C. FAVORISER LES MUTUALISATIONS ET DÉVELOPPER LES SOUPLESSES D'ORGANISATION DES FÉDÉRATIONS

1. Des mutualisations respectueuses de l'autonomie des fédérations sportives

Une des caractéristiques du paysage sportif français tient au grand nombre des fédérations sportives par comparaison avec la situation de notre voisin allemand par exemple qui en compte environ trois fois moins. La mission s'est donc interrogée sur la possibilité et l'opportunité de réduire le nombre des fédérations en les obligeant à se regrouper.

Les auditions organisées ont montré que la réflexion sur le nombre des fédérations ne constituait pas un sujet d'actualité pour les acteurs du secteur du sport. Les membres de la mission, très attachés au principe de liberté associative, ont donc souhaité encourager les mutualisations volontaires entre services supports des fédérations afin en particulier, de permettre aux fédérations de taille moyenne de développer leur expertise, en particulier dans le marketing.

Aujourd'hui, l'État, à travers les Projets sportifs fédéraux (PSF) et les Projets sportifs territoriaux (PST) financés par l'ANS, accompagne les projets liés à la haute performance et au développement du sport pour tous, auprès de chaque fédération sportive.

Outre les collaborations déjà évoquées qui pourraient être développées entre les fédérations, le sujet des mutualisations peut être appréhendé sous trois angles :

- au niveau territorial à travers la mise en place de groupements d'employeurs susceptibles de mutualiser des emplois supports entre clubs de disciplines différentes, voire entre comités départementaux de fédérations différentes ;

- au niveau national par l'élaboration et la mise à disposition par l'État d'outils communs à l'ensemble des fédérations : il s'agit par exemple des campagnes de sensibilisation à différents risques (noyades, violences, radicalisation) et des contenus de formation ;

- enfin, par la mise en commun de fonctions supports nécessaires à des projets ou des actions interdisciplinaires, portant par exemple sur la prévention des noyades ou les opérations de « savoir rouler à vélo ».

Proposition 13 : Encourager financièrement les fédérations à rapprocher leurs services support afin de renforcer leur expertise notamment en matière de marketing.

2. L'intérêt de pouvoir créer plusieurs ligues professionnelles

Les travaux de la mission ont confirmé que les relations entre les fédérations sportives et les ligues professionnelles n'étaient pas toujours marquées par une harmonie parfaite, chacun des deux types d'institutions veillant à préserver son champ de compétences. Cependant, il convient de ne pas exagérer non plus ces difficultés puisque le principe de subdélégation n'est pas remis en cause par les ligues ainsi que l'a confirmé devant la mission la présidente de la LFP. Le président de la Ligue nationale de rugby (LNR) a défendu pour sa part l'idée d'une plus grande autonomie des ligues professionnelles qui doit passer, selon lui, par la reconnaissance de la pérennité des ligues. Il convient, en effet, de rappeler que l'existence d'une ligue reste conditionnée à l'adoption d'une convention entre celle-ci et sa fédération. Le président de la LNR plaide ainsi pour mieux distinguer la convention d'une part et l'existence de la ligue d'autre part qui devrait devenir permanente dans le cadre d'un principe de continuité de la subdélégation.

Si l'existence des ligues professionnelles n'est donc pas remise en cause, le renforcement de leur professionnalisation pourrait également s'accompagner d'une plus grande spécialisation. Le code du sport ne prévoit aujourd'hui que la possibilité de créer une seule ligue par fédération. Or le sport professionnel se diversifie et il pourrait être utile pour une fédération de pouvoir créer plusieurs ligues comme c'est déjà le cas dans d'autres pays européens. Dans un rapport de 2017, notre ancien collègue Dominique Bailly proposait ainsi de mieux prendre en compte les intérêts de chaque championnat en permettant à la FFF de créer, si elle le souhaitait, une seconde ligue professionnelle chargée de gérer la Ligue 2 et le National 18 ( * ) . La persistance de désaccords structurels entre les clubs de Ligue 1 et ceux de Ligue 2 n'enlève rien à cette proposition. Comme le remarquait notre ancien collègue : « la gouvernance du football professionnel, qui mêle dans une même ligue des clubs aux caractéristiques et aux moyens forts différents, n'apparaît plus nécessairement optimale puisque chaque catégorie d'acteurs a le sentiment de ne pas être suffisamment écoutée. Alors qu'ils assurent le spectacle en termes d'audiences et d'affluence dans leurs stades, les clubs de Ligue 1 peinent à accepter de ne pas être les seuls décisionnaires dans la gouvernance de la LFP. À l'inverse, les clubs de Ligue 2 peuvent avoir le sentiment que le développement de leur championnat n'est pas la priorité des équipes de la LFP qui sont fréquemment mobilisées par la Ligue 1 » 19 ( * ) .

