D. UNE FILIÈRE CHALEUR EN TRANSITION

1. Les réseaux de chaleur sont déstabilisés

Les professionnels de la chaleur 87 ( * ) craignent l'exclusion de la majeure partie des réseaux de chaleur de la RE2020, si le seuil d'émissions de GES initial, de 6 kgCO 2 /m 2 /an dans les logements collectifs au 1 er janvier 2024, est maintenu : selon eux, 44 % des réseaux de chaleur et 67 % de la livraison de chaleur doivent ainsi exclus 88 ( * ) .

En effet, si le taux moyen d'utilisation des énergies renouvelables dans les réseaux de chaleur est de 60 %, il n'en demeure pas moins que 20 % de ces réseaux utilisent encore moins de 50 % de ces énergies 89 ( * ) : l'effort de décarbonation des réseaux de chaleur, bien engagé, n'est donc pas achevé.

C'est pourquoi de lourds investissements devront être réalisés pour décarboner certains réseaux de chaleur en application de la RE2020.

Certains professionnels observent que les investissements les plus importants ne pourront pas être effectués dans le cadre des concessions existantes et qu'il sera nécessaire d' « attendre les remises en concurrence » 90 ( * ) .

Pour d'autres, quel que soit le niveau des investissements dans les réseaux de chaleur , « le délai de 3 ans ne leur permettra pas de finaliser les travaux d'investissement dans des productions plus durables » 91 ( * ) .

Cette situation est de nature à entraîner :

- une chute d'au moins 80 % des raccordements aux réseaux de chaleur , soit 200 000 logements par an 92 ( * ) ;

- une déstabilisation de la filière de la « boucle à eau chaude » , qui représente 330 000 emplois dans 22 000 entreprises artisanales et 86 usines industrielles et génère un chiffre d'affaires de 90 Mds d'euros 93 ( * ) .

À ce stade, la ministre du logement a annoncé, le 18 février dernier, un relèvement du seuil d'émissions de GES à 8 kgCO 2 /m²/an en 2025 puis 6,5 kgCO 2 /m²/an en 2028 94 ( * ) .

Tout en accueillant positivement cette annonce, le rapporteur appelle à aller plus loin, en offrant davantage de souplesse, dans le délai et le niveau du seuil d'émissions de GES, aux gestionnaires des réseaux de chaleur et aux collectivités territoriales concédantes ; il s'agit ici d'un ajustement de bon sens pour leur permettre d'effectuer les travaux de décarbonation nécessaires à l'application de la RE2020.

Une telle souplesse, attendue par de nombreux professionnels de la chaleur 95 ( * ) , est partagée par EDF qui considère que « pour favoriser le raccordement aux réseaux de chaleur vertueux, il s'agit d'introduire une dérogation à court terme de façon à inciter le raccordement des nouveaux logements en cours de décarbonation ».

13. Offrir de la souplesse, dans le délai et le niveau du seuil d'émissions de gaz à effet de serre (GES), aux gestionnaires des réseaux de chaleur et aux collectivités territoriales concédantes, afin de leur permettre d'effectuer les travaux de décarbonation nécessaires à l'application de la RE2020.

2. La chaleur renouvelable est encouragée

Interrogé par le rapporteur, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) estime que le bilan de la RE2020 est « positif » pour la chaleur renouvelable , notamment pour le solaire thermique les PAC géothermiques et aérothermiques et le chauffage au bois.

Pour autant, l'impact de la règlementation dépend, selon lui, des filières avec :

- des « opportunités » pour les PAC précitées, les réseaux de chaleur renouvelable et le chauffage aux granulés de bois ;

- des « investissements » pour le solaire thermique et le chauffage au bois-bûche.

S'agissant des besoins supplémentaires en bois-énergie, ils sont considérés comme « absorbables » compte tenu de la baisse anticipée de la consommation d'énergie des bâtiments neufs mais aussi de la sous-exploitation actuelle des forêts françaises 96 ( * ) .

L'étude commandée par le Sénat évalue à 41 M d'euros par an et 145 M d'euros au total d'ici 2024 la hausse du chiffre d'affaires pour la filière biomasse, qui concernera en totalité les logements individuels.

313 ETP supplémentaires seront nécessaires dans ce cadre.

Comme pour les PAC, le rapporteur estime que le surcroît d'activité généré par la RE2020 au bénéfice des énergies renouvelables, à commencer par la chaleur, doit d'abord bénéficier aux équipementiers et aux installateurs locaux : aussi les besoins en investissements et en emplois doivent-ils être anticipés.

14. Anticiper les besoins en investissements et en emplois générés par la RE2020 dans le secteur des énergies renouvelables, à commencer par celui de la chaleur, afin de promouvoir les équipementiers et les installateurs locaux.


* 87 Fédération des services énergie environnement (FEDENE), AMORCE et Syndicat des énergies renouvelables (SER).

* 88 Fédération des services énergie environnement (FEDENE).

* 89 Syndicat des énergies renouvelables (SER).

* 90 Fédération des services énergie environnement (FEDENE).

* 91 Syndicat des énergies renouvelables (SER).

* 92 Engie.

* 93 Énergies & Avenir (E&A).

* 94 Comme précisé plus haut, la ministre a également présenté une possibilité de dérogation pour l'appréciation du seuil d'émissions de GES de certains projets.

* 95 Fédération des services énergie environnement (FEDENE), AMORCE et Syndicat des énergies renouvelables (SER).

* 96 Syndicat des énergies renouvelables (SER).

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