B. LE DEVENIR DES HOTSPOTS : TRANSFORMER UN DISPOSITIF D'URGENCE EN UN INSTRUMENT PÉRENNE DE GESTION DE CRISE

Le dispositif des hotspots , proposé par la Commission dans le cadre de son Agenda européen en matière de migration, vise à apporter une assistance ponctuelle aux États membres de première entrée exposés à des pressions migratoires extraordinaires. L'idée initiale consistait en un seul « point d'accès » à l'espace Schengen des agents des différentes agences européennes venus, sur le terrain, en soutien aux agents de l'État membre concerné afin de les aider à identifier, enregistrer et orienter les migrants soit vers la demande d'asile, soit vers le retour. Cependant, de centres de passage ne comportant à l'origine que très peu de places d'hébergement, essentiellement pour les mineurs isolés et quelques familles, les hotspots , en particulier ceux situés sur les îles grecques, avaient évolué vers des centres d'accueil fermés, ce qui a pu poser problème en termes de conditions d'accueil.

La commission d'enquête avait relevé que le bilan des hotspots « est plutôt positif pour ce qui est de l'identification et l'enregistrement des migrants », mais que « le problème du retour des étrangers en situation irrégulière reste prégnant, laissant entière la question de l'implantation de ces derniers à l'intérieur ou en bordure de l'Union européenne ». Aussi avait-elle adopté trois propositions relatives à leur devenir : réfléchir à la mise en place de hotspots dans des États tiers afin de limiter en amont l'immigration irrégulière au sein de l'espace Schengen, dissocier l'orientation des demandeurs d'asile au sein des hotspots externalisés du traitement des demandes d'asile sur le territoire de l'espace Schengen et développer au niveau européen un dispositif de visas pour l'asile.

Ce volet est sans doute le plus délicat compte tenu des derniers développements, en particulier politiques, de la crise migratoire à laquelle est confrontée l'Union européenne depuis 2015. Le sujet a du reste profondément évolué depuis la publication du rapport de la commission d'enquête.

• Le SGAE notait qu' « il existe des centres d'accueil et d'orientation des migrants dans les pays tiers, permettant de leur éviter de se lancer dans des traversées périlleuses vers la Libye et de la Méditerranée. La mesure témoigne également de la solidarité européenne à l'égard des pays de transit du Sahel, impacté par les routes migratoires. Par ailleurs, sur le modèle de ce qui était fait en Turquie, au Liban ou en Jordanie, les personnes enregistrées auprès d'un pays de premier accueil peuvent être identifiées puis proposées par le HCR sur des listes fermées en vue de leur réinstallation en Europe 17 ( * ) . En octobre 2017, le Président de la République a pris l'engagement de réinstaller 10 000 personnes en France d'ici fin 2019, dont 3 000 dans le cadre de missions de protection qui sont menées à partir du Tchad et du Niger ». Le SGAE poursuivait ainsi : « En revanche, il n'existe pas à l'heure actuelle de hotspots à proprement parler. Si certains États membres de l'Union européenne ont pu émettre des idées dans ce sens, celles-ci n'ont débouché sur aucune concrétisation à ce stade. En première analyse un tel concept semblerait soulever des questions juridiques (quel droit applicable par exemple ?) et diplomatiques. La question se pose sans doute aussi de l'effet d'appel d'air d'un tel dispositif ». Du reste, un représentant de la Commission a indiqué à vos rapporteurs, lors de leur déplacement à Bruxelles, que l'établissement de hotspots dans des pays tiers n'était plus d'actualité, ce projet n'ayant d'ailleurs jamais été proposé par la Commission, mais seulement évoqué par certains États membres.

Le sujet, qui s'inscrit dans le contexte général de la réforme du régime d'asile européen commun , est cependant devenu beaucoup plus sensible depuis lors, avec la question du débarquement et de l'accueil des migrants secourus en Méditerranée par l' Aquarius .

Pour M. Jean-Yves Leconte, les sauvetages réalisés par l' Aquarius montrent l'impossibilité pour l'Europe de disposer d'outils communautaires ou publics suffisants pour répondre aux besoins de protection des naufragés. Les difficultés d'accès du bateau dans les ports européens et d'accueil des naufragés le rappellent malheureusement à intervalles réguliers.

En 2016, la Commission avait présenté deux « paquets asile » successifs : le premier, le 4 mai, porte sur la réforme du règlement de Dublin, du système d'information Eurodac et du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) ; le second paquet, du 13 juillet, vise la révision des règlements « qualifications », « procédures » et « réinstallation » et de la directive « accueil ». Les négociations de ces deux paquets sont particulièrement longues et complexes : alors qu'elles sont très avancées sur certains de ces textes (directive « accueil » et règlements « réinstallation », Eurodac et EASO), elles sont quasiment à l'arrêt sur d'autres.

Le point de blocage porte essentiellement sur la révision du règlement de Dublin relatif à la détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile, et aussi sur le règlement « procédures » qui comporte plusieurs dispositions sensibles, la notion de pays tiers sûr notamment, qui, en France, doit demeurer optionnelle pour des raisons constitutionnelles 18 ( * ) . M. Jean-Yves Leconte considère que la position de la France n'est probablement pas suffisante. En effet un « régime d'asile européen » qui écarterait notre pays de nos exigences conventionnelles et constitutionnelles est une solution qui ne saurait être retenue pour des raisons tant humanitaires que juridiques.

