B. LES MÉTIERS D'HERBORISTES : VERS UN ENCADREMENT ET UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE DE COMPÉTENCES ET DE SAVOIR-FAIRE COMPLÉMENTAIRES ?

Depuis la suppression du certificat d'herboriste en 1941, plusieurs initiatives parlementaires ont visé à rétablir une profession d'herboriste dans le code de la santé publique. La dernière proposition de loi a été portée, en 2011, par notre collègue Jean-Luc Fichet et des membres du groupe socialiste, sans être toutefois inscrite à l'ordre du jour du Sénat.

La reconnaissance d'un métier d'herboriste, distinct de celui de pharmacien, répond à des attentes fortes de professionnels qui exercent avec passion et responsabilité, dans les limites réglementaires qui s'imposent à eux, et ont acquis, par des formations et beaucoup de lectures personnelles, une connaissance étendue sur la botanique, les plantes et leurs usages, que nombre de professionnels de santé n'ont pas.

Il s'agirait par ailleurs de fixer un cadre à cette activité et à la formation de ses acteurs pour que le consommateur s'y retrouve dans une offre pléthorique d'informations, sur Internet notamment.

Comme l'a rappelé Ida Bost, auteure d'une thèse sur l'histoire de l'herboristerie, « il ne s'agit pas aujourd'hui de créer l'herboristerie. Celle-ci existe bien ». Il ne s'agit pas davantage de restaurer le diplôme d'herboriste d'antan, qui n'est plus adapté, de l'avis général, à notre contexte.

Cette question de la reconnaissance d'un ou plusieurs métiers d'herboristes ne fait pas consensus cependant. Cette thématique est importante et complexe car elle questionne la capacité de notre système de santé au sens large à prendre en compte et intégrer des métiers émergents.

Votre mission d'information, par ses travaux qui l'ont notamment conduit à étudier la situation dans d'autres pays, a cherché à éclairer ce débat pour faire de sa réflexion un point de départ à des évolutions que votre rapporteur, à titre personnel, appelle de ses voeux.

1. Une profession qui tend à s'organiser

En dépit de la suppression du certificat d'herboriste en 1941 ( cf. partie I), ce métier a continué à exister et existe bel et bien.

Ses acteurs tendent à se structurer, que ce soit sous la forme de réseaux (par exemple dans le cadre du congrès annuel des herboristes qui a tenu sa sixième édition en avril 2018 ou encore de la fête des Simples organisée par le syndicat des Simples depuis 2006), de structures représentatives (le syndicat Synaplante pour les herboristes de comptoir ou la fédération des paysans-herboristes) ou par le biais de formations d'herboristerie qui ne sont toutefois pas reconnues par l'État.

• Sous l'impulsion de quelques personnalités, notamment Claudine Luu à Montpellier et Patrice de Bonneval à Lyon, des écoles d'herboristerie ont été créées à partir des années 1970 et 1980. Ces écoles, dont votre mission d'information a entendu les représentants, sont aujourd'hui au nombre de cinq :

- l'Institut méditerranéen de documentation, d'enseignement et de recherches sur les plantes médicinales, créé en 1974 et installé à proximité de Montpellier ;

- l'Association pour le renouveau de l'herboristerie, créée en 1982, basée en Ardèche ;

- l'École lyonnaise des plantes médicinales fondée en 1983 ;

- l'École des plantes de Paris, créée en 1985 ;

- enfin, l'École bretonne d'herboristerie ou Cap Santé, créée en 1995, située à Plounéour Menez dans le Finistère.

Les herboristes et paysans-herboristes auditionnés par votre mission d'information ont, pour la plupart, suivi les formations dispensées dans ces écoles.

De statut associatif, celles-ci se sont fédérées depuis janvier 2014 au sein de la fédération française des écoles d'herboristerie (FFEH), en vue d'harmoniser le contenu de leurs formations autour d`un tronc commun, d'en renforcer la qualité et la professionnalisation, et pour oeuvrer en faveur d'une reconnaissance du métier d'herboriste. Votre rapporteur salue l'importance de cette démarche et le sérieux de ces écoles au sein desquelles interviennent, en tant que formateurs, de nombreux universitaires et professionnels de santé.

Les différents cursus proposés par les écoles d'herboristerie

Les écoles proposent à la fois des formations courtes et des cursus longs, y compris dans le cadre de formations à distance.

