III. DÉVELOPPER LES AUTRES MODALITÉS DE SOUTIEN AU TRANSPORT AÉRIEN
A. VERS UNE MEILLEURE GESTION DES AÉROPORTS FRANÇAIS
1. Une décentralisation massive des aéroports
Le paysage aéroportuaire français a lui aussi été profondément rénové au cours des deux dernières décennies . Bien que les collectivités territoriales ou d'autres personnes publiques aient de longue date créé de nombreuses plateformes aéroportuaires, l'État était jusqu'en 2005 propriétaire d'un grand nombre de structures.
Sur ces plateformes, toutefois, les crédits accordés par l'État avaient graduellement diminué et l'équilibre n'était assuré que grâce aux financements apportés par les collectivités territoriales.
Les années 2000 ont donc été l'occasion d'une grande vague de décentralisation des aéroports , afin de mettre la propriété en cohérence avec la réalité des financements :
- en 2003, la Collectivité territoriale de Corse s'est vu transférer la propriété des quatre aéroports commerciaux de l'île 40 ( * ) ;
- en 2007, 150 aéroports ont été transférés aux collectivités territoriales 41 ( * ) .
Les plateformes aéroportuaires transférées forment un ensemble contrasté, allant de terrains en herbe à des aéroports recevant annuellement plus d'un million de passagers. Un tiers de ces aéroports était géré en régie directe par l'État, le deuxième tiers avait fait l'objet d'une délégation de service public, tandis que le dernier tiers avait donné lieu à des transferts de compétences à une collectivité territoriale par voie conventionnelle, sans transfert de propriété.
Le transfert de propriété décidé en 2004 s'est accompagné d'un transfert de compétences , s'étendant à l'aménagement, à l'entretien et à la gestion des aérodromes. La collectivité bénéficiaire du transfert est chargée de :
- la définition de la stratégie de développement de l'aérodrome ;
- la détermination du régime d'exploitation ;
- l'organisation et le financement de la plateforme 42 ( * ) .
Au global, 19 plateformes aéroportuaires ont été transférées à des régions seules ou au sein d'un groupement, 29 à des départements seuls ou au sein d'un groupement, 61 à des groupements de communes et 41 à des communes 43 ( * ) .
Après cette première phase de décentralisation des aéroports, la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a inséré à l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales la possibilité pour les métropoles de demander le transfert de la propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion de grands équipements et infrastructures, ce qui inclut les aérodromes. De même, l'article 26 de cette même loi a créé à l'article L. 3641-7 du même code une faculté identique pour la métropole de Lyon.
Enfin, la loi n° 5015-991 portant nouvelle organisation territoriale de la République , dite loi NOTRe , a pérennisé la possibilité de transférer au cas par cas les aérodromes d'intérêt local aux collectivités territoriales . Nos anciens collègues Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, rapporteurs du projet de loi NOTRe , faisaient ainsi état d'un inachèvement de la décentralisation des aéroports, qui rendait nécessaire la pérennisation d'une telle possibilité pour aboutir à une bonne organisation des aérodromes au niveau local 44 ( * ) . L'article L. 6311-1 du code des transports dispose désormais que « tout aérodrome appartenant à l'État [à l'exception des aéroports de Paris et de l'aéroport de Bâle-Mulhouse] qui n'est pas nécessaire à l'exercice des missions de l'État est transféré à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales qui en a fait la demande, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État ».
Cet article est toutefois toujours inapplicable aujourd'hui car le décret d'application n'a pas encore été pris. Or, des demandes émergent sur les territoires : c'est notamment le cas pour l'aéroport de Tours Val-de-Loire. Selon les informations recueillies par votre rapporteure, les administrations centrales travaillent aujourd'hui à la publication du décret en question.
Proposition n° 10 : Permettre la décentralisation d'aérodromes d'intérêt local, en publiant le décret d'application de l'article L. 6311-1 du code des transports. |
2. Optimiser la gestion des aéroports par les collectivités territoriales
De la même manière que pour les aides apportées aux compagnies aériennes, les aides aux aéroports doivent respecter les règles européennes en matière d'aides d'État.
