F. LOI N° 2020-938 DU 30 JUILLET 2020 PERMETTANT D'OFFRIR DES CHÈQUES-VACANCES AUX PERSONNELS DES SECTEURS SANITAIRE ET MÉDICO-SOCIAL EN RECONNAISSANCE DE LEUR ACTION DURANT L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19 PARUE AU JO N° 187 DU 31 JUILLET 2020
La loi du 30 juillet 2020 a prévu un dispositif permettant aux salariés de faire don d'une partie de leur rémunération, correspondant à un ou plusieurs jours de congé non pris, afin qu'elle soit reversée au personnel soignant sous forme de chèques vacances.
Cette possibilité était ouverte jusqu'au 31 octobre 2020, afin que les chèques vacances soient distribués avant le 31 décembre.
Un décret devait définir les modalités d'application de ce dispositif.
Par la voix de son rapporteur, le Sénat s'était interrogé sur l'opportunité de ce texte et sa capacité à répondre aux préoccupations des soignants, et avait émis des doutes sur la possibilité de le mettre en oeuvre. Toutefois, devant la volonté manifestée par le Gouvernement de donner suite à cette initiative parlementaire, le Sénat l'a votée, tout en introduisant une disposition tendant à ce que le Gouvernement remette, avant le 31 mars 2021, un rapport sur la mise en oeuvre du texte.
Il semble que ce dossier ait été oublié par le ministère du Travail à la faveur du remaniement gouvernemental de l'été, et le décret permettant la mise en oeuvre de cette loi n'a jamais été publié, pas plus que le rapport au Parlement.
Si cette absence de mise en oeuvre peut sembler peu surprenante, elle n'en demeure pas moins la marque d'un manque de considération pour le travail parlementaire.
En effet, le Gouvernement a inscrit à l'ordre du jour du Parlement, suivant la procédure accélérée et alors que la crise sanitaire était toujours aigüe et que des textes d'une importance bien plus grande étaient examinés en urgence, un texte qu'il n'avait manifestement aucune intention de mettre en application. Les heures de travail parlementaire, en commission, en séance et en commission mixte paritaire semblent ainsi n'avoir eu pour autre but pour l'exécutif que de donner des gages à sa majorité à l'Assemblée nationale.
Ce texte, qui s'affirmait d'emblée comme un bon candidat, a confirmé son éligibilité au dispositif « balai ».
G. LOI ORGANIQUE N° 2020-991 ET LOI N° 2020-992 DU 7 AOÛT 2020 RELATIVES À LA DETTE SOCIALE ET À L'AUTONOMIE PARUE AU JO N° 194 DU 8 AOÛT 2020
La loi organique n° 2020-991 et la loi n° 2020-992, du 7 août 2020, relatives à la dette sociale et à l'autonomie, ont organisé de nouveaux transferts à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et créé une cinquième branche de la sécurité sociale, dédiée à l'autonomie.
La loi organique ne prévoyait pas de mesure complémentaire, les mesures opérationnelles d'application relevant de dispositions prévues par la loi ordinaire.
1. Suivi des transferts à la Cades
L'article 1 er de la loi du 7 août 2020 prévoit différents transferts de déficits à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) :
- les déficits cumulés au 31 décembre 2019 de la branche maladie du régime général (Cnam), du fonds de solidarité vieillesse (FSV), de la branche vieillesse de la Caisse centrale de mutualité agricole (CCMSA) et de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ;
- les déficits à venir sur les exercices 2020 à 2023 des branches maladie, vieillesse et famille du régime général et du FSV , et de la branche vieillesse de la CCMSA.
Le même article prévoyait en outre une dotation à la Cnam par la Cades visant à couvrir les échéances d'emprunts des établissements du service public hospitalier, soit la « reprise de la dette des hôpitaux » 295 ( * ) .
Pour chacun de ces transferts, la loi prévoit que les montants et dates des versements sont fixés par décret.
Sur ce fondement, deux décrets ont été pris :
- le décret n° 2020-1074 du 19 août 2020 relatif au transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale des déficits du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse et de la Caisse centrale de mutualité sociale agricole à effectuer en 2020 ;
- le décret n° 2021-40 du 19 janvier 2021 relatif au transfert à la Caisse d'amortissement de la dette sociale des déficits du régime général, du Fonds de solidarité vieillesse, de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et des établissements publics de santé à effectuer en 2021.
Transferts à la Caisse d'amortissement de la dette sociale
en millions d'euros
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
Les versements réalisés au titre de ces deux décrets ou les transferts à venir prévus par le second, synthétisés dans le graphique ci-dessus, appellent plusieurs observations.
D'une part, il convient de souligner que les transferts réalisés au titre du A du II septies de l'ordonnance de 1996 modifiée par l'article 1 er de la loi du 7 août 2020 concernant les déficits cumulés au 31 décembre 2019 ont dépassé le plafond fixé par ce même A. Alors que l'estimation donnée lors de l'examen parlementaire du projet de loi évaluait a priori ces déficits à 30,8 milliards d'euros, un plafond à 31 milliards d'euros était proposé. Ce sont finalement 31,174 milliards qui ont été transférés, excédant de 174 millions d'euros le plafond légalement fixé.
Ce dépassement interroge sur le respect par le Gouvernement des autorisations légales, limitatives, de transferts de charges budgétaires : il aurait été de bonne méthode que de demander au Parlement de rectifier lors de la dernière LFSS le plafond initial.
