II. UNE NÉCESSAIRE REFONDATION DU MODÈLE ONF
Les difficultés financières de l'ONF ont généré non seulement des tensions sociales mais aussi des tensions territoriales tout aussi contreproductives pour la gestion de l'ONF et de nos forêts.
Pour faire surgir des solutions globales et réalistes, il convient de rappeler que notre législation forestière repose sur un principe de dualité de régime entre la forêt publique et privée ; or les nécessités économiques et environnementales invitent à décloisonner ces deux secteurs en faisant jouer un rôle propulsif à l'ONF dans ce domaine.
S'agissant des forêts communales, votre rapporteure préconise par principe le maintien du régime forestier
A. LA DIFFICULTÉ ET LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME ADAPTÉE À LA SPÉCIFICITÉ DES FORÊTS FRANÇAISES
Dans notre pays, le secteur forestier peine à se réformer, comme en témoignent les quelque 300 rapports sur la forêt publiés au cours des trente dernières années qui se sont heurtés à des difficultés considérables de mise en oeuvre.
S'agissant de l'ONF, les analyses et les préconisations se sont également succédé en se basant sur une approche souvent trop comptable, sans prendre suffisamment en compte les réalités forestières, territoriales et sociétales.
Pour faire surgir des solutions réalistes et efficaces, il faut renouer avec des analyses globales. Tel était d'ailleurs le cas en 1964 au cours des débats parlementaires sur la création de l'ONF. Le monde a bien changé depuis 50 ans mais certaines constantes ont perduré : c'est parce que « la forêt perd toujours les arbitrages budgétaires » que le ministre Edgar Pisani avait proposé en 1964 la création d'un EPIC, non pas comme une entité rentable mais pour bien identifier chaque année les recettes et les dépenses des forêts publiques.
L'ONF reçoit aujourd'hui des injonctions contradictoires qui le déstabilisent et le système actuel ne permet pas de gérer ces conflits d'objectifs. Ainsi, on lui demande de produire plus de bois mais certains dénoncent la surexploitation de la forêt domaniale. Parallèlement, on crée des réserves de biodiversité. Autre exemple, on critique l'augmentation de la masse salariale mais également le manque d'effectifs sur le terrain pour surveiller les forêts communales. L'Office, tout comme les élus forestiers, est souvent pris en étau entre les exigences de coupes forestière qui ne dégagent, finalement, qu'une faible rentabilité et les contraintes environnementales auxquelles s'ajoutent une très forte contestation sociale.
La recherche d'un nouveau modèle de gestion de notre forêt doit s'appuyer sur des constats et des objectifs réalistes.
1. Quelle que soit la réforme de l'ONF, le principal gisement de croissance réside dans la filière de transformation du bois alors que la forêt française, « trésor » de biodiversité, reste un actif peu rentable
a) La forêt : un actif peu rentable pour son propriétaire mais bénéfique pour la collectivité
La première partie de ce rapport a insisté sur la valeur économique des services rendus par la forêt qui ont été chiffrés à près de 1 000 euros par hectare soit dix fois plus que les recettes tirées des seules ventes de bois.
Il convient ici de rappeler les limites de la rentabilité de la forêt pour les investisseurs et les propriétaires.
b) Un retour sur investissement qui se compte en dizaines d'années
Dans un rapport de 2009, Jean Puech, ancien ministre de l'agriculture et ancien sénateur, rappelle que « L'investissement forestier, en régénération naturelle ou plantation, est un investissement à long terme peu rémunérateur et soumis à des aléas climatiques, économiques et biotiques. Quel industriel ou banquier serait prêt à investir et bloquer son capital sur une période de 50 à 200 ans à un taux de 0,5 à 2 %, parfois plus, avec le risque de voir son capital disparaître avant la récolte si survient une tempête ou un incendie... ? ».
