III. L'UNION EUROPÉENNE FACE À LA PANDÉMIE DE COVID-19 : UNE INTERVENTION SUR L'ENSEMBLE DES DOMAINES DE COMPÉTENCES
L'Union européenne, notamment la Commission, est intervenue dans différents domaines pour tenter de faire face à la crise sanitaire, dans le respect du TFUE. Son intervention dans le domaine de la recherche et de la protection civile a renforcé son action dans le domaine strictement sanitaire où elle a essayé, avec plus ou moins de succès, de favoriser la coopération et la coordination entre États membres.
A. LA RÉACTION FACE À L'URGENCE SANITAIRE
1. Une priorité : la disponibilité de médicaments et de dispositifs médicaux
a) Les procédures conjointes de passation de marché
Conformément à la décision 1082/2013/UE, la Commission européenne a lancé quatre procédures conjointes de passation de marché afin de permettre aux États membres de disposer de certains équipements sanitaires à un tarif plus avantageux.
Des contrats-cadres ont été signés, et les États membres peuvent passer commande dans chacune des 4 catégories :
- équipements de protection individuelle (combinaisons et gants) ;
- autres catégories d'équipements de protection individuelle (lunettes, écrans faciaux et masques) ;
- respirateurs ;
- matériel de laboratoire (kits, réactifs et autres équipements).
Des discussions sont en cours avec les États membres concernant le lancement d'une procédure de passation de marché pour les traitements essentiels destinés aux unités de soins intensifs.
Articles |
Nombre de pays de l'Union participant |
Date de signature du contrat-cadre |
Date des premières livraisons |
Combinaisons et gants |
20 |
28/02/2020 |
08/04/2020 |
Protection des yeux et des voies respiratoires |
25 |
17/03/2020 |
02/04/2020 |
Respirateurs |
26 |
17/03/2020 |
15/04/2020 |
Matériel de laboratoire |
20 |
19/03/2020 |
07/05/2020 |
Si cette initiative est à saluer, on peut tout de même regretter les délais de mise à disposition, malheureusement incompressibles en période de pandémie, et les défauts présentés par certains équipements. En effet, le 15 mai dernier, la Commission européenne a décidé de suspendre la livraison de masques FFP2 achetés en Chine car ils n'étaient pas conformes aux normes européennes. Destinés aux professionnels de santé, ces masques font partie d'un premier lot de 1,5 million d'unités livrées début mai sur 10 millions achetées. La Commission avait alors rappelé aux États membres leur responsabilité dans le contrôle des produits reçus sur leur territoire et leur avait demandé de rapporter tout problème constaté.
12 commandes ont été passées dans ce cadre et signalées à la Commission. Il est fort probable que d'autres commandes ont été passées sans que les États membres n'en informent la Commission. Ce système présente un intérêt particulier pour les plus petits des États membres qui peuvent ainsi bénéficier de tarifs plus avantageux.
b) Garantir la libre circulation des médicaments et dispositifs médicaux
Dans une communication du 13 mars 2020 13 ( * ) , la Commission européenne a rappelé que les restrictions à la libre circulation des fournitures de première nécessité des systèmes de soins de santé décrétées unilatéralement au niveau national, sur la base de l'article 36 du TFUE, portent gravement préjudice à la capacité des États membres à gérer l'épidémie de COVID-19.
Celles-ci doivent être notifiées à la Commission qui s'assurera qu'elles sont proportionnées et bien conformes à l'objectif de protéger la santé humaine. Dans le cas contraire, elles devront être corrigées. Si cela n'est pas fait, la Commission intentera une action en justice.
Certains États membres de fait ont pris des mesures qualifiées de protectionnistes par leurs partenaires. C'est le cas notamment de la France, la République tchèque, de l'Allemagne, de l'Italie et de la Roumanie. La France a, pour sa part, expliqué avoir adopté un décret permettant la réquisition de ce type de matériel pour éviter la spéculation.
Le SNITEM, syndicat national des technologies de l'industrie médicale, a déploré qu'à la suite d'un décret pris par les autorités italiennes, des marchandises nécessaires pour fabriquer des respirateurs soient restées bloquées à la frontière.