Régime juridique des aides d'État aux aéroports Le droit européen en matière d'aides d'État aux aéroports a été clarifié en 2014, avec la publication des lignes directrices sur les aides d'État aux aéroports et aux compagnies aériennes (2014/C 99/03). Ces lignes directrices offrent aux États membres une souplesse accrue pour l'octroi d'aides à l'investissement qu'ils jugent nécessaires aux aéroports régionaux. En outre, des aides au fonctionnement peuvent être accordées pendant une période transitoire de 10 ans aux aéroports comptant moins de 3 millions de passagers. Les aéroports de moins de 700 000 passagers peuvent bénéficier d'aides au fonctionnement, indépendamment de toute période transitoire. Sur le fondement de ces nouvelles lignes directrices, la France a notifié deux régimes cadres d'aides d'État aux aéroports : un dispositif d'aide au financement des investissements des aéroports français de moins de 3 millions de passagers, et un dispositif d'aide à l'exploitation des aéroports français de moins de 3 millions de passagers. La Commission européenne les a approuvés, considérant que ces régimes d'aides « favorisent la connectivité régionale sans induire une distorsion indue de la concurrence dans le marché unique ». Enfin, le règlement (UE) 2017/1084 de la Commission du 14 juin 2017 modifiant le règlement (UE) n° 651/2014 en ce qui concerne les aides aux infrastructures portuaires et aéroportuaires, les seuils de notification applicables aux aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine et aux aides en faveur des infrastructures sportives et des infrastructures récréatives multifonctionnelles, ainsi que les régimes d'aides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques, et modifiant le règlement (UE) n° 702/2014 en ce qui concerne le calcul des coûts admissibles a apporté de nouvelles souplesses, puisqu'il a exempté de notification les aides publiques à l'investissement applicables aux aéroports d'un trafic annuel inférieur à 3 millions de passagers, allégé les critères de compatibilité de ces aides avec les règles du marché et offert plus de possibilité aux petits aéroports d'un trafic inférieur à 200 000 passagers de couvrir au moyen de ressources publiques l'intégralité du déficit de financement de leurs projets. |
a) Adapter les services rendus aux attentes des passagers et des compagnies
Les collectivités propriétaires des aéroports sont libres de définir les modalités de gestion de leur aéroport.
Comme l'indique l'article L. 6321-2 du code des transports, lorsqu'un aérodrome est exploité directement par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, le droit applicable est celui applicable aux services publics locaux.
À l'inverse, lorsque la gestion est déléguée à une structure de droit privé, le code des marchés publics n'est pas applicable et les personnes en charge de la direction des aéroports peuvent être des professionnels du secteur.
À titre d'exemple, la communauté d'agglomération du bassin d'Aurillac (CABA) a fait le choix d'une gestion en régie , tandis que le syndicat mixte propriétaire de l'aéroport de Rodez délègue la gestion à une société d'économie mixte .
• Dépenses d'investissement
Concernant les dépenses d'investissement, la tentation peut être d'augmenter les redevances perçues pour pouvoir financer de nouveaux investissements (maintenance des pistes et des équipements, etc .). En augmentant ces redevances toutefois, les aéroports deviennent moins attractifs pour les compagnies aériennes et voient en conséquence leurs recettes diminuer.
Ryanair a par exemple indiqué à votre rapporteure que les critères déterminant les plateformes que la compagnie décidait de desservir étaient le prix potentiel des billets, la distance et l'existence d'alternatives modales, et les taxes en vigueur. Deux de ces critères tiennent ainsi compte des redevances aéroportuaires.
L'exemple de l'aéroport de Mayotte est ici significatif : avec la départementalisation du territoire en 2011, les normes européennes sont devenues applicables. La mise aux normes a coûté très cher. Pour la financer, l'aéroport a été contraint d'augmenter ses redevances, ce qui pénalise aujourd'hui le développement du territoire car l'aéroport a perdu en attractivité. La piste est toutefois encore trop courte pour permettre l'atterrissage de tous types d'avion. Le contrat de convergence et de transformation signé le 8 juillet dernier prévoit la réalisation d'études techniques pour l'extension de la piste, prenant en compte les nouvelles conditions sismiques et volcaniques de Mayotte. Une piste plus longue permettra, certes, de développer la concurrence entre les compagnies desservant Mayotte mais ne devra pas se traduire par une hausse immodérée des redevances aéroportuaires.
