C. UN RÉSEAU DE DISTRIBUTION ET UNE OFFRE DE VÉHICULES EN COURS D'ÉVOLUTION

Le réseau de distribution et l'offre de véhicules ont pris en compte l'essor des biocarburants.

En ce qui concerne les stations-service , 56 % d'entre elles proposaient de l'E10 et 9 % de l'E85 en 2018, selon l'Union française des industries pétrolières (UFIP) 104 ( * ) . Ces proportions étaient en hausse respectivement de 4 et de 1 points par rapport à 2017.

Dans le même ordre d'idées, la gamme des véhicules et des boîtiers Flexfuel commercialisée en France a été élargie, ainsi qu'en témoignent les éléments chiffrés indiqués par la DGEC :

- d'une part, de janvier à octobre 2019, 2 562 véhicules Flexfuel , commercialisés par 2 constructeurs, ont été immatriculés ;

- d'autre part, 6 000 boîtiers Flexfuel homologués , conçus par 4 producteurs, ont été installés depuis 2018 .

Au total, selon la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), le nombre de véhicules pouvant fonctionner à l'E85 est estimé à 77 000 en France en 2019, dont 33 000 véhicules Flexfuel en « monte d'origine » .

D. LES RETOMBÉES ENCORE LIMITÉES DE L'EFFORT DE RECHERCHE

Le soutien apporté à la R&D dans le domaine des biocarburants connaît des retombées encore limitées.

L'ANR indique avoir soutenu une centaine de projets sur les bioénergies de 2005 à 2018, pour un montant de 70 M € ; pour ce qui concerne spécifiquement les biocarburants , on dénombre 74 projets pour un montant de 49,68 M€ - si l'on intègre le biométhane et l'hydrogène - et 50 projets pour un montant de 32,82 M€ dans le cas contraire.

Dans le cadre du programme des investissements d'avenir (IA), l'ANR a en outre soutenu 105 ( * ) les projets :

- BIORARE , destiné à produire du bio-hydrogène et du biogaz à partir de déchets organiques, pour un montant de 2,2 M€ (à Antony, Hauts-de-Seine) ;

- ProBio3 , visant à développer une nouvelle filière de biocarburants, notamment de biokérosène, à partir de matières premières renouvelables et de coproduits industriels, l'aide consommée étant de 4,3 M€ sur les 8 M€ prévus (à Toulouse en Haute-Garonne).

Le premier projet a été mené à terme en 2017 tandis que le second s'est arrêté en 2016, deux ans avant la date de fin contractuelle, compte tenu du désengagement de certains acteurs 106 ( * ) .

De son côté, l'Ademe précise avoir aidé quatre démonstrateurs dans le cadre de ses appels à projets successifs :

- SB2P , une plate-forme de prétraitement mécanique de la biomasse pour un montant de 6 M€ (à Bure-Saudron dans la Meuse et en Haute-Marne) ;

- GAYA, qui doit permettre de produire de biométhane à partir de biomasse sèche (bois et résidus agricoles), pour un montant de 18,9 M€ 107 ( * ) (à Saint-Fons au sein de la Métropole de Lyon) ;

- ISOPROD , qui vise à produire de l'isobutène par voie biotechnologique à partir de culture de betteraves, pour un montant de 9 M€ 108 ( * ) (à Évry dans l'Essonne et à Pomacle dans la Marne) ;

- BioTfuel , dont l'objectif est de produire du biogazole et du biokérosène par voie thermochimique à partir de la biomasse et de ressources fossiles, pour un montant de 30,06 M€ 109 ( * ) (à Venette dans l'Oise et à Dunkerque dans le Nord).

Le premier projet est achevé et le second en cours d'achèvement ; pour ce qui est des deux derniers, la date prévisionnelle de fin de leurs travaux est fixée à 2021.

Par ailleurs, six projets 110 ( * ) de moindre ampleur financière ont été pour partie financés par l'Ademe , à hauteur de 2,27 M€ au total.