L'objectif de la refonte du règlement de Dublin est d'améliorer l'efficacité du système, en particulier en simplifiant la procédure de transfert, de parvenir à un meilleur équilibre entre responsabilité et solidarité en instaurant des mécanismes de solidarité, y compris sous la forme d'une répartition des demandes enregistrées dans un État confronté à une forte hausse, de prévenir les abus et les mouvements secondaires en allongeant la période pendant laquelle l'État responsable du demandeur d'asile ou du réfugié le demeure, en établissant les obligations des demandeurs d'asile et en sanctionnant leurs manquements. Un accord sur le règlement de Dublin conditionnerait sans doute l'adoption de l'ensemble des deux « paquets asile ». Toutefois, alors que l'objectif initialement fixé était d'aboutir à la fin du premier semestre 2018, le Conseil européen du 28 juin dernier a repoussé l'issue de ces travaux sans fixer d'échéance . Néanmoins, la finalisation de cinq autres textes des « paquets asile » pourrait être déconnectée d'un accord sur le règlement de Dublin et le règlement « procédures » et ainsi être accélérée. Selon votre collègue Jean-Yves Leconte, dans l'attente d'une réforme de Dublin, certains pays pourraient accepter de ne pas systématiquement user de leur droit de retour vers le pays de première entrée.

En dépit des efforts de la Présidence bulgare, et des autres présidences avant elle, un accord sur ce texte n'a toujours pas été trouvé, tant les positions sont éloignées , en particulier sur l'équilibre à atteindre entre solidarité et responsabilité, notamment entre les États membres de première entrée, tels que l'Italie et la Grèce, et plusieurs autres États membres, dont ceux du groupe de Visegrad, mais aussi entre le Conseil et le Parlement européen. Les négociations se focalisent sur le mécanisme de répartition des demandeurs d'asile en cas de crise : doit-il être obligatoire ou non ? La solidarité peut-elle prendre d'autres formes, financières notamment, que l'accueil ? Le ministre autrichien de l'intérieur aurait récemment indiqué, selon la presse, que l'idée d'une répartition contraignante aurait toujours conduit à l'échec des négociations sur le règlement de Dublin. Pour M. Jean-Yves Leconte, une fragilité du système de répartition serait, à ce stade, l'impossibilité d'évaluer la manière dont les États d'accueil procéderaient à l'instruction des demandes d'asile des personnes qui seraient accueillies selon cette procédure. Il ne serait en effet pas acceptable que des pays d'accueil contraints d'accepter une répartition solidaire évacuent cette obligation en procédant à une instruction des demandes non respectueuse des droits des demandeurs d'asile.

Le Conseil européen du 28 juin a appelé, prudemment, à trouver un consensus sur le règlement de Dublin « pour qu'il soit réformé sur la base d'un équilibre entre responsabilité et solidarité, en tenant compte des personnes débarquées à la suite d'opérations de recherche et de sauvetage », souligné « la nécessité de parvenir à une solution rapide sur l'ensemble du paquet [asile] » et invité « le Conseil à poursuivre les travaux pour les faire aboutir dans les meilleurs délais », le Conseil européen d'octobre devant de nouveau faire le point sur l'état d'avancement des travaux.

Les autorités françaises considèrent que la relocalisation obligatoire des demandeurs d'asile en période de crise doit faire partie de la solidarité et que tous les États membres doivent s'inscrire dans cette logique de répartition, même si cette dernière peut supporter une certaine flexibilité, et par conséquent ne pas être automatique.

À cet égard, le Conseil européen du 28 juin a été particulièrement important. Il s'est déroulé dans un contexte particulier, marqué par l'absence d'accord sur la réforme du règlement de Dublin, l'arrivée d'un nouveau gouvernement en Italie qui a pris la décision de fermer ses ports aux bateaux de migrants naufragés et le début de la Présidence autrichienne. L'enjeu pour le Conseil européen était alors à la fois de s'inscrire dans la continuité de l'action européenne en la matière et de trouver des solutions adaptées à ce nouveau contexte.

C'est dans cette perspective que les conclusions du Conseil européen du 28 juin ont évoqué, au titre d'une « nouvelle approche [...] à l'égard du débarquement des personnes secourues dans le cadre d'opérations de recherche et de sauvetage », le nécessaire examen par la Conseil et la Commission du « concept de plateformes régionales de débarquement » qui, « en coopération étroite avec les pays tiers concernés ainsi que le HCR et l'OIM », « devraient fonctionner en distinguant entre les situations individuelles, dans le plein respect du droit international et sans créer de facteur d'appel ».

Ces conclusions précisent que, « sur le territoire de l'UE, les personnes secourues, conformément au droit international, devraient être prises en charge sur la base d'un effort partagé, par un transfert dans des centres contrôlés établis dans des États membres, uniquement sur une base volontaire , où un traitement rapide et sûr permettrait, avec le soutien total de l'UE, de distinguer les migrants en situation irrégulière, qui feront l'objet d'un retour, des personnes ayant besoin d'une protection internationale, auxquelles le principe de solidarité s'appliquerait. Toutes les mesures dans le contexte de ces centres contrôlés [...] s'entendent sur une base volontaire, sans préjudice de la réforme de Dublin ».

Votre collègue Jean-Yves Leconte fait observer que, si l'on retrouve les éléments de langage classiques entre les « personnes ayant besoin d'une protection internationale » et les « migrants en situation irrégulière », rien n'est dit sur la manière de décider qui relève de telle ou telle situation. Ceci ne peut être logiquement établi, pour des personnes arrivant sur le territoire de l'Union, qu'après avoir donné à chaque personne le droit, si elle le souhaite, à un examen d'une demande déposée au titre de l'asile. Au lieu de hotspots dans les pays de départ (Lybie, Tunisie, Maroc), ceux-ci seraient positionnés dans des pays de débarquement (Lybie, Tunisie, Albanie, etc.).

