B. L'ESSOR DES PLATEFORMES NUMÉRIQUES : UNE RÉALITÉ DONT L'ÉCHO MÉDIATIQUE DÉPASSE LARGEMENT L'AMPLEUR RÉELLE

1. Une grande diversité d'acteurs

Pour le Conseil national du numérique, une plateforme est « un service occupant une fonction d'intermédiaire dans l'accès aux informations, contenus, services ou biens édités ou fournis par des tiers », qui « organise et hiérarchise les contenus en vue de leur présentation et leur mise en relation aux utilisateurs finaux » 11 ( * ) .

La première définition juridique de la notion de plateforme numérique figure à l'article 242 bis du code général des impôts, créé par la loi de finances pour 2016 12 ( * ) , lequel impose des obligations aux entreprises « qui en qualité d'opérateur de plateforme met[tent] en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un bien ou d'un service ».

La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique 13 ( * ) a par ailleurs défini la notion d'opérateur de plateforme en ligne à l'article L. 111-7 du code de la consommation. Ces opérateurs sont notamment tenus de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur le service qu'ils proposent.

Toutes les plateformes n'ont pas pour objet la fourniture d'un service demandant un travail. Certaines sont basées sur le partage ( Blablacar 14 ( * ) ), ou sur la vente de biens ou de services par des particuliers ( Le bon coin , Airbnb ).

En revanche, d'autres plateformes mettent en relation des travailleurs indépendants et des clients, entreprises ou particuliers . Exerçant notamment dans les domaines du transport de personnes ( Uber , Kapten ), de la livraison ( Deliveroo , Stuart ), des services à la personne ( Helpling ), des emplois étudiants ( StaffMe ) ou encore des métiers du numérique ( Malt ), elles ont pu être considérées comme « un des phénomènes les plus marquants ayant impacté notre marché du travail sur la période récente » 15 ( * ) . Elles sont pourtant organisées selon des modèles très divers , notamment au regard de la relation qu'elles entretiennent avec leurs partenaires ou contributeurs et avec leurs clients.

Ainsi, certaines plateformes relèvent d'une démarche d'économie sociale et solidaire (ESS), à l'image de La Ruche qui dit oui ! , qui a obtenu en 2014 un agrément d'entreprise solidaire d'utilité sociale (ESUS), et de Lulu dans ma rue , qui constitue depuis 2019 la première entreprise d'insertion par le travail indépendant (voir encadré ci-dessous).

L'exemple d'une plateforme d'insertion par le travail indépendant

La loi du 5 septembre 2018 16 ( * ) a créé, à titre expérimental, une nouvelle forme de structure d'insertion par l'activité économique (IAE) : l'entreprise d'insertion par le travail indépendant (EITI).

Cette expérimentation doit permettre « à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, d'exercer une activité professionnelle en bénéficiant d'un service de mise en relation avec des clients et d'un accompagnement ».

Les EITI mettent en relation des personnes « en insertion » sous statut de micro-entrepreneur et des particuliers pour la réalisation de tâches ponctuelles. Elles apportent aux travailleurs un accompagnement à la création de leur entreprise puis à sa gestion, une aide à l'utilisation des outils numériques ainsi qu'un accompagnement socio-professionnel en contrepartie d'une aide financière de l'État.

Si elles incorporent une forte dimension sociale à leur modèle, le fonctionnement des EITI est proche de celui de plateformes à but lucratif. L'unique plateforme ayant signé une convention d'EITI à ce jour, Lulu dans ma rue , offre des services de conciergerie de quartier et s'apparente ainsi à une plateforme de « jobbing » ( cf. infra ). À l'inverse, la démarche d'insertion n'est pas absente des autres plateformes : par exemple, Uber a offert une opportunité d'emploi à de nombreux jeunes chômeurs de Seine-Saint-Denis.

La loi prévoit qu'un rapport d'évaluation, qui dressera notamment le bilan de l'insertion professionnelle des bénéficiaires, sera remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation.