Il convient également de prendre en compte des risques accrus. Hier considérée comme un placement assez sûr, la forêt subit de plus en plus d'aléas : insectes ravageurs, dégâts de gibier et tempêtes. Sur ce dernier point, on peut rappeler que les arbres ne peuvent pas résister à des vents dépassant 150 km/h. Le même rapport fait observer que l'ampleur des dégâts forestiers de décembre 1999 tient probablement tout autant à la richesse de notre forêt - plus haute et plus volumineuse au fil des ans - qu'à la violence des tempêtes. Plus étendue, elle été largement convertie de taillis en futaie, et offre donc désormais plus de prise au vent. Épargnée ces dernières années par les gros incendies, plus que chez nos voisins, la forêt française est, en raison de l'augmentation de son volume de bois inflammable, dans une situation périlleuse et votre rapporteure ajoute à cette analyse que nos peuplements forestiers sont également fragilisés par des déficits hydriques et des attaques de parasites.
On ne peut que saluer la lucidité de ces propos qui appellent cependant, 10 ans plus tard, deux observations complémentaires. On constate, certes, à l'heure du « trading à haute fréquence », une tendance accrue à rechercher une rentabilité immédiate voire instantanée. Simultanément, la progression de la sensibilité écologique favorise également l'épargne « verte » et on peut faire observer que la baisse des taux d'intérêt améliore l'attractivité relative des placements forestiers.
Favoriser l'orientation de l'épargne vers l'investissement forestier. Ce même rapport rappelle que malgré ces handicaps, la forêt reste considérée comme un coffre-fort patrimonial et les groupes bancaires, d'assurance ou de réassurance sont propriétaires de forêts, souvent gérées par la Société Forestière de la Caisse des dépôts.
Jean Puech a déploré qu'en 2002, un décret - pris sans avoir recueilli la signature du ministre de l'agriculture et en totale contradiction avec les orientations de la politique forestière - ait interdit aux caisses de retraite de posséder directement ou indirectement des biens forestiers, sapant ainsi la validité des placements en forêts. Pour mettre fin à cette anomalie, il a fallu attendre le décret n° 2017-887 du 9 mai 2017 relatif à l'organisation financière de certains régimes de sécurité sociale.
Il convient non seulement de ne pas rééditer les erreurs du passé mais, plus encore, d'encourager, par des aides financières et fiscales adaptées, les épargnants-propriétaires qui, tout en supportant les risques de catastrophes, tempêtes ou incendies, rendent d'importants services non rémunérés.
c) L'objectif fixé par le Gouvernement pour les prochaines années : accompagner la relance de la filière forêt-bois
Le tout récent plan interministériel du 16 novembre 2018 traite de la relance de la « filière forêt-bois au service de l'emploi dans les territoires et d'une économie décarbonée ».
Il donne, tout d'abord, l'occasion de mieux situer l'ONF dans son contexte : ses 8 500 emplois et ses 850 millions d'euros de dépenses correspondent à 2 % de l'ensemble de la filière forêt-bois dont il faut rappeler l'importance :
- 60 000 entreprises avec une majorité de PME ;
- 372 000 emplois directs et environ 440 000 emplois directs et indirects ;
- 53 milliards d'euros de chiffre d'affaires ;
- et 24,7 milliards d'euros de valeur ajoutée.
Ce plan rappelle que l'incorporation de structures en bois dans le bâtiment représente 36 % de la valeur ajoutée et 37 % des emplois directs. Or, en France, le bois occupe à peine 10 % des marchés de la construction neuve de maisons individuelles et 3 % en collectif, contre plus de 15 % en Allemagne. La construction représente donc un défi majeur pour le développement de la filière avec la transformation des meilleurs bois français et la production de coproduits destinés à l'industrie et l'énergie.
À l'horizon 2022, les professionnels de la filière se sont fixé plusieurs objectifs :
- doubler la part de marché du bois dans l'habitat collectif neuf (passer de 3 % à 6 %), progresser de 50 % dans la maison individuelle, porter à 15 % la part de solutions bois utilisées dans la rénovation de bâtiments collectifs et augmenter de 20 % la part de marché du bois dans les solutions de réhabilitation et de rénovation des logements individuels ;
- et favoriser le regroupement d'entreprises pour répondre à des appels d'offres importants et l'émergence de leaders (accélérateurs) capables d'entrainer le secteur.
En ce qui concerne l'amont forestier, le plan interministériel indique que l'adaptation de l'offre à la demande et la sécurisation des approvisionnements des industries de transformation impliquent de renouveler massivement une forêt de production, tout en restant attentifs aux enjeux environnementaux. Il prévoit la mobilisation de notre haut potentiel de formation et de recherche pour mieux exploiter et valoriser les feuillus qui représentent la majorité de la ressource française.
