Rapport d'information n° 27 (2021-2022) de M. Emmanuel CAPUS et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 6 octobre 2021

Disponible au format PDF (844 Koctets)

Synthèse du rapport (341 Koctets)


N° 27

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la situation et l' action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire ,

Par M. Emmanuel CAPUS et Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN,

Sénateur et Sénatr ice

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, MM. Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

L'ESSENTIEL

M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux des crédits de la mission « Travail et emploi » , ont présenté le mercredi 6 octobre 2021 les conclusions de leur contrôle budgétaire relatif à la situation et l'action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire.

I. LES MISSIONS LOCALES, PLUS QUE JAMAIS INDISPENSABLES

A. UNE MISSION D'ACCOMPAGNEMENT GLOBAL DES JEUNES, PARTICULIÈREMENT DE CEUX QUI NE SONT NI EN ÉTUDES, NI EN EMPLOI, NI EN FORMATION

Les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes sont issues de l'ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de 16 à 18 ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale. Conformément aux orientations posées par le « rapport Schwartz », ces structures - constituées sous forme associative ou de groupements d'intérêt public (GIP) - s'efforcent d' aider les jeunes à résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale, au moyen d'un accompagnement global et multidimensionnel (emploi, santé, logement, mobilité etc.).

Si les missions locales ont vocation à pouvoir accueillir tout jeune de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi (elles en accueillaient 1,3 million fin 2020), leur action est plus spécifiquement tournée vers les jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, dits « NEET » : parmi les 413 413 jeunes accueillis pour la première fois par les missions locales en 2019, 85,7 % étaient des « NEET ».

Cette action est principalement articulée autour d'un dispositif, le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), dont la modalité la plus intensive est la Garantie jeunes . Celle-ci a la spécificité d'associer un accompagnement intensif des jeunes et une allocation mensuelle d'un peu moins de 500 euros par mois. Fin 2020, près de 90 000 jeunes bénéficiaient de ce dispositif.

B. UN FINANCEMENT ASSURÉ PRINCIPALEMENT PAR L'ÉTAT, REPOSANT SUR UN DISPOSITIF DE PERFORMANCE CRITIQUÉ

L'État constitue le principal financeur des missions locales (51,9 % de leur budget en 2018) . Ce financement demeure éclaté puisqu'il implique également les différents niveaux de collectivités territoriales, les entreprises ou encore les partenaires sociaux, chaque financeur étant lié à la mission locale par une convention spécifique définissant des actions particulières.

L'État alloue aux missions locales une enveloppe annuelle, qui s'établissait à 339,1 millions d'euros en crédits de paiements en exécution 2020, soit une hausse de 42,6 % par rapport à 2018, tirée essentiellement par la dynamique des entrées en Garantie jeunes et des besoins d'accompagnement supplémentaires que celle-ci implique. En revanche, l'évolution des moyens alloués au fonctionnement structurelle des missions locales est nettement plus contrainte.

Les financements alloués par l'État s'inscrivent dans une démarche de performance qui fait l'objet de certaines critiques, en ce qu'elle témoignerait d'une conception trop restrictive de la vocation des missions locales, en privilégiant les objectifs de retour immédiat à l'emploi sur l'accompagnement plus global des jeunes dans un objectif d'autonomie et d'émancipation

Total des moyens alloués aux missions locales en 2018

Crédits budgétaires de l'État alloués aux missions locales en exécution 2020

Une part variable conditionnée à des objectifs de performance

C. UN RÔLE DÉCISIF À JOUER DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE

Les jeunes, qui sont traditionnellement plus exposés aux fluctuations de la conjoncture économique, font partie des publics les plus durement frappés par la crise sanitaire, au plan économique et social aussi bien qu'aux plans sanitaire, psychique et moral. Aussi, selon la Dares, le choc du premier confinement a été bien plus violent pour les jeunes : le taux d'emploi a chuté de 3,8 points pour les 16-29 ans entre les deuxièmes trimestres 2019 et 2020 (contre 0,2 point pour les 30-49 ans). À plus long terme, l'impact de la crise se fait spécifiquement ressentir sur les jeunes sortis récemment d'études et les jeunes les moins qualifiés. Ce constat témoigne du rôle crucial des missions locales dans la période actuelle.

II. LES MISSIONS LOCALES À L'ÉPREUVE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

Dans l'ensemble, les liens individuels entre les missions locales et les jeunes accompagnés se sont maintenus durant le premier confinement. Une enquête de la Dares conduite en mai 2020 a montré que près d'une mission locale sur deux assurait être parvenue à maintenir le contact avec au moins 80 % des jeunes qu'elle accompagnait, tandis que seulement une mission locale sur dix déclarait n'avoir pu maintenir le contact qu'avec 10 à 50 % des jeunes.

La qualité du lien d'accompagnement s'est cependant nettement dégradée, du fait du recours imposé à des modalités d'accompagnement à distance . Ont ainsi été constatées certaines difficultés liées à des carences d'équipements, des problèmes de connexion, un manque de connaissance de ces outils ou à des conditions de confinement mal adaptées (impossibilité de s'isoler etc.). Ces difficultés étaient le plus souvent liées à la situation du jeune mais également dans certains cas - plus préoccupants - des conseillers des missions locales.

Enfin, en dépit des confinements, les entrées en PACEA et en Garantie jeunes se sont maintenues à un rythme soutenu en 2020 .

III. LES MISSIONS LOCALES AU DÉFI DE LA RELANCE

A. UNE RALLONGE BUDGÉTAIRE DE PRÈS DE 50 % DANS LE CADRE DU PLAN DE RELANCE, AU SERVICE D'OBJECTIFS AMBITIEUX MAIS INCERTAINS

En loi de finances initiale pour 2021, la mission « Plan de relance » a prévu une rallonge exceptionnelle aux missions locales de 179 millions d'euros, soit une hausse de + 48 % par rapport à l'enveloppe socle . Cet abondement est associé à des objectifs très ambitieux fixés en termes d'entrées en PACEA (+ 80 000) et surtout en Garantie jeunes avec un doublement du nombre d'entrées annuelles (+ 100 000, pour atteindre 200 000 au total). L'atteinte des cibles paraît difficile mais reste possible à supposer que le rythme des entrées s'accélère fortement à l'automne.

Évolution des entrées en PACEA et en Garantie jeunes
au cours de l'année 2021

(en nombre d'entrées)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Dares

B. UN ENVIRONNEMENT COMPLEXIFIÉ PAR LA MULTIPLICITÉ DES DISPOSITIFS ET DES ACTEURS

Le plan « 1 jeune, 1 solution » implique le déploiement simultané et massif d'un grand nombre de dispositifs pour lesquels sont fixés des objectifs quantitatifs ambitieux. Or, ceux-ci peuvent être gérés à titre principal par différents acteurs du service public de l'emploi.

Cette situation engendre un risque avéré de concurrence entre les dispositifs, source de pertes d'efficacité. Il convient à ce titre de clarifier la répartition des publics entre les différents acteurs du service public de l'emploi, en confiant la prise en charge des jeunes ayant des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail aux seules missions locales .

C. DES ENJEUX STRUCTURELS DE GOUVERNANCE ET DE FINANCEMENT

Enfin, la réponse aux défis de long terme posés par la crise invite à une réflexion plus structurante sur la gouvernance et sur le financement des missions locales.

S'agissant de la gouvernance, il semblerait prioritaire d'engager une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes pour tirer le bilan des évolutions de la gouvernance du réseau et envisager la réinstauration d'une instance publique nationale d'animation et de pilotage du réseau . Les acteurs auditionnés ont en effet été nombreux à déplorer la suppression, sans évaluation préalable, de l'ancien délégué ministériel aux missions locales (DMML).

En matière de financement, il importe que les modalités d'évaluation de la performance des missions locales soient davantage en adéquation avec la vocation réelle de ces structures, qui est d'offrir un accompagnement global aux jeunes, en vue de leur accès à l'emploi mais également à l'autonomie et l'émancipation . Cela passe par une vision globale des résultats de l'action des missions locales, qui laisse plus de place aux actions visant à lever les freins périphériques à l'emploi, ainsi qu'une approche élargie de ce qu'est une sortie « positive » des parcours d'insertion. Cela passe également par un approfondissement du dialogue de gestion, en partenariat avec les autres financeurs des missions locales.

LES NEUF RECOMMANDATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Stabiliser à périmètre constant les moyens structurels alloués par l'État aux missions locales .

2. Pérenniser le système de versement accéléré des crédits aux missions locales en début d'année.

3. Dresser dès que possible un bilan de l'utilisation par les missions locales des moyens supplémentaires qui leur ont été alloués et prévoir, dans le cadre de la prochaine convention pluriannuelle d'objectifs, une évolution de l'enveloppe annuelle allouée par l'État qui soit progressive et qui tienne compte des contraintes de gestion générées par la crise et la mise en oeuvre du plan de relance.

4. Clarifier la répartition des publics entre les différents acteurs du service public de l'emploi en confiant la prise en charge des jeunes rencontrant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle aux seules missions locales.

5. Engager une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes pour tirer le bilan des évolutions de la gouvernance du réseau et envisager la réinstauration d'une instance publique nationale d'animation et de pilotage du réseau.

6. Élargir la liste des indicateurs utilisés pour le dispositif de financement à la performance des missions locales mis en place par l'État en intégrant des indicateurs liés à la levée des freins périphériques à l'emploi (santé, logement, mobilité).

7. Généraliser la mise en place de conférences locales des financeurs des missions locales de façon à permettre la tenue d'un dialogue de gestion commun prenant en compte les différents aspects de la mission d'accompagnement global des jeunes assumée par les missions locales.

8. Élargir la définition d'une « sortie positive » d'accompagnement par les missions locales pour inclure la sortie en formation professionnelle qualifiante.

9. Mieux prendre en compte , dans le dialogue de gestion entre l'État et chaque mission locale, les progrès réalisés par la mission locale d'une année sur l'autre sur les indicateurs clés.

PREMIÈRE PARTIE
LES MISSIONS LOCALES, PLUS QUE JAMAIS INDISPENSABLES

La commission des finances du Sénat a déjà eu l'occasion de saluer, dans un rapport fait en son nom par François Patriat et Jean-Claude Requier en 2017, le rôle des missions locales, qui se sont imposées au fil des décennies comme « des acteurs incontournables de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes » avec des résultats jugés globalement « positifs » 1 ( * ) .

Il a semblé aux rapporteurs spéciaux que le contexte de la crise sanitaire, dont les jeunes sont parmi les premières victimes, justifiait de se pencher à nouveau sur la situation et l'action de ses structures. Ce travail donne ainsi l'occasion d'assurer un suivi des principales recommandations qu'avait pu émettre la commission en 2017, mais également d'en formuler de nouvelles visant toutes à s'assurer que, dans l'intérêt des jeunes les plus en difficulté, les missions locales puissent être au rendez-vous de la relance.

I. 40 ANS D'ACTION EN FAVEUR DES JEUNES LES PLUS EN DIFFICULTÉ

A. LES FONDEMENTS : UNE MISSION D'ACCOMPAGNEMENT GLOBAL CIBLÉE SUR LES JEUNES NI EN ÉTUDES, NI EN EMPLOI, NI EN FORMATION

1. Une mission d'accompagnement global, dont le sens s'est en partie perdu

Les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes sont issues de l'ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de 16 à 18 ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale , reprenant ainsi les préconisations du rapport remis par Bertrand Schwartz au Premier ministre Pierre Mauroy en 1981 2 ( * ) .

Pérennisées par la loi n° 89-805 du 19 avril décembre 1989 favorisant le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle , elles sont aujourd'hui régies par les articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail . Conformément aux orientations posées par le « rapport Schwartz » , ces structures - constituées sous forme associative ou de groupements d'intérêt public (GIP) - s'efforcent d'aider les jeunes à « résoudre l'ensemble des problèmes que pose leur insertion professionnelle et sociale » 3 ( * ) .

Les 427 missions locales figurent à ce titre parmi les principaux acteurs du service public de l'emploi, aux côtés notamment de Pôle emploi et du réseau des Cap emploi. S'appuyant sur plus de 13 000 agents , leur mission est donc d'orienter et d'accompagner les jeunes dans leurs parcours d'accès à l'emploi ou à la formation initiale ou continue en leur proposant un accompagnement global , qui peut notamment passer par la levée des freins périphériques à leur insertion sociale et professionnelle (problèmes de logement, de santé, de mobilité etc.).