Plusieurs rapports ont tenté de dresser une typologie de ces intermédiaires . La DARES 17 ( * ) a notamment proposé de distinguer les « plateformes de biens et services marchands » par le fait que leur rôle ne se limite pas à des fonctions de mise en relation car elles sont parties prenantes dans la production et la vente du produit ou du service échangé.

L'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) 18 ( * ) distingue pour sa part des autres types de plateformes les plateformes de travail , qui présentent les caractéristiques suivantes : les échanges y portent sur de la main d'oeuvre ; la plateforme permet de rapprocher une offre et une demande de main d'oeuvre rémunérée ; les échanges portent sur l'exécution de tâches ou la résolution de problèmes définis, et non sur des emplois ; les services sont fournis sur demande, et trois parties au moins sont impliquées : la plateforme, le client et le travailleur, dans le cadre d'une relation commerciale.

En croisant ces distinctions avec la classification proposée par un rapport de l'IGAS 19 ( * ) , les rapporteurs ont pour leur part identifié plusieurs catégories d'opérateurs qui diffèrent par les interrogations qu'elles soulèvent .

• Les plateformes de services organisés

Les opérateurs de services organisés qui fournissent des prestations « hors ligne » standardisées délivrées par des professionnels , notamment dans les secteurs de la conduite de VTC 20 ( * ) ( Uber , Kapten , Bolt ) et de la livraison de marchandises en véhicule à deux ou trois roues ( Deliveroo , Uber Eats , Stuart ), emblématiques du travail « uberisé », sont devenues depuis quelques années les plateformes les plus visibles et celles dont le développement soulève le plus de questions.

Ces plateformes déterminent à la fois les caractéristiques de la prestation fournie et son prix, et apparaissent de ce fait comme les plus exposées au risque juridique de requalification en contrat de travail . Ces plateformes se caractérisent en outre par un mode de management exécuté par des algorithmes et pouvant inclure d'efficaces outils de contrôle du travail effectué.

Les problématiques soulevées par ces opérateurs ne sont toutefois pas les mêmes en fonction des secteurs d'activité concernés. En particulier, la question de la précarité se pose avec plus d'acuité dans le cas des coursiers à vélo, une activité à faible valeur ajoutée et concernée par de forts risques professionnels.

• Les plateformes de placement

Certaines plateformes ont pour objet la mise à disposition de travailleurs indépendants auprès d'entreprises pour des missions ponctuelles . Ces intermédiaires peuvent déterminer le prix des prestations mais n'interviennent pas ou peu pour organiser les tâches , lesquelles sont définies en amont. C'est par exemple le cas des plateformes Brigad et Club des Extras , dans le secteur de la restauration, ou StaffMe et Student Pop , qui proposent des emplois étudiants dans les secteurs de l'événementiel, de l'animation commerciale, de la vente ou de la logistique.

Dans le cas de Brigad , le travailleur possède son matériel et est responsable de la réalisation de sa prestation, le rôle de la plateforme se voulant limité à la mise en relation. Un système de notation est toutefois prévu « pour affiner la qualité de ces mises en relation ».

Ces plateformes se proposent d'apparier l'offre et la demande de travail dans des secteurs en tension. Dans ce modèle, le travailleur indépendant se substitue soit au recours à des intérimaires, soit à des contrats d'usage de très courte durée et échappe donc aux règles applicables à ces contrats. Le risque de requalification en contrat de travail pèse alors non pas sur la plateforme mais sur l'entreprise cliente.

• Les autres plateformes de mise en relation

D'autres plateformes répondant à la définition du code général des impôts se bornent à un rôle de mise en relation entre des travailleurs indépendants et des clients . Celles-ci ne se distinguent des précédentes que par l'intensité du niveau d'intervention des plateformes.

Les plateformes de « freelances » comme Malt présentent ainsi des travailleurs indépendants qualifiés, notamment dans les métiers du numérique, à des entreprises. Au-delà de cette mise en relation, ces plateformes peuvent offrir à la fois aux travailleurs et aux entreprises un ensemble de services pour sécuriser leurs relations de travail et simplifier leurs démarches administratives.