Il convient de rappeler que pour atteindre la neutralité carbone prévue par le Plan Climat en 2050, un objectif de mobilisation supplémentaire de bois français de 12 millions de m 3 annuels, d'ici 2026, a été fixé par le Programme National Forêt Bois 2016-2026 (PNFB). Cependant, le plan interministériel constate que la dynamique actuelle rend difficilement atteignable cet objectif et annonce que 140 millions d'euros de crédits État/FEADER seront mobilisés en 2018-2022 via le Grand Plan d'Investissement pour investir dans les dessertes et les repeuplements. Il prévoit également plusieurs axes pour dynamiser la gestion forestière :
- favoriser le partage des données de recherche-expérimentation sur l'adaptation de la forêt au changement climatique ;
- simplifier, en associant les parties prenantes, les documents de gestion durable en forêt privée et leurs modalités d'instruction ;
- encourager l'investissement forestier, en proposant un nouvel outil permettant de concentrer la propriété forestière dans des Groupements Forestiers pour une meilleure exploitation et valorisation avec une incitation fiscale (pendant cinq ans, le montant investi ouvre droit à un crédit d'impôt de 18 % plafonné à 50 000 euros) ;
- développer le numérique pour la gestion, l'exploitation et la logistique forestière (cartographie des dessertes, dématérialisation des procédures et accès au cadastre).
2. L'exemple allemand, souvent cité en référence, témoigne de l'efficacité de la « co-gestion forestière »
On ne peut pas contester qu'avec une
forêt 50 % plus petite que la nôtre, l'Allemagne produit deux
fois plus de sciages que la France. Une des principales raisons est que la
forêt allemande est facilement exploitable
- avec une
mécanisation plus intensive - et composée aux deux tiers de
résineux (environ 40 essences répertoriées) tandis
que la forêt française est aux deux tiers feuillue. Or la demande
du secteur de la transformation se porte sur les essences résineuses
répondant aux usages industriels actuels et qui ont l'avantage de
pousser cinq fois plus vite que le chêne, par exemple. En
conséquence, notre forêt est un précieux
réservoir de biodiversité (entre 120 et 160 essences
répertoriées) mais elle est l'une des moins productives d'Europe
et la France importe pour 400 millions d'euros de sciages résineux.
Cela soulève deux principales interrogations sur le volume et la composition de nos coupes de bois.
- Notre pays peut-il et doit-il produire plus de bois et, en particulier, des résineux ?
Votre rapporteure conteste, tout d'abord, que notre forêt recèle d'importants gisements de bois aujourd'hui facilement exploitables et mobilisables : cela ressort d'études sur les ressources en chênes et hêtres, réalisées dernièrement par plusieurs interprofessions. Votre rapporteur signale que la ressource mobilisable pour les industriels se révèle, sur certains territoires, environ 30 % inférieure à ce qui avait pu être estimé préalablement 8 ( * ) . Par ailleurs, le maillage des entreprises d'exploitation forestière et des coopératives sur l'ensemble du territoire, laisse à penser que les ressources exploitables sont plutôt bien gérées par les acteurs économiques de proximité.
Il convient ensuite de tenir compte de la difficulté d'accès à la ressource bois. Selon une note de la direction du Trésor de 2010, « il n'est pas prouvé que la France tirerait un avantage économique à accroitre son niveau d'exploitation de la forêt » car il pourrait en résulter une hausse des coûts pour l'aval de la filière et un risque de perte en compétitivité.
On peut ici rappeler que le lourd déficit extérieur de la filière - plus de 6 milliards d'euros - se situe au niveau de la transformation et principalement dans les secteurs de la papeterie et du meuble.
- S'agissant de la composition de notre forêt, un enrésinement massif « à l'allemande » est parfois présenté comme une solution miracle mais elle ne semble ni souhaitable ni réaliste pour notre pays. Il faudrait cinquante ans pour la mettre en oeuvre alors que le risque d'anéantissement d'une quasi-monoculture par les insectes ravageurs est très élevé à quoi s'ajoutent l'épuisement des sols et la perte catastrophique en biodiversité. Votre rapporteure rappelle ici l'impact négatif des monocultures (résineux ou feuillus) sur la biodiversité en général et sur les sols en particulier, qui s'épuisent d'autant plus vite que les rotations sont intensifiées. De plus, les scientifiques calculent que l'« albédo », c'est-à-dire le pouvoir réfléchissant d'une forêt de feuillus, est supérieur à celui d'une forêt de sapins : en captant plus de chaleur, les arbres de couleur sombre réchauffent le climat.
