B. LA NÉCESSITÉ DE CONFORTER LE RÔLE DES MISSIONS LOCALES COMME ACTEURS CLÉS DE L'ACCOMPAGNEMENT DES JEUNES
Dans leur rapport précité fait au nom de la commission des finances en 2017, François Patriat et Jean-Claude Requier avaient pointé les risques de doublons induits par la création de l'AIJ au sein de Pôle emploi . Ils en avaient appelé, au nom de l'expérience attestée des missions locales dans l'accompagnement des publics jeunes, à une clarification de la répartition des publics entre ces structures, en confiant la prise en charge des jeunes ayant des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail aux seules missions locales.
L'expérience leur a donné raison. En premier lieu, Pôle emploi ne parvient que difficilement à jouer le rôle d'accompagnement global en faveur des jeunes, qui fait la spécificité des missions locales au sein du service public de l'emploi . Dans son rapport précité sur la mise en oeuvre du plan « 1 jeune, 1 solution », le conseil d'orientation des politiques de la jeunesse (COJ) peut ainsi déplorer, dans le cadre de l'AIJ, « une focalisation incessante sur l'accès à l'emploi sans prise en compte du nécessaire traitement des problèmes connexes (logement, mobilité, savoirs de base etc.) qui empêchent pleinement de mener une recherche d'emploi (nécessité de parler d'intégration « sociale » avant de parler d'insertion « professionnelle ») » , ce qui est d'autant plus problématique que « la crise a entraîné une flambée des demandes urgentes des jeunes pour accéder au logement ou s'y maintenir ».
Surtout, la mise en oeuvre de l'aide financière exceptionnelle en faveur des jeunes en accompagnement intensif a été symptomatique des complexités de gouvernance générées par cet empilement de dispositifs et d'acteurs . Une instruction ministérielle du 17 juin 2021 21 ( * ) a en effet prévu un circuit d'attribution extrêmement complexe , impliquant que Pôle emploi, après avoir vérifié l'éligibilité du jeune, renvoie à la mission locale le soin de poser un diagnostic sur la situation sociale et financière du jeune et de proposer le montant de l'aide, qui est ensuite versée par Pôle emploi. Faute de système d'information commun, il est par ailleurs indiqué qu'une « fiche navette » circulerait entre les structures sur chaque dossier.
Circuit d'attribution de l'aide financière exceptionnelle aux jeunes en accompagnement intensifs suivis par Pôle emploi
Source : instruction ministérielle du 17 juin 2021
La circulaire prévoit également que « lorsqu'est identifié auprès du jeune un besoin d'accompagnement sur des problématiques d'ordre social pour sécuriser le parcours d'insertion professionnelle, qui dépassent le besoin ponctuel d'une aide financière, un co-accompagnement peut lui être proposé » entre le PACEA, qui traiterait ces problèmes d'ordre social, et l'AIJ qui traiterait les aspects strictement professionnels.
L'opportunité d'une telle distinction et du double-suivi qui en découle est douteuse, alors même que la vocation des missions locales est précisément de proposer un accompagnement global traitant simultanément les aspects sociaux et professionnels.
Au-delà du cas de l'AIJ, la multiplication des structures accueillant les jeunes en parallèle des missions locales, à l'instar des espaces dynamiques d'insertion (EID), contribuent à complexifier le paysage institutionnel au détriment de la lisibilité du système d'accompagnement pour les publics concernés.
Pour cette raison les rapporteurs spéciaux reconduisent la recommandation formulée antérieurement par la commission des finances de conforter les missions locales comme les acteurs clés de la prise en charge des jeunes rencontrant des difficultés d'insertion.
Recommandation n° 4 : clarifier la répartition des publics entre les différents acteurs du service public de l'emploi en confiant la prise en charge des jeunes rencontrant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle aux seules missions locales.
* 21 Instruction de la ministre du travail, de l'insertion et de l'emploi n° DGEFP/DPE/2021/126 du 17 juin 2021 relative à la mise en place d'une nouvelle aide financière à destination des jeunes bénéficiant d'un accompagnement individuel intensif par Pôle emploi, les Cap emploi ou l'Association pour l'emploi des cadres.