La participation des acteurs publics peut donc s'avérer indispensable . C'est le cas à Mayotte dans le cadre du contrat de convergence et de transformation, mais également à Aurillac, où, en complément des crédits apportés par la communauté d'agglomération et le département, la région Auvergne Rhône Alpes a réaffirmé son soutien à l'aéroport d'Aurillac jusqu'en 2021, dans le cadre du Pacte Cantal 45 ( * ) .
En ce qui concerne le financement de ces investissements, votre rapporteure souhaite souligner que les dotations d'investissements (dotation d'équipement des territoires ruraux - DETR ; dotation de soutien à l'investissement local - DSIL, etc .) peuvent prendre en charge une partie des opérations d'équipement.
Un équilibre doit donc être trouvé dans les investissements réalisés, en prenant en compte les potentiels crédits publics apportés, pour permettre à la fois un niveau de service correct aux passagers et aux compagnies aériennes, et un coût de touchée de l'aéroport attractif pour les compagnies, ou, a minima , proportionné au service rendu .
Comme l'ont indiqué plusieurs interlocuteurs à votre rapporteure, dans les petits aéroports, les compagnies n'attendent pas un niveau de service très élevé . L'important est que les services de base soient assurés et les coûts raisonnables.
ILS et GNSS Aujourd'hui, les procédures d'approche d'un avion pour l'atterrissage peuvent être réalisées au moyen de deux types d'instruments alternatifs : - soit un système d'atterrissage aux instruments (ILS - Instrument Landing System). Il s'agit d'un moyen de radio-navigation utilisé pour l'atterrissage des aéronefs qui nécessite une aide à la navigation au sol, pour laquelle l'entretien de l'appareil coûte entre 80 000 et 140 000 € par an ; - soit un système de navigation par satellites (GNSS - Global Navigation Satellite System). Plus récent et autonome, ce système nécessite à la fois une définition de la route d'atterrissage par l'aéroport, la formation des équipages ainsi que l'équipement des avions. En rendant inutile le maintien d'un ILS au sol, le GNSS embarqué représente une économie pour les infrastructures au sol. Depuis 2016, la direction des services de la navigation aérienne a fait le choix de rationaliser les ILS, en déployant concomitamment les procédures GNSS. La rationalisation a conduit à ce que la propriété de certains ILS, comme celui de l'aéroport de Rodez par exemple, soient transférés aux aéroports, avec le coût d'entretien afférent. Or, tous les appareils et les équipages ne sont pas encore qualifiés pour ce type de procédure . C'est souvent le cas des avions opérant sur des lignes d'aménagement du territoire, car le cadre peu attractif n'encourage pas à la modernisation des appareils. Les aéroports qui accueillent ce type de compagnies sont obligés de financer l'entretien de l'ILS, et donc d'ajuster en conséquences les redevances. |
• Dépenses de fonctionnement
En matière de fonctionnement, l'équilibre d'un aéroport dépend de son activité. En dessous de 200 000 passagers par an, l'équilibre d'exploitation est difficile à atteindre. Comme l'a indiqué l'Union des aéroports français au cours de son audition, les petits aéroports sont généralement bien gérés. Leur déficit est structurel.
Pour ceux-ci, de bonnes pratiques gagneraient toutefois à être diffusées . À titre d'exemple, l'aéroport de Caen a décidé de mutualiser ses services : les pompiers sont ainsi également agents d'entretien, etc . L'aéroport de Rodez a quant à lui externalisé la sécurité civile, considérant que le suivi des évolutions de normes dans ce domaine constituait un métier à part entière.
En suivant cette logique, les coûts de l'aéroport diminuent. Cela peut être répercuté sur les redevances perçues .
Sur l'ensemble de ces sujets, les collectivités propriétaires d'aéroports rencontrées par votre rapporteure sont toutes demandeuses d'informations sur d'autres pratiques de gestion. Un observatoire des bonnes pratiques pourrait ainsi être mis en place, qui s'intéresserait à la fois aux modalités de gestion, aux coûts de touchée et à leurs justifications.
Proposition n° 11 : Mettre en place un observatoire des modalités de gestion et des coûts de touchée des aérodromes appartenant à des collectivités territoriales. |
b) Impliquer le plus grand nombre de collectivités territoriales dans la bonne gestion de l'aéroport
La collectivité propriétaire de l'aéroport n'est souvent pas la seule bénéficiaire de cette infrastructure. Pour cette raison, les aéroports sont souvent propriété de syndicats mixtes associant l'établissement public de coopération intercommunale, le département, parfois la région, et la chambre de commerce et d'industrie.