Enfin, les monocultures intensives, notamment de résineux, suscitent des oppositions de plus en plus vives de nos concitoyens.
Le directeur général de l'ONF avait rappelé, devant notre commission des Affaires économiques, les expéditions punitives lancées par certains mouvements contre les plantations de Douglas qui symbolisent, à leurs yeux, une sylviculture trop productiviste au détriment de la biodiversité et des essences feuillues à pousse extrêmement lente (180 ans pour le chêne / 45 ans pour le Douglas). Le risque d'une montée des extrémismes anti résineux s'ajoute donc au risque sanitaire d'une mauvaise acclimatation de nouvelles essences aux particularités locales.
Ceci dit, planter à bon escient du résineux là où les sols et le climat s'y prêtent ou encore régénérer les belles parcelles là où l'essence est dite « en station », est vivement souhaitable, car les usages du résineux dans la construction et le mobilier ont vocation à se développer. Votre rapporteure estime nécessaire de réduire la dépendance de notre pays et de nos industries nationales aux importations de bois : il est, en effet, préférable, même d'un point de vue environnemental qu'elles soient alimentées par du bois français, créateur de valeur ajoutée et d'emplois sur le territoire.
Plus globalement, replanter est la grande priorité de notre forêt qui vieillit. Nos voisins européens y consacrent des moyens publics importants : on estime que quand la France plante 80 millions d'arbres par an, l'Allemagne en replante 300 millions et la Pologne un milliard. Au-delà du financement, plusieurs conditions doivent être réunies :
- une information pertinente des propriétaires publics et privés sur les essences les mieux adaptées ;
- une garantie de soutien en cas de destruction par les ravageurs ;
- et un effort pour endiguer les dégâts de gibier qui sont capables de réduire à néant les investissements en replantation, l'ONF ayant chiffré ces dégâts à 60 millions d'euros en forêt domaniale.
L'enrésinement de notre forêt n'étant pas un exemple transposable en France, il faut surtout retenir la seconde caractéristique du modèle allemand : les gestionnaires publics interviennent chez les propriétaires privés, dans un esprit de coopération et de « co-gestion » forestière.
3. La politique forestière nationale repose sur une dualité de règles applicables aux forêts publiques et privées, d'où procède un cloisonnement excessif
Les historiens du droit rappellent que la notion d'intérêt général est née au moyen-âge en forêt : le royaume se souciait alors de préserver suffisamment de bois pour construire des navires de guerre.
Le droit en vigueur est imprégné de cette même notion : l'article L. 112-1 du code forestier, qui porte à la fois sur la forêt publique et privée, prévoit que « les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la nation , sans préjudice (sans renoncer à l'application) des titres, droits et usages collectifs et particuliers ».
Sur cette base, notre droit organise une dualité du régime de gestion entre forêts privées et forêts publiques .
a) Les règles de gestion de la forêt privée
Pour les premières, le centre national de la propriété forestière (CNPF) - établissement public à caractère administratif (EPA) - dispose de onze centres régionaux (CRPF) qui sont les interlocuteurs des 3,5 millions de propriétaires forestiers privés. Par comparaison, la gestion des forêts publiques, en particulier communales, est assujettie à des contraintes plus rigoureuses et à l'intervention de l'office national des forêts (ONF). On peut faire observer, dans cette architecture institutionnelle, que la forêt privée relève d'un EPA et la forêt publique d'un EPIC.