Le cursus long

Une formation d'herboriste, proposée dans chacune des écoles, est organisée sur 2 à 3 ans et compte en moyenne 500 heures d'enseignements théoriques et pratiques :

- botanique (150 heures) : ethnobotanique, classification, botanique générale (anatomie et écologie végétales), travaux pratiques d'observation, sorties sur le terrain, constitution d'herbiers, etc. ;

- connaissance des principes actifs des plantes (40 heures) : éléments de base de chimie et chimie des plantes ;

- cueillette respectueuse et ateliers de transformation (formes galéniques simples) ;

- accompagnement et conseil (200 heures) : anatomie et physiologie, propriétés des plantes et indications (plus de 300 sont étudiées en moyenne), histoire de l'herboristerie et contexte juridique.

Certaines écoles, comme celle de Lyon, proposent en outre une formation de « conseiller en produits naturels » en un an et 126 heures de cours.

Les formations courtes

Les stages tout public sont divers selon les écoles : sorties botaniques, ateliers d'aromathérapie, de gemmothérapie ou de cosmétique naturelle, stages d'herboristerie familiale, stages de cueillette et de cuisine de plantes sauvages, etc.

D'après les données transmises à votre rapporteur par la fédération des écoles d'herboristerie, le nombre d'élèves accueillis au sein de ces cinq écoles a été quasiment multiplié par trois au cours des dix dernières années : il est passé de 480 en 2008 à 1 230 en 2018 , cette forte croissance étant toutefois contenue par des capacités d'accueil limitées. 80 % des élèves sont des femmes et la même proportion suit la formation dans un but professionnel ; il est intéressant de noter que 10 % exercent des professions médicales ou paramédicales.

Ces formations privées ont un coût : en moyenne 2 000 euros par an ; 7 % en moyenne des élèves obtiennent un financement par leur entreprise ou au titre de la formation continue.

Votre rapporteur note avec intérêt le projet de ces écoles de renforcer le suivi professionnel de ses diplômés mais aussi de mieux cerner, par le biais d'une étude en cours, la réalité économique de l'activité d'herboriste et les activités autour de l'herboristerie, sur lesquelles les données sont en effet peu nombreuses.

• Par ailleurs, une forme d' autorégulation de la profession de paysan-herboriste existe déjà à travers la fédération des paysans-herboristes précitée.

Elle s'inscrit dans une démarche éthique rigoureuse de préservation de savoirs et de savoir-faire traditionnels qui met en avant, aux termes des statuts de cette fédération : des méthodes artisanales valorisant l'agro-écologie afin d'oeuvrer à la valorisation et la préservation des ressources naturelles, y compris les espèces rares ou protégées ; un engagement à garantir l'authenticité botanique, la qualité, la traçabilité des plantes et produits vendus ; enfin, une information sur les effets connus des plantes au travers des savoirs traditionnels.

Il faut noter à cet égard le travail de recensement des propriétés des plantes engagé à travers le portail wikisimples évoqué lors des auditions.

2. Recréer un métier d'herboriste ? Une question qui fait débat
a) Les principaux éléments du débat

• La création, ou plutôt la renaissance, d'un métier d'herboriste, distinct de celui de pharmacien, répond à des attentes fortes .

Les professionnels qui exercent cette profession, dans un cadre juridique instable, en attendent une sécurisation de leur pratique mais, plus encore, une reconnaissance de leurs savoirs et de leur rôle auprès du grand public, qu'ils voient comme complémentaire de celui des acteurs du soin et non pas en concurrence avec eux.

Plusieurs acteurs, comme Isabelle Robard, avocate, ont envisagé une reconnaissance du métier d'herboriste en trois niveaux articulés autour d'un socle commun de formation : celui de paysan-herboriste, qui pourrait vendre et conseiller les plantes issues de sa production, celui d'herboriste de comptoir ou de commerçant-herboriste, appelé à conseiller plus largement sur l'ensemble des produits à base de plantes, et enfin celui de pharmacien-herboriste, disposant de l'ensemble des prérogatives.

Pour des entreprises commercialisant des produits à base de plantes, une profession intermédiaire, distincte de celle de pharmacien, permettrait de mieux répondre aux attentes de conseil et d'information des consommateurs . Les laboratoires Mességué, dans une contribution, ont ainsi souligné que l'absence de reconnaissance de ces métiers « nuit inévitablement à l'information client » .