Enfin, le Conseil européen a appelé les États membres à « enrayer » « les mouvements secondaires de demandeurs d'asile entre les États membres [qui] risquent de porter atteinte à l'intégrité du régime d'asile européen commun et à l'acquis de Schengen » et à « coopérer étroitement à cette fin ».

Il revient à la Présidence autrichienne de préciser le contenu opérationnel de ces concepts de « plateformes régionales de débarquement » et de « centres contrôlés », dans le respect du droit international.

Le concept de plateformes régionales de débarquement a été forgé par le président du Conseil européen, Donald Tusk, avec le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), en raison de la nécessité, dans le contexte actuel, d'améliorer le sauvetage, l'accueil et l'orientation des migrants. Ces plateformes de débarquement concerneraient les migrants interceptés dans les eaux internationales et pourraient être installées dans les pays sûrs d'Afrique du Nord. Les personnes secourues en mer seraient rapidement prises en charge et se verraient offrir des solutions adaptées en fonction de leur statut, soit le retour dans le pays d'origine, en lien avec l'OIM, soit l'accès à l'asile, y compris via la réinstallation dans un pays tiers, en lien avec le HCR. Il s'agit à la fois de prévenir les décisions unilatérales et de « casser » le modèle économique des passeurs.

Dans ce contexte, le HCR et l'OIM ont organisé, à Genève, une première réunion informelle des hauts responsables sur la recherche, le sauvetage en mer et le débarquement dans la région de la Méditerranée visant à engager un processus de discussion sur les migrations en provenance d'Afrique du Nord.

Toutefois, le projet a suscité des préventions de la part des pays de la rive Sud de la Méditerranée , qui ne souhaitent pas se voir imposer l'installation de telles plateformes. C'est le cas, par exemple, de la Tunisie 19 ( * ) . Ni le Maroc ni l'Algérie ne sont plus enthousiastes, ces deux pays attendant surtout un soutien pour renforcer leurs capacités visant à empêcher les départs.

Selon les informations recueillies par vos rapporteurs, le concept de « plateforme » serait d'ailleurs en train d'évoluer vers celui d' « arrangement », la « plateforme » évoquant trop fortement l'existence d'un centre physique établi de façon durable sur un territoire. Cette évolution sémantique vise à insister sur l'approche collective qui doit sous-tendre ce dispositif grâce à un partage des responsabilités en matière de contrôles et de sauvetage en mer.

Les centres contrôlés , quant à eux, constituent une idée française issue d'une analyse critique du fonctionnement des hotspots qui ont permis l'accueil et l'enregistrement des migrants là où ils ont été installés et qui auraient donc apporté des améliorations, même imparfaites, au fonctionnement du règlement de Dublin et de l'espace Schengen. Néanmoins, selon la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, les hotspots ont été insuffisamment directifs pour décourager les flux migratoires. Les centres contrôlés concerneraient les migrants interceptés dans les eaux territoriales d'un État membre : ceux qui répondent aux critères d'attribution du statut de réfugié pourraient être transférés vers d'autres États membres qui les accueilleraient sur leur sol de manière volontaire pour pallier le refus d'un autre État d'ouvrir ses ports. La ministre chargée des affaires européennes, Mme Nathalie Loiseau, a indiqué, selon la presse 20 ( * ) , qu'il s'agissait d'une « offre faite aux premiers pays d'entrée ; ils ne sont pas obligés de l'accepter ». La Grèce et l'Espagne pourraient accueillir de tels centres, mais pas la France qui n'est pas un pays de première entrée.

La Commission, après une réunion informelle - au bilan mitigé - des ministres de l'intérieur européens à Innsbruck, le 12 juillet dernier, a publié deux non papers sur les plateformes régionales de débarquement et sur les centres contrôlés , le 24 juillet, destinés à mettre en oeuvre les conclusions du Conseil européen. La complémentarité est recherchée entre ces deux dispositifs 21 ( * ) : les centres contrôlés visent à répartir l'effort d'accueil des migrants entre les États membres, tandis que les plateformes régionales de débarquement auraient pour objectif d'encourager les pays de la rive Sud de la Méditerranée à traiter chez eux les demandes d'asile des migrants secourus en mer.

Selon M. Jean-Yves Leconte, cela, au regard de la situation dans plusieurs de ces pays, ne peut constituer une alternative à une demande d'asile en Europe et au respect plein et entier par les États membres de l'Union européennes de leurs obligations liées à la convention de Genève. Or, ce respect est indispensable à la pérennité de l'espace Schengen.

LES NON PAPERS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE DU 24 JUILLET 2018
SUR LES PLATEFORMES RÉGIONALES DE DÉBARQUEMENT
ET LES CENTRES CONTRÔLÉS

Le document de la Commission porte sur l'installation, dans les pays tiers sûrs qui se porteraient volontaires, de plateformes de débarquement de migrants secourus dans les eaux desdits pays tiers ou internationales.

La Commission cherche à inciter les pays nord-africains à établir des zones de recherche et de sauvetage et des centres de coordination de sauvetage maritime avec le soutien du HCR et de l'OIM. Ces deux organisations « contribueront à faire en sorte que les personnes débarquées puissent recevoir une protection, si elles en ont besoin, y compris en étant orientées vers des programmes de réinstallation, ou, si elles n'ont pas besoin d'une protection, qu'elles puissent retourner dans leur pays d'origine ».

