ANNEXE 3 : EXEMPLES DE PONTS PRÉSENTANT DES DÉGRADATIONS
1. Le pont de l'Île de Ré (Charente-Maritime)
Le pont de l'île de Ré, long de 2 927 mètres, est le deuxième pont le plus long de France . Il a ouvert à la circulation en 1988. Les six viaducs qui le composent ont été réalisés en béton précontraint.
Lors d'une inspection réalisée en septembre 2018, il a été constaté que l'un des douze câbles de précontrainte en acier de l'un des viaducs avait rompu du fait de la corrosion.
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Des mesures de restriction de la circulation ont été prises par le conseil départemental, gestionnaire de l'ouvrage (interdiction de la circulation des poids lourds de plus de 38 tonnes, réduction de la vitesse maximale autorisée de 80 à 50 km/h) et une surveillance renforcée a été mise en place.
Ce câble a été remplacé au mois de février 2019 , de même que deux autres câbles identifiés comme présentant des fragilités.
2. Le viaduc de Gennevilliers (Val-d'Oise)
Le 15 mai 2018, une partie du mur de soutènement en terre armée de la culée nord du viaduc de Gennevilliers, situé à hauteur d'Argenteuil, qui porte les voies de circulation de l'autoroute A15 en direction de Paris, s'est effondrée.
Une défaillance du dispositif d'assainissement de l'ouvrage a généré des infiltrations d'eau dans une partie du mur, conduisant à une corrosion des armatures et à leur cassure soudaine107 ( * ). La dernière évaluation visuelle du mur, effectuée en 2016, ne faisait apparaître aucun risque apparent de dégradation de la structure.
Lors de la table ronde avec des associations de collectivités organisée par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, M. François Poletti, adjoint au maire d'Argenteuil a témoigné des difficultés rencontrées par sa commune suite à cet accident 108 ( * ) : « de quatre voies, nous sommes passés à deux voies, ce qui a entraîné des répercussions dans tout le Val-d'Oise : les déviations auraient dû passer par la N104, qui était en travaux. Il n'était donc pas possible de dévier les camions. L'État a beaucoup attendu avant d'agir. C'est ainsi qu'on s'est retrouvé complètement bloqué. » 190 000 véhicules par jour transitant sur le viaduc, sa fermeture partielle a en effet entraîné des embouteillages très importants sur l'ouvrage et sur les axes de déviation, et généré des nuisances pour les automobilistes et les riverains.
Ce pont avait pourtant déjà connu des désordres et était sous surveillance, comme l'a indiqué M. Poletti : « Le 29 mai 2016, plus de dix tonnes de sablons se sont déversées dans une rue d'Argenteuil, la rue du désert, qui porte bien son nom ! On avait alors tiré la sonnette d'alarme. Quelques tonnes étaient déjà tombées en 2014. Au mois de juin, ce sont les écailles du pont qui se sont détachées, à la suite de la rupture des câbles qui les retenaient . »
Après une fermeture totale de quatre jours, la circulation a été rétablie sur deux voies le 19 mai. Une troisième voie de circulation a été rouverte en décembre 2018, et la réouverture totale de l'ouvrage est intervenue le 20 mars 2019.
Le coût total des opérations s'est élevé à 6 millions d'euros et a été pris en charge par la direction des routes Ile-de-France, gestionnaire de l'ouvrage.
3. Les ponts des communes de Guérard et de Tigeaux (Seine-et-Marne)
À l'occasion d'un déplacement en Seine-et-Marne , la mission s'est rendue dans deux communes proches géographiquement qui ont dû tour à tour fermer un pont à la circulation.
Le pont de Coude , situé entre Guérard et Dammartin sur Tigeaux, supportait un trafic de 1 100 véhicules par jour avant d'être fermé en avril 2014 en raison de son mauvais état (fissures sur les culées et sur la chaussée, corrosion des poutres métalliques et des gardes corps, etc.).
Le pont de Rézy , appartenant à la commune de Tigeaux, a été fermé à la circulation peu de temps après le pont de Coude car il présentait également des dégradations importantes.