En parallèle de cette volonté de favoriser la libre circulation au sein de l'Union européenne, la Commission a adopté, le 14 mars 2020, le règlement d'exécution (UE) n° 2020/402 14 ( * ) soumettant l'exportation de certains équipements de protection individuelle à une autorisation d'exportation pour six mois. À la demande de certains États membres et du Parlement européen, un nouveau règlement a été adopté : il s'agit du règlement d'exécution (UE) n° 2020/568 15 ( * ) adopté le 23 avril 2020. La liste des équipements de protection soumis à autorisation a été réduite, celle des pays qui ne seront pas concernés par ces restrictions a été élargie aux pays des Balkans.
c) La publication de lignes directrices à l'attention des États membres pour éviter la pénurie de médicaments
La Commission a publié, le 8 avril 2020, de nouvelles lignes directrices 16 ( * ) pour optimiser l'offre et la disponibilité des médicaments essentiels durant la pandémie afin d'éviter toute pénurie. Elle a lancé un appel à la solidarité entre États membres et à l'encadrement des ventes en pharmacie pour prévenir la constitution de stocks et permettre une utilisation optimale au sein des hôpitaux.
Plus particulièrement, elle recommande aux États membres de s'assurer que les entreprises présentes sur leur territoire augmentent leur production de médicaments. Enfin, elle suggère de permettre la prolongation des dates de péremption ou d'envisager de limiter temporairement les ventes en ligne de médicaments essentiels.
d) Les contacts avec l'industrie pharmaceutique et les États tiers
La Commission européenne a demandé à l'Agence européenne des médicaments (EMA) d'identifier les besoins des États membres et d'évaluer les capacités de production des industriels pour les médicaments utilisés dans les unités de soins intensifs. Sur la base des conclusions de cette évaluation, la Commission européenne a adressé un courrier à l'industrie pharmaceutique pour lui demander d'augmenter ses capacités de production.
Par ailleurs, l'Inde avait décidé d'interdire l'exportation de 14 substances actives dont le paracétamol. La Commission a alors demandé à l'EMA d'évaluer les besoins des États membres pour ces substances puis a pris contact avec le Gouvernement indien qui a assoupli sa position.
Enfin, l'EMA a demandé aux entreprises du médicament de désigner un contact chargé de signaler les risques de pénurie de médicaments en amont.
2. Le développement d'un mécanisme de protection civile adapté
La protection civile est une compétence nationale. L'Union européenne n'intervient qu'à la demande des États membres, conformément à la décision 1313/2013/UE du 17 décembre 2013 relative au mécanisme de protection civile de l'Union 17 ( * ) .
Cette décision institue, d'une part, le Centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC) qui va organiser la coopération entre les États membres et l'Union européenne, et d'autre part, la capacité européenne de réaction d'urgence qui doit permettre la mise à disposition de moyens pour réagir. C'est dans ce cadre que la réserve RescEU a été créée, principalement pour lutter contre les feux de forêts.
Eu égard au manque d'équipements pour face à la pandémie dans certains États membres, la Commission européenne a proposé, jeudi 19 mars, la création d'une réserve stratégique d'équipements médicaux dans le cadre du mécanisme RescEU de protection civile renforcé de l'Union 18 ( * ) . Cette réserve constituée grâce au budget de l'Union est stockée en Allemagne et en Roumanie. 400 000 masques de cette réserve ont pu être distribués en Italie, Espagne et Croatie.
Le règlement (UE) n° 2020/461 du 30 mars 2020 19 ( * ) modifie le règlement (UE) n° 2012/2002 instituant le Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), en vue de fournir une assistance financière aux États membres sérieusement touchés par une crise de santé publique majeure. Ce fonds est doté de 800 millions d'euros pour l'année 2020.
Enfin, la Commission a décidé d'activer l'instrument d'aide d'urgence créé en 2016 20 ( * ) . Pour financer cet instrument, elle propose de modifier le règlement sur le CFP 2014-2020 pour dégager 3,1 milliards d'euros dont 300 millions d'euros au profit de la réserve d'équipements médicaux RescEU .
La Commission pourra ainsi acheter et distribuer des équipements médicaux tels que masques et respirateurs mais aussi assurer un soutien financier et une coordination pour des besoins urgents tels que le transport de matériel médical et de patients dans les régions transfrontalières.
* 13 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1593594690264&uri=CELEX:52020DC0112
* 14 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2020:077I:FULL&from=FR
* 15 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020R0568&from=FR
* 16 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020XC0408(03)&from=EN
* 17 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013D1313&from=fr
* 18 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020D0414&from=FR
* 19 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020R0461&from=FR
* 20 https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1594040128932&uri=CELEX:52020PC0175