Ces plateformes, dont la forme dépendrait des pays tiers hôtes, ne devront en tout cas pas constituer un facteur d'attraction ( pool factor ). Les personnes débarquées ayant besoin d'une protection internationale ne bénéficieraient pas toutes des mesures de réinstallation vers l'Union européenne. Ces points d'accueil devraient être établis « le plus loin possible des points de départ de la migration irrégulière ».

La Commission, sans préciser de chiffres, apporterait un soutien financier et opérationnel à ces pays pour les débarquements et les « activités après le débarquement », ainsi que pour « contribuer à la gestion des frontières en fournissant du matériel, des formations et d'autres formes de soutien ».

Pour ce qui concerne les centres contrôlés , l'objectif est d'intervenir rapidement quand un bateau transportant des migrants arrive dans les eaux d'un État membre. La Commission contacterait alors d'autres États membres et organiserait avec les pays volontaires le transfert des migrants pris en charge. Sur cette base, le premier État membre concerné pourrait donc temporairement faire débarquer ces personnes sur son territoire le temps d'organiser les transferts.

Toute opération dans un centre contrôlé serait entièrement couverte par le budget européen. Les États membres volontaires pour accueillir ces personnes pourraient recevoir 6 000 euros par migrant pour les frais de transfert. Les États membres pourraient aussi recevoir des crédits pour la mise en place des infrastructures.

Les États membres décideraient de la forme de ces centres et de leur nature, fermée ou ouverte.

Le schéma proposé aux États membres par la Commission serait en tout cas celui d'une identification initiale rapide des profils des personnes secourues, une fois débarquées dans un port européen. En 72 heures, des équipes renforcées d'experts européens, par exemple de Frontex ou de l'EASO, vérifieraient si un migrant peut être transféré dans un autre État membre pour y voir traiter sa demande d'asile, s'il peut être redirigé dans le système d'asile du pays. Sinon, cette personne sera rapidement orientée vers des centres fermés pour procéder à son retour, si elle ne peut prétendre à rester dans l'Union européenne. L'ensemble de la procédure d'examen individuel de la demande devrait intervenir dans un délai de 4 à 8 semaines.

Néanmoins, l'intention de la Commission est que cette solution soit transitoire, dans l'attente de l'adoption de la réforme du régime d'asile européen commun . Le dispositif serait testé dans le cadre d'une phase pilote.

Selon la presse, une note informelle de la Présidence autrichienne aurait évoqué la piste d'un système dans lequel plus aucune demande d'asile ne serait déposée sur le territoire européen. Toutefois, cette hypothèse, qui n'a pas été reprise publiquement par les autorités autrichiennes, serait très certainement contraire au droit international.

Enfin, il est important d' harmoniser les pratiques nationales en matière d'asile . Telle serait la tâche de la future agence européenne de l'asile, qui serait également chargée des procédures d'asile aux frontières extérieures. La Commission a présenté, le 12 septembre dernier, une proposition de règlement qui modifie sa proposition initiale de 2016 sur la réforme de l'EASO.


LES DERNIÈRES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
RELATIVES À L'INSTITUTION D'UNE AGENCE DE L'UNION EUROPÉENNE
POUR L'ASILE

La proposition initiale de mai 2016 visait à transformer le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) en une véritable agence de l'Union européenne pour l'asile, dotée d'un mandat renforcé et de missions étendues de manière à ce qu'elle puisse offrir un soutien renforcé aux États membres en période de pression migratoire accrue, y compris par le déploiement rapide d'experts en matière d'asile.

Les nouvelles propositions de la Commission s'appuient sur le texte de 2016 - et prennent en compte les modifications déjà apportées et actées dans l'accord provisoire conclu entre le Parlement européen et le Conseil -, mais élargissent davantage encore l'assistance de la nouvelle agence aux États membres, y compris la possibilité de les aider en effectuant l'ensemble de la phase administrative de la procédure, et organisent la coopération et la complémentarité du futur corps européen de garde-frontières et de garde-côtes.

Avec les nouvelles propositions de la Commission, l'agence européenne pour l'asile :

- apporterait une assistance technique et opérationnelle accrue, que l'agence serait en mesure de financer elle-même. L'agence aiderait les États membres, en particulier lorsque leurs systèmes d'asile et d'accueil seraient soumis à une plus forte pression, par exemple lorsqu'ils sont confrontés à un nombre disproportionné de demandes de protection internationale ;

- offrirait un appui administratif pour effectuer tout ou partie de la procédure administrative de protection internationale et de la procédure relevant du système de Dublin. Elle serait également en mesure d'offrir une aide au stade du recours, en effectuant des recherches et des analyses juridiques ou en produisant des rapports à la demande des juridictions ;

- déploierait des équipes d'appui à la gestion des flux migratoires, y compris dans les zones d'urgence migratoire ( hotspots ) et dans les centres contrôlés. Ces équipes se composeraient d'experts de l'agence ainsi que de personnels de Frontex, d'Europol et d'autres agences européennes.

Le lien entre cette nouvelle agence et Frontex serait renforcé afin d'améliorer la gestion des flux migratoires aux frontières extérieures de l'Union européenne : les deux agences coordonneraient leurs activités et soutiendraient les États membres, par exemple pour le déploiement de personnels dans les actuels hotspots ou les futurs centres contrôlés. Cette approche intégrée établirait un lien fort entre les procédures d'asile et de retour de telle sorte que les personnes ayant véritablement besoin d'une protection internationale puissent en bénéficier rapidement et que celles dont ce n'est pas le cas puissent faire l'objet d'un retour effectif.