Les travailleurs indépendants inscrits sur Malt choisissent leur prix librement , affiché sur leur profil sous la forme d'un tarif journalier moyen. La plateforme ne fixe pas les prix et n'interfère pas dans leur définition par le travailleur et leur négociation avec le client. La plateforme perçoit une commission de 5 % à 10 % du prix (en fonction de la durée de la prestation).

Il n'y a ni dépendance économique ni subordination des travailleurs à ces plateformes, même si des indépendants en mission longue peuvent réaliser la plus grande partie de leur chiffre d'affaires avec un seul client pendant une période donnée. Les indépendants sont libres de travailler avec leurs clients sans passer par la plateforme, même si cette dernière les a initialement mis en relation.

La plateforme n'est pas garante des prestations des travailleurs et n'exerce aucun contrôle sur les missions.

Ce type de plateforme est donc, a priori , le moins problématique au regard de l'objet de la mission d'information. Toutefois, du point de vue du financement de la protection sociale , il pourrait y avoir au moins autant à craindre de la multiplication des freelances que de l'irruption des plateformes de mobilité.

Pour leur part, les plateformes de « jobbing » ( Helpling , SuperMano ) offrent aux particuliers des services à domicile réalisés par des micro-entrepreneurs, au risque de créer une concurrence déloyale vis-à-vis d'entreprises et de travailleurs indépendants traditionnels.

• Les plateformes de « micro-travail »

À l'opposé, la notion de plateforme renvoie également au développement du « micro-travail », c'est-à-dire à l'externalisation de tâches fortement fragmentées et à faible valeur ajoutée que propose notamment Amazon Mechanical Turk : il s'agit par exemple de tâches en ligne telles que détourer une photo, associer un mot à une image ou corriger une phrase. Le micro-travail alimente en particulier l'industrie numérique, fondée sur l'exploitation de grandes masses de données, et participe à la production de l'intelligence artificielle. Il est également présent dans le secteur du marketing. Les « micro-travailleurs » sont généralement rémunérés à la tâche pour des montants pouvant descendre jusqu'à quelques centimes 21 ( * ) .

Ces activités semblent se caractériser par une déshumanisation qui interroge : les travailleurs ne connaissent pas la finalité des tâches, généralement répétitives et dénuées de sens, qui leur sont confiées ; ils n'ont pas la possibilité de communiquer avec le client ni d'obtenir un retour sur leur prestation... Elles ne semblent donc pas pouvoir être porteuses d'une quelconque forme de satisfaction.

Toutefois, le micro-travail représente une activité généralement très accessoire , le revenu mensuel moyen généré sur les plateformes concernées ne dépassant pas quelques dizaines d'euros. Selon l'étude Digital Platform Labor (DIPLAB), le très grand nombre d'utilisateurs occasionnels fait ainsi baisser le revenu moyen à 21 euros par mois sur la plateforme Foule Factory , même si certaines personnes arrivent à tirer jusqu'à 1 500 voire 2 000 euros par mois de cette activité.

La fixation du prix par la plateforme, un critère déterminant ?

L'article 7342-1 du code du travail distingue les plateformes qui « détermine[nt] les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe[nt] son prix » pour leur confier une responsabilité sociale à l'égard des travailleurs.

Alors que la fixation du prix cristallise les revendications des travailleurs collaborant avec certaines plateformes, les points de vigilance à l'égard de ces opérateurs ne peuvent se réduire à ce seul critère. Ainsi, certaines plateformes d'intermédiation telles que Brigad fixent le prix des prestations en garantissant un revenu relativement élevé à ses utilisateurs. Dans le cas de l'EITI Lulu dans ma rue, la fixation du prix par la plateforme correspond en outre à une volonté de ne pas instaurer une concurrence entre les travailleurs.

