B. PRÉSERVER LA MISE À DISPOSITION DES CTS EN CHARGE DU HAUT NIVEAU AUPRÈS DES FÉDÉRATIONS
1. Un projet de transfert des CTS non sollicité par les fédérations
Le débat sur l'avenir des conseillers techniques sportifs (CTS) constitue depuis plus d'un an une pomme de discorde entre les différents acteurs du monde du sport, comme l'a rappelé la Fédération française de football (FFF) lors de son audition par la mission 14 ( * ) : « comme la FFR, nous n'avons jamais demandé qu'ils nous soient transférés en gestion privée, nous sommes attachés à la délégation de service public du ministère des sports. (...) Nous n'avons jamais demandé une telle réforme et nous avons, nous aussi, déployé des cadres techniques de droit privé, en plus des CTS dont nous disposons actuellement. Aujourd'hui, la majorité des directeurs techniques régionaux sont des fonctionnaires et nous sommes attachés à ce dispositif qui a fait ses preuves et qui est salué à travers le monde ».
Notre collègue Michel Savin, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, avait en juin 2019 réalisé une mission flash sur les CTS 15 ( * ) qui avait mis en évidence les risques que représenterait un transfert imposé des CTS aux fédérations tel que l'envisageait alors le Gouvernement. Observant en particulier que le coût d'un salarié sous statut public est plus élevé de 25 % que celui d'un salarié du secteur public, notre collègue remarquait que « le coût de la prise en charge par l'État des salaires des 1 600 CTS passerait ainsi de 120 M€ à 152 M€ » rendant encore plus incertaine l'idée d'une compensation intégrale de cette charge par l'État dans la durée.
Depuis plus d'un an, le ministère des sports indique avoir poursuivi ses travaux sur l'avenir des CTS mais sans jamais donner un caractère public au débat. La mission observe que l'attrition du vivier que représentent les CTS se poursuit au fil des mois du fait des départs à la retraite non remplacés ce qui a fait passer le nombre des CTS de 1 600 l'année dernière à 1 544 agents aujourd'hui, rendant d'autant plus urgente l'adoption d'une stratégie convaincante.
Les 1 544 CTS se répartissent actuellement en deux « groupes » d'inégale importance :
• 1 155 sont des agents titulaires affectés en services déconcentrés qui exercent auprès des fédérations des missions de conseiller technique régional (CTR) ou de conseiller technique national (CTN) ;
• 389 agents disposent à cette date d'un contrat de droit public, soit au titre de leur mission de directeur technique national (67), soit au titre de leur mission d'entraîneur national (322). Ces entraîneurs nationaux représentent une grande partie de l'encadrement direct des sportives et sportifs de haut niveau, principalement dans les disciplines olympiques et paralympiques. Parmi ces agents, 295 sont des agents titulaires en position de détachement sur un contrat et 94 ne sont pas fonctionnaires.
Suite à la remise du rapport relatif aux conseillers techniques sportifs par les tiers de confiance, en décembre 2019, le ministère des sports a conduit une large concertation afin de définir précisément la nature de la réforme des CTS à conduire.
Deux réunions du comité de pilotage se sont tenues et la dernière, le 30 janvier 2020, a permis de partager le résultat de cette concertation avec les différents acteurs concernés.
2. Un avenir des CTS à préciser après l'abandon par l'État de son projet initial de transfert aux fédérations
La crise sanitaire liée à la Covid-19 n'a pas permis de réunir une nouvelle fois le comité de pilotage, dont l'objectif était de présenter des axes de réforme, préalablement à la présentation à la ministre. Cependant, les échanges conduits avec le ministère ont permis de dresser un état des réflexions conduites qui vont faire l'objet de concertations dans les prochaines semaines.
Tout d'abord, le ministère des sports estime que « le rôle des CTS dans le fonctionnement des institutions sportives, fédérations agréées et, pour la plupart d'entre elles délégataires, est bien réel mais mérite cependant d'être questionné et très certainement réorienté en fonction du contexte dans lesquels ces agents exercent leur mission et des priorités ministérielles en ce qui concerne les politiques publiques du sport » 16 ( * ) . La mission partage l'idée qu'une réforme est nécessaire et doit être conduite avec le souci de renforcer les fédérations qui en ont le plus besoin.
Pour la ministre déléguée en charge des sports : « le transfert de leur gestion et/ou de leur rémunération aux fédérations ou à l'ANS, après analyse, pose des questions d'ordre juridique et stratégique. Outre les freins réglementaires et statutaires à lever, le maintien de cadres d'État dans le champ du sport a du sens dès lors que le modèle évolue en fonction des objectifs poursuivis par l'État. C'est pourquoi, le ministère des sports souhaite faire évoluer le dispositif en conduisant une transformation du modèle, qui ne sera ni le statu quo , que personne ne souhaite, ni la révolution qui bouleverserait les équilibres actuels parfois fragiles. »
Dès le mois de juillet dernier, le ministère en charge des sports reconnaissait que son projet de réforme allait devoir évoluer et l'annonce le 7 septembre dernier 17 ( * ) de l'abandon du projet de transfert des CTS aux fédérations n'a fait, en définitive, que confirmer le changement d'orientation engagé avant l'été.