Au-delà de l'ANR et de l'Ademe, d'autres projets de recherche ont été soutenus en matière de biocarburants.

Il en va ainsi de FUTOROL , qui est un démonstrateur visant à produire de l'éthanol à partir de la ligne ligno-cellulosique (à Pomacle dans la Marne) : 29,9 M€ lui ont été attribués par BPI France et 25 M€ par l'IFPEN 111 ( * ) .

Si les initiatives sont bien réelles, le rapporteur relève que les projets de recherche dont il a eu connaissance demeurent limités en nombre (63 projets) et dans leur montant (160,45 M€).

Par ailleurs, il observe que certains programmes ont été arrêtés de manière prématurée, tandis que d'autres peuvent rencontrer des difficultés pour atteindre le stade de l'industrialisation et de la commercialisation.

*

Au total, l'analyse conduite par le rapporteur fait apparaître des progrès majeurs en termes de consommation de biocarburants depuis deux décennies, même si l'évolution du réseau de distribution et de l'offre de véhicules est incomplète et les retombées de l'effort de recherche limitées.

De plus, le rapporteur observe que les résultats atteints sont plus tangibles pour les biocarburants routiers qu'aéronautiques .

Le plein essor de ces derniers, encore onéreux par rapport au kérosène classique, est en effet entravé en France par des capacités de production et de distribution notablement insuffisantes.

Quel bilan pour la politique de soutien aux biocarburants aéronautiques ?

Dans la mesure où la politique de soutien aux biocarburants aéronautiques est encore récente, ses résultats ne seront visibles que dans les prochaines années.

Certes, on observe un essor du marché des biocarburants aéronautiques, des procédés ayant été certifiés et des projets soutenus.

Tout d'abord, cinq biocarburants aéronautiques ont été certifiés par un organisme international , ASTM International 112 ( * ) , qui permettent une incorporation de biocarburants entre 5 113 ( * ) , 10 114 ( * ) et 50 % 115 ( * ) .

Par ailleurs, un effort de recherche a été favorisé dans le cadre d'appels à projets nationaux - de l'ANR (ProBio3), l'Ademe (BioTfuel et ISOPROD) ou de BPI France et de l'IFPEN (FUTUROL) - ou européens (avec le programme H2020 notamment).

La DGAC estime d'ailleurs que le CORAC, par le biais de sa « feuille de route » et ses « appels à compétences », a contribué à favoriser les biocarburants aéronautiques, à étudier leur impact sur les avions et l'environnement et à identifier les contraintes d'ordre logistique ou administratif.

Pour autant, des freins subsistent à l'essor de biocarburants aéronautiques .

En premier lieu, en l'état des capacités technologiques, les biocarburants aéronautiques sont onéreux et leur niveau d'incorporation est limité. Pour ce qui concerne leur prix, la DGEC estime qu'ils présentent un coût de production 2 à 4 fois supérieur à celui du kérosène classique. Cela explique que le prix d'un litre de kérosène contenant 2 % de biocarburants est supérieur de 2 centimes à celui d'un litre de kérosène d'origine fossile, selon la DGAC.

En outre, le niveau de consommation des biocarburants demeure marginal , même s'il faut relever qu'Air France a réalisé 78 vols réguliers entre Paris et Toulouse ou Nice dans le cadre d'un programme expérimental, « Lab'line for the Future » , et qu'Airbus a effectué 73 vols de livraison d'avions depuis Toulouse notamment.

Par ailleurs, il n'existe pas véritablement de filière française de production de biocarburants aéronautiques , puisqu'une seule usine, celle de La Mède du groupe Total, est en capacité en France de les produire à l'échelle industrielle.

Enfin, aucun aéroport ne distribue de biocarburants aéronautiques en continue, leur approvisionnement nécessitant d'adapter les pipelines partant du Havre pour les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et d'Orly et de développer le recours au train ou au camion pour ceux du Sud de la France, selon la DGAC.