Dans le rapport Travailleurs des plateformes : liberté oui, protection aussi , l'Institut Montaigne propose une cartographie des plateformes de travail à la demande suivant deux axes principaux :

- l'un matérialisant le niveau d'interventionnisme de la plateforme, en considérant que « plus ce niveau est élevé, plus la plateforme contribue à transformer le marché du travail sous-jacent à son intermédiation » ;

- l'autre représentant à la fois l'intensité du travail sur la plateforme et la nature des revenus issus de ce travail, entre revenus de l'économie du partage et revenus professionnels soumis à l'impôt sur le revenu et à cotisations sociales.

Cartographie des plateformes de travail

Source : Institut Montaigne

2. Des travailleurs visibles partout... sauf dans les statistiques

Il reste difficile d'évaluer avec précision le nombre de travailleurs ayant recours aux plateformes . En effet, cette population ne constitue pas une catégorie statistique en tant que telle et, jusqu'en 2019, le lien entre travailleurs et plateformes n'a pas fait l'objet d'un enregistrement administratif spécifique pouvant fournir des sources à la statistique.

Par ailleurs, les plateformes elles-mêmes communiquent peu, ou de manière incomplète, sur le nombre de leurs utilisateurs, qui peuvent alternativement prendre en compte les inscrits ou les travailleurs actifs (réalisant des missions et un chiffre d'affaires). Uber indique travailler en France avec 30 000 chauffeurs dans le cadre de son activité de VTC et avec 25 000 coursiers à vélo pour la livraison de repas. Deliveroo revendique pour sa part 11 000 coursiers actifs 22 ( * ) .

Pour sa part, le projet de recherche DIPLAB estime à environ 260 000 le nombre de personnes inscrites sur les principales plateformes de « micro-travail » qui opèrent en France, mais à 15 000 seulement le nombre de celles qui les utilisent avec une fréquence au moins hebdomadaire 23 ( * ) .

Il est toutefois admis que le nombre de ces travailleurs est en croissance . Cette progression de l'emploi de plateformes au cours des dernières années peut être indirectement mesurée par des données sectorielles. Le nombre de VTC inscrits a ainsi fait un bond de 65 % entre 2017 et 2018, passant de 26 352 véhicules à 43 454 ; ce nombre était 2,8 fois plus important en 2018 qu'en 2016 24 ( * ) , ce qui donne un indice de la croissance du nombre de travailleurs de plateformes dans ce secteur. De même, le nombre de micro-entrepreneurs administrativement actifs dans le secteur des transports (qui comprend à la fois les VTC et les coursiers) connaît depuis plusieurs années une augmentation spectaculaire : il a crû de 80,6 % entre 2017 et 2018, pour atteindre plus de 78 000 entreprises, après avoir augmenté de 44 % en moyenne annuelle entre 2011 et 2017 25 ( * ) . Toutefois, seuls 40 % d'entre eux ont déclaré un chiffre d'affaires en 2018.

Source : commission des affaires sociales / données ACOSS

Note : Est considéré comme administrativement actif un micro-entrepreneur ayant été immatriculé avant ou pendant la période considérée et non radié au cours de cette période. Est considéré comme économiquement actif un micro-entrepreneur ayant déclaré un chiffre d'affaires positif sur la période considérée.

Ces secteurs concentrent vraisemblablement la grande majorité des travailleurs de plateformes ayant des revenus significatifs. D'après une étude basée sur des données bancaires américaines, 90 % des comptes bancaires recevant un revenu d'une plateforme de travail aux États-Unis l'ont reçu d'une plateforme de mobilité 26 ( * ) .

La part des travailleurs de plateformes dans la population active n'en reste pas moins modeste . En 2017, un module ad hoc de l'enquête Emploi de l'INSEE a posé aux travailleurs indépendants la question : « Quel est votre principal mode d'entrée en contact avec la clientèle ? » A cette question, 3,5 % des indépendants, représentant environ 100 000 personnes, soit 0,4 % des travailleurs en emploi , ont mentionné uniquement les plateformes et autres entreprises intermédiaires. Ce chiffre est imprécis car il inclut, d'une part, des personnes qui utilisent des intermédiaires autres que des plateformes électroniques mais ne comprend pas, d'autre part, les travailleurs de plateforme exerçant une autre activité à titre principal 27 ( * ) . En y ajoutant les 105 000 personnes ayant cité les plateformes et intermédiaires de manière non exclusive, les auteurs d'un rapport de l'Institut Montaigne estiment « raisonnable de penser que le travail via plateforme numérique représente aujourd'hui significativement moins de 1 % de la population active en France » 28 ( * ) .