D'autre part, il conviendra de suivre régulièrement les décrets de transferts à la Cades au titre des déficits des exercices 2020 à 2023. En effet, le plafond voté à l'été 2020 à hauteur de 92 milliards d'euros relevait d'estimations très incertaines sur l'impact de la crise sanitaire sur les finances de la sécurité sociale. Celui-ci aurait donc pleinement vocation à être révisé au regard des déficits effectivement constatés sur chacun des exercices. De ces déficits et futurs transferts dépendent la situation à venir de l'Acoss mais aussi les besoins financiers nécessaires à l'amortissement de la dette sociale qui, s'ils étaient moindres, permettraient de libérer des ressources utiles aux finances sociales.
À ce jour, le transfert acté pour 2021 représente 25,9 % des 92 milliards possibles au titre des exercices 2020 à 2023.
2. Emprunts à impact social de la Cades
L'article 2 de la loi, ajouté en première lecture à l'Assemblée nationale, prévoyait la remise d'un rapport au Parlement avant le 31 décembre 2020 sur les opportunités, pour la Cades ou d'autres organismes concernés, de contracter des emprunts à impact social .
Interrogée sur la remise de ce rapport, la Cades a indiqué que ce rapport, rédigé, n'avait pas encore été officiellement remis au début du mois d'avril 2021.
3. Versement de la part de la « soulte IEG » à la Cnav
L'article 4 de la loi, relatif au fonds de réserve pour les retraites (FRR), modifie les versements à venir du fonds destinés à financer la Cades. Il prévoyait en outre le versement à la Cades, avant le 31 juillet 2020, de la part de la soulte IEG gérée par le FRR .
Aucune disposition réglementaire n'était attendue à ce titre. Cependant, deux observations peuvent être formulées sur ce versement.
D'une part , la date retenue, antérieure à la promulgation de la loi, interroge sur la marge de manoeuvre dont disposait le Parlement sur ces dispositions . Leur application était en effet, de fait, déjà mise en oeuvre avant leur examen au Parlement, la liquidation d'un tel montant d'actifs devant être anticipée finement pour ne pas dégrader leur valeur brutalement.
D'autre part, la liquidation réalisée confirme les craintes soulevées au Sénat lors de l'examen du texte. Ce versement en une fois - très éloigné du scénario anticipé avant la crise entre la Cnav et le FRR qui prévoyait quinze versements entre 2025 et 2040 - a été effectué alors que les marchés financiers n'avaient pas retrouvé leur niveau d'avant mars 2020.
Liquidation de la part de soulte IEG gérée par le FRR
en milliards d'euros
Source : Commission des affaires sociales du Sénat
Il convient de souligner qu'entre son transfert au FRR et son versement à la Cnav, la part de soulte IEG a cru de 63,5 % durant sa gestion par le fonds ce qui, en valeur absolue, représente un gain de plus d'1,94 milliard d'euros en valeur.
Cependant, la précipitation retenue par le Gouvernement, dans un contexte moins pressant pour l'Acoss, a conduit à une vente d'actifs soudaine et à une perte de valeur regrettable sur le potentiel que pouvait représenter la soulte , qui aurait pu atteindre 400 millions d'euros supplémentaires fin 2020. Interrogé sur cette opération, le FRR a cependant mis en avant l'anticipation qu'avait été celle des gestionnaires, une fois l'instruction donnée par le Gouvernement, afin de réaliser des ventes discrètes et échelonnées , permettant de garantir au mieux les valeurs des actifs liquidés.
4. Préfiguration de la cinquième branche de la sécurité sociale
Au-delà de la création formelle de la branche autonomie, l'article 5 prévoyait, pour sa préfiguration, la remise d'un rapport au Parlement avant le 15 septembre 2020 et donc avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Le rapport « La branche autonomie : périmètre, gouvernance et financement », de Laurent Vachey, Florence Allot et Nicolas Scotté, dit « rapport Vachey » a été publié le 15 septembre dernier. Les propositions formulées dans ce rapport ont contribué à la définition des suites données à la création de la nouvelle branche.
Dans le cadre de ses travaux sur le PLFSS pour 2021, la commission des affaires sociales du Sénat a entendu Laurent Vachey 296 ( * ) sur ce rapport . Le rapporteur pour la branche autonomie, Philippe Mouiller, avait cependant regretté dans son rapport 297 ( * ) que les préconisations du rapport Vachey n'aient pas été plus largement reprises par le Gouvernement dans ce PLFSS .
La création de cette branche, sans contenu déterminé, ni financement spécifique, semble, à l'heure du bilan d'application de la loi, rester symbolique et à ce titre, prématurée.
* 295 Concernant la reprise de la dette hospitalière, la rédaction des dispositions du C du II septies de l'article 4 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 apportée par l'article 1 er a depuis été modifiée par la loi n° 2020-1576 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
* 296 Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, mercredi 28 octobre 2020, audition de M. Laurent Vachey , inspecteur général des finances, chargé de la mission de concertation et de propositions relative à la création de la branche autonomie.
* 297 Rapport n° 107 (2020-2021) de M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, rapporteur général, Mme Corinne IMBERT, M. René-Paul SAVARY, Mmes Élisabeth DOINEAU, Pascale GRUNY et M. Philippe MOUILLER, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 4 novembre 2020.