La nouvelle agence pour l'asile pourrait rédiger des décisions concernant les demandes d'asile et les communiquer aux autorités nationales chargées de l'examen des demandes. Cette aide serait fournie sur demande expresse d'un État membre, mais les décisions relatives aux demandes individuelles resteraient sous leur unique responsabilité. De même, la responsabilité relative aux demandeurs de protection internationale dans les États membres continuerait à être régie par le règlement de Dublin.

La nouvelle agence européenne pour l'asile contribuerait néanmoins au fonctionnement du dispositif issu de la révision du règlement de Dublin, par exemple la gestion du système d'information permettant de garder trace de l'État membre responsable de chaque demande de protection internationale ou l'organisation logistique du transfert d'un demandeur vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile.

La proposition initiale de la Commission prévoyait pour la nouvelle agence un budget de 364 millions d'euros jusqu'à la fin de 2020, ainsi que le recrutement de 357 personnels supplémentaires, portant ses effectifs à 500 personnes à la fin 2020. La nouvelle proposition de la Commission se traduirait par 55 millions d'euros supplémentaires par an entre 2019 et 2027. Le montant total des ressources financières de l'agence s'élèverait ainsi à 321 millions d'euros pour la période 2019-2020 et à 1,25 milliard d'euros pour la période 2021-2027.

Selon M. Jean-Yves Leconte, l'absence de procédure d'évaluation des procédures d'asiles existantes dans l'Union européenne, au contraire de ce qui existe pour Frontex dans son nouveau mandat, est une faiblesse des propositions de la Commission car la préoccupation de la convergences des politiques d'asile restera posée et fragilise toute idée de répartition entre des pays, si les conditions de l'examen d'une demande de protection, et les chances d'obtenir le statut de réfugiés restent très différentes.

• Sur la dissociation de l'orientation des demandeurs d'asile et du traitement des demandes d'asile proprement-dites, le SGAE a indiqué que cette question « renvoie à la demande constante de la France en faveur d'une généralisation des procédures d'asile à la frontière qui vise précisément à distinguer de façon précoce, aux frontières extérieures de l'Union européenne, les personnes en besoin manifeste de protection des autres ».

• Enfin, le SGAE a rappelé que « la France n'est pas favorable au développement d'un visa pour l'asile au niveau européen ».

Votre rapporteur Jean-Yves Leconte considère que cette position conduit à se poser des questions sur la cohérence de la position française et la volonté annoncée d'aller vers une vraie politique d'asile européenne.

Dans un arrêt du 7 mars 2017 22 ( * ) , la Cour de justice de l'Union européenne a confirmé que les États membres ne sauraient être tenus de délivrer des visas pour l'asile , la Cour estimant que le code des visas dispose de mesures relatives aux visas pour les séjours prévus d'une durée maximale de trois mois, ce qui ne qualifie pas les permis de séjour délivrés pour asile.

Le SGAE a également rappelé que la France délivrait à titre national des visas humanitaires . Il existe par ailleurs des programmes de réinstallation pilotés au niveau national par le HCR et auxquels contribue l'Union européenne.

Au-delà de cette question, il convient de rappeler que, le 14 mars dernier, la Commission a présenté une proposition de règlement visant à réviser le code communautaire des visas 23 ( * ) établi en 2009, afin de tirer les conséquences de l'apparition de nouvelles menaces en termes de sécurité et du défi migratoire. L'attractivité territoriale, en particulier avec le tourisme - la France et l'Espagne sont respectivement les première et troisième destinations touristiques au monde -, ne constitue plus le principal objectif de la politique des visas. On rappellera à ce titre que la Commission avait proposé, en mars 2014, une première réforme d'inspiration libérale visant à favoriser les échanges et l'attractivité, comprenant un projet de visa d'itinérance qui aurait permis de cumuler des périodes de 90 jours. La Commission a finalement retiré son texte devant l'opposition de la quasi-totalité des États membres, dont la France, qui souhaitaient préserver leurs compétences sur les visas d'une durée supérieure à 90 jours et qui ne voulaient pas des « visas humanitaires » défendus par le Parlement européen.

La révision du code communautaire vise principalement à établir un lien direct entre la politique commune des visas et d'autres politiques migratoires, telle que la réadmission des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier 24 ( * ) . L'inscription dans le code communautaire des visas d'un tel lien doit inciter les pays tiers à coopérer davantage avec l'Union européenne dans la lutte contre l'immigration irrégulière , sous peine de se voir imposer des mesures de restriction de délivrance de visas, appliquées uniformément par l'ensemble des partenaires Schengen. Il s'agit aussi de tirer parti des évolutions technologiques liées à la dématérialisation.

LE CODE COMMUNAUTAIRE DES VISAS ET LES RÉFORMES PROPOSÉES

La politique commune des visas constitue un élément essentiel de l'acquis de Schengen. Elle regroupe un ensemble de règles harmonisées visant à encadrer et faciliter l'accès au territoire de l'Union à des fins touristiques et commerciales, mais non d'établissement, prévues par différents instruments juridiques : le règlement de juillet 2009, entré en vigueur en 2010, établissant le code communautaire des visas, la liste définissant les pays dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour se rendre dans l'Union et ceux dont ce n'est pas le cas au titre d'un règlement de mars 2001 (actuellement, les ressortissants de 105 pays sont dans l'obligation d'obtenir un visa, les dernières exemptions concernant la Géorgie et l'Ukraine depuis 2017), un règlement de 2017 ayant réformé le modèle de vignette adhésive à apposer sur les documents de voyage instauré en 1995 en le dotant de dispositifs de sécurité supplémentaires pour réduire les risques de falsification et le règlement de 2008 instaurant le système d'information sur les visas (VIS) qui enregistre les demandes de visas et les décisions.

