B. DEPUIS SEPTEMBRE 2019, L'ÉCOSYSTÈME DES SERVICES NUMÉRIQUES AUX ENTREPRISES EST EN PANIQUE
Toutefois deux décisions récentes 6 ( * ) , quasi-concomitantes, ont interpelé la Délégation aux entreprises au début du mois de septembre car elles ont placé Kosc dans une situation délicate. Les sénateurs y ont perçu un risque de retour en arrière pour la numérisation des PME dans les territoires . En effet, d'une part, l'Autorité de la concurrence a clôturé son auto-saisine, estimant ne disposer d'aucun élément montrant que SFR n'aurait pas respecté ses engagements. D'autre part, alors qu'un nouveau tour de table des actionnaires était prévu pour accompagner le développement de Kosc, la Banque des Territoires a choisi de ne pas renouveler son investissement. Ces décisions sont intervenues dans un contexte très particulier de contentieux opposant SFR et Kosc devant le Tribunal de commerce, dans lequel le groupe historique réclamait 20 millions d'euros à Kosc pour le transfert du réseau que le second ne cessait de demander, le jugeant inopérant pendant près de 18 mois, et refusant logiquement de payer pour un service non ou incomplètement rendu.
Ce risque pèse donc telle une épée de Damoclès offrant une grille de lecture pour le moins inquiétante aux deux décisions précitées. Suffit-il d'une menace de contentieux non jugé initié par un opérateur historique pour que les décisionnaires publics changent de stratégie de façon soudaine ? L'enchaînement d'événements pesant sur l'avenir de Kosc n'est-il pas surtout une menace pour la numérisation des PME qui, depuis l'arrivée de cette société sur le marché de gros, pouvaient bénéficier de services adaptés et de qualité à des tarifs raisonnables ? Comment les pouvoirs publics peuvent-ils expliquer une telle situation ? Anticipent-ils suffisamment les conséquences, pour les PME, d'un arrêt éventuel de l'activité du nouvel opérateur dont ils ont pourtant encouragé la « création publiquement assistée » ?
C. UN CYCLE D'AUDITIONS POUR COMPRENDRE LA SITUATION ET ALERTER LES POUVOIRS PUBLICS
C'est pour répondre à ces questions et poursuivre les travaux engagés dans le cadre du rapport sur la transition numérique des PME précité que Mme Élisabeth Lamure, Présidente, a proposé aux membres de la Délégation de se saisir du sujet. Des auditions conjointes avec le groupe Numérique du Sénat, présidé par M. Patrick Chaize , ont ainsi été organisées rapidement.
L'objectif des sénateurs était de mieux comprendre la situation et de réagir suffisamment rapidement pour que la sortie de crise ne fasse pas au détriment des PME, bien trop souvent oubliées par les acteurs des télécoms jusqu'à récemment. Puisque l'hypothèse d'une disparition de Kosc n'était pas écartée -et ne l'est toujours pas- il était du devoir du Sénat de se préoccuper de la situation pour les PME qui bénéficient aujourd'hui, indirectement, des offres de cet opérateur neutre.
Au cours de ces auditions, organisées du 8 octobre au 5 novembre 2019, la Délégation a entendu, outre les représentants de la société Kosc : la présidente de l'Autorité de la concurrence ; le président de l'Arcep, autorité de régulation du secteur des télécommunications ; des dirigeants de sociétés appartenant à l'écosystème des services numériques aux entreprises ; la Banque des Territoires ; Bpifrance ; OVH Cloud ; les mandataires de contrôle agréés auprès de l'Autorité de la concurrence et de SFR ; sans oublier le Directeur général des entreprises au ministère de l'Économie et des Finances, qui a bien voulu répondre aux questions des sénateurs, ces derniers n'ayant pas pu obtenir une audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances. La Délégation aux entreprises et le groupe Numérique regrettent évidemment de ne pas avoir pu échanger avec elle sur cet important sujet de politique publique. Mais ils forment le voeu qu'un échange pourra s'organiser dans les semaines à venir, ceci d'autant plus que la Secrétaire d'État a éludé ce sujet relayé par leur collègue Anne-Catherine Loisier, rapporteur pour avis sur le numérique au nom de la commission des Affaires économiques du Sénat, lors de l'examen du projet de loi de finances le lundi 2 décembre 2019...
Le présent cycle d'auditions a été clôturé par une conférence de presse tenue le mercredi 11 décembre 2019, au cours de laquelle se sont exprimés, outre les sénateurs, des représentants du CDRT (Club des dirigeants réseaux et télécoms), présidé par M. Laurent Silvestri.
Le présent rapport contient le compte-rendu détaillé de ce cycle d'auditions, afin que chacun dispose des informations recueillies par le Sénat. Ces comptes rendus permettent en effet, par une lecture « en bosse comme en creux », d'éclairer les décideurs publics et les acteurs du secteur. Le lecteur constatera que les personnes auditionnées ont été plus ou moins loquaces, ce qui peut donner plus ou moins de relief aux contradictions manifestes entre les témoignages des différents protagonistes. La palme du « film muet » peut être décernée aux mandataires -agréés par l'ADLC et dont les prestations ont été financées par SFR-Altice-, qui ont non seulement respecté leurs obligations de confidentialité mais semblent être allés même au-delà pour ne rien révéler aux sénateurs de leurs convictions. Mme Élisabeth Lamure et M. Patrick Chaize, Présidents respectivement de la Délégation aux entreprises et du groupe Numérique du Sénat, poursuivront en 2020, si besoin était, le suivi de ce dossier majeur pour la compétitivité des entreprises françaises et la vitalité du tissu économique dans les territoires.
* 6 Décision du 6 septembre 2019 de l'Autorité de la concurrence et décision du 29 août 2019 du comité d'investissement de la Banque des Territoires.