Les auditions conduites par les rapporteurs spéciaux ont néanmoins mis en évidence une tension grandissante entre l'esprit initial de création des missions locales fondé sur l'accompagnement global des jeunes dans une logique d'accès à l'autonomie et l'application d'une conception de plus en plus stricte de l'insertion professionnelle, au risque de faire évoluer le modèle original de la mission locale vers une forme de « Pôle emploi Jeunes ». Ce constat a des conséquences concrètes sur le dispositif de performance des missions locales (cf. infra ).

2. Une action ciblée sur les jeunes « NEET »

Si les missions locales ont vocation à pouvoir accueillir tout jeune de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi. Au 31 décembre 2020, les effectifs des missions locales s'élevaient à 1,3 million de jeunes .

Toutefois, leur action est plus spécifiquement tournée vers les jeunes qui ne sont ni en études, ni en emploi ni en formation, dits « NEET » 4 ( * ) , qui constituent leur coeur de cible : parmi les 413 413 jeunes accueillis pour la première fois par les missions locales en 2019, 85,7 % étaient des « NEET » 5 ( * ) .

Les « NEET » en France en 2018

Selon une étude de la Direction de l'animation de la recherche, des évaluations et des statistiques du ministère du travail (Dares) 6 ( * ) , 963 000 jeunes de 18 à 25 ans ne sont ni en études, ni en emploi ni en formation en 2018, soit 12,9 % de cette classe d'âge et 27,9 % des jeunes qui ont terminé leur formation initiale et un total en repli par rapport à 2015 (1 025 000 jeunes).

Cette étude relève notamment que :

- près d'un NEET sur deux se trouve dans cette situation depuis plus d'un an (48 %) ;

- un peu moins de deux tiers d'entre eux environ sont en contact avec le service public de l'emploi (63 %).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Dares

B. LA PRATIQUE : UNE ACTION RECENTRÉE AUTOUR D'UN DISPOSITIF UNIQUE, LE PACEA, DONT LA GARANTIE JEUNES CONSTITUE LA MODALITÉ LA PLUS INTENSIVE

1. Le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie

L'action d'accompagnement des missions locales s'inscrit dans le cadre du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA) , régi par les articles L. 5131-3 à L. 5131-5 du code du travail .

Ce parcours, constitué de phases d'accompagnement pouvant varier dans leur durée (dans une limite de 24 mois) et leur intensité, peut comporter, en fonction du profil, du projet et des engagements contractualisés pris par le jeune, des périodes de formations ou de mise en situation professionnelle ou des actions spécifiques d'accompagnement.

En tant qu'acteurs du service public de l'emploi, les missions locales peuvent agir comme prescripteurs pour l'entrée dans l'ensemble des dispositifs de la politique de l'emploi auxquels leurs publics sont éligibles, tels que les parcours emploi compétences (PEC), contrats uniques d'insertion (CIE), insertion par l'activité économique (IAE)

Le jeune en PACEA peut également percevoir d'une allocation , dont le bénéfice n'est toutefois pas systématique. Son versement est accordé par la mission locale en fonction de la situation et des besoins du jeune, et son montant ne peut excéder celui du revenu de solidarité active (RSA), soit environ 565 euros.

Intégralement financée par l'État via le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » de la mission « Travail et emploi », cette allocation a représenté un coût de 67,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en exécution 2020.

2. La Garantie jeunes

Régie par les articles L. 5131-6 et L. 5131-6-1 du code du travail , la Garantie jeunes constitue la modalité intensive du PACEA, s'adressant exclusivement aux jeunes « NEET » sous condition de ressources.

Elle est issue du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de 2013. Lancée initialement dans 10 départements, l'expérimentation a été étendue à plusieurs reprises jusqu'à ce que l'article 46 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels prévoie la généralisation de la Garantie jeunes à compter du 1 er janvier 2017.

D'une durée de 12 mois prolongeable jusqu'à 18 mois, la Garantie jeunes comporte deux volets :

- un accompagnement intensif en principe mis en oeuvre par les missions locales ;

- une allocation mensuelle versée par ces dernières. D'un montant maximal de 497,5 euros par mois, cette aide est cumulable avec des revenus d'activité s'ils ne dépassent pas le plafond de 300 euros par mois. Au-delà de ce plafond, l'allocation est dégressive jusqu'à 80 % du Smic.

Financée également par le programme 102 du budget général de l'État, cette allocation a représenté un coût total de 406,2 millions d'euros en AE et en CP en exécution 2020. Ce montant inclut un co-financement européen au titre du Fonds social européen (FSE) et de l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) pour les régions éligibles 7 ( * ) (42,7 millions d'euros en AE et en CP en exécution 2020).

La Garantie jeunes est spécialement ciblée sur les jeunes les plus en difficulté : en 2019, les résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) représentaient 23 % de ses bénéficiaires (contre 7 % de la population âgée de 16 à 25 ans) et ceux des zones de revitalisation rurale 14 % (contre 10 %). De même, 94 % des jeunes bénéficiaires ne disposant pas d'un diplôme supérieur au baccalauréat dont 22 % qui ne disposent pas d'un diplôme supérieur au brevet des collèges (contre respectivement 50 % et 5 %) 8 ( * ) .

II. UN FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DONT LA HAUSSE EST TIRÉE PAR LA DYNAMIQUE DE LA GARANTIE JEUNES, MAIS QUI RESTE CONTRAINT

A. L'ÉTAT EST LE PRINCIPAL FINANCEUR DES MISSIONS LOCALES

L'État constitue le principal financeur des missions locales (51,9 % de leur budget en 2018 9 ( * ) ) , devant les communes et leurs groupements, les régions au titre de leurs compétences en matière d'emploi ou encore les départements au titre de leurs compétences sociales. Parmi les financeurs des missions locales, figurent également le FSE et, dans une moindre mesure, les partenaires sociaux. Chaque financeur est lié à la mission locale par une convention spécifique définissant des actions particulières. Il est toutefois à noter que les crédits du plan de relance conduisent à accroître notablement le poids de l'État en 2021.

Au total, l'ensemble des moyens alloués aux missions locales s'élevait à 679,2 millions d'euros en 2018.

Dans leur rapport, François Patriat et Jean-Claude Requier avaient cependant pointé, à la suite de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) 10 ( * ) , un éclatement du financement des missions locales, faisant intervenir dans certains cas une dizaine d'acteurs. Ils ont pour cette raison recommandé la mise en place de conférences locales des financeurs . Si la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), entendue par les rapporteurs spéciaux sur ce point, a indiqué partager cet objectif, elle a néanmoins indiqué que de telles conférences ont été mises en place mais sont encore loin d'être généralisées à l'ensemble du territoire.

Les financeurs des missions locales en 2018

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

B. UNE DYNAMIQUE DES CRÉDITS QUI ACCOMPAGNE LE RENFORCEMENT DE LA GARANTIE JEUNES

Outre le financement des allocations au titre du PACEA et de la Garantie jeunes, l'État alloue aux missions locales une enveloppe annuelle financée sur le programme 102, qui comporte deux composantes :

- une subvention au titre de la mise en oeuvre par les missions locales des attendus de la convention pluriannuelle d'objectifs (CPO) passée avec l'État , qui permet en pratique de financer une large part des frais généraux, et qui s'élève à 189,9 millions d'euros en CP en exécution 2020 ;

- un financement au titre de l'accompagnement intensif des publics en Garantie jeunes : celui-ci a représenté 149,2 millions d'euros en CP en exécution 2020, soit une multiplication par 3,7 depuis 2015. Dans le même temps, les effectifs en Garantie jeunes sont passés de 32 732 à 87 635.

Total des présents en fin d'année
dans le dispositif Garantie jeunes depuis 2015

(en nombre de personnes)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la Dares

En outre, à compter de 2020, cette enveloppe budgétaire intègre une dotation de 20 millions d'euros au titre de la mise en oeuvre du nouveau dispositif d' « obligation de formation » 11 ( * ) .

Au total, le financement par l'État des missions locales s'établit à 339,1 millions d'euros en CP en exécution 2020, soit une progression de 42,6 % par rapport à 2015 .

Évolution des crédits budgétaires alloués aux missions locales
entre 2015 et 2020 (CP exécutés)

(en millions d'euros)

Note : la forte exécution 2019 s'explique par le versement d'une subvention exceptionnelle aux missions locales visant à neutraliser les effets de la réforme des modalités de financement par l'État cette année.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

C. UNE TENDANCE À LA BAISSE DES MOYENS STRUCTURELS DE FONCTIONNEMENT DES MISSIONS LOCALES

Les rapporteurs spéciaux observent néanmoins que cette hausse est essentiellement portée par la dynamique des entrées en Garantie jeunes et des besoins d'accompagnement afférent. En revanche, ils relèvent une tendance récente à la baisse des moyens de fonctionnement alloués aux missions locales .

Les crédits « CPO » diminuent ainsi de 14,3 millions d'euros entre les lois de finances initiales (LFI) 2018 et 2021 si l'on neutralise l'effet de périmètre lié au financement de la mise en oeuvre de la nouvelle obligation de formation et du plan de relance.

Évolution des crédits de paiements (LFI) alloués aux missions locales
au titre de la CPO, hors effets de périmètre et relance

(en millions d'euros)

Note : le total présenté ne prend pas en compte l'enveloppe liée à la mise en oeuvre de l'obligation de formation en 2020 et 2021 ni les crédits supplémentaires financés par la mission « Plan de relance » en 2021.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux considèrent que l'État se doit de stabiliser à périmètre constant les moyens structurels de fonctionnement qu'il alloue aux missions locales. Une telle stabilité est d'autant plus importante que, comme évoqué supra, le système de financement des missions locales est éclaté et par conséquent peu sécurisant pour les structures.

Recommandation n° 1 : stabiliser à périmètre constant les moyens structurels alloués par l'État aux missions locales.

D. UN SYSTÈME DE FINANCEMENT À LA PERFORMANCE SOUVENT CRITIQUÉ

1. Un nouveau dispositif de performance depuis 2019

Le financement par l'État des missions locales intègre une logique de performance, qui a été réformée en 2019.

Jusqu'en 2018, les missions locales recevaient un financement au titre de l'accompagnement des publics en garantie jeunes indexé sur le nombre d'entrées dans le dispositif, sur la base d'un forfait de 1 600 euros par jeune. Depuis 2019, conformément à l'instruction du 16 mai 2019 relative à la Stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022 12 ( * ) , cette logique de financement « au contrat » a été abandonnée au profit d'une logique de performance plus large.

Les directions régionales de l'économie de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) 13 ( * ) sont désormais tenues d'organiser chaque année un dialogue de gestion avec chaque mission locale relevant de sa zone géographique, pour faire un bilan de l'année précédente et pour déterminer les objectifs de l'année en cours sur 10 indicateurs clés (voir encadré infra ), en s'appuyant notamment sur un outil national d'analyse de la performance. Il revient à chaque DREETS de définir des cibles spécifiques à chaque mission locale.

Liste des indicateurs clés utilisés par les DREETS dans le cadre de leur dialogue de gestion avec les missions locales

1° Nombre de jeunes NEET accueillis pour la première fois / nombre de jeunes NEET présents sur le territoire.

2° Nombre de 1 ers accueils entrés en PACEA dans les trois mois suivants la date de premier accueil / Nombre de jeunes accueillis pour la première fois sur la même période.

3° Taux de jeunes en PACEA (hors situation emploi, formation, alternance, volontariat ou situation non professionnelle) sans proposition depuis plus de trois mois.

4° Taux de jeunes ayant démarré au moins une situation emploi, formation ou alternance dans les 12 premiers mois d'accompagnement PACEA.

5° Nombre de jeunes en sortie emploi et en sortie alternance / nombre de jeunes sortis de PACEA.

6° Nombre de jeunes en sortie emploi et en sortie alternance / nombre de jeunes sortis de la phase GJ à 12 ou 18 mois.

7° Nombre de mise en relation réalisées sur offres d'emploi interne / Nombre de mises en relation prescrites sur offres d'emploi interne.

8 Nombre d'offres d'emploi ayant eu au moins une mise en relation réalisée / Nombre d'offres d'emploi collectées.

9° Nombre de jeunes en PACEA en sortie emploi et alternance / Nombre global d'ETP de la mission locale.

10° Total des ressources de la structure / Nombre de jeunes en PACEA en sortie emploi et alternance.

Source : Instruction du 16 mai 2019 relative à la Stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022

Les enveloppes dites « CPO » et « accompagnement Garantie jeunes » sont désormais globalisées et sont versées à hauteur de 90 % aux missions locales sans conditionnalité .

En revanche, l'allocation du solde de 10 % de la subvention prévue pour l'année N est soumise à une évaluation par les DREETS de la performance, assise sur la comparaison, pour chacun des dix indicateurs clés, entre les objectifs et les résultats au titre de l'année N-1.