En 2017, sur 16,1 millions de demandes, en hausse de 6,3 %, 14,6 millions de visas de court séjour Schengen (durée maximale de 90 jours sur une période allant jusqu'à 180 jours) ont été délivrés, un visa Schengen permettant à son titulaire de se rendre dans les 26 États parties à cet espace et d'y circuler. La France, qui dispose du plus important réseau consulaire, le deuxième au niveau mondial, a délivré à elle seule près de 22 % de la totalité des visas Schengen, suivie de l'Allemagne (12,7 %). Avec l'Italie, l'Espagne et la Grèce, ces pays représentent plus de 63 % des visas Schengen.

La proposition de la Commission vise à mettre en place des procédures plus simples, plus rapides et plus sûres (diminution du délai de décision, possibilité de remplir et signer une demande par voie électronique, mécanisme de délivrance « en cascade » des visas à entrées multiples assortis d'une plus longue durée de validité pour favoriser les voyageurs de bonne foi, augmentation des droits de visa de 60 à 80 euros, recours plus important aux prestataires de services extérieurs), et à faire de la politique des visas un outil d'amélioration de la coopération en matière de réadmission, avec la création d'un nouveau mécanisme visant à déclencher l'application de conditions plus strictes pour le traitement des visas lorsqu'un pays tiers ne coopère pas suffisamment aux fins de la réadmission de ses ressortissants en situation irrégulière dans l'Union européenne.

Un tel lien visas/réadmission constituerait le volet de court terme de la politique migratoire européenne , tandis que le pacte migratoire défini au sommet de La Valette des 11 et 12 novembre 2015, qui a jeté les bases d'un partenariat global sur la question migratoire avec les pays d'origine et de transit africains, en représenterait le volet de long terme.

Le 16 mai 2018, la Commission a proposé, à titre complémentaire, de modifier le règlement de 2008 sur le VIS 25 ( * ) de manière à combler les lacunes en matière d'information de l'ancien règlement et à vérifier, systématiquement et de façon approfondie, les antécédents du demandeur par le biais de l'interopérabilité des bases de données européennes. Ce texte participe également au chantier ambitieux sur l'interopérabilité, dont l'objectif est de renforcer la gestion des frontières extérieures, grâce à des interconnections avec les futurs systèmes SES et ETIAS.

Source : SGAE et ministère de l'Europe et des affaires étrangères (direction des Français de l'étranger et de l'administration consulaire).

Des premières négociations au Conseil, apparaît une large convergence de vues sur les grandes lignes de cette réforme. Il convient toutefois de veiller à ce que le lien visas/réadmission ne soit pas automatique , mais relève de la compétence des autorités consulaires nationales après instruction individuelle des demandes et puisse aussi jouer dans un sens positif et pas seulement négatif.

Votre rapporteur Jean-Yves Leconte est très réservé sur la généralisation d'une telle politique de court terme, qui peut avoir des répercussions très négatives à moyen et long termes sur de nombreux aspects de la coopération européenne ou bilatérale avec certains pays. Selon lui, il convient, sur cette question, de pouvoir disposer de ce levier en cas de besoins ou d'abus, mais avec la plus extrême prudence.

Enfin, la Commission, parmi ses propositions du 12 septembre dernier, a complété son projet de renforcer les règles en matière de retour .


LES DERNIÈRES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION
RELATIVES AU RENFORCEMENT DES RÈGLES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE RETOUR

Afin d'assurer le retour des personnes n'ayant pas le droit de séjourner sur le territoire de l'Union européenne, celle-ci a adopté la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive « retours ».

Sont concernées par ces dispositions les personnes dont la demande d'asile a été déboutée, les personnes ayant dépassé la durée de séjour autorisée par leur visa et celles visées par une sanction pénale.

Les règles européennes communes en matière d'asile prévoient que toutes les demandes d'asile introduites dans des États membres sont examinées au cas par cas, conformément aux exigences du droit de l'Union et du droit international et dans le respect du principe de non-refoulement. Des entretiens individuels, des évaluations individuelles et des voies de recours sont prévus. Toute personne demandant l'asile dans l'Union européenne a le droit de rester sur le territoire de l'Union pendant toute la durée de la procédure.

Toutefois, la Commission estime que cette directive est appliquée de façon incohérente par les États membres, ce qui, selon elle, nuit à l'efficacité de la politique européenne en matière de retour, tandis que les États membres rencontrent des difficultés pour faire appliquer les décisions de retour. En effet, l'application des procédures de retour n'est guère effective : le taux de retour effectif dans l'Union européenne est même passé de 45,8 % en 2016 à 36 % l'année suivante, et les pratiques nationales continuent de diverger.

La Commission a donc présenté des propositions visant à clarifier et poursuivre l'harmonisation des règles relatives au retour, accroître leur effectivité et assurer une application plus cohérente dans tous les États membres.