Depuis 2019, les plateformes ont l'obligation de communiquer à l'administration fiscale les relevés individuels des versements effectués auprès de leurs utilisateurs dès lors que ces versements dépassent 3 000 euros annuels pour au moins vingt transactions 29 ( * ) . Ces nouvelles obligations déclaratives des plateformes pourraient, à l'avenir, alimenter des analyses statistiques plus précises.

En tout état de cause, l'écho médiatique de ces activités dépasse largement leur poids réel dans l'emploi en France.

3. La diversité des profils des travailleurs

Les travailleurs des plateformes sont généralement des travailleurs indépendants , plus rarement des salariés (par exemple, lorsque des sociétés de transport utilisent les plateformes) 30 ( * ) . Les principales plateformes, tel Uber dans le secteur du transport de personnes, font ainsi de la création d'une société - micro-entreprise ou autre - un préalable à la collaboration.

a) Une diversité de situations...

Les profils des travailleurs exerçant leur activité grâce à ces plateformes, leur niveau de revenus, leur éventuelle précarité et leur dépendance économique varient fortement d'un secteur à l'autre.

Le revenu net des travailleurs des plateformes dépend de leur chiffre d'affaires, d'une part, de leurs charges et de la forme juridique sous laquelle ils exercent leur activité, d'autre part. La diversité des situations fait qu'il est impossible de connaître avec précision les revenus des travailleurs des plateformes .

En outre, de nombreux travailleurs opérant simultanément sur plusieurs plateformes, il est complexe de reconstituer leurs revenus totaux. Au demeurant, l'activité exercée par l'intermédiaire de plateformes pouvant être accessoire ou intermittente, la rémunération perçue n'est pas nécessairement un indicateur pertinent.

À titre indicatif, environ 50 % des micro-entrepreneurs économiquement actifs dans le secteur des transports étaient aussi salariés du privé en 2018 31 ( * ) .

Il apparaît toutefois que les travailleurs des plateformes n'ont pas tous de faibles revenus et ne sont pas tous économiquement dépendants : Malt estime par exemple le revenu moyen d'un freelance dans le numérique entre 35 000 et 150 000 euros par an.

De manière générale, les données communiquées par les plateformes font apparaître un niveau de rémunération nette au moins égal au SMIC 32 ( * ) . D'après l'étude sur les revenus des chauffeurs en 2018 publiée par Uber en janvier 2019, laquelle n'est pas exhaustive mais fondée sur des cas types, le revenu horaire net d'un chauffeur VTC 33 ( * ) , après déduction des charges 34 ( * ) , est de 9,15 euros, soit un revenu net mensuel de 1 617 euros 35 ( * ) .

En tout état de cause, les travailleurs des plateformes ne sont pas nécessairement plus précaires ni moins bien rémunérés que des personnes ayant le même profil (âge, origine, niveau d'études) et travaillant dans des secteurs d'activité ayant fortement recours aux contrats courts et aux autres formes particulières d'emploi.

Les nouvelles obligations déclaratives des plateformes, ainsi que l'intégration depuis le 1 er janvier 2020 de la Sécurité sociale des indépendants au sein du régime général, devraient permettre d'améliorer les outils statistiques relatifs au niveau de revenu de ces travailleurs.

L'utilisation par les plateformes de la possibilité, ouverte par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 36 ( * ) , d'effectuer les démarches déclaratives fiscales et sociales pour le compte de leurs partenaires indépendants pourrait également permettre de disposer de données plus fiables ( cf. infra , III.C.2 ).

b) ... liée à la diversité des démarches

La diversité des démarches qui conduisent ces travailleurs vers l'emploi de plateforme rend également impossible toute généralisation.