Il est cependant à noter que, compte tenu de l'impact de la crise sanitaire sur l'activité des structures (voir infra ), le dispositif n'a pas été appliqué en 2020.

2. Un système jugé trop centré sur l'objectif de retour à l'emploi et accusé de créer une compétition entre missions locales

Pour la plupart des acteurs auditionnés, la liste des indicateurs-clés retenue témoigne de la conception trop restrictive de l'État quant à la vocation des missions locales , en privilégiant les objectifs de retour immédiat à l'emploi sur l'accompagnement plus global des jeunes dans un objectif d'autonomie et d'émancipation. Hormis les indicateurs 1° et 2° (voir encadré supra ), l'ensemble des huit autres indicateurs concernent l'accès à l'emploi stricto sensu , sans tenir compte, par exemple, de l'action des missions locales pour contribuer à lever les freins périphériques, monétaires ou non, d'accès à l'autonomie et à l'emploi.

Par ailleurs, la démarche de performance repose sur la classification des missions locales du réseau en 20 groupes homogènes sur la base de critères objectifs 14 ( * ) . La mise en place de cette classification est présentée par le ministère du travail comme une aide à la définition rationnelle et proportionnée des objectifs à atteindre par les missions locales avec une référence au niveau d'un groupe homogène de missions locales et un moyen d'objectiver la performance des missions locales par rapport à d'autres structures dont le contexte et les caractéristiques sont comparables.

Or, de nombreux acteurs auditionnés ont relevé que ce système avait également pour effet pervers d'induire une forme de mise en concurrence entre les missions locales , créant les conditions d'une « politique du chiffre » au détriment du travail qualitatif d'accompagnement des jeunes.

III. UN RÔLE DÉCISIF À JOUER DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE, DONT LES JEUNES SONT PARMI LES PREMIÈRES VICTIMES

Les jeunes, qui sont traditionnellement plus exposés aux fluctuations de la conjoncture économique, font partie des publics les plus durement frappés par la crise sanitaire, au plan économique et social aussi bien qu'aux plans sanitaire, psychique et moral.

Du strict point de vue de l'emploi, la Dares a publié en septembre 2021 15 ( * ) un état des lieux attestant un impact de la crise plus fort pour les jeunes de moins de 30 ans que pour les classes d'âge plus élevé.

En premier lieu, la Dares relève que le choc du premier confinement a été bien plus violent pour les jeunes : le taux d'emploi au sens du Bureau international du travail (BIT) 16 ( * ) a chuté de 3,8 points pour les 16-29 ans entre les deuxièmes trimestres 2019 et 2020 (contre 0,2 point pour les 30-49 ans), avant de connaître un rebond en fin d'année pour se stabiliser à 47 %, total qui reste bien plus faible que celui des 30-49 ans (81,8 %).

Ce constat est corroboré par un sondage mené par l'Union nationale des missions locales (UNML) auprès des jeunes accompagnés 17 ( * ) , montrant que 42,5 % de ceux d'entre eux qui avaient un emploi l'ont perdu et 54,2 % de ceux qui étaient en formation ont vu celle-ci s'interrompre. Cette même enquête a d'ailleurs montré qu'un tiers des jeunes interrogés étaient inquiets pour leur avenir, que ce soit par crainte de ne pas trouver d'emploi à cause de la crise, suite à une obligation de renoncer à un projet lancé avant la crise, ou plus largement à cause d'une perte de confiance en eux.

Évolution du taux d'emploi par tranche d'âge entre 2014 et 2020

(en %)

Source : Dares

Sur l'année 2020, on constate tout de même une baisse de 0,9 % du nombre de jeunes en emploi. Parallèlement, la forte baisse constatée du nombre de jeunes chômeurs (- 5,8 %) est en trompe-l'oeil puisqu'on observe, corrélativement, une forte augmentation du nombre de jeunes dans le « halo autour du chômage » 18 ( * ) (+ 9,7 %), basculant dans l'inactivité faute d'opportunités de recherche d'emploi dans le contexte des confinements ou par découragement.

Répartition des jeunes de 16 à 29 ans selon leur catégorie d'activité

Effectifs au T4 2019

Effectifs au T4 2020

Évolution

(en %)

Ensemble des jeunes

10 530 000

10 540 000

0,1 %

En emploi

5 000 000

4 950 000

- 0,9 %

Au chômage

940 000

880 000

- 5,8 %

En inactivité

4 590 000

4 710 000

2,4 %

Dans le halo du chômage

490 000

530 000

9,7 %

En études

4 640 000

4 790 000

3,1 %

« NEET »

1 420 000

1 480 000

4,6 %

Note : les catégories d'emploi, de chômage et d'inactivité présentées ici forment une partition de l'ensemble des jeunes. Les autres catégories se recoupent avec ces dernières. Par exemple, parmi les jeunes en études, certains peuvent être en emploi ou au chômage.

Source : Dares

L'impact de la crise se fait spécifiquement ressentir sur :

- les jeunes sortis récemment d'études : la part des jeunes en emploi sortis de leurs études en année N a diminué de 1,6 point entre fin 2019 et fin 2020, pour s'établir à 52,2 %, contre un recul de seulement 0,1 point pour les jeunes sortis d'études il y a au moins un an ;

- les jeunes faiblement qualifiés : la part des jeunes n'ayant validé aucun diplôme supérieur au brevet des collèges en emploi a diminué de 1,4 point, contre un recul de 0,5 point en moyenne.

Il en résulte une progression importante du nombre de « NEET » en 2020 (+ 4,6 %) , qui s'établit à 1,5 million de personnes fin 2020 19 ( * ) .

Ce constat témoigne du rôle crucial des missions locales dans la période actuelle.

DEUXIÈME PARTIE
LES MISSIONS LOCALES À L'ÉPREUVE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

I. MALGRÉ DES CONDITIONS DIFFICILES, LES MISSIONS LOCALES SONT GLOBALEMENT PARVENUES À MAINTENIR LE CONTACT AVEC LES JEUNES ACCOMPAGNÉS

A. UN CONTACT AVEC LES JEUNES GLOBALEMENT PRÉSERVÉ

Les missions locales sont parvenues, dans l'ensemble, à maintenir leur activité dans le contexte du premier confinement commencé en mars 2020.

Les liens avec l'État se sont resserrés dans ce contexte : les points techniques entre la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l'Union nationale des missions locales (UNML), usuellement bimensuels, sont devenus hebdomadaires. De même, l'adaptation des conditions de travail des salariés a nécessité des relations très régulières entre l'UNML et les syndicats .

En outre, une procédure dématérialisée a été mise en place pour le suivi mensuel des jeunes, pour la transmission des documents à l'Agence des services et de paiement (ASP) dans le cadre du versement de l'allocation Garantie jeunes, pour laquelle les droits ont été automatiquement prolongés pour l'ensemble des parcours arrivant à échéance pendant la période de confinement.

Les acteurs auditionnés ont confirmé que, dans l'ensemble, les liens individuels entre les missions locales et les jeunes accompagnés se sont maintenus durant le premier confinement. Une enquête de la Dares conduite en mai 2020 20 ( * ) a montré que près d'une mission locale sur deux assurait être parvenue à maintenir le contact avec au moins 80 % des jeunes qu'elle accompagnait, tandis que seulement une mission locale sur dix déclarait n'avoir pu maintenir le contact qu'avec 10 à 50 % des jeunes.

B. UNE QUALITÉ DU LIEN DÉGRADÉE SOUS L'EFFET DES CONTRAINTES IMPOSÉES PAR LE CONFINEMENT

Le confinement a néanmoins provoqué une réelle dégradation de la qualité des liens entre les missions locales et les jeunes accompagnés.

Cette dégradation est avant tout liée au recul des possibilités d'accompagnement « en présentiel ».

L'enquête précitée de la Dares a montré que, durant le premier confinement, 68 % des missions locales avaient complètement fermé leurs portes au public, tandis que les autres ont maintenu une possibilité d'accueil physique pour les seules situations d'urgence. Il en a notamment résulté qu'en dépit du maintien du lien individuel avec les jeunes, les évènements collectifs ont quant à eux été considérablement limités.

Entendue par les rapporteurs spéciaux, l'UNML considère qu'en réalité les trois quarts des missions locales ont conservé la possibilité d'accueillir physiquement les jeunes pendant le confinement, pour faire face à une situation d'urgence ou même pour un premier accueil.

Le recours privilégié au « distanciel » par les missions locales a en effet pu être source de plusieurs difficultés.

Certes, l'UNML a indiqué que le développement massif et en urgence de l'accompagnement à distance lié à la crise a contribué à accélérer des évolutions déjà à l'oeuvre visant à diversifier les modalités d'accompagnement.

Les agents des missions locales, qui se sont donc efforcés de faire appel aux différents moyens numériques (SMS, mails, réseaux sociaux, appels vidéos) pour garder le contact avec les jeunes, se sont néanmoins heurtés à certaines difficultés liées à des carences d'équipements, des problèmes de connexion, un manque de connaissance de ces outils ou à des conditions de confinement mal adaptées (impossibilité de s'isoler etc.) . Ces difficultés, comme l'ont indiqué les organisations syndicales entendues par les rapporteurs spéciaux étaient le plus souvent liées à la situation du jeune mais également dans certains cas - plus préoccupants - des conseillers des missions locales. L'enquête précitée de la Dares a permis de les objectiver.

Types de difficultés rencontrées dans l'utilisation des outils à distance
par les jeunes accompagnés et par les conseillers des missions locales
durant le premier confinement

(en %)

Note : le problème lié aux conditions de confinement n'a été testé que pour les jeunes.

Source : Dares

Cette dégradation de la qualité du lien a été d'autant plus problématique que les jeunes accompagnés, comme l'a également mis en évidence l'enquête de la Dares, ont pour une large part rencontré des difficultés socio-économiques particulières pendant le confinement , où des problèmes financiers, notamment liés à une perte d'emploi, ont pu se conjuguer avec un accroissement de leurs inquiétudes concernant l'avenir voire une perte de moral.

La réouverture totale des structures au cours du second confinement à l'automne 2020 et en avril 2021 a ensuite permis de renouer avec les modalités d'accompagnement traditionnelles en présentiel, sous réserve des adaptations nécessaires à l'application des protocoles sanitaires.

II. EN DÉPIT DES CONFINEMENTS, LES ENTRÉES EN PACEA ET EN GARANTIE JEUNES SE SONT MAINTENUES À UN RYTHME SOUTENU EN 2020

L'un des facteurs de réussite de la Garantie jeunes résidant dans la phase collective d'accompagnement réalisée en présentiel, ce qui était difficilement réalisable à distance en période de confinement s'agissant d'un public disposant de peu ou pas de ressources, les entrées en PACEA ont été privilégiées durant le premier confinement et facilitées avec la mise en place d'une procédure dématérialisée de signature du contrat avec l'ASP . Les entrées en Garantie jeunes ont été maintenues pour les situations d'urgence.

La crise a eu un effet à la baisse sur les entrées dans la période du confinement, mais dès le mois de juin, le nombre de jeunes entrant dans un PACEA a été très fort, ce qui révèle le besoin d'accompagnement et d'allocation pour un public âgé de 16 à 25 ans. Ainsi, en fin de compte, 349 885 jeunes sont entrés dans un PACEA en 2020, soit une augmentation de 11 000 entrées par rapport au nombre total d'entrées 2019 qui s'établissait à 338 364.

Si les entrées en Garantie jeunes étaient supérieures à 2019 en janvier et février 2020 (17 473 pour ces deux mois en 2020 contre 16 701 en 2019), elles ont chuté en mars et mai, et sont descendues à 306 en avril. Dès le mois de juin, les missions locales se sont fortement mobilisées, pour apporter des réponses à la situation des jeunes frappés par la crise. De juin à décembre 2020, y compris pendant le deuxième confinement, les entrées en Garantie jeunes sont restées supérieures à celles de 2019 avec une moyenne d'entrées mensuelles de 9 500. Au final, 92 038 jeunes ont pu débuter un parcours Garantie jeunes en 2020, soit à un niveau proche de 2019 qui s'établissait à 97 800 entrées.