Plusieurs acteurs économiques ont mis en avant une possible gradation similaire à celle existant, dans le domaine de la nutrition, entre le diététicien 95 ( * ) et le médecin nutritionniste.

Des pharmaciens entendus par votre mission d'information, comme Sabrina Boutefnouchet ou Pierre Champy, universitaires, ont également considéré qu'il pouvait exister un maillon manquant dans la chaîne de conseil au consommateur sur ces produits à large diffusion, au détriment finalement de la protection de la santé publique.

Dans le même sens, d'autres voient dans la reconnaissance et, ce faisant, la professionnalisation des acteurs, comme l'usage des plantes n'est pas anodin et sans risque, la condition d'un nécessaire encadrement, dans l'intérêt des usagers, de pratiques professionnelles (qu'elles soient le fait d'herboristes ou de naturopathes) qui existent et existeront quelle que soit l'évolution de la réglementation, sauf à interdire à la vente libre toute plante ou tout produit à base de plantes.

• En entendant les différentes parties prenantes, votre mission d'information a constaté que cette perspective soulève de fortes réserves de la part des représentants des professionnels de santé .

Le principal argument avancé par les représentants des pharmaciens et des médecins est le risque de perte de chances pour les patients : pour reprendre les termes des représentants de l'ordre des médecins auditionné par votre mission, reconnaître une profession d'herboriste, distincte des pharmaciens , « serait permettre un exercice très tubulaire, où le discernement nécessaire à la prise en charge thérapeutique globale, sans perte de chances, ferait défaut. »

Comme l'ont relevé, en outre, les représentants des syndicats de pharmaciens, ériger une nouvelle profession intermédiaire mettrait de la confusion au sein d'un système de santé déjà complexe à appréhender pour les patients. Ils mettent en avant la nécessité de disposer d'un « bagage » médical solide et complet pour pouvoir conseiller utilement sur les plantes, en ayant connaissance des interactions médicamenteuses et des contre-indications exposées plus haut ( cf. partie III).

Pour ce faire, le pharmacien est selon eux le mieux placé pour assurer ce conseil, en ayant notamment, via le dossier pharmaceutique, accès au dossier du patient et ainsi à l'ensemble de ses traitements.

Ces analyses rejoignent pour partie celles formulées de manière constante par les gouvernements successifs en réponse aux questions écrites de parlementaires :

« Le pharmacien possède (...) une connaissance complète des plantes médicinales touchant à la fois à leur composition, leur effet pharmacologique et leur utilisation à des fins thérapeutiques. En sa qualité de praticien de santé, le pharmacien a également les compétences nécessaires pour dispenser une médication à visée préventive ou curative, des médicaments issus des plantes, notamment dans le cadre de la médication officinale. (...) Dans ce contexte, il n'est pas envisagé, actuellement (...), de réintroduire le diplôme d'herboriste. » 96 ( * )

• Votre rapporteur comme les membres de votre mission d'information sont attentifs aux différents arguments, notamment ceux concernant la sécurité des usagers, qui guident leur réflexion.

Votre rapporteur a été toutefois surpris de la position défensive adoptée par les représentants des médecins et des pharmaciens, et de propos qui paraissent, à certains égards, en décalage avec une réalité de fait : les produits à base de plantes ne sont pas uniquement distribués dans les officines, les conseils parfois les plus farfelus fleurissent sur Internet et les consommateurs ne trouvent pas toujours auprès des professionnels de santé une oreille attentive et avisée sur ce sujet.

Faut-il donc s'en tenir à un statu quo ? Pour votre rapporteur et à titre personnel, ce ne serait pas la voie la plus souhaitable, dans l'intérêt même des usagers.

b) Les enseignements des exemples étrangers

Afin d'élargir sa réflexion, votre mission d'information a souhaité approfondir la situation à l'étranger, à travers l'audition de représentantes du Québec, de la Belgique et de l'Espagne 97 ( * ) , ainsi qu'en sollicitant une étude de législation comparée annexée au présent rapport 98 ( * ) .

Ces exemples montrent à la fois la complexité de cette question, mais aussi la possibilité de trouver des voies d'équilibre.