Dynamiser la gestion des forêts
privées :
- Orienter la gestion en élaborant les schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS), ainsi que les codes des bonnes pratiques sylvicoles (CBPS) des forêts privées et en agréant les plans simples de gestion (PSG), obligatoires ou volontaires, établis par les propriétaires pour leurs forêts, à partir de 10 ha, ainsi que les règlements types de gestion (RTG), établis par les coopératives et experts forestiers pour leurs adhérents ou clients. - Conseiller et former en vulgarisant les méthodes de sylviculture, qu'il s'efforce de perfectionner et d'adapter par des études et expérimentations, et en exerçant une action plus générale de conseil et de formation technique auprès des propriétaires forestiers. - Regrouper en développant toutes formes de regroupements des propriétaires pour la gestion des forêts, la vente des produits, la réalisation de travaux forestiers ou l'amélioration des structures foncières. Ces regroupements sont fréquemment issus de travaux d'animation territoriale, au plus près du terrain (5 % des propriétaires d'une superficie de plus de 25 hectares totalisent la moitié de la surface). Il s'agit de remédier à : - l'inadéquation de la forêt française aux deux tiers feuillue et de la demande en bois aux trois quart résineux ; - et au désintérêt d'une part importante des propriétaires forestiers de plus de 4 ha pour la gestion économique. La politique forestière vise depuis longtemps une gestion plus proactive. Il s'agit de : - lutter contre le sur-stockage de bois sur pied qui augmente les facteurs de risque divers ; - adapter la forêt au changement climatique ; - intensifier le rôle du matériau bois comme substitution et stockage de carbone. La politique forestière relève de la compétence de l'État selon l'article L. 121-1 du code forestier qui prévoit par ailleurs la prise en compte équilibrée des fonctions économique, écologique et sociale des forêts dans la gestion. Les actes de gestion forestière relatifs à la fonction de production sont strictement encadrés par le code forestier : coupes, travaux sylvicoles ou d'entretien des infrastructures, récolte et renouvellement des peuplements. Néanmoins, d'autres départements ministériels ayant à connaître de la forêt pratiquent parfois une surenchère par adjonction de dispositions, normes ou réglementations sans toujours vérifier la compatibilité de celles-ci avec les buts de la politique forestière. On citera à cet égard une application rigoureuse des dispositions du code de l'environnement (nécessité d'étude d'impact et d'enquête publique pour l'amélioration de la voirie forestière) freinant jusqu'à bloquer des projets de desserte indispensable à la mobilisation des bois. La loi sur l'eau illustre également les difficultés de prise en compte des objectifs de la politique forestière. La réglementation concernant la chasse et le plan de chasse en sont un autre exemple. Cette situation, déjà dommageable au niveau national, peut prospérer et se multiplier au niveau territorial local : la loi attribue des compétences aux maires ou aux collectivités, leur permettant de réglementer certains aspects de la gestion forestière. Les décisions prises localement par des communes - notamment liées au pouvoir de police du maire sur la voirie communale - peuvent être en contradiction avec les efforts par ailleurs déployés par les régions pour favoriser la création et l'amélioration de la desserte forestière. ( cf. ci-dessous, la remarque de la rapporteure sur ce point particulier ) (Source : Rapport n° 15148 : Contrat d'objectifs et de performance (COP) 2012-2016 du Centre National de la Propriété Forestière et élaboration du COP 2017-2021 Contrat d'objectifs du CNPF) S'agissant des décisions prises localement, votre rapporteure fait observer qu'il s'agit souvent de contextes particuliers : inadaptation ou risques de dégradations des voiries, opposition aux coupes d'exploitation, contentieux antérieurs avec les parties... Il s'agit alors pour les instances de médiation (association des communes forestières, Services de l'État...) d'intervenir et de trouver les solutions locales permettant la création ou l'amélioration de la desserte forestière. |
b) La soumission de la forêt publique au régime forestier
S'agissant des forêts publiques de l'État et des collectivités, le régime forestier - principe fondateur de la politique forestière française - vise à en garantir la gestion durable. Celle-ci est confiée à l'ONF et prend en compte les fonctions économique, écologique et sociale des forêts.
Le régime forestier comprend la surveillance générale des forêts, l'élaboration et l'application des aménagements, avec le respect de l'état d'assiette - qui précise les coupes à effectuer - le martelage et la surveillance des coupes, l'affouage ou encore l'organisation des ventes de bois. L'article L. 211-1 du code forestier précise que les forêts des collectivités territoriales relèvent du régime forestier dès lors qu'elles sont « susceptibles d'aménagement, d'exploitation régulière ou de reconstitution ».
Avec ce principe mutualisé, le régime forestier garantit une gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques appliquée sur l'ensemble du territoire de la même façon, qu'il s'agisse de forêts productives ou non.