Ainsi, si l'activité de conducteur de VTC s'est profondément professionnalisée, du fait notamment des coûts d'entrée représentés par l'obtention d'une licence et l'acquisition ou la location d'un véhicule, les services de livraison à vélo, qui subissent une forte saisonnalité et connaissent des pics d'activité aux heures de repas, semblent plus souvent correspondre à une activité à la fois temporaire et secondaire pour les travailleurs concernés. Selon les plateformes, la durée moyenne de collaboration d'un coursier serait de quatre mois avec Uber Eats et de six à neuf mois avec Deliveroo .

À l'opposé, d'après l'étude annuelle de Malt sur « Le freelancing en France » de 2019, 90 % des freelances le sont par choix et 92 % voient cette situation comme une situation de long terme.

Le cumul de plusieurs statuts , parfois au cours de la même journée de travail, apparaît toutefois comme un trait commun à de nombreux travailleurs de plateformes .


* 11 Conseil national du numérique, Ambition numérique - Pour une politique française et européenne de la transition numérique, 2015.

* 12 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 - Article 87.

* 13 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique - Article 49.

* 14 Blablacar est une application de covoiturage. Le prix fixé par le propriétaire du véhicule ne doit pas excéder le coût du trajet afin qu'il ne puisse pas en tirer un bénéfice.

* 15 Rapport n° 226 de Mme Nadine Grelet-Certenais, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, sur la proposition de loi visant à rétablir les droits sociaux des travailleurs numériques, 8 janvier 2020.

* 16 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel - Article 83.

* 17 O. Montel, L'économie des plateformes : enjeux pour la croissance, le travail, l'emploi et les politiques publiques, Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), août 2017.

* 18 A.-M. Nicot, « Les enjeux du travail dans l'économie des plateformes », Regards n° 55, octobre 2019.

* 19 M. Amar et L.-C. Viossat, Les plateformes collaboratives, l'emploi et la protection sociale, Rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS), mai 2016.

* 20 Véhicules de transport avec chauffeur.

* 21 A. Casilli et P. Tubaro, Le Micro-Travail en France. Derrière l'automatisation, de nouvelles précarités au travail ? Rapport final du projet DIPLAB, 2019.

* 22 Ces données ne peuvent pas être additionnées car les travailleurs utilisent couramment plusieurs plateformes à la fois. Un même coursier peut ainsi être actif simultanément sur Deliveroo et Uber Eats .

* 23 A. Casilli et P. Tubaro, 2019.

* 24 Source : rapport de l'Observatoire national des transports publics particuliers de personnes, janvier 2020.

* 25 Source : Acoss Stat n° 289, juillet 2019.

* 26 D. Farrell, F. Greig, A. Hamoudi, « The Evolution of the Online Platform Economy: Evidence from five years of Banking Data », AEA Papers and Proceedings, 2019.

* 27 D. Babet, « L'emploi lié aux plateformes : un phénomène difficile à mesurer », annexe n° 5 au rapport 2019 du Groupe d'experts sur le SMIC.

* 28 Travailleurs de plateformes : liberté oui, protection aussi, Rapport de l'Institut Montaigne, avril 2019.

* 29 Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude - Article 10.

* 30 Uber estime que 25 % de ses utilisateurs sont des chauffeurs opérant via des sociétés de transport, qui sont elles-mêmes liées contractuellement avec des chauffeurs salariés ou indépendants.

* 31 Source : Acoss Stat n° 289, juillet 2019.

* 32 Salaire minimum interprofessionnel de croissance.

* 33 L'étude est basée sur le cas type d'un chauffeur conduisant le véhicule le plus utilisé sur l'application Uber (Peugeot 508) et avec l'une des formes juridiques les plus couramment utilisées (EURL).

* 34 Coûts liés au véhicule, assurance, carburant, entretien, TVA et cotisations sociales.

* 35 Le SMIC net s'élève à 8,03 euros par heure, soit 1 219 euros par mois en 2020.

* 36 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 - Article 15.

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