C. LA NÉCESSITÉ D'UN SOUTIEN PROPORTIONNÉ AU NIVEAU DE FRAGILITÉ DES TERRITOIRES
1. Accorder un soutien renforcé aux territoires les plus fragiles
a) Définir un socle de dispositifs en faveur de l'ensemble des territoires ruraux
Le nouveau zonage devra servir d'outil transversal pour concevoir et décliner les politiques de revitalisation , permettant de prendre systématiquement en compte le niveau de fragilité de chacun des territoires ruraux. L'ambition de cette nouvelle géographie de la ruralité doit être de devenir un outil incontournable des politiques publiques permettant de proportionner le soutien de l'État dans l'ensemble des domaines de l'action publique .
Les rapporteurs considèrent en effet que le nouveau zonage doit avoir vocation à devenir un référentiel pour hiérarchiser les interventions en faveur des territoires ruraux. En particulier, plusieurs dispositifs sectoriels, comme les subventions des agences de l'eau et les subventions aux agences postales communales devront continuer à prendre en compte le nouveau zonage des territoires ruraux . Ce socle d'avantages et de dispositifs devra permettre d'assurer une différenciation indispensable entre les territoires ruraux et les autres territoires qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.
Les territoires faisant l'objet du nouveau zonage devront être considérés comme prioritaires pour les politiques de désenclavement, d'accès aux soins et d'accès numérique ainsi que pour l'ensemble des politiques de revitalisation.
L'ensemble des territoires ruraux étant confronté à un déficit d'attractivité, la question du maintien des dispositifs d'exonérations fiscales est posée à tous les niveaux du nouveau zonage à mettre en oeuvre . Les exonérations fiscales, qui sont aujourd'hui le socle du dispositif ZRR, jouent en effet un rôle déterminant pour attirer l'implantation aussi bien des entreprises que des professions médicales.
Le bilan positif tiré du dispositif d'exonération actuel conduit les rapporteurs à considérer qu'il s'agit d'une incitation essentielle et que le levier fiscal devra être maintenu dans le nouveau dispositif .
Le dispositif actuel se concentre cependant exclusivement sur la création et la reprise d'activité. Les rapporteurs considèrent que des dispositifs d'exonération devraient être étendus au maintien d'activité pour les entreprises en difficulté sous certaines conditions. Les conditions précises doivent cependant faire l'objet d'un chiffrage précis et se concentrer sur les activités localisées dans les territoires les plus fragiles (ZRR-3) .
En outre, les rapporteurs l'ont relevé, le dispositif actuel d'exonération de cotisations sociales est doublement insatisfaisant.
D'abord, il est conditionné à une augmentation nette d'effectif . Cela signifie que l'embauche doit avoir « pour effet de porter l'effectif de l'entreprise ou de l'organisme d'intérêt général, au cours des 12 mois civils qui suivent la date d'effet de l'embauche, à un niveau au moins égal à la somme de l'effectif de référence et de l'effectif correspondant à l'embauche » 98 ( * ) . Outre le caractère difficilement compréhensible des conditions de l'exonération (dont les différentes définitions sont précisées sur le site internet de l'URSSAF), il en résulte surtout une restriction du champ de celle-ci.
Les embauches en ZRR, lorsqu'elles ne correspondent pas à un accroissement d'activité, ne donnent donc pas lieu à exonération . Cette restriction n'apparaît pas toujours adaptée aux problématiques des territoires ruraux dans lesquels les acteurs peinent parfois à conserver le niveau d'emploi existant. Outre le fait qu'il s'agit d'une source de complexité non négligeable pour les entreprises, les rapporteurs considèrent que cette mesure n'est pas suffisamment adaptée pour permettre la préservation de l'emploi en milieu rural. Ainsi, tout en recentrant l'exonération sur certains secteurs prioritaires , celle-ci devra pouvoir être étendue, sous conditions, aux nouvelles embauches . Un équilibre devra être trouvé pour sécuriser ce dispositif. Il faudra, en effet, limiter les effets d'aubaines et ne pas fournir d'incitation au licenciement sans pour autant que les entreprises ou les OIG concernés ne doivent remplir de formalités trop complexes qui freineraient le recours au dispositif.
