C. LES PAYS-BAS : UN FORT POTENTIEL DE COOPÉRATION

1. Un partenaire important de la défense européenne

Dans un discours récent sur l'Europe 71 ( * ) , le Premier ministre néerlandais Mark Rutte s'est prononcé en faveur d'une Europe assumant sa puissance et défendant ses intérêts. Tout en jugeant que l'OTAN était « notre première ligne de défense et notre garantie de sécurité » ce qui, selon lui, « exclut une armée européenne », il a préconisé de travailler davantage en commun, au sein de l'UE, « pour être moins dépendant des États-Unis ». Pour accroître l'efficacité de la PESC/PSDC, il a proposé la fin de l'unanimité au Conseil sur les sanctions européennes .

Les Pays-Bas ont une conscience aiguë des menaces qui pèsent sur l'environnement stratégique de l'Europe. La responsabilité de la catastrophe du vol MH-17 au-dessus de l'Ukraine, qui a fait 196 victimes en juillet 2014, a été attribuée à la Russie par un rapport d'enquête. Étant l'un des pays européens les plus connectés, les Pays-Bas font de la cybersécurité l'une de leurs priorités, en particulier suite aux révélations, début octobre 2018, d'une tentative de cyberattaque russe à l'encontre de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) à La Haye.

Les Pays-Bas sont par ailleurs concernés par le phénomène des combattants terroristes étrangers et ont participé à la coalition anti-Daech au Levant, mettant notamment à disposition quatre avions F-16. Les Pays-Bas ont par ailleurs participé à la Minusma, même s'ils s'en sont à ce jour retirés. Le gouvernement néerlandais participe à EUCAP Sahel Niger pour le financement, avec l'Allemagne, d'une police de contrôle aux frontières. Il a par ailleurs annoncé sa volonté d'accroître son investissement au Sahel à hauteur de 100 M€ dans les quatre années à venir.

Enfin, les Pays-Bas ont en commun avec nous des territoires aux Antilles , impliquant une présence océanique. La France et les Pays-Bas ont une frontière commune sur l'île de Saint-Martin, où leurs forces armées coopèrent pour porter secours aux populations en cas de catastrophe ou de crise (notamment, en 2017, pour faire face à l'ouragan Irma).

En conséquence de leur analyse des menaces, les Pays-Bas accroissent leur effort de défense (qui s'élève en 2018 à 1,3 % du PIB), en suivant les orientations d'un Livre Blanc , paru en mars 2018 et d'une Stratégie industrielle de défense , en date de novembre 2018. La stratégie industrielle fixe des priorités pour la préservation et le renforcement de l'industrie de défense néerlandaise en particulier dans certains secteurs clefs, sans exclure des coopérations internationales.

2. Des armées très intégrées au sein de coopérations bilatérales

Les armées néerlandaises ont une culture de la coopération très avancée.

L'armée de l'air coopère avec l' US Air Force (F16, F35...), ainsi qu'avec l'Allemagne, la Belgique, la Norvège et le Luxembourg sur le MRTT (8 avions achetés en commun).

L'armée de terre compte trois brigades dont deux sont intégrées dans des divisions allemandes.

La Marine a mis en commun sa composante organique (recherche, développement, acquisition, formation, entraînement, maintenance et pièces détachées) avec son homologue belge. Elle dispose d'un éventail complet de capacités océaniques. L'accord BENESAM 72 ( * ) du 10 mai 1948 a jeté les bases de cette coopération qui a abouti à une véritable intégration des marines belge et néerlandaise. Les Pays-Bas sont la première force de sous-marins conventionnels en Europe et un acteur de premier plan dans ce domaine, dans le cadre de l'OTAN.

Parallèlement à l'achat de F-35 qui illustre leur positionnement atlantiste, les Pays-Bas fournissent de multiples exemples d'avancées concrètes de la défense européenne , avec des partenariats forts et des éléments d'intégration de leurs capacités militaires avec celles de leurs voisins.

Comme vos rapporteurs ont pu le constater, lors de leur déplacement à La Haye, les Pays-Bas sont soucieux de conserver un équilibre entre leurs trois grands partenaires que sont le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France, et craignent que le Brexit ne bouscule cet équilibre, en donnant un poids excessif au couple franco-allemand dont ils souhaitent qu'il ne soit pas exclusif mais ouvert, conformément d'ailleurs à l'esprit de ce partenariat.

Les Pays-Bas jouent un rôle moteur dans le projet CSP de mobilité militaire. Ils participent à la Joint Expeditionary Force (JEF) qui regroupe huit nations 73 ( * ) sous l'égide du Royaume-Uni. Ils participent en outre à l'IEI (en dirigeant notamment un groupe de travail consacré aux Caraïbes), témoignant ainsi encore de leur intérêt pour des coopérations flexibles en fonction des besoins.

La France a l'opportunité de développer, au cours des prochaines années, un partenariat stratégique dans le domaine maritime avec les Pays-Bas.

En mars dernier, Naval Group a gagné un contrat de 2 Md€ pour la fourniture de douze chasseurs de mines pour les marines belge et néerlandaise.

Les Pays-Bas remplaceront quatre sous-marins au cours de la prochaine décennie, dans des conditions qui doivent leur permettre de conserver une capacité sous-marine de haut niveau, tout en valorisant et en développant l'industrie néerlandaise, selon les priorités fixées par la Stratégie industrielle précitée. Un partenariat équilibré avec la France, pas seulement au niveau industriel, mais aussi au niveau opérationnel et politique, serait dans l'intérêt commun, et dans celui de la défense européenne, tant dans le cadre de l'UE que dans celui de l'OTAN.

Disposant de forces armées aguerries et de compétences industrielles fortes, convergeant avec nous dans l'analyse des menaces, les Pays-Bas sont un partenaire solide très impliqué à l'OTAN et dans les initiatives européennes. C'est un pays avec lequel la France gagnerait à mettre en place un véritable partenariat stratégique sur les plans opérationnel, capacitaire et en matière de recherche et développement. Le remplacement des sous-marins néerlandais offre une opportunité en ce sens.


* 71 Discours prononcé à Zürich le 13 février 2019

* 72 Belgisch-Nederlandse Samenwerkingsakkoorden.

* 73 La Joint Expeditionary force (JEF), créée sous impulsion britannique, regroupe, outre le Royaume-Uni, le Danemark, la Norvège, la Suède, la Finlande, les Pays-Bas et les trois Etats baltes (donc 5 pays de l'OTAN et 2 partenaires). Après signature d'une lettre d'intention lors du sommet du pays de Galles de l'OTAN en septembre 2014, elle a été déclarée pleinement opérationnelle en juillet 2018.

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