Comparaison des évolutions du nombre d'entrées mensuelles
en PACEA et en Garantie jeunes en 2019 et en 2020

(en nombre d'entrées)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Dares

TROISIÈME PARTIE
LES MISSIONS LOCALES AU DÉFI DE LA RELANCE

I. LE PLAN DE RELANCE A FINANCÉ UN ABONDEMENT EXCEPTIONNEL DES MOYENS DES MISSIONS LOCALES

A. UNE RALLONGE BUDGÉTAIRE DE PRÈS DE 50 % EN 2021

1. La loi de finances initiale pour 2021 : un abondement exceptionnel de 179 millions d'euros

En sus de l'enveloppe socle de 371,8 millions d'euros en AE et en CP financée par la mission « Travail et emploi » en projet de loi de finances (PLF) pour 2021 , la mission « Plan de relance » a prévu une rallonge budgétaire de 100 millions d'euros en AE et en CP (première tranche) pour permettre aux missions locales de faire face aux conséquences de la crise sanitaire sur les jeunes et d'atteindre les objectifs ambitieux du plan « 1 jeune, 1 solution », soit l'entrée de 80 000 jeunes supplémentaires en PACEA (par rapport à une cible annuelle de 350 000 entrées) et de 50 000 jeunes supplémentaires en Garantie jeunes (par rapport à une cible annuelle de 100 000 entrées). La cible d'entrée en Garantie jeunes a été portée par le Gouvernement à 100 000 entrées supplémentaires (soit 200 000 au total en 2021) , conduisant à un amendement gouvernemental abondant à nouveau les crédits de la mission « Travail et emploi » de 79 millions d'euros en AE et en CP (seconde tranche), soit un renforcement total de l'enveloppe de 179 millions d'euros (+ 48,1 %) .

L'abondement exceptionnel des crédits des missions locales en LFI 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. En gestion 2021 : des ajustements à la marge des objectifs et des moyens

Au sein des nouvelles directions régionales de l'économie, de l'emploi du travail et de la solidarité (DREETS), les gestionnaires des services déconcentrés ont eu la possibilité de procéder à une fongibilité entre les dispositifs du plan « 1 jeune, 1 solution » . Ainsi :

- pour la « première tranche », les cibles ont été fixées à 89 918 entrées supplémentaires en PACEA et 50 000 entrées supplémentaires en Garantie jeunes, pour un financement global de 102,4 millions d'euros ;

- pour la « seconde tranche », la cible a été fixée à 45 955 entrées supplémentaires en Garantie jeunes, pour un financement total de 73,5 millions d'euros.

Ajustement en gestion des objectifs et des moyens des missions locales au titre du plan « 1 jeune, 1 solution »

Première tranche

Seconde tranche

Total

LFI
2021

Gestion 2021

LFI
2021

Gestion 2021

LFI
2021

Gestion 2021

Objectifs

Entrées en PACEA

80 000

89 918

-

-

80 000

89 918

Entrées en Garantie jeunes

50 000

50 000

50 000

45 955

100 000

95 955

Financement
(en millions d'euros)

100,0

102,4

79,0

73,5

179,0

175,9

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux

B. UNE ACCÉLÉRATION DU RYTHME DE DÉCAISSEMENT DES CRÉDITS QUI A VOCATION À ÊTRE PÉRENNISÉE

Les années précédentes, les missions locales avaient regretté un décaissement effectif trop tardif des crédits . Les premiers versements, correspondant à une avance de 50 % des crédits de l'année N, n'intervenaient qu'à la fin du mois de mars.

En 2021, ce calendrier a été adapté afin de permettre aux missions locales de disposer le plus rapidement possible de leurs crédits , et pouvoir ainsi lancer les recrutements nécessaires à l'atteinte des objectifs ambitieux fixés dans le cadre du plan de relance. Des dérogations ont ainsi pu être obtenues auprès du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) et du réseau des contrôleurs budgétaires régionaux (CBR), autorisant le versement de plus de 25 % de la programmation 2021, avant que celle-ci n'ait été visée par le CBR. Cette étape de validation des programmations régionales constituait en effet auparavant l'étape la plus longue de la chaîne de dépense (entre la mi-février et la mi-mars). Les premières avances ont ainsi pu être versées aux missions locales à partir de la fin février.

Le rythme de décaissement des crédits du plan « 1 jeune, 1 solution » reste cependant cadencé :

- la première tranche est considérée comme « ferme », et a pu être versée aux missions locales avant l'été sans être conditionnée à des objectifs de performance ;

- la seconde tranche doit quant à elle être versée pour moitié à l'automne 2021, l'autre moitié étant conditionnée à l'atteinte des objectifs d'entrées en Garantie jeunes.

À compter de 2022, la DGEFP a indiqué lors de son audition que la pratique d'une avance versée le plus tôt possible en début d'année devrait être pérennisée. Il s'agirait d'une avancée que les rapporteurs spéciaux ne peuvent que saluer, et ils seront par conséquent vigilants quant à sa traduction dans les faits.

Recommandation n° 2 : pérenniser le système de versement accéléré des crédits aux missions locales en début d'année.

C. LA NÉCESSITÉ DE DONNER AUX MISSIONS LOCALES UNE VISIBILITÉ SUR L'ÉVOLUTION DE LEURS MOYENS

L'UNML et les missions locales auditionnées par les rapporteurs spéciaux se sont collectivement félicitées des importants moyens qui ont été mis à leur disposition au cours de l'année 2021 et de la rapidité avec laquelle ceux-ci leur sont parvenus.

Néanmoins, celles-ci ont constaté que le surcroît d'activité engendré par la crise et par les objectifs du plan de relance avait conduit les missions locales à procéder à des recrutements supplémentaires, le plus souvent en contrats à durée déterminée, des équipements, voire à des agrandissements de locaux.

Certes, les missions locales sont habituées à gérer la fluctuation des objectifs d'entrées dans les dispositifs de la politique de l'emploi, plus particulièrement en Garantie jeunes. Cependant , l'incertitude sur l'évolution des objectifs qui leur seront fixés par l'État et des crédits que celui-ci leur allouera corrélativement est dans le contexte actuel encore plus forte qu'à l'accoutumée. Cela fait peser sur les missions locales une difficulté importante de gestion concernant le pilotage de leurs ressources humaines, matérielles et immobilières.

Les rapporteurs spéciaux considèrent donc qu'une trop brusque « réduction de la voilure » risque de fragiliser fortement les missions locales. Ils recommandent donc de dresser dès que possible un bilan de l'utilisation par les missions locales de ces moyens supplémentaires en termes de recrutement d'agents en contrat à durée déterminée et d'agrandissement temporaire de locaux, et de s'appuyer sur ce bilan pour adapter progressivement l'enveloppe allouée aux moyens de fonctionnement des missions locales aux contraintes de gestion décrits supra eu égard à l'évolution des objectifs d'entrées en PACEA et Garantie jeunes qui leur sont fixés .

La prochaine convention pluriannuelle d'objectifs qui doit être signée courant 2022 pourrait constituer un levier pertinent pour donner aux missions locales suffisamment de visibilité sur leurs moyens.

Recommandation n° 3 : dresser dès que possible un bilan de l'utilisation par les missions locales des moyens supplémentaires qui leur ont été allouées et prévoir, dans le cadre de la prochaine convention pluriannuelle d'objectifs, une évolution de l'enveloppe annuelle allouée par l'État qui soit progressive et qui tienne compte des contraintes de gestion générées par la crise et la mise en oeuvre du plan de relance.

II. DES OBJECTIFS AMBITIEUX, À LA CRÉDIBILITÉ INCERTAINE

A. LES OBJECTIFS D'ENTRÉES EN PACEA ET EN GARANTIE JEUNES

Les objectifs d'entrées en PACEA et surtout en Garantie jeunes avec un doublement de la cible annuelle sont, de l'aveu des acteurs auditionnés, extrêmement ambitieux.

Les dernières données disponibles, qui datent de mai 2021, tendent à montrer que l'atteinte des cibles paraît difficile, mais n'est pas non plus impossible à supposer que le rythme des entrées s'accélère fortement à l'automne (voir graphique infra ).

Évolution des entrées en PACEA et en Garantie jeunes
au cours de l'année 2021

(en nombre d'entrées)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Dares

Il est à noter que, s'agissant de la Garantie jeunes, afin de permettre à un plus grand nombre de jeunes de bénéficier de ce parcours d'accompagnement intensif et de son allocation et afin de favoriser l'atteinte des objectifs, les critères d'éligibilité et les modalités de mise en oeuvre ont été assouplis, avec une plus grande place laissée à l'appréciation des conseillers. Ont ainsi été prévues :

- la possibilité à titre exceptionnel d'entrer dans le dispositif sans détachement fiscal obligatoire pour les jeunes rattachés à un foyer imposable mais en rupture avec celui-ci lorsque le conseiller l'estime pertinent ;

- la possibilité d'entrée dérogatoire pour les jeunes ayant des revenus supérieurs jusqu'à 30 % du plafond de ressources sur décision de la mission locale et jusqu'à 100 % du plafond sur décision de la commission locale de suivi ;

- la possibilité pour le conseiller de prendre en compte les ressources sur les trois ou six derniers mois, en fonction de ce qui est le plus favorable au jeune ;

- la possibilité pour le conseiller de moduler la durée du parcours en Garantie jeunes entre neuf et douze mois et de le prolonger jusqu'à 18 mois, sans décision de la commission locale ;

- la possibilité d'alléger les groupes et les plannings de la phase collective du parcours Garantie jeunes afin, d'une part, de répondre à la situation de crise sanitaire, et d'autre part, de s'adapter aux modalités d'organisation spécifiques à chaque mission locale.

Il convient cependant de veiller à ce que ces cibles ambitieuses assignées aux missions locales soient systématiquement utilisées comme un moyen de créer une dynamique et de poser un objectif mobilisateur pour les agents, sans conduire pour autant, comme l'ont regretté certaines organisations représentatives des salariés, à accroître la pression sur les conseillers .

B. LES AUTRES DISPOSITIFS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI

Il est à noter que ces ambitions ne concernent pas que les dispositifs gérés directement par les missions locales, mais bien l'ensemble des dispositifs de la politique de l'emploi à la mise en oeuvre desquels les missions locales sont associées en tant que partie prenante du service public de l'emploi.

Ainsi, le plan « 1 jeune, 1 solution » prévoit en outre notamment :

- 60 000 parcours emplois compétences (PEC) supplémentaires ;

- 50 000 contrats initiative emploi (CIE) nouveaux (ceux-ci avaient en effet été supprimés en 2018) ;

- un doublement de l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) mis en place au sein de Pôle emploi, soit un total de 240 000 bénéficiaires ;

- le ciblage de 35 000 jeunes dans les structures de l'insertion par l'activité économique (IAE).

III. UN ENVIRONNEMENT COMPLEXIFIÉ PAR LA MULTIPLICATION DES DISPOSITIFS ET DES ACTEURS

A. UN RISQUE AVÉRÉ DE CONCURRENCE ENTRE LES DISPOSITIFS DU PLAN DE RELANCE

Le plan « 1 jeune, 1 solution » implique le déploiement simultané et massif d'un grand nombre de dispositifs pour lesquels sont fixés des objectifs quantitatifs ambitieux (voir supra ). Or, ceux-ci peuvent être gérés à titre principal par différents acteurs du service public de l'emploi : par exemple, la Garantie jeunes relève des missions locales tandis que l'Accompagnement intensif des jeunes (AIJ) relève de Pôle emploi.

L'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) et l'aide financière exceptionnelle

L'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) est un dispositif d'une durée de 3 à 6 mois mis en place par Pôle emploi pour aider les jeunes à retrouver plus rapidement un emploi . Il s'adresse aux demandeurs d'emploi de moins de 30 ans rencontrant des difficultés pour trouver ou retrouver un emploi. Dans ce cadre, le conseiller Pôle emploi spécialisé aide le jeune à bâtir un argumentaire pour mettre en avant ses points forts et ses atouts, lui enseigne les différentes techniques de recherche d'emploi, lui décrypte les attentes des recruteurs et lui permet d'élargir ses cibles professionnelles et de prospecter des employeurs.

Dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », un renforcement de 69 millions d'euros des crédits budgétaires alloués à Pôle emploi pour renforcer l'AIJ. Ce plan a fixé un objectif de 35 000 accompagnements supplémentaires en 2020 (pour 135 000 jeunes) et de 140 000 accompagnements supplémentaires en 2021 (pour 240 000 jeunes).

En outre, à compter du 18 janvier 2021, en application du décret n° 2020-1788 du 30 décembre 2020, une aide financière exceptionnelle a été instituée en faveur des jeunes bénéficiaires de l'AIJ de moins de 26 ans faisant état de difficultés financières particulières pouvant mettre en échec ses démarches d'accès ou de retour à l'emploi (mobilités quotidiennes, besoin d'équipement professionnel, accès au numérique etc .) ou ayant un impact sur sa vie quotidienne liées à des besoins de première nécessité (charges courantes, soins etc .). Cette aide n'est pas cumulable avec une allocation PACEA ou Garantie jeunes et son montant ne peut excéder 497,01 euros.