La deuxième remarque concerne les niveaux de rémunération pour lesquels les exonérations ZRR s'appliquent. Comme cela a été détaillé plus haut dans le rapport, ils ont été rendus moins compétitifs par la hausse des allègements de droit commun. Ce niveau n'est pas adapté à l'emploi rural, ou plus de la moitié des embauches sont réalisées à un niveau inférieur à 1,2 SMIC. Il est donc nécessaire de recentrer cette exonération de cotisations patronales sur des niveaux de rémunération plus en phase avec les besoins des territoires ruraux.
b) Mettre en place un accompagnement renforcé pour les territoires les plus fragiles
Les rapporteurs considèrent que les dispositifs associés au nouveau classement devront être particulièrement renforcés pour les territoires les plus fragiles .
L'activité dans les territoires ruraux les plus fragiles pourrait être confortée au moyen d'un fonds d'intervention spécifique , destiné à soutenir l'implantation et le maintien d'activités.
Le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) constituait pourtant un outil indispensable de soutien à l'économie des territoires les plus fragiles . Après une longue période de baisse de sa dotation (passée de 78 millions d'euros en 2010 à 16 millions d'euros en 2016, soit une baisse de près de 80 %), il a toutefois été placé en « gestion extinctive » en 2019.
Les priorités du Fisac, des objectifs en phase avec les besoins de la ruralité En milieu rural, les priorités retenues pour le financement de projets d'opérations collectives concernaient à la fois la modernisation et l'accessibilité des entreprises de proximité et la création et la modernisation des halles et marchés couverts pouvant jouer le rôle de « locomotive commerciale » au profit des commerces environnant. Pour les opérations individuelles, les projets retenus portaient sur la création, la modernisation, l'accessibilité et la sécurisation des commerces multiservices et du dernier commerce du secteur d'activité concerné . Le champ d'intervention du Fisac a été étendu en 2016 à la création et à la modernisation des stations-services . Cette extension du champ d'intervention correspond à l'intégration au sein du FISAC des activités de soutien anciennement portées par le Comité Professionnel de Distribution des Carburants (CPDC), supprimé en loi de finances pour 2015. |
L'extinction du Fisac a représenté un désengagement important de la part de l'État dans son soutien à des projets essentiels à la vitalité des territoires ruraux. Le soutien direct de l'État à l'activité des territoires les plus fragiles doit demeurer un objectif prioritaire et participe de son rôle de péréquation entre les territoires.
Les rapporteurs considèrent qu'il est nécessaire de mettre en place un fonds destiné à soutenir l'activité dans les territoires cartographiés comme prioritaires (ZRR-3) afin d'accompagner des projets menacés ou des activités en péril.
Le renforcement des moyens d'intervention pourra en particulier concerner le niveau des dotations assurant la péréquation en faveur des territoires ruraux. Le mécanisme de majoration de la dotation de solidarité rurale, fraction « bourg-centre », doit être maintenu et même élargi . Cette majoration pourrait être étendue à la DSR dans son ensemble et non pas seulement appliquée à la seule fraction « bourg-centre ».
Entre les différents niveaux de zonage, le coefficient multiplicateur de la dotation pourrait ainsi être progressif. Il dépendrait du niveau de zonage auquel sont qualifiés les territoires. La majoration de 30 % pourrait ne s'appliquer que pour les communes de ZZR-1 et le taux pouvant être porté à 40 % voire 50 % pour les territoires plus fragiles ZRR-2 et ZRR-3 . Ces majorations pourraient également concerner la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Proposition n° 5 : mettre en place un panel de mesures dont l'ampleur serait adaptée à chaque niveau de zonage. Des moyens renforcés devront être consacrés aux territoires les plus fragiles sur la base des différents leviers identifiés par les rapporteurs : 1. des exonérations fiscales facilitant l'installation, la reprise et le maintien de l'ensemble des secteurs d'activité ; 2. des exonérations de cotisations patronales mieux ciblées sur les niveaux de revenus appropriés et la suppression de la condition d'augmentation nette d'effectif afin d'étendre le dispositif à toute nouvelle embauche ; 3. la création d'un fonds spécifique aux ZRR accordant des aides directes aux entreprises localisées dans les territoires les plus fragiles ; 4. une bonification de la dotation globale de fonctionnement, en particulier de la dotation de solidarité rurale, et une majoration des dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales proportionnées à la fragilité des territoires concernés. |
2. Mieux accompagner l'ensemble des acteurs concernés par les ZRR et assurer le pilotage ainsi que l'évaluation du dispositif
a) Organiser l'accompagnement des acteurs au niveau local
Les personnes rencontrées par les rapporteurs lors de leurs déplacements ont parfois fait état d'une méconnaissance des dispositifs associés au zonage ZRR . Aussi bien les entrepreneurs que les petits-commerçants, médecins ou infirmiers qui s'installent n'ont pas toujours une bonne connaissance du dispositif et des droits qui y sont associés .
