais la profession de sage-femme a muté pour répondre aux besoins des femmes et suivre les évolutions de ces besoins .
Ainsi, les sages-femmes assurent le suivi gynécologique des femmes en bonne santé, et depuis la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), elles prescrivent la contraception .
Elles participent également, aux côtés des médecins et des gynécologues, au dépistage organisé du cancer du sein et du col de l'utérus. Depuis environ sept ans, les sages-femmes se sont véritablement emparées de cette compétence en matière de suivi gynécologique de prévention. Auparavant, elles rencontraient des difficultés liées à l'invisibilité de la profession dans ce domaine et au manque de communication et d'information auprès de la population sur leurs compétences médicales.
Depuis la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, les sages-femmes peuvent également prescrire et pratiquer l'IVG médicamenteuse , oeuvrant au quotidien pour garantir l'accès à ce droit.
Comme le rappelait le professeur Israël Nisand lors de la table ronde précitée du 28 janvier 2021, « l'IVG peut être de deux sortes : chirurgicale et médicamenteuse. Cette dernière est très largement réalisée par les sages-femmes, depuis que l'Ordre de la profession a accepté, il y a une vingtaine d'années, de participer aux IVG. La présence des sages-femmes au sein des centres périnataux est vraiment la solution de l'orthogénie. Actuellement 70 % des IVG pratiquées en France sont médicamenteuses ».
Il convient donc de faire la distinction entre la grande part d'IVG médicamenteuses, qui peuvent être réalisées localement en milieu rural , et la petite proportion d'opérations chirurgicales prises en charge par le réseau de soin créé entre les centres périnataux de proximité et l'hôpital référent.
La délégation insiste toutefois sur le fait que les deux types d'IVG, médicamenteuses et opératoires, doivent pouvoir être accessibles en milieu rural , ce qui reste aujourd'hui un enjeu fort.
Une étude récente 34 ( * ) de la DREES, publiée en septembre 2021, intitulée Interruptions volontaires de grossesse : une légère baisse du taux de recours en 2020 indique qu'à l'échelle nationale, en 2020, 222 000 IVG ont été enregistrées en France, ce qui représente une baisse d'environ 4 % par rapport à 2019, principalement observée en métropole.
Cette étude précise également que l'année 2020 se distingue par une baisse marquée du nombre des IVG réalisées dans les établissements de santé (154 000 contre 170 000 en 2019), tandis que les IVG médicamenteuses hors établissement ont augmenté au même rythme que les années précédentes (67 8000 contre 62 000 en 2019). En outre, 72 % du total des IVG sont médicamenteuses, qu'elles soient réalisées en établissement ou non .
L'étude montre également que les écarts régionaux perdurent, les taux de recours allant du simple au triple selon les régions. En métropole, ils varient de 11,4 IVG pour 1 000 femmes en Pays de la Loire à 21,7 IVG en Provence-Alpes-Côte-D'azur.
Enfin, près de 18 % des femmes métropolitaines réalisent leur IVG hors de leur département de résidence . Si la réalisation de l'IVG hors du département de résidence peut parfois répondre à un choix des femmes pour des raisons de confidentialité ou de plus grande proximité géographique, cet indicateur, et plus particulièrement ses variations, peut aussi rendre compte de difficultés d'accès dans certaines zones géographiques.
Les sages-femmes sont donc devenues des actrices incontournables de la politique de santé publique et de la promotion de la santé .
La démographie des sages-femmes a suivi le développement de leurs compétences pour répondre à la mutation de l'offre de soins. Leur nombre est ainsi en augmentation constante depuis cinquante ans . Alors qu'elles n'étaient que 8 000 en 1974, elles sont aujourd'hui 24 000 en activité.
Le secteur libéral connaît un dynamisme prononcé , suivant en cela le virage ambulatoire . Entre 2000 et 2010, le nombre des sages-femmes libérales a crû de 6,7 % par an en moyenne. En 2011, 3 412 sages-femmes exerçaient en libéral ou en exercice mixte ; en 2018, elles étaient 7 065 et aujourd'hui, 35 % des sages-femmes exercent en libéral.
La délégation considère donc qu'il est nécessaire d' encourager l'installation des sages-femmes dans les territoires ruraux afin de tirer les bénéfices du dynamisme démographique de cette profession , et de rendre encore plus visible et plus opérationnel l'exercice du métier de sage-femme en milieu rural.
2. Le maillage territorial fort des pharmaciens
Le maillage territorial des officines fait des pharmaciens, plus particulièrement dans les territoires éloignés des métropoles et les déserts médicaux, des acteurs précieux de la santé et des observateurs irremplaçables de la santé des femmes, à tous les âges de la vie.
Comme le rappelait Françoise Amouroux, vice-présidente du Conseil central de de l'Ordre des pharmaciens, lors de la table ronde de la délégation le 28 janvier 2021, « le pharmacien a l'avantage d'être un acteur de santé de premier recours, porte d'entrée dans le système de soins. Notre objectif, c'est de garantir l'accès aux soins, d'assurer la continuité de l'offre de soins et d'orienter le patient dans son parcours de soins, selon la difficulté et l'urgence - d'autant que le pharmacien ne peut pas tout prendre en charge ».