Un tel modèle permet aux différents acteurs d'entrer plus facilement au capital de l'aéroport et de participer à la couverture des charges induites par une telle infrastructure.
Il s'agit en outre d'une voie de progrès pour la gestion de l'aéroport puisque lorsque les collectivités possèdent plusieurs aéroports, elles peuvent construire une compétence et la mutualiser entre les différentes plateformes.
Le Gouvernement s'est ainsi engagé, dans sa stratégie nationale du transport aérien 2025, à « simplifier les interventions financières des collectivités auprès des exploitants d'aéroport en établissant des règles nationales de mise en oeuvre du cadre européen ».
Comme l'indique l'article L. 6311-2 du code des transports, « toute personne de droit public ou de droit privé peut créer, aménager et exploiter tout autre aérodrome ». Les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics peuvent donc participer, seuls ou conjointement avec d'autres acteurs, à la gestion ou à l'exploitation d'un aéroport 46 ( * ) .
Toutefois, lorsque la collectivité n'est ni propriétaire, ni gestionnaire, ni exploitante de l'aéroport, la question de sa participation financière peut interroger . Les régions peuvent s'appuyer sur leurs compétences en matière d'aménagement du territoire et de développement économique 47 ( * ) , les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre sur leurs compétences en matière de zones d'activité aéroportuaire 48 ( * ) . À l'inverse, les interventions du département apparaissent plus fragiles . Lorsque l'aéroport a un caractère touristique, les interventions du département peuvent s'appuyer sur sa compétence en matière de tourisme 49 ( * ) . Lorsque ce n'est pas le cas cependant, ses interventions en faveur des aéroports ne peuvent s'appuyer que sur les possibilités qui lui sont accordées par l'article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales, qui lui permet de « contribuer au financement des projets dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements, à leur demande », ou sur sa qualité de chef de file de la solidarité territoriale 50 ( * ) , qui n'est toutefois pas définie par la loi. La possibilité d'intervenir en matière aéroportuaire pourrait être un début de définition de cette compétence, que les départements réclament aujourd'hui.
Proposition n° 12 : Mieux reconnaître les compétences des départements en matière aéroportuaire pour sécuriser leurs interventions en faveur des aéroports de désenclavement situés sur leur territoire. |
c) Intégrer l'aéroport dans son environnement immédiat
Afin que l'ensemble du territoire puisse bénéficier du développement économique lié à l'aéroport, les collectivités doivent s'assurer de la bonne desserte de l'aérodrome. Pour ce faire, une action commune de tous les niveaux de collectivités est nécessaire : la collectivité propriétaire ou gestionnaire de l'aéroport n'est ainsi pas nécessairement l'autorité organisatrice de la mobilité sur le territoire ou la collectivité compétente en matière de petites lignes ferroviaires.
Assurer la complémentarité des modes de transports est indispensable . Le fait par exemple que l'aéroport de Toulouse ne soit pas relié à un métro paraît souvent incompréhensible aux passagers de la zone de chalandise de cet aéroport.
Un aéroport ne sert en effet pas seulement à générer du trafic, mais également à accroître le développement économique du territoire. Pour ce faire, l'aéroport doit être bien intégré dans son environnement immédiat, et les collectivités travailler à sa visibilité sur le territoire.
Comme l'a indiqué l'Union des aéroports français à votre rapporteure, les collectivités propriétaires ou gestionnaires de l'aérodrome auraient tout intérêt à coordonner la « force de vente » de leur territoire pour renforcer leur aéroport , mettant à profit le fait que la compétence touristique est une compétence partagée entre l'ensemble des collectivités territoriales.
Proposition n° 13 : Encourager les autorités organisatrices de la mobilité à assurer la bonne desserte des aérodromes et à coordonner leurs actions de promotion du territoire, notamment en matière économique et touristique |
3. Vers une stratégie aéroportuaire au niveau régional ?
On dénombre aujourd'hui 550 aéroports en France, dont 460 dans l'hexagone .
De manière générale, les infrastructures aéroportuaires jouent un rôle clef dans le développement de l'activité économique par l'implantation ou le maintien d'entreprises, du tourisme et de la mobilité. Elles facilitent également le désenclavement de certains territoires peu ou mal desservis par la route ou le rail.