4. Jusqu'ici, les « pansements financiers » et la compression des dépenses de l'ONF n'a pas permis le rééquilibrage de ses comptes
Au cours de son audition, le représentant de la direction du budget a rappelé que l'ONF reste un des opérateurs les plus importants du secteur agricole avec ses 8 500 agents et ses 850 millions d'euros de chiffre d'affaires. Il a cependant estimé que sa dégradation financière montre les limites des solutions de facilité et appelle une réponse nouvelle des pouvoirs publics.
En recettes, il a rappelé que la récente embellie des cours du bois a permis un redressement des ventes de l'ONF : en 2018, elles ont été supérieures à celles de 2017 et ont dépassé les objectifs fixés par le COP. Cependant, en 2019, la crise des scolytes pourrait entrainer un manque à gagner de 10 millions d'euros.
En dépenses, de nouveaux facteurs exogènes comme la mise en oeuvre progressive du nouveau Régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP) 9 ( * ) et l'indemnité compensatrice de hausse de la CSG compliquent singulièrement l'équilibrage de la masse salariale, ce qui ne laisse comme principal levier d'action que l'évolution des effectifs. L'essentiel des activités de l'ONF n'étant pas de nature régalienne, il semblerait logique de faire évoluer le « ratio » entre fonctionnaires et salariés.
Sur ce point, votre rapporteure souligne cependant que les forêts ont de plus en plus besoin de régulation : les communes forestières expriment avec force cette demande de « régalien », ce qui impose le recours à des personnels qualifiés et parfois assermentés.
Jusqu'à présent, les préconisations des précédents rapports ont consisté à proposer des mesures partielles et temporaires qui ont échoué à résorber le déficit et à apaiser les tensions internes.
- Du côté des dépenses, réduire les déficits signifie nécessairement réduire à terme les dépenses de masse salariale (60 % des charges de l'ONF).
Le non renouvellement de départs en retraite et les recrutements de droit privé pour les emplois ne relevant pas des missions de police sur le terrain, sont déjà privilégiés depuis quelques années. Votre rapporteure indique que cette évolution ne doit pas impacter le volume d'activité de l'Office et doit répondre aux besoins effectifs en agents territoriaux. Elle ajoute qu'il convient ici de tenir compte de la nécessité de nouvelles modalités de gouvernance avec des décisions décentralisées selon un principe de subsidiarité.
En 2015, un rapport conjoint des inspections a suggéré, avec des résultats limités à ce jour, un ensemble de mesures d'économies comprenant :
- la réduction des « coûts de structure », qui visait l'allègement des charges de formation et la simplification de la gestion des ressources humaines ;
- et l'adaptation des documents d'aménagement aux enjeux forestiers en présence, ce qui revenait à alléger les documents des petites forêts communales.
S'agissant des recettes, il convient de rappeler que toute augmentation conjoncturelle des cours de bois améliore les comptes de l'ONF. Structurellement, les propositions tendant à dégager de nouvelles recettes sont très limitées. Le rapport Gaymard de 2010 a proposé une recapitalisation de l'Office par l'État à hauteur de 300 millions d'euros, une rémunération du stockage de carbone et une mesure dérogatoire pour limiter les dépenses du « CAS Pensions ».
* 8 L'étude intitulée Réévaluation de la ressource et de la disponibilité en bois d'oeuvre de chêne en Bourgogne-Franche-Comté (publiée le 27 avril 2018 par l'Institut national de l'Information Géographique et forestière et les interprofessions) met en évidence que la disponibilité en Bois d'oeuvre Potentiel (BO-P), selon les critères définis par les professionnels, correspond à une réduction de 32 % par rapport au BO-P standard IGN. Ce résultat montre que l'estimation du volume total des arbres forestiers par l'Inventaire Forestier National est fiable, mais que la ventilation par usage mérite d'être adaptée au cahier des charges des industriels de la première transformation. Ce travail est en ce moment étendu à la France entière sur l'ensemble des essences feuillues et résineuses.
* 9 Il s'agit du régime indemnitaire de référence qui remplace la plupart des primes et indemnités existantes, sans perte de rémunération pour les agents concernés. Il se compose d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), versée mensuellement et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel (CIA).