Avec plus de 20 000 officines en France, les pharmaciens constituent donc des acteurs-clés du renforcement de l'accès aux soins des femmes vivant en zone rurale et sont très fréquemment sollicités par les femmes à diverses périodes charnières pour leur santé.
On compte aujourd'hui en France 32 officines pour 100 000 habitants et une répartition homogène sur l'ensemble du territoire . Ce maillage territorial fait du pharmacien un acteur spécifique dans les territoires éloignés. Plus d'un tiers des officines sont installées dans des communes de moins de 5 000 habitants. Selon un rapport de la DREES, les pharmaciens figurent parmi les professionnels de santé les mieux répartis sur le territoire national : en 2018, trois communes sur dix étaient dotées d'une ou plusieurs pharmacies ; la distance moyenne à la pharmacie la plus proche pour l'ensemble des communes (y compris les communes avec une pharmacie) est de 3,8 kilomètres. Cette moyenne est de 5 kilomètres s'il n'y a pas de pharmacie dans la commune. 90 % des communes bénéficient d'une pharmacie à moins de 7 kilomètres et 66 % à moins de 5 kilomètres ; le nombre de laboratoires de biologie médicale pour 100 000 habitants est de 7,1.
Comme l'indiquait Françoise Amouroux au cours de la table ronde précitée de la délégation, « les pharmaciens sont des acteurs de proximité, de premier recours, bien répartis sur l'ensemble du territoire, et accessibles 24h/24 et 7j/7. Nous sommes disponibles sans rendez-vous, et disposons pour la plupart d'espaces de confidentialité pour recevoir nos patients. Nous bénéficions de la confiance des patients dans leur pharmacien, ce qui n'est pas négligeable, et avons un contact fréquent avec des femmes malades, mais aussi des femmes bien portantes qui ont besoin de renseignements ».
Cette disponibilité et cette proximité des pharmaciens, dans les territoires ruraux notamment, en font des acteurs de premier plan pour la santé des femmes, à tous les âges de la vie.
Lors de la table ronde du 28 janvier 2021, Françoise Amouroux a d'ailleurs souligné le rôle primordial des pharmaciens dans le suivi de la santé des femmes en milieu rural : « l'intérêt d'exercer en milieu rural, c'est que nous avons une connaissance plus approfondie des patientes qu'en ville, mais aussi de leur milieu social, de leur famille, et des difficultés de la vie auxquelles elles sont confrontées - chômage, séparations, naissances, décès... Nous connaissons aussi les traitements pris grâce au dossier pharmaceutique. Nous sommes très impliqués dans la prévention primaire et le dépistage. Nous jouons un rôle d'orientation dans le système de soins vers les médecins, les urgences et les sages-femmes. (...) Le rôle social du pharmacien est important. (...) Nous sommes les relais des messages de santé publique et tenons beaucoup à ce rôle pour transmettre des informations importantes et fiables ».
LES PHARMACIENS PRÉSENTS EN ZONE RURALE SONT
FRÉQUEMMENT SOLLICITÉS
AUX PÉRIODES CHARNIÈRES
DE LA SANTÉ DES FEMMES
Les pharmaciens interviennent de façon déterminante dans le suivi médical des femmes à tous les âges de la vie, plus encore dans les zones rurales que dans le milieu urbain.
À l'adolescence, ils traitent des demandes sur les vaccinations, notamment la vaccination contre le papillomavirus (HPV), qu'ils doivent promouvoir, la contraception d'urgence, pour laquelle le pharmacien est très sollicité, la contraception régulière et l'information sur les infections sexuellement transmissibles.
Ils aident ensuite les jeunes femmes pour leur suivi gynécologique, la contraception, l'accompagnement des traitements de stérilité, très précis et qui nécessitent des explications, le suivi de grossesse... Pour ce faire, ils sont aidés par les biologistes pour les examens obligatoires. Dans le cadre d'une grossesse, ils font aussi de la prévention sur l'arrêt du tabac et de l'alcool et la surveillance de l'automédication, grâce au dossier pharmaceutique. Plus de 38 millions de dossiers pharmaceutiques sont aujourd'hui actifs, qui permettent de connaître les traitements consommés par les patientes.
Ils accompagnent les grossesses à risques - diabète gestationnel, hypertension artérielle - ainsi que la vaccination antigrippale de la femme enceinte.
Ensuite, ils répondent aux questions sur l'accouchement, le suivi périnatal, le suivi post-partum de la mère, l'allaitement, la contraception post-accouchement puis le suivi du nourrisson, les onze vaccins obligatoires chez l'enfant...
Ils ont enfin un rôle à jouer auprès de la femme mature avec la prévention des cancers. Ils prennent le relais d'Octobre rose pour la prévention du cancer du sein, mais aussi du cancer du col de l'utérus avec les biologistes. Ils aident au suivi gynécologique avec les traitements hormonaux substitutifs et la prise en charge de la ménopause, la prévention de l'ostéoporose, voire la prévention des chutes.
Les pharmaciens ont à leur disposition des outils de communication : affiches ou plaquettes à remettre aux patientes grâce au Comité d'éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française, qui est une structure dépendante de l'Ordre des pharmaciens. Ces documents sont le relais des informations transmises par les autorités de santé.
* 34 Étude n° 1207 de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-09/ER1207_0.pdf