Source : ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion

Le déploiement du plan a ainsi fait l'objet d'une circulaire interministérielle datée du 18 septembre 2020, qui confie aux préfets de région le soin d'organiser la gouvernance du déploiement du plan en instaurant une instance de pilotage avec le président du conseil régional et en y associant les partenaires sociaux et tous les acteurs sur le territoire pouvant être mobilisés.

Par ailleurs, pour favoriser la bonne coordination des acteurs du service public de l'emploi, une note conjointe des acteurs associant Pôle emploi, l'UNML et Cap Emploi a été diffusée aux réseaux du service public de l'emploi et aux services déconcentrés le 17 novembre 2020. Dans ce cadre, le ministère du Travail a indiqué aux rapporteurs spéciaux que des points d'étape associant les trois réseaux et les DREETS sont mis en place pour suivre l'organisation partenariale du plan et lever les éventuels points de blocage.

En dépit de ces démarches de pilotage national bienvenues, l'ensemble des acteurs auditionnés par les rapporteurs spéciaux ont mis en évidence un risque avéré de concurrence entre les dispositifs, source de pertes d'efficacité . Toutefois, pour l'UNML, celle-ci ne relèverait pas tant d'une compétition entre les structures que d'une construction « en silo » des différents dispositifs . L'incompatibilité de la Garantie jeunes avec les écoles de la deuxième chance (E2C) et avec le dispositif « promo 16-18 » lancé par l'Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » en sont des illustrations.

Le « revenu d'engagement pour les jeunes » (REJ) annoncé par le président de la République le 12 juillet 2021, dont les contours précis sont encore inconnus, pourrait permettre de limiter ces phénomènes de concurrence en harmonisant les conditions d'accès à une aide financière pour les jeunes en parcours d'insertion, de façon à leur permettre de s'orienter ensuite plus facilement vers la structure ou le dispositif le plus adapté à leurs besoins et à leurs projets.

B. LA NÉCESSITÉ DE CONFORTER LE RÔLE DES MISSIONS LOCALES COMME ACTEURS CLÉS DE L'ACCOMPAGNEMENT DES JEUNES

Dans leur rapport précité fait au nom de la commission des finances en 2017, François Patriat et Jean-Claude Requier avaient pointé les risques de doublons induits par la création de l'AIJ au sein de Pôle emploi . Ils en avaient appelé, au nom de l'expérience attestée des missions locales dans l'accompagnement des publics jeunes, à une clarification de la répartition des publics entre ces structures, en confiant la prise en charge des jeunes ayant des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail aux seules missions locales.

L'expérience leur a donné raison. En premier lieu, Pôle emploi ne parvient que difficilement à jouer le rôle d'accompagnement global en faveur des jeunes, qui fait la spécificité des missions locales au sein du service public de l'emploi . Dans son rapport précité sur la mise en oeuvre du plan « 1 jeune, 1 solution », le conseil d'orientation des politiques de la jeunesse (COJ) peut ainsi déplorer, dans le cadre de l'AIJ, « une focalisation incessante sur l'accès à l'emploi sans prise en compte du nécessaire traitement des problèmes connexes (logement, mobilité, savoirs de base etc.) qui empêchent pleinement de mener une recherche d'emploi (nécessité de parler d'intégration « sociale » avant de parler d'insertion « professionnelle ») » , ce qui est d'autant plus problématique que « la crise a entraîné une flambée des demandes urgentes des jeunes pour accéder au logement ou s'y maintenir ».

Surtout, la mise en oeuvre de l'aide financière exceptionnelle en faveur des jeunes en accompagnement intensif a été symptomatique des complexités de gouvernance générées par cet empilement de dispositifs et d'acteurs . Une instruction ministérielle du 17 juin 2021 21 ( * ) a en effet prévu un circuit d'attribution extrêmement complexe , impliquant que Pôle emploi, après avoir vérifié l'éligibilité du jeune, renvoie à la mission locale le soin de poser un diagnostic sur la situation sociale et financière du jeune et de proposer le montant de l'aide, qui est ensuite versée par Pôle emploi. Faute de système d'information commun, il est par ailleurs indiqué qu'une « fiche navette » circulerait entre les structures sur chaque dossier.

Circuit d'attribution de l'aide financière exceptionnelle aux jeunes en accompagnement intensifs suivis par Pôle emploi

Source : instruction ministérielle du 17 juin 2021

La circulaire prévoit également que « lorsqu'est identifié auprès du jeune un besoin d'accompagnement sur des problématiques d'ordre social pour sécuriser le parcours d'insertion professionnelle, qui dépassent le besoin ponctuel d'une aide financière, un co-accompagnement peut lui être proposé » entre le PACEA, qui traiterait ces problèmes d'ordre social, et l'AIJ qui traiterait les aspects strictement professionnels.

L'opportunité d'une telle distinction et du double-suivi qui en découle est douteuse, alors même que la vocation des missions locales est précisément de proposer un accompagnement global traitant simultanément les aspects sociaux et professionnels.

Au-delà du cas de l'AIJ, la multiplication des structures accueillant les jeunes en parallèle des missions locales, à l'instar des espaces dynamiques d'insertion (EID), contribuent à complexifier le paysage institutionnel au détriment de la lisibilité du système d'accompagnement pour les publics concernés.

Pour cette raison les rapporteurs spéciaux reconduisent la recommandation formulée antérieurement par la commission des finances de conforter les missions locales comme les acteurs clés de la prise en charge des jeunes rencontrant des difficultés d'insertion.

Recommandation n° 4 : clarifier la répartition des publics entre les différents acteurs du service public de l'emploi en confiant la prise en charge des jeunes rencontrant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle aux seules missions locales.

IV. DES ENJEUX STRUCTURELS DE GOUVERNANCE ET DE FINANCEMENT POUR AMÉLIORER L'ACTION DES MISSIONS LOCALES DANS LE CONTEXTE DE LA RELANCE

A. UNE GOUVERNANCE NATIONALE À REPENSER

La gouvernance nationale du réseau des missions locales a connu des évolutions profondes au cours de la dernière décennie .

Jusqu'en 2016, le réseau était structuré autour de deux instances :

- le Conseil national des missions locales (CNML) placé auprès du Premier ministre et composé d'élus locaux et de représentants des ministères compétents en matière d'insertion professionnelle et sociale des jeunes, chargé notamment de délibérer sur les propositions d'orientation du programme national d'animation et d'évaluation du réseau des missions locales et de constituer un lieu d'échange et de mutualisation des bonnes pratiques au sein du réseau. Il pouvait en outre être consulté par le Gouvernement sur toute question relative à l'insertion professionnelle et sociale des jeunes ;

- l'UNML qui, depuis sa création en 2003, assure la double fonction de syndicat des employeurs et de représentant du réseau auprès des pouvoirs publics.

Mal identifié par les acteurs du fait des contours imprécis de ses attributions, le CNML a été supprimé en 2016 et remplacé par un délégué ministériel aux missions locales (DMML) 22 ( * ) placé auprès du secrétariat général des ministériel sociaux et chargé de sept missions principales :

- définir et mettre en oeuvre le programme national d'animation et d'évaluation du réseau des missions locales, après approbation des présidents des associations oeuvrant pour l'animation des missions locales au niveau régional réunis en conférence ;

- réunir, au moins une fois par an, les représentants au niveau national des financeurs des missions locales ;

- participer à l'élaboration des accords et conventions nationales impliquant le réseau des missions locales ;

- coordonner les échanges entre le réseau des missions locales et les pouvoirs publics notamment sur les conditions de mise en oeuvre des politiques d'insertion et d'emploi des jeunes ;

- développer et organiser la capitalisation ainsi que la diffusion au sein du réseau des bonnes pratiques et les innovations menées par les missions locales pour répondre aux besoins des jeunes ;

- veiller à l'adaptation du système d'information des missions locales à leurs besoins, assurer son pilotage stratégique et définir les actions d'accompagnement nécessaires à sa bonne utilisation ;

- élaborer le bilan annuel d'activité du réseau des missions locales en lien avec l'UNML.

Dans un souci de simplification de la gouvernance , le DMML a été supprimé à son tour en 2018 , l'essentiel de ses attributions ayant ainsi été reprises par l'UNML et par la DGEFP.

Certes, l'UNML est parvenue à renforcer sa mission d'animation du réseau, notamment via ses lettres d'informations. Néanmoins, l'accroissement de son champ d'interventions n'est pas exempt de limites dans la mesure où toutes les missions locales n'y sont pas forcément adhérentes. La CGT -Missions locales est en outre critique du fait que l'UNML assure un double rôle d'organisation patronale et de représentant et animateur du réseau.

En tout état de cause, la plupart des acteurs auditionnés (syndicats, élus locaux, missions locales) ont regretté la suppression, sans évaluation préalable, du DMML . Ce dernier constituait en effet un interlocuteur bien identifié et précieux pour les missions locales, notamment pour remonter leurs revendications au Gouvernement.

Face à ce constat, les rapporteurs considèrent qu'une concertation doit s'engager entre l'ensemble des parties prenantes (État, collectivités territoriales, missions locales, UNML, syndicats) pour remettre à plat la gouvernance et réinstaurer une instance publique nationale d'animation et de pilotage du réseau . Pourrait en particulier être soumis à la concertation la restauration d'un délégué ministériel ou interministériel aux missions locales.

Recommandation n° 5 : engager une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes pour tirer le bilan des évolutions de la gouvernance du réseau et envisager la réinstauration d'une instance publique nationale d'animation et de pilotage du réseau.

B. POUR UN DISPOSITIF DE PERFORMANCE REFLÉTANT DAVANTAGE LA MISSION D'ACCOMPAGNEMENT GLOBAL DES MISSIONS LOCALES

Comme évoqué en première partie du présent rapport, le dispositif de performance des missions locales mis en place par l'État, qui institue une part variable de 10 % de l'enveloppe annuelle conditionnée à l'atteinte d'objectifs fixés dans le cadre du dialogue de gestion, fait l'objet de certaines critiques.

Surtout, le dispositif de performance ne permettrait pas de refléter la mission d'accompagnement global des missions locales .

Ce constat est d'autant plus problématique que la crise sanitaire et économique a considérablement fragilisé la situation des jeunes aux plans monétaire, matériel, sanitaire et moral , de sorte que ceux-ci ont plus que jamais besoin d'un accompagnement global et partant de leurs besoins concrets.

La Cour des comptes reconnaît également, rejoignant ainsi le constat des acteurs auditionnés par les rapporteurs, qu' « à ce jour, la démarche [d'évaluation des missions locales] présente plusieurs limites » , parmi lesquelles l' « absence de valorisation du travail d'accompagnement social des jeunes » et des « sorties positives limitées à l'obtention d'un emploi ou d'un contrat d'alternance » 23 ( * ) .

Plusieurs recommandations peuvent ainsi être formulées pour mettre en adéquation le dispositif de financement à la performance des missions locales avec la vocation de ses structures.

Premièrement, l'évaluation de l'action des missions locales doit se fonder sur une approche plus large.

Le système d'information actuel des missions locales (i-Milo) permet de retracer les actions menées par celles-ci concernant les aides apportées aux jeunes en matière de santé, logement, et de mobilité. Ces données donnent lieu à des indicateurs suivis dans le cadre de la convention pluriannuelle d'objectifs (CPO) 2019-2022, rassemblés au sein de l'objectif « lever les freins périphériques à l'emploi ». Cependant, ces indicateurs ne figurent pas parmi les 10 indicateurs-clés utilisés pour la détermination de l'attribution de la part variable.

La DGEFP, entendue sur ce point par les rapporteurs spéciaux, considère en effet que le ministère du travail a vocation à construire son dispositif de performance sur l'accès à l'emploi des jeunes, qui constitue le critère décisif à l'aune duquel mesurer l'efficacité de la dépense publique en faveur des missions locales.

En ce sens, la démarche de performance telle qu'elle est appliquée aux missions locales serait paradoxalement symptomatique d'une certaine forme de dévoiement de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 24 ( * ) , puisque la logique de résultats est conjuguée à une approche strictement ministérielle, à rebours de l'approche décloisonnée et par politique publique qu'elle a entendu impulser.

Les rapporteurs spéciaux considèrent dans ce contexte qu'une approche globale de la politique de l'emploi doit être adoptée par le ministère du travail pour ce qui concerne les jeunes en difficulté , en considérant que la levée des freins périphériques d'accès à l'emploi constitue une dimension essentielle de cette politique.

