II. DES SITUATIONS CONTRASTÉES DANS LES AUTRES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ

La mission n'a pas encore procédé à l'ensemble des investigations qui lui seraient nécessaires pour dresser un tableau complet de la situation dans les centres éducatifs fermés (CEF), établissements dans lesquels sont placés des mineurs délinquants, et dans les centres de rétention administratifs (CRA), dans lesquels sont retenus des étrangers en situation irrégulière dans l'attente de leur éloignement.

Les rapporteurs ont néanmoins souhaité exposer dans ce rapport d'étape les premières informations qu'ils ont recueillies et dessiner de premières pistes de réflexion .

A. LES CENTRES EDUCATIFS FERMÉS

Lors de son audition par la commission, le 6 avril dernier, la garde des sceaux a donné peu d'éléments concernant les CEF ou les autres établissements gérés par la PJJ. Les rapporteurs prévoient d'entendre prochainement la direction de la protection judiciaire de la jeunesse afin d'obtenir des informations plus détaillées.

La ministre a cependant donné quelques chiffres sur le nombre de mineurs touchés par le covid-19. Ce nombre reste modeste, étant rappelé que les adolescents développent rarement des formes graves : « au niveau des foyers de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), où les mesures de distanciation et de confinement des jeunes malades ne soulèvent pas de difficultés importantes, nous comptabilisons vingt-huit cas symptomatiques et cinq positifs ». La notion de foyers de la PJJ renvoie à un ensemble plus large que les seuls centres éducatifs fermés. Il conviendra de mettre cette déclaration en regard du nombre de jeunes qui sont restés hébergés dans les foyers de la PJJ après le début du confinement.

En ce qui concerne les CEF, le nombre de jeunes qui y sont placés semble avoir sensiblement diminué, si l'on en croit les indications données par Adeline Hazan. Habituellement, ces centres, qui comportent douze places, sont en moyenne occupés à 80% environ de leur capacité, pour un effectif total au niveau national de l'ordre de 500 jeunes. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a précisé lors de son audition que la moitié des CEF étaient actuellement occupés à moins de 50 % de leur capacité et que six seulement étaient occupés à plus de 75 %.

Une des spécificités des centres éducatifs fermés réside dans leur taux élevé d'encadrement (27,5 ETPT par centre), qui a nécessairement été affecté par l'épidémie de coronavirus et les conséquences du confinement. De plus les enseignants de l'éducation nationale n'interviennent plus dans les CEF depuis le début de l'état d'urgence sanitaire. Vos rapporteurs insistent sur l'importance de la continuité scolaire pour ces jeunes et solliciteront le ministère de l'éducation nationale pour établir quelles solutions ont pu être trouvées.

La presse a fait état des mesures d'adaptation décidées par certains directeurs de CEF pour pallier l'impossibilité pour les jeunes placés de recevoir la visite de leur famille avec, notamment, l'augmentation du nombre de communications téléphoniques quotidiennes et la mise en place d'appels vidéos. Les centres ont pu maintenir certaines activités compatibles avec leur effectif réduit en personnel et avec la nécessité de respecter les gestes barrières et les distances de protection.

Les choix d'organisation tiennent compte des circonstances locales mais aussi du statut hétérogène des CEF : 17 des 51 centres sont des structures publiques, gérées directement par la PJJ, tandis que la majorité d'entre eux est confiée au secteur associatif habilité.

La ministre a fait état des allers-retours de certains jeunes entre les centres et leurs familles, ce qui traduit la complexité des situations familiales et sans doute les difficultés de gestion de certains centres. Elle a également indiqué qu'un nombre indéterminé de jeunes étaient en fugue. Si les fugues ne sont pas exceptionnelles dans les CEF, les incertitudes sur le nombre et les conditions de suivi de ces situations sont un point de vigilance particulier pour vos rapporteurs.

Les centres éducatifs fermés

Créés par la loi dite « Perben I » du 9 septembre 2002 , les centres éducatifs fermés (CEF) sont des structures d'hébergement qui ont pour finalité de constituer une alternative à l'incarcération pour des mineurs âgés de treize à dix-huit ans, multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d'une particulière gravité.

Ils constituent, dans la gradation des mesures de placement, l'ultime solution avant l'incarcération pour des jeunes ne respectant pas les conditions d'un placement traditionnel et mettant en échec les différentes interventions éducatives. Leur caractère fermé découle de l'obligation de résidence qui s'impose au mineur.

Les mineurs sont placés en CEF dans le cadre d'une décision de contrôle judiciaire, de sursis probatoire, de libération conditionnelle ou de placement extérieur.

La durée du placement est déterminée par le magistrat, dans la limite de six mois renouvelable une fois. La durée effective de placement est plus faible : en 2017 (derniers chiffres disponibles), la durée moyenne de placement était de 4,1 mois ; 46 % des placements en CEF ont duré entre trois et six mois, 23 % entre un et trois mois et 18 % moins d'un mois. Les séjours peuvent être écourtés pour plusieurs raisons : incidents, condamnation à une peine de prison ferme dans le cadre d'une autre affaire, plus rarement passage du jeune à sa majorité.

Chaque centre a une capacité maximale d'accueil de douze jeunes et les établissements sont répartis selon l'âge des mineurs qu'ils reçoivent de treize à seize ans ou de quinze à dix-huit ans.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page