C. LA DIMINUTION RAPIDE DU NOMBRE DE DÉTENUS

En l'espace de cinq semaines, le nombre de détenus dans les prisons françaises a baissé d'environ 15 %, ce qui est sans précédent dans l'histoire récente de l'administration pénitentiaire . Cette évolution spectaculaire a certainement facilité la maîtrise de l'épidémie en détention.

Lors de son audition le 9 avril dernier, la garde des sceaux a indiqué que le nombre de détenus avait baissé de 8 570 personnes depuis le 16 mars, ramenant le nombre de personnes détenues de 72 400 à 64 000, pour une capacité de 60 000 places. Elle a souligné que cette baisse s'expliquait, pour moitié, par la diminution de l'activité des juridictions pénales, qui conduit à ce que moins de peines d'emprisonnement soient prononcées, et pour moitié par la libération anticipée de détenus proches de la fin de leur peine.

La baisse s'est poursuivie depuis cette date. Le 14 avril, le directeur de l'administration pénitentiaire faisait état, à l'Assemblée nationale, d'une diminution de 9 923 détenus, ayant pour effet de ramener le taux d'occupation des établissements à 103 % contre 119 % au 16 mars. Puis le Premier ministre a indiqué, dans un courrier en date du 22 avril, adressé au président Philippe Bas, que « la population pénale a été réduite de près de 11 000 détenus par l'effet cumulé de la baisse d'activité des juridictions, du travail effectué avec discernement des juges des libertés et de la détention et des juges d'application des peines ainsi que de cette mesure de réduction de peine exceptionnelle. Plus de 1700 personnes ont été assignées à résidence ».

Ce résultat est cohérent avec les recommandations émises par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan : dans un communiqué en date du 1 er avril, elle estimait que 11 000 personnes, au minimum, devaient être libérées au plus vite pour garantir la sécurité sanitaire des détenus. Elle plaide aujourd'hui pour une diminution de l'ordre de 14 000 à 15 000 détenus afin d'assurer de meilleures conditions de détention dans l'ensemble des établissements.

La diminution du nombre de détenus a concerné les majeurs comme les mineurs : le nombre de détenus dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) et dans les quartiers pour mineurs des maisons d'arrêt s'élevait à 887 au milieu du mois de mars, soit un niveau particulièrement élevé, pour être ramené à 660 à la date du 22 avril, ce qui correspond à une baisse de 25,6 % en un peu plus d'un mois .

Cette évolution du nombre de détenus a amélioré les conditions de travail du personnel pénitentiaire et les conditions d'encellulement des personnes condamnées, tout en facilitant la mise en oeuvre de mesures de prévention du virus. Les rapporteurs se sont entretenus avec le directeur de la prison de Bordeaux-Gradignan qui a expliqué que quarante à cinquante détenus couchaient sur un matelas au sol dans son établissement avant le début de la crise sanitaire, ce qui conduisait à faire cohabiter trois détenus dans une cellule de moins de neuf mètres carrés... Quasiment plus aucun détenu ne couche aujourd'hui sur un matelas au sol dans cet établissement.

Dans ce contexte, le Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP-CFDT) a publié, le 20 avril dernier, une lettre ouverte demandant que des mesures pérennes soient adoptées afin d'éviter le retour à la surpopulation carcérale et garantir le droit à l'encellulement individuel, par exemple grâce à un système de numerus clausus .

Ouverte à ces réflexions, la mission de suivi est interpellée cependant sur l'impact que la baisse du nombre de personnes détenues pourrait avoir sur le niveau de la délinquance, pendant le confinement - des faits de violence se sont produits dans certaines banlieues et une augmentation du nombre de cambriolages est relevée - et peut-être plus encore à son issue . Des milliers de personnes qui seraient incarcérées en temps ordinaire sont aujourd'hui libres, soit parce qu'elles ont bénéficié d'une libération anticipée soit parce que la date de leur jugement a été repoussée. Si les règles en vigueur pendant la durée du confinement restreignent leur capacité de mouvement, nos forces de sécurité et l'autorité judiciaire devront être attentives à l'éventuelle hausse de la délinquance qui pourrait résulter du rétablissement progressif de la liberté d'aller et de venir.

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