Pour cette raison, il conviendrait d'intégrer au dispositif de financement à la performance les indicateurs relatifs à la levée des freins périphériques d'accès à l'emploi .

Du point de vue de l'État, le dialogue de gestion, refondé sur cette base, pourrait tirer parti de la fusion au niveau régional des administrations déconcentrées chargées de l'emploi, de la cohésion sociale et de la solidarité au sein des nouvelles DREETS, afin de mieux croiser les approches de l'insertion sociale et de l'insertion professionnelle. La renégociation à venir de la CPO courant 2022 pourrait constituer un véhicule pertinent pour intégrer cette recommandation.

D'un point de vue plus prospectif, les évolutions de la gouvernance du réseau suggérées supra , en ce qu'elles seraient de nature à renforcer sa dimension interministérielle, pourraient également favoriser cette approche élargie de la politique de l'emploi des jeunes.

Recommandation n° 6 : élargir la liste des indicateurs utilisés pour le dispositif de financement à la performance des missions locales mis en place par l'État en intégrant des indicateurs liés à la levée des freins périphériques à l'emploi (santé, logement, mobilité).

En outre, dans la lignée de la recommandation formulée antérieurement par la commission des finances concernant la mise en place de conférences locales des financeurs (voir supra ), les rapporteurs spéciaux appellent de leurs voeux une généralisation de ces conférences.

En effet, alors que les différents financeurs ont encore trop tendance à interagir « en silo » avec les missions locales et à poser séparément leurs objectifs, la mise en place de ces instances doit permettre de favoriser l'instauration d'un véritable dialogue de gestion globalisé, dans lequel l'État, représenté par le ministère du travail, aurait plus naturellement vocation à mettre en avant les objectifs de retour à l'emploi là où les autres financeurs, par exemple les régions au titre de leurs compétences en matière de formation et d'orientation ou les départements au titre de leurs compétences en matière d'action sociale, pourraient impulser une évaluation de l'action des missions locales reposant sur d'autres aspects.

Recommandation n° 7 : généraliser la mise en place de conférences locales des financeurs des missions locales de façon à permettre la tenue d'un dialogue de gestion commun prenant en compte les différents aspects de la mission d'accompagnement global des jeunes assumée par les missions locales.

L'approche élargie de l'évaluation des résultats des missions locales implique aussi de repenser la mesure des sorties dites « positives » du parcours d'accompagnement. En l'état de la CPO et des indicateurs de performance du programme 102 de la mission « Travail et emploi », sont considérées comme positives les seules sorties en emploi ou en alternance, à l'exclusion de toute sortie en formation professionnelle, choix fortement contesté par l'UNML. Le ministère justifie cette décision en considérant que la formation professionnelle faisant partie des outils à mobiliser durant le parcours, celle-ci ne saurait être considérée comme une sortie positive.

Cette argumentation paraît toutefois un peu simpliste, dans la mesure où la formation professionnelle peut difficilement être appréhendée comme un bloc monolithique. Il convient en effet de distinguer les formations qualifiantes et opérationnelles de formations de premier niveau ou « pré-qualifiantes » qui s'adressent aux publics les plus éloignés de l'emploi et visent à permettre une remise à niveau, une remobilisation, et une aide à la définition d'un projet professionnel. Aussi, pour un jeune ayant suivi avec succès une formation pré-qualifiante lors de son PACEA, l'accès à une formation qualifiante de nature à lui permettre d'accéder à un emploi stable et de qualité doit assurément être considéré comme une sortie « positive » de l'accompagnement en mission locale.

Recommandation n° 8 : élargir la définition d'une « sortie positive » d'accompagnement par les missions locales pour inclure la sortie en formation professionnelle qualifiante.

Enfin, une autre critique, déjà évoquée, du dispositif de performance des missions locales tient à ce que celui-ci susciterait une concurrence entre structures du fait de la référence à un groupe homogène de missions locales pour la définition de leurs objectifs annuels.

Sans remettre en cause l'approche par groupes homogènes, qui permet de fixer des objectifs pertinents à chaque mission locale, les rapporteurs spéciaux considèrent que le dialogue de gestion devrait s'attacher à laisser davantage de place, dans une logique plus individualisée en sus de la comparaison entre structures, à la prise en compte des progrès réalisés au fil du temps par une même mission locale .

Recommandation n° 9 : mieux prendre en compte, dans le dialogue de gestion entre l'État et chaque mission locale, les progrès réalisés par la mission locale d'une année sur l'autre sur les indicateurs clés.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 octobre 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de M. Emmanuel Capus et de Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteurs spéciaux, sur la situation et l'action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire.

M. Claude Raynal , président . - Nous passons à la présentation des résultats des travaux de contrôle budgétaire sur la situation et l'action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire, conduits par les rapporteurs spéciaux de la mission « Travail et emploi », Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial . - Nous vous présentons ce matin, avec Sophie Taillé-Polian, les conclusions de nos travaux de contrôle budgétaire sur la situation et l'action des missions locales dans le contexte de la crise sanitaire.

Le rapport que nos collègues François Patriat et Jean-Claude Requier avaient remis en 2017 sur les missions locales dressait un bilan plutôt favorable de l'action de ces dernières en faveur de l'insertion des jeunes les plus en difficulté. Bien que ces travaux soient assez récents, nous avons considéré que la crise sanitaire, dont les jeunes sont parmi les premières victimes, justifie de se pencher de nouveau sur le sujet. Cela a constitué pour nous l'occasion d'assurer un suivi de certaines recommandations formulées par nos prédécesseurs et d'en émettre de nouvelles.

Les missions locales ont été créées en 1982. Elles constituent, avec Pôle emploi et les Cap emploi, l'un des trois principaux réseaux du service public de l'emploi. Elles ont vocation à accueillir tout jeune de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi ; il y en avait 1,3 million fin 2020.

L'action des missions est spécifiquement tournée vers ceux qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, soit la majorité des jeunes accueillis. Elle s'articule autour du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (Pacea). La Garantie jeunes, mieux connue, constitue la modalité la plus intensive de ces parcours et présente la particularité de permettre le bénéfice d'une allocation mensuelle.

Les missions locales, constituées sous forme associative ou de groupement d'intérêt public (GIP), bénéficient de multiples sources de financement, au risque d'ailleurs d'un certain éclatement. L'État reste de loin leur principal financeur. Sa contribution, qui s'élevait à 339 millions d'euros en 2020, est très fortement dynamique, du fait de la montée en puissance de la Garantie jeunes, dont près de 90 000 jeunes bénéficiaient fin 2020. Néanmoins, cela masque une attrition des moyens structurels de fonctionnement des missions locales depuis 2018. Nous recommandons que ces moyens structurels soient désormais stabilisés, afin que les nombreuses missions qui leur sont confiées puissent continuer d'être exercées dans de bonnes conditions. C'est d'autant plus important que l'épreuve de la crise est particulièrement brutale pour les jeunes aux plans matériel, moral, sanitaire comme au plan de l'accès à l'emploi. Les missions locales paraissent donc plus indispensables que jamais.

Dans l'ensemble, en dépit des confinements, les missions locales sont parvenues à maintenir le contact avec les jeunes qu'elles suivaient. Selon une enquête de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) de mai 2020, près d'une mission locale sur deux assurait être parvenue à maintenir le contact avec au moins 80 % des jeunes qu'elle accompagnait. Seulement une mission locale sur dix déclarait n'avoir pu maintenir le contact qu'avec 10 à 50 % d'entre eux.

La qualité du lien d'accompagnement s'est cependant nettement dégradée du fait du recours imposé à des modalités d'accompagnement à distance. Ont ainsi été constatées certaines difficultés liées à des carences d'équipements, à des problèmes de connexion, à un manque de connaissance de ces outils ou à des conditions de confinement mal adaptées. Ces difficultés étaient le plus souvent liées à la situation du jeune, mais parfois également à l'équipement des conseillers des missions locales.

Du fait de la fermeture de nombre de structures, les entrées en Pacea et en Garantie jeunes se sont pratiquement interrompues au printemps 2020. Un rattrapage a eu lieu à l'automne. Les résultats ont finalement été proches de ceux de l'année 2019.

Désormais, nous attendons que les missions locales participent pleinement à la mise en oeuvre du plan de relance. Des objectifs extrêmement ambitieux, notamment un doublement des entrées annuelles en garantie jeunes, ont été fixés. Ils ne paraissent que difficilement atteignables, mais contribuent à enclencher une dynamique positive.

Des moyens exceptionnels ont été alloués, représentant une rallonge budgétaire d'environ 50 % de leur dotation annuelle. Nous alertons sur le fait que leur utilisation pourrait être source de problèmes de gestion pour les missions locales. Celles-ci ont en effet dû procéder à des recrutements en contrats à durée déterminée, voire à des agrandissements temporaires de locaux. Ainsi, une trop brusque « réduction de la voilure » budgétaire pourrait les fragiliser financièrement. Nous recommandons donc de dresser dès que possible un bilan de l'utilisation de ces moyens supplémentaires exceptionnels, afin d'adapter progressivement l'enveloppe allouée aux missions locales en fonction des contraintes de gestion que le surcroît d'activité imposé par la crise a générées.

Nous dénonçons également la multiplication des dispositifs et des acteurs du plan « 1 jeune, 1 solution », au risque d'une certaine dispersion de l'action publique.

Outre la Garantie jeunes, le plan de relance prévoit de développer massivement les contrats aidés.

Nous relevons un risque réel de concurrence entre les dispositifs, source de perte d'efficacité. Le dispositif d'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) de Pôle emploi et le Pacea sont très proches et leurs modalités d'articulation sont inutilement complexes. Nous préconisons de clarifier la répartition des publics entre Pôle emploi et les missions locales, en réservant la prise en charge des jeunes ayant des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail à ces dernières, qui disposent de la plus grande expertise à l'égard des publics concernés.

De ce point de vue, on peut relever que le « revenu d'engagement » pour les jeunes annoncé par le Président de la République, dont les contours précis sont encore totalement inconnus, pourrait limiter les phénomènes de concurrence, en harmonisant les conditions d'accès à une aide financière pour les jeunes en parcours d'insertion, afin de leur permettre de s'orienter plus facilement vers l'acteur du service public de l'emploi ou le dispositif le plus adapté à leurs besoins et projets.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale . - L'analyse de la situation des missions locales nous a conduits à porter des observations plus structurelles sur leur gouvernance et leur mode de financement.

La gouvernance nationale du réseau des missions locales a connu des évolutions profondes au cours de la dernière décennie, avec le remplacement en 2016 du Conseil national des missions locales (CNML) placé auprès du Premier ministre par le délégué ministériel aux missions locales (DMML), placé auprès du secrétariat général des ministères sociaux. Ce dernier a été supprimé à son tour en 2018, l'essentiel de ses attributions ayant été reprises par l'Union nationale des missions locales (l'UNML) et par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP). La plupart des acteurs auditionnés ont regretté cette suppression, qui s'est faite sans aucune évaluation préalable. Le DMML constituait en effet un interlocuteur bien identifié et précieux par chaque mission locale, notamment pour remonter les revendications au Gouvernement.

L'UNML a su trouver sa place et a indéniablement renforcé son action d'animation du réseau. Néanmoins, l'accroissement de son champ d'intervention n'est pas exempt de limites : toutes les missions locales n'y sont pas forcément adhérentes. Certains syndicats critiquent le fait que l'UNML assure un double rôle d'organisation patronale et de représentant et d'animateur du réseau. Selon nous, une concertation doit s'engager entre l'ensemble des parties prenantes pour remettre à plat la gouvernance et réinstaurer une instance publique nationale, si possible interministérielle, d'animation et de pilotage du réseau.

La question des modalités de financement des missions locales est cruciale. Le financement par l'État des missions locales intègre une logique de performance, réformée en 2019.

Jusqu'en 2018, les missions locales recevaient un financement, au titre de l'accompagnement des publics en garantie jeunes, indexé sur le nombre d'entrées dans le dispositif, sur la base d'un forfait de 1 600 euros par jeune. Depuis 2019, cette logique a été abandonnée au profit d'une logique de performance plus large. Les nouvelles directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) sont désormais tenues d'organiser chaque année un dialogue de gestion avec chaque mission locale relevant de leur zone géographique, pour faire un bilan de l'année précédente et déterminer les objectifs de l'année en cours sur 10 indicateurs clés. L'atteinte des objectifs dans ce cadre conditionne l'attribution d'une part variable de leur dotation annuelle, soit 10 % de l'enveloppe. Cette part peut sembler faible mais elle n'est pas négligeable compte tenu du budget très serré des missions locales.

