C. SE CONCENTRER SUR LA PRÉPARATION DE LA FIN DES CONCESSIONS

Le patrimoine autoroutier qui reviendra à l'État à l'issue des concessions est estimé par la DGITM à près de 150 milliards d'euros 296 ( * ) . Dès lors, le suivi de son état est un enjeu majeur et ne peut se limiter au seul suivi technique mis en oeuvre par le concédant.

Afin que l'État récupère des réseaux en bon état à la fin des concessions, il apparaît donc indispensable de préparer sans tarder cette échéance afin de dresser une liste des biens de retour et de s'assurer de leur bon état.

1. Identifier précisément les biens de retour et les biens de reprise

Un inventaire des concessions autoroutières doit être réalisé sans plus tarder.

Pour ce faire, il convient de distinguer entre biens propres, biens de reprise et biens de retour alors que la définition de ces catégories est pour l'instant uniquement juridique.

a) Une classification juridique

Les biens de retour reviennent de plein droit et gratuitement à l'autorité concédante à l'expiration de la concession. Ils regroupent les terrains, bâtiments, ouvrages, installations et objets mobiliers nécessaires à l'exploitation de la concession.

Les biens de reprise sont les biens autres que les biens de retour ; ils peuvent éventuellement être repris par l'État en fin de concession si celui-ci estime qu'ils sont utiles à l'exploitation de la concession. Ces biens appartiennent à la société concessionnaire tant que le concédant n'a pas usé de son droit de reprise . La reprise est toutefois assortie d'un droit à compensation .

Enfin, les biens qui ne sont ni de reprise ni de retour sont des biens propres qui appartiennent à la société concessionnaire et n'ont pas à être remis au concédant.

Cette classification juridique n'est cependant pas opérationnelle, en l'absence d'accord entre concédant et concessionnaire sur la nature des biens.

b) Un inventaire contradictoire jamais établi

Les cahiers des charges des contrats de concession précisent que la distinction entre les différentes catégories de biens aurait dû être établie contradictoirement à la clôture des comptes 2006 . Les contrats indiquent qu'à cette occasion, le concédant et les SCA rédigent une nomenclature et un inventaire , à l'initiative et aux frais du concessionnaire, classant les biens selon les trois catégories.

Ces documents auraient dû être approuvés par le concédant et mis à jour tous les cinq ans par le concessionnaire , là encore à ses frais .

Or, ce travail de classification, prévu il y a plus de quinze ans, n'a toujours pas été effectué.

La DGITM a indiqué que les sociétés concessionnaires avaient tenté de proposer un inventaire en 2007 que l'absence de précision a rendu inutilisable d'un point de vue opérationnel. Les documents transmis par les SCA, issus d'inventaires comptables étaient en effet inexploitables du fait de leur lourdeur ou d'une approche strictement juridique.

Le concédant a donc renoncé dans un premier temps à obtenir ces inventaires, et a lié la question des biens de retour et de reprise à celle de la fin des concessions. Les contrats contiennent en effet une clause dite « des sept ans » qui stipule que sept ans avant l'expiration de la concession, le concédant doit établir, après concertation avec la société concessionnaire, le programme d'entretien et de renouvellement pour les cinq dernières années de la concession ainsi que le programme des opérations préalables à la remise des ouvrages de la concession au concédant.

L'établissement de ces programmes impose donc un accord préalable sur la liste des biens de retour .

Le rapporteur ne peut qu' inciter le concédant à procéder sans tarder à l'établissement d'un inventaire précis, distinct de la définition du « bon état » de la concession , contrairement à ce qui semble être le cas aujourd'hui.

Cette démarche apparaît d'autant plus nécessaire que le périmètre concerné comprend non seulement des biens matériels mais également des biens immatériels , liés à la numérisation des systèmes d'exploitation des autoroutes, ce qui ne manquera pas d'ajouter de la complexité au travail d'inventaire et de classification.

Proposition n° 20 : établir sans tarder des inventaires précis et consensuels des biens de retour des concessions et identifier les biens de reprise qui pourraient être utiles au concédant.

2. Définir le « bon état d'entretien » des biens de retour

Le second enjeu majeur pour les prochaines années est de définir le « bon état » dans lequel les infrastructures devront être restituées au concédant au terme des concessions . Les contrats stipulent en effet, sans autre précision, qu'il s'agit d'un « bon état d'entretien » .

Le président des sociétés d'autoroute publiques ATBM et SFTRF a ainsi indiqué au rapporteur ne pas savoir quels étaient les critères du bon état dans lequel doivent être rendus les tunnels du Mont Blanc et de Fréjus. S'agit-il de l'état d'origine ? Le tunnel doit-il être refait à neuf, ce qui représenterait trois ans de fermeture du tunnel ainsi que des investissements considérables ? Les deux hypothèses peuvent être défendues, en l'absence de définition précise des critères.

Dès lors, il apparaît nécessaire d'établir une doctrine précisant les critères techniques du bon état dans lequel doivent être restitués les biens de retour.

La définition de ces critères est en effet un préalable indispensable à la négociation du programme des opérations qui doivent être réalisées avant la remise des ouvrages de la concession au concédant, programme qui doit être établi au plus tard sept ans avant la fin des concessions.

Une méthodologie adaptée doit donc être définie par les services de l'État au plus tard d'ici 2025 .

La DGITM indique qu'elle est en train d'élaborer une stratégie et un plan d'action pour structurer et renforcer l'efficacité de son intervention en la matière, comprenant une définition du « bon état » cible de ce patrimoine et une intensification des audits visant à évaluer son état actuel.

Ces travaux font l'objet de réunions annuelles avec les SCA , mais ce rythme de négociation apparaît insuffisant au regard de l'ampleur du travail à effectuer. Les prochains contrats de plan pourraient ainsi contenir des éléments relatifs à l'évaluation et l'appréciation de l'état d'entretien de biens , lesquels sont non-compensables car ressortant des obligations contractuelles des SCA.

Proposition n° 21 : établir rapidement une doctrine précisant les critères du bon état dans lequel doivent être restitués les biens de retour en précisant les caractéristiques du « bon état cible ».

3. S'assurer que les concessionnaires continuent à investir jusqu'à la fin des contrats

Le concédant doit par ailleurs s'assurer que les dernières années des concessions ne se traduisent pas par un sous-investissement conduisant à une dégradation des infrastructures en fin de contrat.

Il est donc indispensable de veiller à ce que les concessionnaires maintiennent jusqu'à la fin des concessions un haut niveau d'investissements sur les réseaux dont ils ont la charge pour que les infrastructures soient remises en bon état.

Or le rapporteur a relevé, dans les prévisionnels transmis à l'ART par les sociétés concessionnaires qu'il a pu consulter, des dépenses d'entretien et de maintenance sur les dernières années des concessions substantiellement inférieures à celles des exercices précédents, au profit du remboursement des dettes des SCA et du versement de dividendes aux actionnaires.

Par ailleurs, tous les travaux nécessaires à la remise en bon état des infrastructures devront impérativement être réalisés avant la fin des concessions. Toute lacune, tout retard ne pourrait qu'être source de contentieux entre l'État et les concessionnaires.

La négociation des prochains contrats de plan (2022-2026 puis 2027-jusqu'à l'échéance des concessions) apparaît cruciale à ces égards.

Proposition n° 22 : veiller à ce que dans les contrats de plan les SCA maintiennent un haut niveau d'investissements pour assurer un bon niveau d'entretien des infrastructures et préparer la remise en bon état des biens en fin de concession.


* 296 Rapport sur l'exécution et le contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art pour l'année 2017, DGITM (DIT).

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