Enfin, le rapporteur relève que les politiques de soutien aux biocarburants conduites dans certains pays étrangers peuvent être plus offensives que celle menée en France.

À titre d'illustration, les mandats d'incorporation sont plus élevés au Brésil et s'étendent au transport aérien en Chine, tandis que le levier fiscal est largement mobilisé pour soutenir la production de biocarburants aux États-Unis ou la conversion des véhicules au Brésil, selon la direction générale du Trésor (DGT).

Quelle politique de soutien aux biocarburants dans certains pays étrangers ?

À la lecture de l'étude publiée par la direction générale du Trésor (DGT) en mars 2015 116 ( * ) , les politiques nationales en faveur des biocarburants varient considérablement les unes par rapport aux autres.

L' Allemagne a fixé des taux d'incorporation des biocarburants de 6,25 %, dont 4,4 % pour le diesel et 2,8 % pour l'essence. Elle a supprimé l'ensemble des mesures fiscales incitatives en faveur de l'usage de tels carburants, en réorientant sa politique vers d'autres carburants alternatifs (électro-mobilité, hydrogène). En 2013, la proportion des biocarburants atteignait 5,2 % de la consommation totale de carburants.

Aux États-Unis , un objectif d'incorporation de 36 milliards de gallons (soit 158 milliards de litres) d'ici à 2022 a été institué dans le cadre du mandat d'incorporation intitulé « Renewable Fuels Standards » . Une taxe ad valorem protège le marché intérieur et un crédit d'impôt soutiennent l'incorporation des biocarburants dans l'essence. Au total, la politique fédérale de soutien aux biocarburants atteint 45 milliards d'euros depuis 1977.

Le Brésil applique des objectifs d'incorporation entre 18 et 27 % pour l'éthanol et de 7 % pour le diesel. Il soutient également le développement des véhicules disposant de technologies Flexfuel ainsi que de l'éthanol carburant à travers des mesures fiscales. En 2013, l'éthanol et le diesel ont représenté respectivement 4,9 et 1 % de la demande énergétique totale, tandis que la flotte de ces véhicules Flexfuel atteignait 58 % de la flotte de véhicules légers.

Quant à la Chine , elle a fixé un objectif d'incorporation des biocarburants aéronautiques de 11 % en 2020 par rapport à 2010.


* 104 Union française des industries pétrolières (UFIP), Vente de carburants routiers et structure du réseau de distribution en France au cours de l'année 2018, p. 8 et 9.

* 105 Pour mémoire, on relèvera que l'ANR a aussi accompagné un projet connexe : l'Institut pour la Transition énergétique PIVERT, consacré à la chimie bio-sourcée, initialement doté de 64 M€.

* 106 Ce qui explique qu'une partie des crédits alloués n'ait pas été consommée.

* 107 Sur un montant total de 64,4 M€.

* 108 Sur un montant total de 30 M€.

* 109 Pour un montant total de 178 M€.

* 110 Les projets sont les suivants :

- BioC4M, un outil de simulation de la durabilité des filières biocarburants (249 000 €) ;

- Biosyp, une production de biométhane à partir de déchets et de boues (298 500 €) ;

- Carbioval, une production de biodiesel à partir de graisses de flottation (325 800 €) ;

- Vasco2, une production de biocarburants à partir de microalgues issus de la valorisation des fumées industrielles (1,1 M€) ;

- Fiberfuel et Prépilbat, qui portent sur la biomasse ligno-cellulosique à destination de la production d'éthanol (141 200 € pour le premier et 257 000 € pour le second).

* 111 Sur un montant total de 90 M€.

* 112 American Society For Testing and Materials (ASTM).

* 113 Co-procédé HEFA-SPK.

* 114 Procédé SIP-SPK.

* 115 Procédés FT-SPK, HEFA-SPK, FT-SPK/A et ATJ-SPK.

* 116 Direction générale du trésor (DGT), Politique en faveur du développement de carburants alternatifs, Analyse comparative dans huit pays, mars 2015.

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