Les principales modifications apportées à la directive « retour » seraient les suivantes :

- des procédures accélérées aux frontières : des procédures de retour simplifiées seraient appliquées aux personnes dont la demande d'asile a été rejetée au cours de la procédure aux frontières afin d'assurer une adoption rapide des décisions de retour et leur exécution effective aux frontières extérieures de l'Union européenne, y compris dans les centres contrôlés ;

- des procédures plus claires et plus rapides pour la délivrance des décisions de retour, notamment pour les demandeurs d'asile ayant été déboutés : dès qu'un État membre aura pris la décision de mettre fin à un séjour régulier, une décision de retour devrait être délivrée ;

- des procédures de recours simplifiées : dans les cas où une décision de retour résulte du rejet d'une demande d'asile, le recours contre cette décision devrait être formé dans les cinq jours et serait limité à un seul niveau de juridiction. En outre, les États membres auraient le droit de limiter l'effet suspensif des recours formés contre les décisions de retour lorsqu'il n'existe aucun risque de violation du principe de non-refoulement ;

- pour les personnes soumises à une procédure de retour, une obligation spécifique de coopérer tout au long de la procédure serait introduite afin de faciliter la vérification de l'identité des migrants en situation irrégulière et l'obtention des documents de voyage nécessaires au retour ;

- pour rendre plus efficaces les retours volontaires, les États membres seraient tenus de mettre en place des programmes spécifiques d'assistance au retour volontaire, y compris une aide financière et pratique, tandis qu'ils auraient la possibilité de raccourcir le délai de départ volontaire, par exemple lorsqu'il existe un risque de fuite ;

- des règles de rétention plus claires : ces règles incluraient l'application de critères communs pour déterminer le risque de fuite, la possibilité de placer en rétention les personnes représentant une menace pour l'ordre public ou la sécurité nationale et la fixation d'une nouvelle durée minimale de rétention de trois mois donnant aux États membres plus de temps pour préparer, organiser et exécuter les opérations de retour ;

- les États membres auraient la possibilité d'imposer une interdiction d'entrée à un ressortissant de pays tiers quittant l'Union européenne s'ils découvrent que cette personne était en séjour irrégulier dans l'Union. Il s'agit d'empêcher les migrations irrégulières dans le futur et de dissuader les personnes de séjourner irrégulièrement sur une longue durée.

La Commission assure que sa proposition n'altère pas les garanties attachées à la procédure du retour et prévues dans la directive de 2008.

C'est le cas, notamment, des garanties relatives à la rétention qui ne devrait être utilisée qu'en dernier ressort et réservée aux cas dans lesquels aucune autre mesure moins coercitive ne peut être appliquée efficacement. La rétention devrait toujours être la plus brève possible et avoir pour but de mener à bien la procédure de retour. Toutefois, les règles actuelles donnent lieu à une forte disparité des pratiques des États membres qui peuvent fixer librement la durée de rétention maximale pour autant qu'elle n'excède pas six mois, avec une possibilité de prolongation jusqu'à 18 mois si nécessaire. Or, selon la Commission, « dans certains États membres, les périodes de rétention maximales se sont avérées trop courtes pour mener à bien les procédures de retour, constituant ainsi un obstacle à l'effectivité des retours ». C'est pourquoi la Commission propose une nouvelle durée minimale de rétention de trois mois. M. Jean-Yves Leconte considère que la Commission devrait préciser les méthodes utilisées dans chaque pays pour réaliser des éloignements, car les pays parvenant à bien éloigner ne sont pas toujours ceux qui utilisent la rétention pour y parvenir.

Ce serait aussi le cas des garanties relatives aux procédures concernant des enfants, y compris dans le cadre de retours, dont l'intérêt supérieur doit primer (assistance et tutelle appropriées pour les mineurs non accompagnés, enfant confié à un membre de sa famille, à un tuteur ou à une structure d'accueil adéquate dans le pays de retour, préservation de l'unité familiale, accès au système éducatif de base). La rétention de familles comportant des mineurs et la rétention de mineurs non accompagnés doivent rester des mesures de dernier ressort et toujours être aussi brèves que possible, des règles spéciales s'y appliquant telles que la garantie de l'accès à l'éducation, la présence de personnel qualifié et des installations séparées.

Les nouvelles règles assureraient la cohérence entre la procédure d'asile à la frontière et la procédure de retour consécutive lorsque la demande d'asile est rejetée. Les personnes dont la demande d'asile est rejetée au cours de la procédure d'asile à la frontière feraient l'objet d'une procédure de retour simplifiée sans délai de départ volontaire et bénéficieraient de délais plus courts pour introduire un recours. Une personne déjà placée en rétention au cours de la procédure d'asile à la frontière pourrait être maintenue en rétention au cours de la procédure à la frontière relative au retour, pendant une durée maximale de quatre mois de manière à accélérer les décisions de retour aux frontières.

Des procédures aux frontières spécifiques et accélérées pourraient également se dérouler dans des centres contrôlés qui auraient été mis en place aux frontières extérieures.

Aider les États membres à procéder au retour des migrants en séjour irrégulier serait l'une des tâches prioritaires du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, dont il convient de rappeler qu'il pourrait de sa propre initiative proposer l'organisation de retours et fournir un soutien aux départs volontaires de migrants. Le renforcement du mandat de Frontex, également proposé par la Commission, comporterait une assistance aux États membres à exécuter les procédures de retour et une aide aux pays tiers dans leurs activités liées aux retours.