Le ministère considère que le dispositif des CTS doit être refondé dans le but de renforcer la conduite des politiques publiques au plus près des usagers. Un travail sur la cartographie des fonctions exercées par les CTS a d'ores et déjà été initié afin de clarifier les emplois de CTS qui relèvent d'agents publics.
On peut rappeler que les CTS ont vocation à exercer leur mission dans 4 domaines :
• la stratégie sportive : des administrateurs du sport ;
• le développement des pratiques : des ingénieurs du sport et de la formation, des chefs de projet ;
• la haute performance : des directeurs de la performance, des organisateurs et des coordonnateurs de dispositifs d'entraînement ;
• le contrôle de la réglementation et des conditions d'enseignement du sport.
La diversité des situations, tant des cadres que des fédérations sportives, impose d'aller vers une gestion sur-mesure beaucoup plus que de rechercher une solution uniforme. Cette adaptabilité nécessite d'extraire du projet fédéral, les axes que l'État souhaite soutenir et de fixer dans le cadre conventionnel existant des objectifs clairs, planifiés et évaluables sur le long terme (double olympiade). Ces objectifs, et les moyens attribués, seront différenciés et tiendront compte du contexte dans lequel évolue la fédération, notamment son modèle économique, et de son champ d'intervention (développement de la pratique pour tous, haute performance, déploiement des différents plans ministériels de prévention sur le terrain...). Une cartographie des emplois et des compétences de la direction technique nationale et des directions techniques régionales doit ainsi être élaborée afin de permettre à l'État et à l'ANS, après analyse, de calibrer les aides et d'organiser les recrutements et affectations des agents.
Le ministère en charge des sports considère que les conseillers techniques ont vocation à s'inscrire plus fortement dans les projets conduits par les services déconcentrés de l'État et les établissements publics du ministère. Leur évaluation devra être intégrée dans le cadre de la réforme de l'Organisation territoriale de l'État (OTE) en lien étroit avec les directeurs techniques nationaux concernés par les projets et l'ANS.
La création de l'école des cadres du sport (ECS), dispositif « hors murs », dont la vocation sera de former et d'accompagner les agents de droit public et privé tout au long de leur carrière, constituera également selon le ministère une perspective pour les CTS. Cette nouvelle école organisera la formation professionnelle continue de tous les agents concernés en fonction des besoins et des évolutions des métiers exercés et devra favoriser les mobilités fonctionnelles des agents publics. Elle n'aura pas vocation à créer sa propre offre de formation mais développera des partenariats avec les grandes écoles, les universités et des instituts. Enfin, une refonte complète des statuts de la filière « sport » de l'État semble indispensable pour tenir compte des évolutions constatées et à venir des métiers exercés par ces agents et pour améliorer sa lisibilité. Il s'agit de revoir son architecture à partir des fonctions qui relèvent de la catégorie A des emplois de la fonction publique (conseiller, professeur) vers l'encadrement supérieur (administrateurs du sport) et de réorganiser les concours d'accès à cette filière.
Les membres de la mission ont accueilli avec satisfaction l'annonce non encore officielle selon laquelle le projet de transfert des CTS aux fédérations serait abandonné. Ils demandent néanmoins à ce que l'avenir de ces personnels soit clarifié et garanti.
La mission souhaite en particulier qu'il soit mis un terme à la double autorité fonctionnelle de la fédération et hiérarchique de l'État à travers une direction régionale des sports. La mission rejoint l'analyse d'André Barbé qui indiquait lors de son audition que « la Cour des comptes estime que les CTS devraient être ciblés sur le sport de haut niveau et alloués aux petites fédérations sportives qui ont peu de moyens ». Pour ce qui est du haut niveau, la mission considère que l'ANS devrait pouvoir gérer l'affectation des CTS et évaluer leurs performances afin d'assurer la cohérence de sa politique en faveur du haut niveau.
Proposition 12 : Reconnaître à l'ANS la responsabilité d'affecter et d'évaluer les CTS dans le champ de la haute performance .
* 14 Audition de M. Kenny Jean-Marie, directeur de cabinet du président de la FFF le 6 juillet 2020.
* 15 https://www.senat.fr/rap/r18-585/r18-585-syn.pdf .
* 16 Réponse du ministère des sports au questionnaire écrit de la mission d'information (juillet 2020).
* 17 https://www.lemonde.fr/sport/article/2020/09/07/le-gouvernement-enterre-le-projet-de-transfert-des-conseillers-techniques-sportifs-aux-federations_6051331_3242.html