A travers cette analyse certes non exhaustive, on voit en effet que si l'activité d'herboriste existe sous des formes diverses d'un pays à l'autre, un certain flou encadre globalement leur statut et leur exercice, laissant souvent la place à l'autorégulation . La situation n'est pas toujours considérée comme satisfaisante, comme le montrent des tentatives répétées ou avortées de réforme, par exemple en Italie ou encore au Royaume-Uni.

Quelques pays ont toutefois commencé à encadrer la profession à travers, le plus souvent, une structuration de la formation . C'est notamment le cas en Belgique où il existe un diplôme et une formation homologués par l'État.

Le positionnement de la profession, qu'elle soit ou non réglementée, oscille, selon les pays, entre le domaine du soin en tant que tel et celui du commerce de produits relevant du bien-être ou de la diététique : Caroline Gagnon, présidente de la Guilde des herboristes du Québec, s'est définie comme thérapeute, l'herboriste pouvant assurer, après une formation solide, des consultations privées ; Dominique Cremer, herboriste belge, a souligné quant à elle que l'objectif était de « former des herboristes-conseils compétents, responsables et capables de prévenir toute mauvaise utilisation des produits contenant des plantes, et non des thérapeutes » , l'herboriste n'étant pas compétent pour établir un diagnostic.

Quelles que soient ces différences d'approches, ces deux professionnelles ont mis en avant leur travail en bonne intelligence voire une « démarche collaborative » avec les pharmaciens dès lors que « chacun reste à sa place » , avec un vrai sens des responsabilités. Elles ont également souligné l'intérêt de leur profession pour protéger les consommateurs contre le charlatanisme, dans un rôle « d'aiguilleur » .

Dans ce contexte où des pays ont évolué vers des équilibres intéressants, sans qu'il n'existe de situation ni tout à fait idéale ni directement transposable, la réflexion engagée par le Sénat à travers la présente mission, comme votre rapporteur a pu le constater, est regardée avec beaucoup d'intérêt par les acteurs étrangers. Il serait d'ailleurs utile de croiser les réflexions entre États européens sur ce sujet .

Quel statut pour les herboristes hors de France ?

Allemagne

Les herboristes peuvent être assimilés aux heilpratiker (guérisseurs), profession réglementée par une loi de 1939 sur l'exercice de la médecine sans diplôme ; cette profession recouvre toute activité en vue de la constatation, de la guérison ou du soulagement des maladies, souffrances ou dommages corporels, y compris l'activité de phytothérapie. Le nombre de heilpratiker est évalué à environ 40 000. Il n'existe pas de formation reconnue par l'Etat, mais des réflexions devaient être engagées pour structurer et contrôler la formation.

Pays-Bas

L'activité de vente de produits à base de plantes relève des drogisten , profession qui dispose de sa propre convention collective. Ils exercent dans des magasins vendant des médicaments sans prescription médicale (en vente libre ou dont la vente est réservée aux pharmaciens et drogisten ), des compléments alimentaires, produits diététiques ou toutes sortes de produits.

Ils doivent avoir suivi une formation d'un niveau bac+2, axée sur le conseil client, la réglementation, la sécurité et le contrôle qualité, au sein de laquelle la phytothérapie occupe une place modeste.

Belgique

Une formation de chef d'entreprise herboriste homologuée est proposée dans le cadre de la formation professionnelle continue. Il s'agit d'une formation en deux ans, comprenant au total environ 550 heures d'enseignement et des stages. Cette formation est assise sur un référentiel métier qui définit l'herboriste comme suit : « En tant que détaillant, il assure le conseil et la vente de produits de bien-être, le plus souvent à base de plantes et de substances naturelles , voire issues de l'agriculture biologique. Il veille à répondre très précisément à la demande du client par le choix d'un produit adapté, tout en étant conscient des limites d'utilisation et des risques liés à une utilisation abusive (personnes à risques, autres médications, etc.). Le cas échéant, il est amené à dispenser des conseils d'hygiène de vie . Il participe à l'exposition attractive des produits en magasin et en vitrine. Dans un contexte plus large, l'herboriste peut être amené à récolter et transformer les plantes dans le respect des règles de sécurité, d'hygiène et de protection de l'environnement. Pour ce faire, il utilise les techniques de production adéquates et suit rigoureusement toutes les procédures de fabrication et de contrôle de la qualité » .

Canada (Québec)

La profession d'herboriste ne fait pas l'objet d'une réglementation mais s'est auto-régulée : au Québec, la Guilde des herboristes s'est constituée en 1995 ; elle a développé un code de déontologie et un système de formation et d'accréditation.