Par ailleurs, dans sa communication, la Commission cherche aussi à mettre en place des voies d'entrée légales vers l'Union européenne pour les personnes ayant besoin d'une protection et à créer des canaux attrayants pour la migration de main-d'oeuvre en fonction des besoins. Elle rappelle à ce titre plusieurs de ses propositions visant à favoriser une migration sûre et légale et invite les États membres à les mettre en oeuvre rapidement, plus particulièrement :

- la nouvelle carte bleue européenne : cette proposition, qui date de 2016, a pour objectif d'attirer dans l'Union des travailleurs hautement qualifiés et d'améliorer la compétitivité de l'économie ;

- la réinstallation : les États membres devraient intensifier la réalisation de l'engagement qu'ils ont pris de réinstaller 50 000 personnes ayant besoin d'une protection internationale d'ici au mois d'octobre 2019 - 13 200 l'ont été depuis septembre 2017 et 24 800 au titre du précédent programme de réinstallation 2015-2017 ;

- le renforcement de la coopération avec les pays tiers, y compris par la mise en place de projets pilotes en matière de migration légale avec les principaux pays africains d'ici à la fin 2018, de manière à améliorer la coopération en matière de gestion des migrations.

La coopération avec les pays tiers doit aussi comprendre un travail spécifique visant à réformer et renforcer leurs services d'état civil. Or, vos rapporteurs ont été alertés sur les importantes réductions de moyens des services consulaires français, qui pourraient rendre difficile dans l'avenir l'accomplissement de l'ensemble de leurs tâches. La biométrie ne constitue pas la solution miracle à la lutte contre la fraude documentaire, si les services d'état civil des États concernés ne sont pas suffisamment fiables.

Cette coopération n'est qu'une illustration d'une question plus large, celle de l' établissement d'un partenariat global entre l'Union européenne et l'Afrique , initié lors du sommet de La Valette , les 11 et 12 novembre 2015, et qui concerne naturellement le long terme . Ce sommet a été l'occasion d'adopter une déclaration politique et un plan d'action fondés sur cinq priorités : migration et développement ; migration légale ; protection internationale ; lutte contre l'immigration irrégulière et la traite des êtres humains ; retour et réadmission. Il constitue le cadre des dialogues migratoires menés par certains États membres, dont la France, avec les pays africains prioritaires (dans un premier temps, Niger, Nigéria, Mali, Sénégal et Éthiopie, puis ajout de la Guinée et de la Côte d'Ivoire) 26 ( * ) . En marge du sommet de La Valette, a également été institué le Fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique (FFU) , doté aujourd'hui de 4 milliards d'euros à la suite de plusieurs réabondements - 3,3 milliards sont déjà engagés - et auquel le Conseil européen du 28 juin 2018 a appelé les États membres à contribuer davantage. Le processus de Rabat et le processus de Khartoum, qui sont des cadres de dialogue régionaux, assurent le suivi politique conjoint des engagements pris au sommet de La Valette. Un prochain sommet à haut niveau est prévu, en novembre prochain, à Addis-Abeba.

Par ailleurs, le renforcement de l'action européenne au profit de la rive sud de la Méditerranée, en particulier la Libye, a été engagé par la déclaration adoptée à Malte , le 3 février 2017. Cette approche a été confirmée lors du sommet Union européenne-Afrique à Abidjan , les 29 et 30 novembre 2017, qui a permis de prendre des mesures visant à améliorer les conditions humanitaires des migrants et à faciliter leur retour ou leur réinstallation, en partenariat avec le HCR et l'OIM.


* 17 M. Jean-Yves Leconte considère que ces dispositions sont très restreintes au regard des besoins.

* 18 Selon des informations rapportées par la presse, l'Assemblée générale du Conseil d'État aurait rendu, à la demande du Gouvernement, le 16 mai dernier, un avis selon lequel la notion de pays tiers sûr est contraire à « l'identité constitutionnelle de la France ». En effet, une double contrainte constitutionnelle pèse sur le concept de pays tiers sûr : le 4 e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui fait obligation à la France d'examiner au fond les demandes d'asile des personnes se disant « persécutées en raison de leur action en faveur de la liberté » et, si elles relèvent de cette définition, de leur accorder une protection, et l'article 53-1 de la Constitution consacrant le droit souverain des autorités françaises d'accorder l'asile à toute personne qui sollicite la protection de la France, y compris pour d'autres motifs que leur action en faveur de la liberté.

* 19 Voir l'article Tunis résiste aux pressions de l'UE sur les migrants , journal Le Monde daté du 1 er septembre 2018.

* 20 Bulletin Quotidien du 2 juillet 2018.

* 21 Voir en particulier la note de Notre Europe - Institut Jacques Delors, Vers une percée dans la solidarité entre États membres ? , Corinne Balleix, 6 août 2018.

* 22 Arrêt X et X/État belge.

* 23 Texte COM (2018) 252 final.

* 24 Il convient de rappeler que l'Union européenne a déjà conclu des accords de réadmission instaurant une obligation de réadmission des ressortissants des parties signataires en situation irrégulière avec 17 pays tiers, dont l'Albanie, la Russie, l'Ukraine, la Serbie, le Pakistan, la Géorgie, l'Arménie ou encore la Turquie, et des négociations sont en cours avec six autres pays (Biélorussie, Nigéria, Tunisie, Chine, Jordanie, Algérie).

* 25 Texte COM (2018) 302 final.

* 26 La Guinée a conclu avec l'Union européenne, il y a environ un an, un arrangement (accord informel) qui donne des résultats significatifs. L'Éthiopie et la Côte d'Ivoire ont également conclu, plus récemment, un tel arrangement. Le Nigéria est partie à des négociations en cours pour un accord de réadmission, ce qui demande plus de temps. Le Mali ne devrait pas tarder à signer un accord de réadmission. Avec le Sénégal, les négociations seraient plus difficiles.

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