B. LES CONSÉQUENCES INTERNATIONALES DE LA FRAGMENTATION DE LA RECHERCHE ET DE L'ABSENCE DE COORDINATION
Cette diversité d'opérateurs se traduit également par des difficultés pour représenter de manière coordonnée de la recherche française en biologie-santé au niveau international et y défendre ses intérêts.
L'Académie nationale de médecine constate notamment « une sévère cacophonie » concernant la représentation auprès des organes de décisions européens, et recommande de regrouper les différents établissements et instituts publics français d'enseignement et de recherche dans un dispositif de guichet unique à Bruxelles et de désigner un Haut Représentant des acteurs scientifiques français auprès de la Commission et du Parlement européen. De même, la fragmentation de la recherche française altère sa lisibilité auprès des acteurs internationaux, effet particulièrement accentué par des politiques internationales propres à chaque institution, résultant en un manque d'efficacité et une dispersion des partenariats.
Un effort de coordination, indispensable pour la recherche française, est également nécessaire, sur certains enjeux clés, à l'échelle européenne. La crise sanitaire liée à la Covid-19 a mis en exergue certaines difficultés d'organisation transnationale, notamment lors de la tentative de mutualisation des efforts de la recherche clinique à l'échelle européenne dans le cadre de l'essai Solidarity, où une mégastructure de coordination a fait défaut. La recherche vaccinale états-unienne, mise en place grâce à la Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA), pourrait être prise en exemple par l'Union européenne pour créer une Health Emergency Response Authority (HERA).
C. DES DISPOSITIFS DE VALORISATION DE LA RECHERCHE EUX-AUSSI PERFECTIBLES
À la suite de la loi sur l'innovation et la recherche (dite « loi Allègre ») 41 ( * ) , qui a facilité le rapprochement entre les universités et les entreprises en offrant notamment aux chercheurs la possibilité de créer des start-ups et de déposer des brevets, de nombreux instruments ont été mis en place pour améliorer la valorisation de la recherche dans les universités.
Néanmoins, à l'image du système de recherche français, il en résulte une accumulation de dispositifs partageant parfois les mêmes objectifs : offices de valorisation des EPST, sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), consortiums de valorisation thématique (CVT), fonds d'amorçage, incubateurs, pôles d'innovation, pôles de compétitivité... Si ces structures permettent de promouvoir et faciliter le dépôt de brevets 42 ( * ) , l'Académie nationale de médecine relève une part importante de brevets abandonnés en raison de preuves de concept trop peu robustes.
De même, selon l'Académie nationale de médecine, la facilité d'accès à des financements publics pour la création d'entreprises a certes favorisé l'émergence de nombreuses sociétés, mais celles-ci s'avèrent parfois inadaptées à la réalité du marché et disparaissent après avoir épuisé les crédits disponibles, sans jamais atteindre les marchés financiers, ni même le statut de PME. Si ce point de vue ne fait pas consensus - une prématuration importante pouvant être vue comme nécessaire pour voir émerger des projets innovants -, il apparaît primordial de réaliser une évaluation préalable rigoureuse des projets d'innovation, en associant les mondes scientifique, industriel et financier, pour soutenir en priorité les projets les plus prometteurs.
Le soutien à la valorisation de la recherche paraît cependant essentiel, la plupart des entreprises de biotech françaises étant aujourd'hui issues de la sphère académique. Ce modèle a fait ses preuves pour conduire à d'importantes innovations médicales, et doit être encouragé. À cet égard, la suppression du dispositif de doublement du crédit impôt recherche (CIR) pour les entreprises qui confient des travaux de R&D à des laboratoires publics de recherche apparaît comme un mauvais signal 43 ( * ) . De plus, les entrepreneurs issus de la recherche publique n'ayant pas nécessairement la formation ou la culture nécessaires pour franchir les étapes de croissance, doivent être correctement accompagnés.
Enfin, le domaine de la santé faisant face à des contraintes réglementaires extrêmement strictes ainsi qu'à des temps de développement longs et coûteux, les sociétés ne génèrent de chiffre d'affaire que très tardivement et doivent se financer par le biais d'investisseurs en capital-risque. Actuellement, une part importante de sociétés ne parvient pas à réaliser les premières phases d'étude clinique, malgré des recherches précliniques parfois prometteuses. Les financements octroyés par la Banque publique d'investissement (Bpifrance) doivent donc soutenir la prise de risque lorsque les projets semblent prometteurs et l'État doit oeuvrer à favoriser en termes d'attractivité l'investissement privé.
* 41 Loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche
( https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/ id/JORFTEXT000000759583/ ).
* 42 Permettant notamment à Inserm Transfert d'être en Europe, en 2019, le 1 er déposant de brevets dans le secteur pharmaceutique et le 3 ème dans le secteur des biotechnologies. Voir : Inserm Transfert, « Bilan d'activités 2019 » ( https://www.inserm-transfert.fr/storage/2020/12/Rapport-activites-Inserm-Transfert-2019.pdf ).
* 43 Par ailleurs, d'après France Stratégie, le CIR aurait des effets positifs sur les PME, mais pas d'effet significatif établi en ce qui concerne les ETI et les grandes entreprises (Commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation, juin 2021, «Évaluation du crédit d'impôt recherche »,
https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-cnepi-cir-juin.pdf ). Une réorientation - a minima d'une part - des crédits vers les jeunes entreprises pourrait alors sembler opportune.