Les aéroports n'ont pas tous la même vocation, et ne sont pas tous destinés à accueillir des passagers de vols commerciaux. Ils peuvent ainsi être distingués en fonction de leur taille et de leur vocation 51 ( * ) :
- les aéroports parisiens, tout d'abord, sont de rang mondial et constituent un hub international. Ils gagnent 7 millions de passagers tous les deux ans, ce qui représente le nombre de passagers annuels d'un aéroport régional important ;
- les grands aéroports régionaux, ensuite, se sont fortement développés avec l'ouverture du ciel européen, et ont des perspectives de croissances importantes du fait du développement des liaisons transversales et de la sortie prochaine d'un avion de 200 places capable de réaliser des liaisons transatlantiques ;
- les plus petits aéroports, enfin, peuvent avoir des vocations très diverses : touristiques, d'aménagement du territoire, mais également de plus petits terrains pouvant être destinés à la formation aéronautique 52 ( * ) , à la petite aviation d'affaires, au loisir, etc .
Pour la gestion de ces aéroports, la stratégie nationale du transport aérien 2025 donne un rôle actif aux régions , qui, dans le cadre de leur qualité de cheffe de file en matière d'aménagement du territoire et de leurs compétences dans le domaine du développement économique, « ont plus que jamais un rôle à jouer pour la définition et la mise en oeuvre d'une stratégie aéroportuaire régionale adaptée au développement des territoires » 53 ( * ) . Pour ce faire, l'État s'est engagé à appuyer les régions déployant des stratégies aéroportuaires, en veillant à ce que les compétences entre l'État et les collectivités soient clarifiées et en accompagnant les évolutions de la gouvernance de certains aéroports , notamment lorsque la région souhaite augmenter sa part de capital dans l'exploitation aéroportuaire.
Comme le soulignait auprès de la mission d'information Yves Crozet 54 ( * ) , économiste français, spécialiste de l'économie des transports, une stratégie aéroportuaire demande de faire un tri à l'échelon régional entre les aéroports. Sans ce tri, il indiquait que la volonté de péréquation entre les différents aéroports régionaux aboutirait nécessairement à une logique de saupoudrage, ce qui n'est évidemment pas le plus efficient pour améliorer les services publics.
L'Italie s'est attelée à une classification de ses aéroports. Comme l'indique la note de législation comparée jointe au présent rapport, le territoire italien a été divisé en dix bassins territoriaux de trafic, qui ne représentent ni la même population, ni le même trafic. Dans ces dix bassins ont été identifiés 38 aéroports d'intérêt national : il s'agit principalement d'aéroports situés dans des villes moyennes réparties de façon homogène sur le territoire italien. Et la note de conclure : « l'intérêt national est ici clairement indexé sur la préservation du développement territorial » 55 ( * ) .
Ce tri entre les aéroports est toutefois extrêmement difficile à effectuer, notamment au niveau régional alors que les grandes régions ne sont pas encore entièrement acceptées sur leur territoire. Malgré ces difficultés, certaines régions se sont d'ores et déjà emparées du sujet . L'envoi d'un questionnaire à toutes les régions et les entretiens menés lors des déplacements ont permis à votre rapporteure de dresser un inventaire de la diversité des politiques menées.
La Nouvelle-Aquitaine est la première région à avoir mis en place une stratégie aéroportuaire. À la suite de sa création, elle a réalisé un diagnostic aéroportuaire et une typologie des aéroports à l'échelle régionale . Les aéroports sont ainsi classés, avec flexibilité, selon qu'ils se rattachent au désenclavement, au développement économique ou au tourisme. Il a ensuite été décidé que la région accompagnerait le développement des aéroports ayant le plus d'impact dans chacun des secteurs. En outre, la région a décidé d' entrer au capital de chacun des aéroports à hauteur de 25 % , à l'exception de quatre d'entre eux : Poitiers et Agen, pour lesquels la région participe au financement de la ligne d'aménagement du territoire, et Périgueux et Angoulême. La région a également décidé de la création d'un établissement public aéroportuaire régional , qui permet notamment une mutualisation des services entre les différentes plateformes. Cette stratégie, pour la région Nouvelle-Aquitaine, va de pair avec une gouvernance publique de l'aéroport de Bordeaux, qui lui permet d'avoir les moyens nécessaires pour effectuer une péréquation entre infrastructures.