Une autre préoccupation a émergé depuis quelques années qui tient au développement du sport professionnel féminin. Le championnat féminin est aujourd'hui organisé par la FFF. La création d'une ligue professionnelle de football féminin constituerait une évolution majeure pour structurer davantage cette pratique et accroître encore son audience.

Les membres de la mission estiment donc nécessaire de modifier l'article L. 132-1 du code du sport afin de permettre aux fédérations sportives de pouvoir créer plusieurs ligues professionnelles. Cette modification législative pourrait utilement être accompagnée d'une réaffirmation dans la loi du principe de solidarité entre les professionnels et les amateurs.

Proposition 14 : Ouvrir la possibilité pour les fédérations sportives de créer plusieurs ligues professionnelles.

3. La nécessité de poursuivre le développement des revenus du sport professionnel

L'affirmation du rôle des fédérations n'est pas contradictoire avec la volonté de renforcer les ligues professionnelles dans leurs missions spécifiques. La crise sanitaire a durement touché le sport professionnel du fait de l'arrêt prématuré des championnats puis d'une reprise des compétitions avec des conditions très strictes en matière d'accueil du public dans les stades. L'économie du sport professionnel dont le développement s'était accéléré ces dernières années se retrouve confrontée à nouveau à un défi de taille puisque le « produit » sport se retrouve sujet à de nombreux aléas (matchs joués à huis-clos, déprogrammation des matchs du fait de la santé des joueurs, difficultés à recruter des joueurs pour améliorer la compétitivité des clubs, etc.).

Dans ces conditions, les membres de la mission ont estimé que le législateur devait continuer à accompagner le développement du sport professionnel ce qui passe par des évolutions juridiques. Comme l'avait déjà observé notre collègue Dominique Bailly dans un rapport d'information 20 ( * ) de 2017 consacré à la gouvernance du football professionnel : « Le développement du football professionnel nécessite d'accroître la capacité de la Ligue à augmenter ses ressources » ; or, « la structure associative de la Ligue peut, à cet égard, constituer un inconvénient puisque la gouvernance associative rend souvent difficile la prise de décision et que le secret des délibérés dans ce type de structures n'est pas nécessairement respecté par tous les acteurs ». Ce constat avait amené notre ancien collègue à considérer que : « si une transformation de la Ligue en société commerciale, sur le modèle anglais, semble exclue car elle reviendrait à devoir rétrocéder à la FFF les compétences régaliennes de la LFP, une évolution `à l'allemande' avec la création d'une filiale chargée de négocier les droits commerciaux, pourrait constituer une piste intéressante ».

Les auditions menées en 2017 sur ce sujet n'avaient pas permis de déterminer si une disposition législative nouvelle était véritablement nécessaire pour permettre aux ligues professionnelles de créer des sociétés commerciales pour négocier les droits audiovisuels et les autres recettes commerciales. Cependant, une telle évolution constituerait un changement important de nature à modifier les rapports entre fédérations et ligues, c'est pourquoi les membres de la mission préconisent à la fois de reconnaître expressément dans la loi cette possibilité mais de la conditionner à un accord de la fédération concernée.

Comme dans le cadre du précédent rapport de 2017, la mission n'a pas pris position sur le fait de savoir si la ligue devait être seule actionnaire de cette filiale ou si son capital devait être partagé avec les clubs de la Ligue 1. Les membres de la mission ont néanmoins entendu les réserves de la présidente de la LFP face à un schéma dans lequel les clubs seraient actionnaires de cette société commerciale. Il n'est pas inutile de rappeler, à cet égard, que dans le modèle britannique, les clubs délèguent la compétence commerciale à une société et ne s'immiscent pas dans sa gestion.

Lors de leur audition par la mission d'information, les représentants du syndicat de clubs Première Ligue ont rappelé que la possibilité de créer une société commerciale constituait une nécessité pour améliorer le fonctionnement de la ligue. Le président de la LNR, Paul Goze, a également exprimé le souhait que les ligues puissent s'organiser de manière plus autonome et a considéré qu'il serait utile de pouvoir créer une société commerciale à côté de la ligue professionnelle afin de commercialiser les droits.

Proposition 15 : Permettre aux ligues avec l'accord de leurs fédérations de créer des sociétés commerciales pour gérer leurs activités lucratives.


* 18 https://www.senat.fr/rap/r16-437/r16-43710.html#toc146 .

* 19 Idem.

* 20 https://www.senat.fr/rap/r16-437/r16-43715.html#toc224 .

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