Les rapporteurs considèrent que cette méconnaissance nuit fortement à l'efficacité des ZRR. Ce dispositif a vocation à rendre plus attractive l'implantation dans les territoires ruraux et il est particulièrement regrettable que même des personnes ayant déjà fait le choix de l'installation n'en aient pas connaissance . Il est donc fort probable qu'un grand nombre de renoncements à des projets d'implantation ou de reprise soient faits en méconnaissance du dispositif.
Améliorer la connaissance du dispositif doit donc constituer un axe indispensable pour en améliorer l'efficience . Pour ce faire, il est nécessaire d'impliquer davantage les élus locaux, les réseaux consulaires et les experts comptables dans la diffusion de l'information. Il est indispensable d'informer les potentiels bénéficiaires en amont de leur décision d'installation afin que ce « plus » devienne un élément déterminant de leur choix.
En effet, lorsqu'une demande d'exonération fiscale est effectuée par le contribuable en amont de l'installation ou de la reprise d'une activité, l'absence de réponse sous trois mois de l'administration vaut accord tacite 99 ( * ) . Si la demande est formulée après l'installation ou la reprise, l'administration fiscale dispose de six mois et l'absence de réponse ne vaut pas acceptation. Les bénéficiaires potentiels ont donc tout intérêt à formuler leur demande en amont de leur décision mais cette information n'est malheureusement que très peu relayée.
Les services de l'État doivent donc être pleinement impliqués, en premier lieu le réseau des directions départementales des finances publiques (DDFiP) . Celles-ci devront être plus réactives pour répondre rapidement aux demandes et mieux orienter et accompagner les intéressés.
Les exonérations d'impôt ne doivent pas être perçues par les services de l'État comme une perte de recettes à éviter mais au contraire comme un moyen de renforcer l'attractivité du territoire, susceptible de soutenir l'activité et les créations d'emplois . Les services de l'État doivent dès à présent être en mesure de mieux accompagner les projets de reprise ou d'installation .
Les demandes concernant l'éligibilité d'un projet, formulées par les bénéficiaires potentiels qui se sont déjà installés, doivent faire l'objet d'une réponse rapide de la part des services fiscaux, afin de sécuriser les projets d'implantation . Le délai de réponse actuel, qui laisse six mois pour fournir une simple réponse concernant l'éligibilité au dispositif est inadapté pour un dispositif dont l'objectif est de renforcer l'attractivité du territoire.
Pour améliorer les procédures et les rendre plus rapides, les rapporteurs considèrent que la mise en place d'un formulaire de demande d'exonération simplifié est indispensable. Les services fiscaux pourront ainsi répondre dans des délais réduits pour donner de la visibilité aux porteurs de projet et garantir l'efficacité du dispositif.
Les rapporteurs proposent un délai maximal de deux mois, l'instruction des demandes d'exonérations ne supposant aucune difficulté particulière .
Enfin, pour que les porteurs de projets puissent disposer d'un interlocuteur identifié lors de leurs démarches, il apparaît indispensable de procéder à la désignation d'un référent ZRR dans chaque département concerné. De ce point de vue, les réductions de personnel dans les DDFiP risquent de peser sur l'accompagnement et la réactivité du service. La désignation d'un interlocuteur unique semble ainsi d'autant plus indispensable .
b) Clarifier la gouvernance du dispositif et assurer son évaluation
Les rapporteurs regrettent qu'aucune évaluation exhaustive de l'efficacité et de l'efficience du zonage ZRR sur le développement rural ne soit disponible à l'heure actuelle, alors même que cette critique est formulée par les parlementaires et plusieurs inspections administratives depuis au moins 2014. Ils considèrent que ce manque conduit à minimiser l'importance du zonage pour le développement des territoires.
Dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, le CGET a d'ailleurs indiqué qu'il n'existe « pas de dispositif de suivi annuel de l'ensemble des mesures concernant les ZRR ». Selon l'administration, cette situation résulte de la multiplicité des dispositifs, de l'absence d'un responsable de l'ensemble des mesures attachées au zonage 100 ( * ) et du fait que certaines mesures concernent plusieurs types de zonages, ce qui ne permet pas d'isoler spécifiquement la part relevant des ZRR 101 ( * ) .
Déjà en 2014, le rapport IGA-CGAAER-CGEDD-IGAS ainsi que le rapport des députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier soulignaient un manque d'évaluation interministérielle en continu du dispositif ainsi qu'une insuffisante liaison avec les associations de collectivités territoriales .
Concernant la politique de la ville, un Observatoire national a été mis en place dès 2003 pour les zones urbaines sensibles (ZUS) 102 ( * ) et renforcé en 2011. Aussi, les rapporteurs rappellent que la mise en place d'un Observatoire des ZRR , qui pourrait faire l'objet d'une section dédiée au sein de l'Observatoire des territoires, demeure nécessaire pour assurer le suivi et l'évaluation du zonage et des mesures associées au classement en ZRR.
Élément relevé dans la quasi-totalité des rapports écrits sur ce sujet depuis plus de dix ans, le portage institutionnel des ZRR apparaît également perfectible. Aussi, les rapporteurs jugent urgent de clarifier les responsabilités de chaque administration, à l'échelon central et déconcentré, dans l'accompagnement des élus et des acteurs concernés par les ZRR. Ce point est essentiel pour adapter la réponse publique aux difficultés de chaque espace rural.
Déjà en 2014, le rapport des inspections IGA-CGAAER-CGEDD-IGAS soulignait une insuffisante liaison entre le CGET et les services déconcentrés de l'État, en l'attribuant notamment à la faiblesse des moyens consacrés sur ce sujet par le CGET (0,5 ETP).
Alors que la loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui avait été largement enrichie en première lecture au Sénat (voir encadré) , est entrée en vigueur cet été 103 ( * ) et que son décret d'application devrait paraître au mois de novembre, la question du rôle de cet opérateur national dans la gestion des ZRR est posée de même que celle de ses délégués territoriaux, les préfets de département.
Agence nationale de la cohésion des territoires : les apports du Sénat L'examen de la proposition de loi déposée par le Président Jean-Claude Requier et les membres du groupe RDSE 104 ( * ) en première lecture au Sénat a permis de conforter la future ANCT dans son rôle de mise en oeuvre de la politique de l'État en matière d'aménagement du territoire et d'orienter son action dans le sens d'une meilleure prise en compte des fragilités des territoires ruraux . Sur le rapport de Louis-Jean de Nicolaÿ 105 ( * ) , la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a apporté plusieurs évolutions au texte initial afin de : - renforcer le poids des élus locaux dans la gouvernance de l'agence , en instaurant la parité au sein de son conseil d'administration, entre les représentants de l'État et de ses établissements publics d'une part, et les représentants des élus locaux et nationaux ainsi que des agents de l'établissement, d'autre part (article 3) ; - créer un comité local de la cohésion territoriale (article 5) visant à renforcer l'information et l'association des élus locaux aux actions de l'agence dans les territoires, en particulier à l'échelle départementale ; - prévoir que les conventions pluriannuelles conclues par l'agence avec d'autres établissements publics de l'État seront transmises au Parlement , pour lui permettre d'exercer sa mission constitutionnelle de contrôle et d'évaluation de l'action du Gouvernement (article 7) ; - garantir la prise en compte des territoires les plus fragiles dans les champs d'intervention de l'agence , en incluant notamment des précisions portant sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ou encore le maintien des services publics (article 2), sujets essentiels sur lesquels le rapporteur Rémy Pointereau s'est beaucoup investi ces derniers mois ; - assurer le succès de l'agence et la transparence de son fonctionnement , en créant un cadre juridique propice au développement de ses capacités d'intervention (article 6 bis ) et en codifiant les dispositions de cette proposition de loi au sein du code général des collectivités territoriales. Au cours de l' examen en séance , les sénateurs ont adopté plusieurs amendements visant à : - préciser que l'action