Des formations longues dispensées auprès de trois écoles agréées par la Guilde (d'environ 1500 heures d'enseignement pour un herboriste traditionnel à plus de 3000 heures d'enseignement pour un diplôme expert d'herboriste thérapeute ou clinicien) permettent d'ouvrir une entreprise d'herboristerie mais aussi de recevoir des personnes en consultation.

Le Canada a par ailleurs reconnu en 2004 un statut particulier aux « produits de santé naturels » (PSN), distinct des produits alimentaires et des médicaments.

Source : Sénat, étude de législation comparée, 2018 - l'étude complète portant sur huit pays est jointe en annexe au présent rapport

3. Une réflexion à approfondir sur la reconnaissance des métiers d'herboristes

Pour votre rapporteur et à titre personnel , une reconnaissance des métiers d'herboristes - paysans-herboristes et herboristes de comptoir - spécialistes des plantes et de leurs usages , adossée à une formation solide, serait nécessaire afin d'encadrer une pratique qui existe de fait et d'aiguiller les consommateurs vers des professionnels compétents.

Pour un grand nombre de personnes entendues, le statu quo n'est pas satisfaisant, ne serait-ce qu'au regard des attentes des consommateurs de disposer d'une information - large et sérieuse - sur les plantes et leurs usages, et de leurs comportements d'achat qui empruntent aujourd'hui de multiples canaux au-delà des seules officines.

L'évolution souhaitée permettrait d'éviter certaines dérives sans sanctionner les professionnels qui agissent en responsabilité. C'est cette démarche qui a conduit à l'encadrement d'autres professions, comme celle d'ostéopathe autorisée par la loi du 4 mars 2002 99 ( * ) .

Les exemples de professionnels exerçant dans d'autres pays comme les témoignages des paysans-herboristes ou herboristes de comptoir en exercice montrent qu'une cohabitation en bonne intelligence est possible - et se fait d'ailleurs sur le terrain - avec les professionnels de santé, dès lors que les rôles sont clairement définis.

Pour votre rapporteur, la complémentarité des acteurs est le mot clé pour la réussite de toute évolution. C'est ce sur quoi ont insisté l'ensemble des herboristes entendus, par-delà les différentes visions du métier qui peuvent coexister au sein de la profession. Ils n'entendent pas prendre le rôle ou la place du pharmacien ou du médecin ou leur faire concurrence . Au contraire, ils cherchent à travailler avec eux, quand leur savoir et leur savoir-faire sont susceptibles d'apporter une plus-value aux personnes venant chercher un conseil ou une information. Les responsables de l'herboristerie de Gap, auditionnés par votre rapporteur, comme d'autres professionnels, ont ainsi fait valoir que des pharmaciens - qui ne peuvent tous disposer d'une large gamme de produits, notamment en plantes sèches ou en vrac - leur adressent des personnes quand ils ne disposent pas des plantes répondant à leurs besoins.

Dans cette perspective, votre rapporteur souligne que des conditions devraient, selon lui, être clairement posées. Il serait ainsi nécessaire de fixer un cadre à l'exercice du métier d'herboriste par l'élaboration concertée d'une « charte de bonnes pratiques », à partir des travaux conduits par Synaplante ou par la fédération des paysans-herboristes. Cela permettrait de préciser l'étendue de l'information que ce professionnel - qu'il soit paysan-herboriste ou herboriste de comptoir - pourrait apporter au consommateur, son positionnement et l'articulation de son rôle avec les professionnels de santé, c'est-à-dire les principes guidant son activité et en fixant les limites. Il s'agirait en particulier de veiller à ce que l'herboriste, non professionnel de santé, n'établisse pas de diagnostic médical et renvoie les personnes polymédiquées ou présentant des problèmes de santé vers un médecin, comme le font les herboristes en Belgique. Ce cadre devrait préciser les contrôles applicables à l'activité, pour répondre aux exigences sanitaires de traçabilité et de qualité des produits.