L' Occitanie s'est également saisie du sujet depuis 2018. Elle a tout d'abord réalisé une étude estimant les retombées économiques pour le territoire de l'argent public investi dans le transport aérien. Il a ainsi été estimé qu'un euro d'argent public investi aboutissait à quatre euros de PIB supplémentaires pour le territoire. La stratégie régionale adoptée poursuit trois objectifs : l'aménagement du territoire, le développement économique, et l'ouverture de la région sur le monde. La région souhaite favoriser le développement et le renforcement de la compétitivité de l'ensemble des plateformes aéroportuaires régionales. Elle maintiendra de ce fait l'accompagnement des deux aéroports nationaux (Toulouse et Montpellier) et souhaite engager la création d'un troisième par l'élaboration d'une gouvernance intégrée des structures de Perpignan, de Carcassonne et de Tarbes-Lourdes. Enfin, la région souhaite entrer au capital de l'ensemble des aéroports de la région.
En Bretagne , la région poursuit une stratégie qu'elle veut basée sur l'efficacité et le pragmatisme. Elle souhaite être présente au capital de l'ensemble des aéroports représentant plus de 100 000 passagers par an, en maintenant sa participation dans les aéroports plus petits. Elle encourage également une mutualisation entre certains aéroports, comme ceux de Rennes et Dinard, ce qui permet une péréquation des charges entre infrastructures plus ou moins rentables.
La région Auvergne-Rhône-Alpes est en cours d'élaboration de sa stratégie, qui devrait prendre place dans son schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). À ce jour, la région est présente dans les deux seuls syndicats mixtes existants, celui de l'aéroport de Clermont-Ferrand et celui de l'aéroport du Puy-Loudes. La région participe également aux travaux d'infrastructures d'autres aéroports, comme celui d'Aurillac dans le cadre du Pacte Cantal susmentionné, du Puy-Loudes et de Grenoble. À cet égard, si l'enclavement d'Aurillac avait été signalé quant à sa liaison avec Paris, celui-ci se doublait d'un enclavement par rapport à Lyon, la capitale régionale, situé à 6 heures par le train ou 3 heures 45 par la route. Son projet de SRADDET prévoit d'inciter à la complémentarité des grands équipements aéroportuaires . La région souhaite, à horizon 2030, valoriser les fonctionnalités de chaque plateforme aéroportuaire, en tenant compte de leurs spécificités et animer le maillage aéroportuaire pour permettre à chaque plateforme de répondre. Pour cela, la région prévoit d'animer la coopération entre gestionnaires d'infrastructures 56 ( * ) .
Dans sa réponse au questionnaire, le Président de la région Normandie , Hervé Morin, a indiqué que depuis la fusion des deux Normandie, une démarche de coopération entre les quatre aéroports ayant un trafic commercial significatif (Caen, Deauville, Le Havre et Rouen) s'était engagée, via une structure commune « Aéroports de Normandie », pour mutualiser certaines fonctions de gestion des plateformes, de promotion de l'offre et de développement du trafic en vue de confier la gestion de ces quatre plateformes à un délégataire unique à compter du 1 er janvier 2022. Cette stratégie régionale se complète par une réflexion sur la mise en place précédemment évoquée d'une nouvelle ligne d'aménagement du territoire reliant Cherbourg à Paris CDG pour améliorer la connectivité du Cotentin avec l'étranger, notamment la Chine et l'Australie, en lien avec les activités nucléaires et de construction de sous-marins.
Enfin, la région des Pays de la Loire sort d'une période de vingt années d'engagement dans le projet d'aéroport du Grand Ouest que le Gouvernement a abandonné le 17 janvier 2018. Aussi, Christelle Morançais, présidente, indique-t-elle que si la région n'a ni la taille critique, ni une offre d'équipement lui permettant de développer une stratégie à l'image de la Nouvelle-Aquitaine ou de l'Occitanie, les efforts sont actuellement tournés vers la situation de l'aéroport Nantes Atlantique (6,8 millions de passagers en 2018) dont la croissance aboutira à une sous-capacité dès 2020 car plus de 9 millions de passagers sont prévus avant même le réaménagement de la plateforme programmé à partir de 2025.