de l'ANCT cible prioritairement les territoires caractérisés par des difficultés en matière démographique et économique , sujet sur lequel le rapporteur Bernard Delcros s'était particulièrement mobilisé ; - réaffirmer que l'exercice des missions de cette agence ne peut se concevoir sans une articulation étroite avec l'intervention des collectivités territoriales et notamment les régions, au regard de leurs compétences en matière d'aménagement et de cohésion territoriale ; - préciser que les EPCI pourront également saisir l'agence , au même titre que les communes, les départements ou les régions ; - permettre une meilleure représentation des élus au sein du conseil d'administration, en leur donnant une majorité en cas de partage des voix avec les représentants administratifs. Par ailleurs, afin de compléter la proposition de loi définissant les missions, le cadre et les modalités d'intervention de l'ANCT, les présidents Hervé Maurey et Jean-Claude Requier ont souhaité déposer une proposition de loi organique pour prévoir audition, en application de l'article 13 de la Constitution, du futur directeur général pressenti de l'agence par les commissions compétentes de chaque assemblée. 106 ( * ) |
Le succès du nouveau zonage dépendra avant tout de la mobilisation des différents acteurs publics pour soutenir les porteurs de projets. Si les élus des territoires doivent jouer un rôle charnière dans l'accompagnement des bénéficiaires du dispositif, il semble indispensable de mettre en place un pilotage national et territorial, afin de coordonner l'action de l'État en faveur de la ruralité.
La création de l'ANCT tend, en effet, à modifier le paysage institutionnel en matière de politique d'aménagement du territoire. Centre d'appui et d'ingénierie pour les collectivités territoriales et leurs groupements, l'agence a également vocation à accompagner les territoires en difficulté qui cherchent à restaurer ou maintenir leur attractivité. Sur ce point, le lien étroit entre la future agence et les opérateurs de l'État intervenant sur des périmètres connexes ou complémentaires doit permettre d'apporter des réponses adaptées à chaque situation locale, en mobilisant les ressources appropriées. Ce soutien renforcé aux communes les plus fragiles pourra être financé par les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) , qui doit renforcer son action en faveur de l'ingénierie territoriale 107 ( * ) , comme le soulignait le rapporteur Bernard Delcros en 2016.
Dès lors, les rapporteurs attirent l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'une part, de définir précisément les rôles de la future ANCT et de l'administration centrale du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales pour le pilotage des ZRR et, d'autre part, d' associer étroitement les services déconcentrés de l'État à la mise en oeuvre et à l'évaluation des mesures liées au classement en ZRR.
Proposition n° 6 : clarifier la gouvernance de la politique de l'État en matière de ZRR, en confiant à la future ANCT un rôle d'animation territoriale, et créer une section dédiée au suivi des ZRR au sein de l'Observatoire des territoires. RÉSUMÉ Dans un pays où 53 % des communes comptent moins de 500 habitants , les rapporteurs considèrent que les ZRR ont nécessairement vocation à couvrir un périmètre large . Toutefois, ce vaste périmètre d'intervention doit être concilié avec une approche plus fine, plus qualitative du zonage , associée à un panel de mesures de soutien ciblées. Ils souhaitent ainsi qu'une réforme du dispositif permette : - de remédier à des situations contestables issues de la loi NOTRe , en portant l'attention sur l'hétérogénéité et la diversité des situations des communes au sein des intercommunalités ; - d' adapter le zonage à la dimension territoriale des projets des collectivités territoriales ; - de mettre en place des mesures différenciées pour correspondre à la diversité des situations des territoires ruraux. Aussi, les rapporteurs souhaitent constituer un nouveau zonage en distinguant trois niveaux ZRR 1 / ZRR 2 / ZRR 3 , représentant chacun des degrés de fragilités différents et à partir desquels des mesures différenciées seraient mises en place pour soutenir le développement des territoires concernés. Six critères seront utilisés, dont un critère principal de densité démographique et cinq critères secondaires et alternatifs. L'objectif des exonérations d'impôt, qui ont représenté 144,5 millions d'euros pour 24 000 bénéficiaires en 2018 , soit une hausse de 17 % du nombre de bénéficiaires par rapport à 2017, est de compenser le différentiel