Ce dispositif soulève un certain nombre de critiques.

La démarche de performance repose sur la classification des missions locales du réseau en vingt groupes homogènes, sur la base de critères objectifs. Ce système a évidemment sa légitimité, car il permet de fixer des objectifs pertinents et réalistes aux structures. Cependant, de nombreux acteurs auditionnés ont relevé que ce système avait également pour effet pervers d'induire une forme de mise en concurrence entre les missions locales. Sans revenir sur le principe de classification, nous préconisons tout de même que le dialogue de gestion s'attache à laisser davantage de place, en parallèle et dans une logique plus individualisée, à la prise en compte des progrès réalisés au fil du temps par une même mission locale.

Le principal problème est néanmoins ailleurs. Pour la plupart des acteurs auditionnés, la liste des indicateurs retenue tend à privilégier exagérément les objectifs de retour immédiat à l'emploi. Cela ne reflète qu'imparfaitement la vocation historique des missions locales : proposer un accompagnement plus global des jeunes, dans un objectif d'autonomie et d'émancipation. Une tension grandissante se fait jour entre l'esprit initial de création des missions locales et une conception de plus en plus stricte de l'insertion professionnelle, au risque de faire évoluer le modèle original de la mission locale vers une forme de « Pôle emploi jeunes ». D'ailleurs, cela se reflète dans le mode de gouvernance. Ce constat est d'autant plus problématique que la crise sanitaire et économique a fragilisé la situation des jeunes. Ceux-ci ont plus que jamais besoin d'un accompagnement global partant de leurs besoins concrets, impliquant de mobiliser l'ensemble des ministères sociaux.

L'évaluation de l'efficacité de l'action des missions locales doit aussi se fonder sur une approche plus large. Cela vaut, par exemple, pour l'évaluation des « sorties positives » du parcours d'accompagnement. En l'état, sont considérées comme positives les seules sorties en emploi ou en alternance, à l'exclusion de toute sortie en formation professionnelle. Selon le ministère, la formation professionnelle faisant partie des outils à mobiliser durant le parcours, elle ne saurait être considérée comme une sortie positive. Cette approche est contestable : la formation professionnelle peut difficilement être appréhendée comme un bloc monolithique. Pour un jeune ayant suivi avec succès une formation dite « préqualifiante » ou « de premier niveau » lors de son Pacea, l'accès à une formation qualifiante de nature à permettre d'accéder à un emploi stable et de qualité doit assurément être considéré comme une sortie « positive ».

Le dispositif de performance appliqué aux missions locales constitue une forme de dévoiement de l'esprit de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), puisque la logique de résultats est ici conjuguée à une approche strictement ministérielle, à rebours de l'approche interministérielle, décloisonnée et organisée par politiques publiques que la LOLF a entendu impulser.

En effet, le ministère du travail tend à adopter une vision restrictive de la politique de l'emploi. Concernant les publics jeunes, la levée des freins périphériques à l'emploi, par un accompagnement en matière de santé, de logement ou de mobilité, est absolument décisive. C'est la raison pour laquelle la mesure de la performance des missions locales doit laisser une place à l'évaluation de leurs actions en la matière. Nous proposons une évaluation du dialogue de gestion. En ce sens, la question du financement rejoint celle de la gouvernance.

Il convient de tirer parti de la création des Dreets afin de mieux croiser les approches de l'insertion sociale et de l'insertion professionnelle.

Il faudrait également, comme l'avaient préconisé François Patriat et Jean-Claude Requier, généraliser à l'échelon local la tenue de conférences des financeurs, pour créer les conditions d'un dialogue de gestion où chaque collectivité concernée apporterait ses compétences : la région en matière d'orientation et de formation, les départements en matière d'action sociale.

On le voit aujourd'hui, le financement des missions locales reste encore très dépendant du financement des collectivités territoriales. Un tour de table général permettrait aux missions locales d'aborder leur développement de manière plus apaisée et assurerait à toutes les collectivités locales la possibilité de créer, sur leurs compétences propres, les clés de la convergence, en vue d'accompagner les jeunes vers l'autonomie.

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Ce rapport nous permet de faire un point d'étape avant l'examen du projet de loi de finances (PLF). Concernant la Garantie jeunes, pour laquelle les objectifs d'entrée ont été doublés dans le cadre du plan de relance, le dimensionnement des structures a souvent posé question et nécessitait quelquefois d'être adapté.

Certaines des structures mises en place sur le territoire ont plus de places que de jeunes, notamment l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Epide), dont le fonctionnement a d'ailleurs un coût significatif. Vous affirmez que le revenu d'engagement est mort-né. Je ne sais pas s'il est mort ; en tout cas, il n'est pas né ! Il semble souhaitable de maintenir a minima un lien en matière financière, de sorte que les dispositifs ne se fassent pas concurrence, ce qui porterait préjudice aux jeunes.

Enfin, les dispositifs mis en oeuvre par les missions locales soulèvent certaines questions. Hier, j'ai échangé avec les représentants du groupe Burger King France. Alors que l'entreprise crée 3 000 emplois de plus chaque année, elle peine à recruter, notamment les jeunes. Selon les représentants du groupe, les missions locales ne constituent pas forcément le meilleur dispositif ; l'aide à l'apprentissage, entre autres, est préférable, en ce qu'elle facilite le recrutement.

Un arbitrage doit être fait, notamment sur les fonds accordés aux missions locales, dans la perspective d'une dégressivité lente des aides apportées dans le cadre du plan de relance, visant à amortir le choc de la sortie de crise. J'espère que, lors de l'examen du PLF, nous trouverons un accord avec les rapporteurs de la commission des finances.

M. Claude Raynal , président. - Trop de consensus tue la politique, madame !

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je veux remercier Mme Taillé-Polian et M. Capus de ce rapport. Il y a quelques années, le modèle des missions locales a pu parfois être remis en cause. Finalement, il n'en est rien, et les missions locales ont même été renforcées.

Beaucoup de structures coexistent : Pôle emploi, les missions locales et, pour ce qui concerne la formation, les régions. Dans la région Grand Est, bon nombre de jeunes passent à côté des dispositifs ou n'y sont pas éligibles. N'existe-t-il pas des dispositifs plus « courts » permettant de garantir l'accès à l'emploi des jeunes éloignés du travail ? Des dispositifs de ce genre peuvent être proposés dans les régions ; ils sont plus ciblés et offrent des formations suivies d'emploi. Il est nécessaire de procéder à des arbitrages : la surabondance des dispositifs nuit à leur efficacité et consomme beaucoup d'argent public.

M. Claude Raynal , président . - Votre rapport ne fait pas état de difficultés financières particulières. J'entends vos préoccupations quant aux modalités d'articulation des apports des départements et des régions avec les crédits de l'État, et les difficultés générées par ces circuits de financements fonctionnant « en silo ». Ce sujet du multi-financement revient sans cesse...

Lors de l'examen du PLF de l'an dernier, ma collègue Agnès Canayer et moi-même avions défendu l'augmentation des fonds dévolus aux missions locales. Votre rapport n'aborde pas ce point. Cela signifie-t-il que le Gouvernement, in fine , a eu raison de passer outre notre demande ?

M. Antoine Lefèvre . - Je souscris aux propositions de nos rapporteurs, notamment à celles qui visent à stabiliser les dispositifs existants ; il est temps d'y mettre de l'ordre. Je veux, moi aussi, souligner le rôle essentiel qu'ont joué les missions locales à l'occasion de la crise sanitaire, d'autant que cela a été peu médiatisé. Beaucoup de ces missions ont tenu à l'organisation de leurs activités en présentiel, tandis que Pôle emploi a privilégié le télétravail.

Il faut revenir à une gouvernance plus centralisée. Je souscris à la proposition des rapporteurs de confier la gestion de l'ensemble des dispositifs ciblés sur les jeunes en difficulté d'insertion aux missions locales : cela apporterait de la lisibilité.

Quel est l'avenir du revenu d'engagement ? Je m'interroge sur les effets de seuil qui pourraient conduire certains jeunes à quitter leurs formations pour en bénéficier. Nous devons rester très attentifs à ce sujet. Avez-vous de la visibilité sur le contenu de ce revenu ? Le plan de relance a permis de doubler les places en garantie jeunes. Qu'en sera-t-il à l'avenir ?

M. Jean-Marie Mizzon . - Je remercie également les rapporteurs de la qualité de leurs travaux. Les missions locales ont été créées en 1982 pour répondre à un besoin conjoncturel qui, en fin de compte, est devenu structurel. Les missions locales ont vocation à accueillir les jeunes en difficulté d'insertion dans l'emploi. Ces jeunes, avant de se trouver dans cette situation, étaient en difficulté scolaire. Dès lors, un apprentissage dédié aux jeunes de moins de seize ans ne pourrait-il pas être expérimenté sur certains territoires ? Il permettrait aux jeunes concernés de saisir la chance de se professionnaliser directement via l'apprentissage, sans passer par les missions locales.

M. Éric Jeansannetas . - Je veux rendre hommage aux missions locales, qui, même lors du premier confinement, ont tout fait pour maintenir le lien entre les jeunes. N'oublions pas que les jeunes ciblés sont très éloignés de l'emploi. Le travail demandé aux conseillers est donc considérable.

Pendant le premier confinement, les missions locales n'avaient d'autre choix que de prendre en charge les difficultés globales des jeunes - logement, cohabitation familiale ou sociale difficile... -, revenant ainsi à l'essence du rapport Schwartz de 1981.

Beaucoup d'entre nous sont présidents de missions locales. Nous pouvons parfois avoir le sentiment que celles-ci sont instrumentalisées à la fois par l'État, pour afficher des sorties positives en emploi, et par les régions, pour des sorties en formation. Par le passé, on a même vu l'association Régions de France revendiquer la mainmise sur les missions locales. L'État et les régions ont fini par trouver un consensus...

Certes, il existe beaucoup de dispositifs, mais nous avons tout de même bien éclairci les choses. Votre rapport met en exergue un élément indispensable : la nécessité d'une visibilité sur l'avenir. Le nombre de conseillers des missions locales a augmenté, notamment au titre du plan de relance. On peut s'en réjouir, mais ces conseillers sont recrutés de façon précaire - ils signent parfois des contrats à durée déterminée (CDD) de six mois -, alors qu'ils travaillent eux-mêmes au service de jeunes en grande précarité.

Il sera nécessaire de suivre l'évolution des fonds exceptionnels. Un stop and go mettrait à mal la motivation et l'engagement des conseillers. Or le propre des missions locales, c'est justement de cultiver l'engagement et le militantisme de ces derniers, en faveur des jeunes en difficulté.

Les missions locales restent le dernier endroit on l'on accueille des jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation ( NEET ). Je remercie une fois de plus les rapporteurs de leur avoir rendu hommage ; leur action a été déterminante durant la crise.

Mme Sylvie Vermeillet . - Je salue à mon tour les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux et pour reconnaître ainsi l'engagement des conseillers des missions locales. Je connais bien la mission locale de Dole, dans le Jura ; j'ai rencontré des conseillers absolument brillants, qui ont un réseau formidable avec les entreprises et un contact exceptionnel avec les jeunes.

Aujourd'hui, l'heure est à la reprise. Pourtant, on entend beaucoup de chefs d'entreprise se plaindre de ne pas pouvoir recruter de la main d'oeuvre. Au fond, notre pays est-il prêt à accueillir des jeunes ? Beaucoup de jeunes, qu'ils soient ou non diplômés, manifestent le désir de travailler et de trouver un emploi. Nos entreprises auraient-elles du mal à leur faire confiance ?

Mme Christine Lavarde . - On constate qu'un grand nombre d'emplois demeurent non pourvus, notamment dans des domaines qui ne nécessitent pas un niveau d'études supérieures important et pour lesquels une insertion et une formation peuvent être assurées en parallèle - Je pense notamment à des emplois dans les crèches ou encore dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Quelque chose bloque... Le nombre de structures vouées à endosser une fonction sociale d'insertion et d'accompagnement est-il insuffisant ? Il n'y a sans doute pas assez de conseillers capables de jouer ce rôle de tuteur. Au-delà des compétences pratiques et techniques, il faut donner à ces jeunes les codes qui leur permettent de devenir des acteurs du marché du travail. J'ai le sentiment que l'on se préoccupe beaucoup de l'encadrement, sans apporter de réponse concrète aux tensions du marché de l'emploi.

