B. LA LANCINANTE QUESTION DE LA SOUTENABILITÉ DU NPNRU RISQUE DE SE POSER À NOUVEAU...
Un programme d'investissement massif tel que le NPNRU, composé d'un grand nombre d'opérations pluriannuelles lancées à intervalles rapprochés, présente un profil de dépenses en cloche : après un début de cycle marqué par des engagements importants, c'est la période centrale qui nécessite les crédits de paiement les plus élevés.
Victime à ses débuts de possibilités limitées d'engagement, le programme pourrait connaître dans les années qui viennent des difficultés pour réunir les crédits nécessaires pour mener à bien les opérations . Après 2022, terme de la convention quinquennale conclue en 2018 avec l'État et Action Logement, la situation sera à nouveau incertaine et la perspective de constitution d'une « bosse » se présente à nouveau à l'horizon 2026.
La Cour présente ainsi 13 ( * ) une courbe illustrant la trajectoire financière 2016-2034, dans laquelle le solde budgétaire cumulé présente un déficit très marqué et durable de 2025 à 2033, atteignant un plateau de - 1,5 milliard d'euros à la fin des années 2020.
L'Agence a toutefois élaboré des modélisations permettant d'envisager une courbe de financement moins difficile à assumer.
Le directeur général a ainsi expliqué à la commission des finances que l'avancement des conventions NPNRU permettait désormais de mettre au point des prévisions de trésorerie moins théoriques que celles précédemment élaborées, en prenant en compte les données effectivement contenues dans chaque convention. Cette approche « micro » devrait permettre, par agrégation des besoins prévisionnels de chaque opération, de déterminer les montants totaux à décaisser pendant chaque année sur la totalité du programme. Une telle prévision affinée n'a pas été réalisée au lancement du PNRU.
Il a toutefois reconnu les difficultés qui peuvent naître, pour les maîtres d'ouvrage, du décalage entre le rythme auquel ils doivent disposer des fonds, en fonction de l'avancement des opérations, et le rythme auquel l'ANRU verse ses subventions.
C. ... MAIS L'ÉTAT RETARDE DE MANIÈRE INQUIÉTANTE SON ENGAGEMENT DE CRÉDITS EN FAVEUR DU NPNRU
La Cour des comptes souligne à juste titre le rôle majeur des acteurs autres que l'État dans le financement et la mise en oeuvre du NPNRU, comme cela a d'ailleurs été le cas pour le PNRU.
Les crédits consacrés par l ' État devraient représenter 1 milliard d'euros sur toute la durée du NPNRU . Ce montant peut paraître élevé, mais il doit être considéré sur une durée de plus de quinze années et ne représente que 10 % environ du budget total de l'Agence, soit 2,5 % environ du financement total. Action Logement apporte de son côté 6,6 milliards d ' euros en équivalent-subvention 14 ( * ) et les bailleurs sociaux 2,4 milliards d ' euros 15 ( * ) . Ces apports doivent sécuriser le financement de l ' ANRU jusqu ' à la fin 2022, date de fin de la convention tripartite conclue en janvier 2018 entre l ' État, l ' ANRU et Action Logement.
Or le rapporteur spécial notait lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 16 ( * ) , et encore plus, tout récemment, lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2019 17 ( * ) , la faiblesse des moyens consacrés jusqu'à présent par l'État au NPNRU , de sorte que le calendrier auquel l'État engagera effectivement les sommes prévues est de moins en moins clair.
La loi de finances pour 2019 avait prévu des autorisations d'engagement à hauteur de 185 millions d'euros . Complétant celles déjà ouvertes en 2018 à hauteur de 14,55 millions d'euros, des engagements proches de 200 millions d'euros devaient être ainsi ouverts, égaux à 20 % de la participation totale de l'État sur la durée du NPNRU. Ce montant, s'il n'était pas complété au cours du quinquennat, pouvait déjà paraître assez limité, même si les premières années d'exécution du programme ne sont pas celles qui demandent les engagements les plus importants.
Or ces autorisations d'engagement elles-mêmes ont été largement annulées en 2019 , puisque seulement 24,25 millions d'euros ont été consommés, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.
Ainsi le montant des crédits de l'État destinés au NPNRU a-t-il été de 38,8 millions d'euros seulement sur les années 2017 à 2019 .
S'agissant des années à venir, le Gouvernement avait indiqué l'an passé au rapporteur spécial, dans les réponses au questionnaire budgétaire, vouloir « stabiliser » les crédits à l'ANRU à un niveau de 25 millions d'euros par an d'ici à 2022.
Ainsi, en supposant que l'État inscrive à son budget et surtout consacre effectivement un montant de 25 millions d'euros en 2020 18 ( * ) , en 2021 et en 2022, les crédits consacrés par l'État au NPNRU seraient , sur la durée du quinquennat, inférieurs à 115 millions d'euros , soit à peine plus de 1 % du budget nécessaire à l'Agence pour la durée totale du programme.
Financement prévisionnel du NPNRU par l'ANRU
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des réponses au questionnaire budgétaire
Le Gouvernement laisse donc à son successeur, après 2022, le soin non seulement de maintenir, mais surtout d'augmenter de manière très importante la participation de l'État au financement de l'ANRU .
Or l'expérience du PNRU ne peut laisser d'inquiéter : après les premières années au cours desquelles l'État avait effectivement inscrit des crédits à son budget, il avait fini par se désengager totalement du financement après 2010.
* 13 Voir le rapport annexé, p. 42.
* 14 Dont 0,6 milliard d'euros au titre du reliquat des crédits du PNRU, lui-même largement financé par Action Logement, 4,8 milliards d'euros de subvention et 3,3 milliards d'euros de prêts bonifiés équivalent à 1,2 milliard d'euros de subventions. Le mode de calcul de ce dernier montant est toutefois remis en cause par la Cour des comptes, de sorte que, à règles inchangées, l'apport d'Action Logement en équivalent-subvention pourrait être un peu inférieur à 6,6 milliards d'euros.
* 15 Dont 0,4 milliard d'euros par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).
* 16 Philippe Dallier, « Les crédits budgétaires en faveur du renouvellement urbain nécessiteront un engagement renforcé au cours du prochain quinquennat », rapport spécial sur la mission « Cohésion des territoires, annexé au rapport général n° 140 (2019-2020) fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.
* 17 Philippe Dallier, mission « Cohésion des territoires », contribution au rapport n° 528 (2019-2020) sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2019, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 juin 2020.
* 18 La loi de finances pour 2020 n'a pas prévu l'ouverture d'autorisations d'engagement en faveur de l'ANRU, mais les reports de crédits de 2019 vers 2020 sont de 27,3 millions d'euros sur l'ensemble du programme 147 « Politique de la ville » en autorisations d'engagement, ce qui devrait permettre d'ouvrir le montant prévu de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement en faveur de l'ANRU, outre les 25 millions d'euros en crédits de paiement qui, pour leur part, ont été inscrits dans la loi de finances initiale.