Compte tenu de l'importance du réseau routier pour se déplacer en l'absence de transports publics, ces fermetures occasionnent des difficultés pour les habitants en allongeant sensiblement leurs délais de déplacements (certaines personnes doivent désormais effectuer 10 kilomètres pour accompagner leurs enfants à l'école).
Elles conduisent en outre à un report de trafic sur la route départementale D20, engendrant des problèmes de circulation importants.
Les travaux de réhabilitation de ces deux ponts ont été estimés à un million d'euros par pont , soit un investissement hors de portée pour les communes compte tenu de leurs ressources budgétaires (le budget annuel de la commune de Guérard est de 3 millions d'euros).
Une subvention de 125 000 euros au titre de la DETR 2015 a été attribuée à la commune de Tigeaux, correspondant à 30 % de la première partie des travaux (la démolition du pont actuel), mais ses demandes de subvention pour la deuxième partie des travaux ayant été rejetées, les travaux n'ont pas pu avoir lieu.
Cinq ans après leur fermeture, en l'absence de solution de financement, ces deux ponts demeurent fermés à la circulation .
4. Le pont de la commune de Petite-Rosselle (Moselle)
Lors d'un déplacement en Moselle, l'attention de la mission a été particulièrement attirée sur la situation du pont de Rosselmont , situé sur la commune de Petite-Rosselle (Moselle), frontalière avec l'Allemagne, et qui relie la commune à celle de Forbach. Son utilisation est soutenue, avec environ 1 500 véhicules empruntant l'ouvrage par jour, dont des véhicules de secours. L'ouvrage constitue également la principale voie de desserte vers le Musée les Mineurs, labellisé Musée de France (environ 62 000 visiteurs en 2017).
Le pont de Rosselmont a été construit par les Houillières du Bassin de Lorraine (HBL), lorsqu'elles utilisaient la voie ferrée pour transporter le charbon du Carreau Wendel vers Freyming-Merlebach, et celles-ci étaient responsables de son entretien. En 2004, les Charbonnages de France se sont substitués aux HBL avant que leurs biens, droits et obligations ne soient finalement transférés à l'État en 2007 109 ( * ) . Le problème est qu' aucune convention n'a été signée pour préciser les modalités de prise en charge de l'ensemble des coûts relatifs à la structure de l'ouvrage d'art et l'identité du gestionnaire de l'infrastructure.
Comme l'exposait le maire de la commune, dans un courrier adressé à la ministre des transports en date du 4 septembre 2018, « la commune de Petite-Rosselle est confrontée à une dégradation progressive de cette structure , le financement des réparations, dont le montant avoisine 500 000 euros TTC, dépassant sensiblement nos capacités budgétaires , compte tenu des autres travaux à entreprendre dans la ville (voirie et bâtiments publics essentiellement) ». Dans sa réponse adressée à la commune en date du 27 novembre 2018, la ministre des transports indique avoir saisi le ministre de l'économie , ministère sous la tutelle duquel les Charbonnages de France étaient placés.
Faisant état d'une situation « très préoccupante », dont le président de la commission, M. Hervé Maurey, s'était notamment fait l'écho lors d'une séance consacrée à l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités au Sénat en mars dernier 110 ( * ) , la commune a demandé à l'État de prendre en charge le rétablissement de cette voie de circulation . Elle financerait pour sa part la réfection de la voirie, des trottoirs et du parapet. Une déviation pérenne de la circulation apparaît inconcevable à l'heure actuelle, tant le détour à effectuer serait pénalisant pour les usagers. En réponse au Président Maurey, la ministre avait alors confirmé cette orientation : « le pont de Rosselmont appartient sans ambiguïté à l'État, eu égard à la reprise par celui-ci du patrimoine des houillères, que vous avez évoquée. Nous avons eu l'occasion de faire le point avec le préfet. Je confirme qu'il appartient à l'État, dans le cadre de sa mission de gestionnaire de l'ancien patrimoine des houillères, de remettre ce pont en état. Les travaux à cette fin vont être programmés ».
