II. LES PROPOSITIONS DES DEUX DÉLÉGATIONS POUR RENFORCER DURABLEMENT LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES DANS LES OUTRE-MER
Depuis le début des réflexions engagées par les deux délégations, en 2018, le défi que constituent les féminicides , qui a malheureusement marqué l'actualité de l'année 2019 à un rythme presque quotidien, a conduit à centrer la problématique des violences faites aux femmes sur les violences conjugales .
Celles-ci ont fait l'objet d'une réflexion dans le cadre d'un Grenelle , dont le calendrier s'est déroulé sur un peu moins de deux mois, entre le 3 octobre 2019 et la journée symbolique du 25 novembre.
Il faut se féliciter que les enjeux ultramarins de ces violences aient fait l'objet d'un groupe de travail spécifique au sein de ce processus.
On peut cependant regretter qu'il ait fallu tant de décès, dont une proportion importante aurait certainement pu être évitée, pour que la lutte contre ces violences terribles, longtemps occultées, tant en métropole qu'en outre-mer, par le terme de « crime passionnel » et réduites à des « faits divers », devienne véritablement une responsabilité collective .
Au terme de ce premier cycle d'auditions conjointes sur les violences faites aux femmes dans les outre-mer, les deux délégations renouvellent leurs remerciements aux experts qui ont accompagné leur démarche et rendent hommage à l'expertise d'Ernestine Ronai , co-présidente de la commission Violences de genre du Haut Conseil à l'égalité (HCE) et par ailleurs lauréate du Prix de la délégation aux droits des femmes, remis pour la première fois le 10 octobre 2019 en présence de Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer et de Jean-Etienne Antoinette, président de la délégation à l'outre-mer du CESE 17 ( * ) .
En conclusion de cette réflexion commune, les deux délégations :
- réaffirment l'exigence que les victimes, y compris les enfants, bénéficient d'une prise en charge et d'un accompagnement de qualité égale sur l'ensemble du territoire , en métropole comme dans les outre-mer ;
- formulent, par la voix de leurs présidents Michel Magras et Annick Billon, cinq points de vigilance et dix recommandations pour mieux identifier, protéger et orienter les victimes de ces violences et prévenir celles-ci ;
- reprennent à leur compte des propositions prometteuses issues du Grenelle .
A. CINQ POINTS DE VIGILANCE
1. La gravité des violences faites aux femmes ne saurait relever d'un exercice de communication , mais nécessite la mise en place, dans la durée, d'une politique publique complète , dans tous les territoires , engageant de nombreux intervenants (acteurs de la chaîne judiciaire et de l'éducation nationale, soignants, bénévoles et salariés du monde associatif, personnels de la fonction publique territoriale et de la fonction publique de l'État, etc.) et impliquant, pour réussir, la mobilisation de moyens substantiels .
2. Dans cet esprit, le Grenelle ne s'est donc pas terminé le 25 novembre 2019, mais ne constitue que le début d'un processus de longue haleine.
Les deux délégations s'inscriront dans le suivi des mesures annoncées à l'issue du Grenelle et s'attacheront à l'avenir à effectuer des bilans réguliers de leur application, grâce à la vigilance des sénateurs et sénatrices ultramarins .
3. La lutte contre les violences faites aux femmes dans les outre-mer ne doit se limiter, ni en métropole ni dans les outre-mer, aux violences conjugales mais impose une approche globale et transversale des violences . Celles-ci, comme le montrent les enquêtes Virage , constituent en effet un tout, et l'on ne peut, par exemple, traiter les violences sexuelles séparément des violences au sein des couples, des violences au travail ou des agressions que subissent les femmes dans l'espace public ou en ligne.
Les orientations souhaitables pour améliorer la lutte contre les violences dans les outre-mer sont d'ailleurs pour la plupart valables pour la métropole.
4. À bien des égards, les mesures de prévention - l'éducation à l'égalité, dès le plus jeune âge, la sensibilisation de l'ensemble de la société à travers des campagnes d'information ou la formation des professionnels - confortent cette approche transversale car elles exercent des effets positifs sur l'ensemble des violences en contribuant à une mise à distance des stéréotypes sexistes qui en sont la cause essentielle .
5. La principale originalité de la politique publique de lutte contre les violences faites aux femmes est qu'elle repose sur l' implication d'associations et sur l'engagement de nombreux bénévoles , auxquels les deux délégations tiennent à rendre hommage .
Ce constat implique que l'État prenne ses responsabilités en garantissant à ces acteurs incontournables des subventions cohérentes avec les besoins observés, en outre-mer comme en métropole , et assure aux associations, par des engagements pluriannuels , la prévisibilité qu'implique leur action.
Les deux délégations sont convaincues que les moyens dédiés actuellement à la lutte contre ces violences sont nettement inférieurs à leur coût économique et social . Elles appellent donc à une évaluation complète et rigoureuse de celui-ci, dans une perspective de réévaluation des dépenses destinées à la lutte contre les violences .
* 17 Ce prix a été créé à l'occasion du vingtième anniversaire de la délégation aux droits des femmes.