De telles stratégies régionales semblent nécessaires à votre rapporteure, pour faire du maillage aéroportuaire existant en France une force . Le niveau régional semble être le bon niveau pour réguler la concurrence aéroportuaire et avoir une réflexion globale permettant d'aboutir à une vision de l'aménagement du territoire, passant notamment par une cartographie et une typologie des infrastructures existantes. Faisant cela, les élus ont découvert des activités insoupçonnées de certains aérodromes et ont pu permettre un appariement entre besoins du territoire et fonctionnalités des infrastructures existantes. Il importe toutefois de souligner que la région ne peut assumer seule cette responsabilité . Elle a à la fois besoin de l'État pour éviter une concurrence entre aéroports aux frontières régionales, et des autres collectivités pour disposer d'une vision de proximité.
Proposition n° 14 : Encourager les régions qui ne se sont pas encore saisies du sujet à élaborer une stratégie aéroportuaire régionale définissant une typologie des aéroports de leur territoire. |
L'ensemble des régions entendues par la mission ont fait état de la nécessité de développer les partages d'expériences au niveau interrégional , ce qui permettrait aux régions d'échanger entre elles pour comprendre le marché. Ces échanges pourraient être réalisés sous l'égide de l'association Régions de France ou de l'administration centrale.
En Italie, par exemple, un comité de coordination technique auprès du ministre des transports est composé de représentants du Gouvernement, des régions et du secteur aéronautique. Il a pour mission de coordonner les politiques de développement des aéroports d'intérêt régional 57 ( * ) .
Proposition n° 15 : Instituer des échanges réguliers entre les régions pour favoriser les partages de bonnes pratiques sur les stratégies aéroportuaires. |
* 40 Article 15 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, qui a permis le transfert des aérodromes d'Ajaccio, de Bastia, de Calvi et de Figari à la Collectivité territoriale de Corse (voir l'actuel article L. 4424-23 du code général des collectivités territoriales).
* 41 Article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales . Les seuls aéroports exclus de ce processus de décentralisation étaient les aéroports à vocation nationale ou internationale, listés par le décret n° 2005-1070 du 24 août 2005 fixant la liste des aérodromes civils appartenant à l'État exclus du transfert aux collectivités territoriales ou à leurs groupements .
* 42 Voir, pour plus de précision, le dossier de presse intitulé Décentralisation et création des sociétés aéroportuaires : le renouveau des aéroports français , consultable à l'adresse suivante : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/statut-des-aeroports-francais .
* 43 Arrêté du 2 mars 2007 portant transfert d'aérodromes civils appartenant à l'État à des collectivités territoriales ou à des groupements de collectivités territoriales .
* 44 Rapport n° 174 (2014-2015) sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République , de MM. Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 décembre 2014. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l14-174/l14-174.html .
* 45 Ce pacte prévoit le soutien de la région aux investissements à réaliser sur la plateforme aéroportuaire d'Aurillac à hauteur de 500 000 €. Ces crédits sont inscrits au CPER 2015-2020
* 46 Comme le confirme la note NOR: TERB1909712N relative aux compétences des collectivités territoriales en matière d'exploitation des aérodromes et d'organisation des services de transport aérien public du 12 mars 2019.
* 47 Voir notamment, les articles L. 1111-9 et L. 1511-2 du code général des collectivités territoriales.
* 48 Articles L. 5214-16, L. 5215-20, L. 5216-5 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales.
* 49 Article L. 1111-4 du code général des collectivités territoriales.
* 50 Article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales.
* 51 Cette question a été développée par le rapport sur le maillage aéroportuaire français réalisé sous l'égide du CGET. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
https://www.cget.gouv.fr/ressources/publications/rapport-sur-le-maillage-aeroportuaire-francais .
* 52 50 % de la formation aéronautique en Europe se fait en France.
* 53 Stratégie nationale du transport aérien, p. 35. La stratégie est consultable à l'adresse suivante :
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/construire-transport-aerien-demain .
* 54 Professeur émérite Sciences Po Lyon (IEP Lyon).
* 55 Note de législation comparée jointe au présent rapport, Le soutien au transport aérien comme instrument de désenclavement , p. 4.
* 56 Le projet de SRADDET de la région Auvergne Rhône Alpes est consultable à l'adresse suivante : https://www.auvergnerhonealpes.fr/50-amenagement-du-territoire-ruralite-et-solidarite-avec-les-territoires-auvergnats.htm .
* 57 Voir la note de législation comparée jointe au présent rapport, Le soutien au transport aérien comme instrument de désenclavement , p. 3.