À la suite de ses déclarations, la ministre des transports a toutefois écrit dans un courrier du 6 mai que l'État ne prendrait pas en charge les travaux de démolition et reconstruction, qui incomberaient à la commune, celle-ci pouvant bénéficier d'un soutien financier à hauteur de 35 % du coût estimé à travers la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), un montant largement insuffisant au regard du budget de la commune. Selon la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Grand-Est, le pont existait avant la création des HBL et il n'est pas recensé comme ouvrage d'art des HBL .
Le président Hervé Maurey a adressé un courrier à la ministre le 22 mai pour s'en étonner et lui demander de revoir cette position .
Au-delà de la contradiction apparente entre la déclaration de la ministre du 19 mars 2019 à l'occasion des débats relatifs au projet de loi d'orientation des mobilités et cette information transmise au maire de la commune par le préfet, la mission relève que l'État tente de façon évidente de s'exonérer de ces responsabilités .
Archives à l'appui, la commune a démontré qu'il est incontestable que l'ouvrage actuel a été réalisé par les Houillières de Petite-Rosselle, incorporées ensuite dans les HBL . Ainsi, la voie ferrée et le pont ont été construits en 1884 et 1885 par la Compagnie Anonyme des Mines de Houillères de Stiring, pour les besoins exclusifs de l'exploitation charbonnière 111 ( * ) . En 1947 , un nouveau pont a été construit, dont les plans et devis sont estampillés Houillères de Petite-Roselle. Les HBL, constituées en 1946, ont ensuite absorbé les Houillères Petite Rosselle et, par voie de conséquence, les ouvrages édifiés par ces dernières.
Ainsi, au vu de ces éléments, la commune a formulé une nouvelle demande auprès de la ministre des transports le 29 mai dernier pour solliciter « l'autorisation formelle de lancer la procédure de marchés publics et la réalisation des travaux » sans risque de se voir opposer un refus de remboursement par la suite.
Comme la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a déjà eu l'occasion de le faire par la voix de son président et du rapporteur du projet de loi d'orientation des mobilités, la mission souhaite rappeler son soutien aux démarches entreprises par la commune de Petite-Rosselle pour préserver la sécurité des usagers et restaurer une infrastructure importante pour le territoire.
5. Les ponts de l'intercommunalité Bernay Terres de Normandie
L'intercommunalité Bernay Terres de Normandie comporte sur son territoire environ 70 à 80 ponts . Un recensement est un cours pour connaître le nombre exact de ponts. Il permettra, dans un premier temps, que des inspections visuelles de l'état des ponts soient réalisées, avant que des diagnostics plus poussés soient conduits par des bureaux d'études spécialisés.
Deux ponts sont actuellement fermés à la circulation en raison de leur état.
Un pont situé dans la commune de Beaumontel , d'une part, dont l'un des piliers s'est affaissé l'été dernier. Ce pont fait actuellement l'objet de travaux de réparation pour un montant d'environ 250 000 euros. Cette opération est financée et réalisée sous maîtrise d'ouvrage de la communauté de communes, qui ne bénéficie d'aucune subvention, ces travaux n'étant pas éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) dans l'Eure. La réouverture de ce pont devrait avoir lieu au mois de juillet.
Un pont situé dans la commune de Brionne , d'autre part, qui devra être détruit et reconstruit, pour un coût estimé à 400 000 euros. Dans l'attente de ces travaux, qui seront réalisés en 2020, un pont provisoire a été loué afin de permettre de desservir la déchetterie de Brionne.
* 107 Réponse du ministère auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports à la question écrite n° 05057 de Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
* 108 Voir le compte rendu de la table ronde du 30 janvier 2019 (Chapitre- Travaux en commission).
* 109 Décret n° 2007-1806 portant dissolution et mise en liquidation de l'établissement.
* 110 Voir le compte-rendu de la séance publique du 19 mars 2019 : https://www.senat.fr/seances/s201903/s20190319/s20190319_mono.html .
* 111 Un document du 30 juin 1886, à l'entête de la Compagnie Anonyme des Mines de Houillères de Stiring, montre que l'exploitation de la voie ferrée a démarré le 14 octobre 1885 et mentionne « la réalisation du pont en dessous de l'ancienne route de Forbach » par cette compagnie.