S'agissant de la formation, votre rapporteur note avec intérêt plusieurs projets en cours. Le premier est un projet de licence professionnelle de « conseiller en herboristerie et produits de santé à base de plantes », développé par des professeurs de la faculté de pharmacie de Paris-Descartes, en association avec le centre de formation professionnelle des préparateurs en pharmacie de Paris, qu'ont présenté Sabrina Boutefnouchet et Guilhem Bichet lors de leur audition. Ce cursus, proposé en alternance à des personnes de niveau bac+2 (comme des préparateurs en pharmacie) pourrait voir le jour à compter de la rentrée 2019. Il permettrait de prodiguer des conseils en boutique ou en officine et d'être formé aux bonnes pratiques de préparation.

En outre, dans le domaine de la formation professionnelle agricole, le CFPPA de Nyons , où s'est rendue votre mission d'information, est en train de monter un module de formation spécifique sur les usages traditionnels des plantes et le cadre réglementaire, à destination des producteurs , qui pourrait servir de projet pilote à des formations de paysans-herboristes.

Votre rapporteur souligne à cet égard l'importance de travailler de concert avec les écoles d'herboristerie qui ont développé depuis plus de quarante ans un savoir-faire reconnu et de poursuivre le travail d'harmonisation du contenu des formations engagé par ce réseau, avec l'appui d'universitaires et notamment de pharmaciens.

En raison des questionnements qu'une telle évolution suscite, la reconnaissance formelle d'un ou de plusieurs métiers d'herboristes, dans les conditions exposées ci-dessus par votre rapporteur, ne fait pas consensus au sein de la mission d'information .

Dans ces conditions, votre rapporteur propose de poursuivre la réflexion engagée dans le cadre de la présente mission soit dans le cadre formel d'un groupe de travail, soit, à défaut, dans un cadre informel, qui demeurerait ouvert aux différentes sensibilités politiques du Sénat ainsi qu'aux sénateurs ultra-marins, ces territoires ayant un rôle important à jouer dans ces évolutions. Ce travail permettrait non seulement de rechercher une voie d'équilibre dans le dialogue avec l'ensemble des parties prenantes (herboristes, professions de santé, écoles d'herboristerie, universitaires, administrations concernées...), dans la perspective de l'élaboration d'une proposition de loi, mais aussi de contribuer à faire avancer, parallèlement, les réflexions sur cette question au niveau européen, pour aller vers une plus grande harmonisation des métiers et des formations.

Pourrait être également approfondie à cette occasion, en liaison avec l'ordre des pharmaciens, la question des pharmaciens faisant le choix de consacrer l'ensemble de leur activité à l'herboristerie « traditionnelle », qui ne sont pas inscrits, de ce fait, auprès de l'ordre. En dépit de leur diplôme, ceux-ci sont aujourd'hui confrontés aux mêmes limites d'activité que les herboristes non pharmaciens en termes de conseil aux consommateurs. Cette situation devrait toutefois être abordée en tenant compte des règles strictes qui s'appliquent au réseau réglementé des officines, notamment en termes de répartition territoriale 100 ( * ) , auxquelles ces professionnels ne sont pas soumis du fait de leur choix d'exercice.

Proposition n° 39 : Poursuivre la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés pour envisager les conditions d'une reconnaissance éventuelle de métiers d'herboristes, les contours des formations adaptées et les évolutions législatives correspondantes


* 95 La profession de diététicien a été reconnue comme profession de santé par la loi n° 2007-127 du 30 janvier 2007. Seules peuvent exercer cette profession et porter le titre de diététicien les personnes titulaires du diplôme d'État qui sanctionne une formation de deux ans.

* 96 Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à la question écrite n° 04060 de M. Laurent Lafon, JO Sénat, 9 août 2018.

* 97 Cf. compte rendu de l'audition de Caroline Gagnon, présidente de la Guilde des herboristes du Québec, Dominique Cremer, herboriste en Belgique et Noémie Zapata, anthropologue, auteur d'une étude sur les herboristeries en Espagne (10 juillet 2018).

* 98 Cette étude (cf. annexe) porte sur huit pays : l'Allemagne, la Belgique, le Canada (Québec), l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suisse.

* 99 La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (article 75) a ainsi encadré les conditions d'utilisation du titre d'ostéopathe, réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé. L'usage professionnel du titre d'ostéopathe est partagé entre les professionnels de santé et les ostéopathes exclusifs.

* 100 Ces règles sont définies aux articles L. 5125-3 et suivants du code de la santé publique : les créations, transferts ou regroupements d'officine sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé sous réserve de conditions démographiques strictement définies, liées aux besoins de couverture de la population en médicaments.

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