d'attractivité que subissent les territoires ruraux. Les rapporteurs considèrent que cette mesure devra être maintenue dans le nouveau zonage ZRR 1 / 2 / 3, compte tenu de ses effets positifs sur l'attractivité des territoires ruraux, et même renforcée en ZRR 3 pour les territoires les plus fragiles. En second lieu, le renforcement des allègements généraux a contribué à rendre les allègements ZRR de moins en moins compétitifs pour les tranches de salaire les moins élevées, de sorte que cette exonération n'apparaît plus en phase avec les besoins des territoires ruraux. Les rapporteurs recommandent de réviser cette mesure pour l'adapter à l'emploi en milieu rural . En troisième lieu, le dispositif actuel comprend un volet de majoration de dotation . Depuis 2005, la fraction bourg-centre de la dotation de solidarité rurale (DSR) a été majorée de 30 % pour les communes situées en ZRR. Elle représente aujourd'hui un gain de 35 millions d'euros pour 2 434 communes. Cette mesure doit être maintenue et rendue progressive en fonction du zonage. Quatrième point, les rapporteurs rappellent que plusieurs dispositifs sectoriels dépendent du zonage ZRR , par exemple une majoration des financements attribués par les agences de l'eau ou encore une bonification du financement des agences postales communales. Le zonage ZRR a donc vocation à constituer un zonage de référence pour coordonner l'ensemble des actions de l'État et des opérateurs présents dans les territoires ruraux. Enfin, compte tenu de la disparition engagée du FISAC , les rapporteurs considèrent qu'il est indispensable de disposer d'un fonds d'intervention spécifique permettant d'accorder des aides directes pour les activités menacées en ZRR3. D'ici au 31 décembre 2020, les rapporteurs souhaitent qu'une réforme des ZRR soit mise en oeuvre à partir des leviers qu'ils ont pu identifier. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d'une étude, permettront de chiffrer les mesures proposées par les rapporteurs et de définir les seuils les plus adaptés aux besoins des territoires ruraux. |
* 98 https://www.urssaf.fr/portail/home/employeur/beneficier-dune-exoneration/exonerations-ou-aides-a-caracter/les-zones-de-revitalisation-rura/conditions.html .
* 99 Garantie prévue au 2° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
* 100 Certaines mesures (exonérations facultatives de fiscalité locale) sont sur initiatives des collectivités (communes ou EPCI) et il n'existe pas de compilation de ces décisions. Pour les mesures fiscales relevant de l'État, le secret statistique ne permet pas de disposer de données locales. Compte tenu du nombre parfois très réduit de bénéficiaires des mesures d'exonération, renseigner des données communales reviendrait de fait à livrer des informations placées sous le sceau du secret fiscal.
* 101 Exemple de l'exonération de Cotisation foncière des entreprises (CFE) - Article 1464 B et C du CGI - qui concerne les AFR, les ZRR mais aussi l'ensemble du territoire pour les reprises d'établissements auprès d'une entreprise en difficulté (article 44 septies du CGI). La codification informatique ne permet pas d'isoler la part des ZRR dans le dispositif.
* 102 Créée par l'article 3 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et placée auprès du ministre chargé de la Ville, cette instance est chargée d'améliorer la connaissance des territoires concernés, notamment en termes de statistiques, et d'évaluer les politiques publiques qui y sont menées en termes de moyens et d'impact. L'organisation de l'ONZUS, initialement composée d'un Conseil d'orientation et d'un secrétariat permanent qui est assuré par le Secrétariat général du Comité interministériel des villes, a été complétée, le 1 er juin 2011, par un Conseil scientifique, est chargée de s'assurer de la qualité scientifique des travaux produits. L'ONZUS n'a pas de crédits budgétaires en propre mais finance ses études sur le budget consacré aux études du Secrétariat général du Comité interministériel des villes (1,86 million d'euros en 2013), de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
* 103 Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.
* 104 Texte n° 2 (2018-2019), déposé au Sénat le 2 octobre 2018.
* 105 Rapport n° 98 (2018-2019) de Louis-Jean de Nicolaÿ, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 31 octobre 2018.
* 106 Loi organique n° 2019-790 du 26 juillet 2019 relative à la nomination du directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.
* 107 Rapport d'information n° 838 (2015-2016) de Bernard Delcros, Repenser le FNADT en faveur du développement rural.