Mme Sophie Taillé-Polian , rapporteure spéciale. - Nous partageons tous cette volonté d'encourager les agents et les élus qui, via les missions locales, oeuvrent quotidiennement en faveur de publics en grande difficulté.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un problème de nombre. À la fin de l'année 2020, on comptait 1,5 million de jeunes NEET . Même si l'on parvenait à pourvoir les quelque 300 000 emplois vacants, selon l'estimation de la Banque de France, la question serait encore loin d'être réglée. Je rejoins les propos de Mme Vermeillet : un certain nombre d'entreprises semblent ne pas vouloir faire confiance aux jeunes, alors même qu'ils ont un bon niveau de qualification.

Nous parlons de jeunes qui sont en situation de rupture, souvent avec le système éducatif, parfois avec leur famille. Ils souffrent souvent de difficultés d'accès aux soins ou au logement. Beaucoup de dispositifs existent, mais ils se font concurrence, notamment parce que les missions locales doivent répondre à des objectifs très élevés. Dès lors, il conviendrait de désigner la mission locale comme chef de file, afin de mieux orienter les jeunes vers le dispositif adéquat.

Si les contours du « revenu d'engagement » restent flous, j'espère au moins que des mesures seront prises pour harmoniser les dispositifs, de sorte que chaque jeune puisse trouver une solution appropriée sans être contraint de choisir entre une formation adaptée et une aide financière.

S'agissant du dispositif de performance, les missions locales se trouvaient en difficulté dès lors qu'aucune sortie positive vers l'emploi n'était possible. Quelquefois, les missions, convaincues du risque d'absence de sortie positive, s'abstenaient de remplir l'ensemble de leurs objectifs. Nous sommes passés d'une logique forfaitaire à une logique d'indicateurs ; c'est une bonne nouvelle. Cependant, les indicateurs choisis sont trop restrictifs.

Certaines structures associatives sont assez fragiles, ne disposant pas de beaucoup de trésorerie ou des moyens qui permettent de gérer les situations de crise - leurs fonds structurels de gestion sont réduits chaque année. De ce fait, bon nombre de missions locales hésitent à embaucher et à mettre en oeuvre le plan « 1 jeune, 1 solution ». Nous devons faire en sorte que ces associations bénéficient, dans un contexte territorial d'échange, d'une plus grande visibilité, pour construire des politiques sur la durée. Elles doivent être consolidées pour être à l'écoute des territoires et des situations individuelles des jeunes, car la nécessité d'un accompagnement global de ces publics mise en avant par le « rapport Schwartz » de 1982 reste d'actualité.

Pour conclure, il est nécessaire de maintenir une palette de solutions pour répondre aux difficultés de la jeunesse, qui sont très diverses.

M. Emmanuel Capus , rapporteur spécial. - Nous partageons beaucoup de points, Madame Puissat, notamment en ce qui concerne la Garantie jeunes et la complexité du système d'accompagnement des jeunes en insertion. Si les informations dont nous disposons ne permettent pas de porter une appréciation précise du « revenu d'engagement », nous considérons à tout le moins que, s'il devait être mis en place, il constituerait l'occasion de simplifier le système et d'harmoniser ce maquis de dispositifs.

Certes, la question de l'allocation des moyens entre les différents dispositifs de la politique de l'emploi mérite toujours d'être posée dans le cadre du débat budgétaire. Cependant, je ne suis pas certain que les jeunes faisant appel aux missions locales soient les premiers concernés par l'aide à l'apprentissage et à l'embauche, compte tenu des difficultés diverses qu'ils rencontrent en matière de scolarité, de logement, de santé, de mobilité. Ces dispositifs paraissent donc souvent plus complémentaires que substituables.

Le rapporteur général a également souligné le nombre important de dispositifs et leur complexité. C'est justement parce que nous partageons ce constat que nous recommandons d'orienter en priorité les jeunes très éloignés de l'emploi vers les missions locales, qui agissent comme un guichet unique.

Lors de nos auditions, monsieur le Président, nous avons eu peu de remontées qui indiqueraient que les crédits exceptionnels du plan de relance seraient insuffisants pour atteindre les objectifs fixés dans ce cadre. La tension réside plus sur les moyens structurels des missions locales, que nous proposons de stabiliser. Mais sur les crédits « exceptionnels », l'enjeu est avant tout celui de la capacité des missions locales à les consommer. D'autre part, comme j'ai eu l'occasion de le dire, il faut veiller à ce qu'il n'y ait pas de « casse » à la sortie de la crise. Ainsi, nous préconisons de faire un bilan de l'utilisation des moyens humains et immobiliers qui ont été déployés pour adapter l'évolution des crédits en conséquence.

Monsieur Mizzon nous interrogeait sur une éventuelle ouverture de l'apprentissage aux jeunes de moins de 16 ans : pourquoi pas ? Toutefois, nous avons centré notre rapport sur l'action des missions locales pendant la crise. Le public étudié est donc celui de populations en situation d'extrême précarité. Il ne nous appartenait pas, dans le cadre de notre rapport, d'étudier les raisons de cette précarité.

Monsieur Jeansannetas, nous partageons la même analyse. C'est pourquoi nous proposons de confier la prise en charge des jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail aux seules missions locales. Nous recommandons aussi de dresser un bilan de l'utilisation de leurs moyens par les missions locales, ce qui devrait aboutir à leur donner plus de visibilité sur l'avenir.

Je ne sais pas si je suis capable de répondre aux questions de Mmes Vermeillet et Lavarde sur la capacité de notre pays à faire confiance à nos jeunes. Le chômage des jeunes n'est pas qu'une problématique française : il est beaucoup plus élevé en Espagne, par exemple. Cette question, vaste, dépasse le cadre d'un contrôle budgétaire et financier sur les missions locales. Notre rapport consistait à souligner leur rôle pour réinsérer les jeunes éloignés de l'emploi. Il ne nous revenait pas d'étudier les politiques de l'emploi et de l'apprentissage dans leur ensemble.

M. Claude Raynal , président . - Je vous remercie.

La commission a autorisé la publication de la communication des rapporteurs spéciaux sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Union nationale des missions locales (UNML)

- M. Jean-Raymond LEPINAY, vice-président ;

- Mme Sandrine ABOUBADRA-PAULY, déléguée générale ;

- M. Philippe BROUSSE, délégué général adjoint.

M. Michel ABHERVÉ, professeur associé à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée

Table ronde

Assemblée des départements de France (ADF)

- M. Jean-Michel RAPINAT, directeur des politiques sociales.

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

- M. Mohammed GNABALY, vice-président et maire de l'Île-Saint-Denis ;

- Mme Valérie BRASSARD, responsable fonction publique-emploi ;

- Mme Charlotte DE FONTAINES, responsable des relations avec le Parlement.

Assemblée des communautés de France (AdCF)

- M. Yves GOUGNE, vice-président de la communauté du Pays Mornantais et président de la mission locale du Sud-ouest lyonnais ;

- M. Romain BRIOT, responsable de l'action régionale ;

- Mme Montaine BLONSARD, responsable des relations avec le Parlement.

Table ronde

Mission locale INNOVAM (Val-de-Marne)

- Mme Fatiha OUAKLI, directrice.

Mission locale d'Angers

- M. Marc GOUA, président ;

- Mme Pascale RICHARD, directrice ;

- M. Gabriel HALLIGON, trésorier.

Table ronde

CGT Missions locales

- M. Jean-Philippe REVEL, mission locale de Paris ;

- M. Dimitri HINAULT, mission locale de Lorient ;

- M. Vincent DELVALLE, mission locale d'Hénin Carvin ;

- M. Alexandre FRÉBOT, mission locale d'Épinay.

Synami-CFDT

- Mme Isabelle KLEM, secrétaire générale ;

- Mme Claire DECHET, secrétaire générale adjointe ;

- M. Christophe CATTEAU, trésorier.

Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

- M. Bruno LUCAS, délégué général ;

- M. Samuel BERGER, sous-directeur en charge du financement et de la modernisation ;

- M. Hadrien NOVELLI, chargé de mission au sein de la mission des affaires financières ;

- M. Nicolas JOUVE, chargé de mission au sein de la mission pour l'accès des jeunes à l'emploi.

Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ)

- M. Antoine DULIN, président de la commission de l'insertion des jeunes.


* 1 « Les missions locales : du rapport Schwartz à la Garantie jeunes, trente années d'accompagnement des jeunes en difficulté », Rapport d'information n° 575 (2016-2017) de MM. François PATRIAT et Jean-Claude REQUIER, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 7 juin 2017.

* 2 Bertrand Schwartz, « L'insertion professionnelle et sociale des jeunes », rapport au Premier ministre, septembre 1981.

* 3 Article L. 5314-2 du code du travail.

* 4 « Not in Education, Employment or Training ».

* 5 Source : questionnaire des rapporteurs spéciaux.

* 6 Dares, « Les jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation (NEET) : quels profils et quels parcours ? », Dares analyses n° 6, février 2020.

* 7 Il s'agit des régions dont le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 % au 31 décembre 2012.

* 8 Drees, Minima sociaux et prestations sociales, édition 2021.

* 9 Données consolidées disponibles les plus récentes.

* 10 Igas, Le modèle économique des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, 2016.

* 11 Instituée par l'article 15 de la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, l'obligation de formation est remplie lorsque le jeune de 16 à 18 ans poursuit sa scolarité dans un établissement d'enseignement public ou privé, lorsqu'il est apprenti ou stagiaire de la formation professionnelle ou lorsqu'il occupe un emploi ou effectue un service civique ou lorsqu'il bénéficie d'un dispositif d'accompagnement ou d'insertion sociale et professionnelle. À ce titre, l'article L. 114-1 du code de l'éducation issu de cette loi confère aux missions locales une mission de contrôle du respect de cette obligation, bénéficiant à ce titre d'un dispositif de collecte et de transmission de données placé sous la responsabilité de l'État. L'architecture réglementaire du dispositif s'est achevée en 2020, avec la publication du décret n° 2020-978 du 5 août 2020 relatif à l'obligation de formation des jeunes de seize à dix-huit ans, permettant une entrée en vigueur au 1 er septembre 2020.

* 12 Instruction n° DGEFP/SDPAE/MAJE/2019/89 du 16 mai 2019 relative à la Stratégie pluriannuelle de performance des missions locales pour la période 2019-2022.

* 13 À compter du 1 er avril 2021, dans le cadre de la réforme des services déconcentrés dite « organisation territoriale de l'État » (OTE), les nouvelles DREETS ont repris notamment les compétences des anciennes directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

* 14 54 variables ont été retenues, concernant le contexte général du territoire couvert par la mission locale, les caractéristiques socio-économiques et démographiques du territoire, et enfin les données structurelles de la mission locale.

* 15 Dares, « Comment la situation des jeunes sur le marché du travail a-t-elle évoluée en 2020 ? », Dares analyses n° 50, septembre 2020.

* 16 Une personne est en emploi au sens du BIT est une personne de 15 ans ou plus ayant effectué au moins une heure de travail rémunéré au cours d'une semaine donnée ou absente de son emploi sous certaines conditions de motif et de durée.

* 17 UNML, Enquête flash auprès des jeunes accompagnés par les missions locales (échantillon : 24 010 jeunes suivis par 436 missions locales ayant répondu à une enquête en ligne menée entre le 15 et le 22 juin 2020).

* 18 Le halo autour du chômage est composé de personnes inactives au sens du BIT, mais proches du marché du travail. Il s'agit des personnes sans emploi qui recherchent un emploi mais qui ne sont pas disponibles dans les deux semaines pour travailler et des personnes sans emploi qui souhaitent travailler mais qui n'ont pas effectué de démarche active de recherche d'emploi dans le mois précédent, qu'elles soient disponibles ou non.

* 19 L'écart important avec les résultats présentés pour l'année 2018 dans l'encadré supra s'explique par le fait que la population prise en compte dans cette étude concerne les jeunes de 16 à 29 ans et non de 18 à 25 ans comme dans l'étude précitée.

* 20 Dares, Résultats de l'enquête flash Covid-19 auprès des missions locales, juin 2020.

* 21 Instruction de la ministre du travail, de l'insertion et de l'emploi n° DGEFP/DPE/2021/126 du 17 juin 2021 relative à la mise en place d'une nouvelle aide financière à destination des jeunes bénéficiant d'un accompagnement individuel intensif par Pôle emploi, les Cap emploi ou l'Association pour l'emploi des cadres.

* 22 Décret n° 2016-1371 du 12 octobre 2016 modifiant le décret n° 2013-727 du 12 août 2013 portant création, organisation et attributions d'un secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales.

* 23 Cour des comptes, « Les relations entre le ministère du travail et les acteurs associatifs : un pilotage à renforcer », Rapport public annuel 2021, janvier 2021.

* 24 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page