CONTRIBUTIONS ÉCRITES DES GROUPES
___________
CONTRIBUTION DE GUILLAUME GONTARD AU NOM DU GROUPE COMMUNISTE, REPUBLICAIN, CITOYEN ET ECOLOGISTE (CRCE)
Le groupe CRCE tient tout d'abord à saluer l'initiative du Sénat de s'intéresser, 6 mois durant, à la question de l'herboristerie dans le cadre d'une mission commune d'information demandée par le groupe du Rassemblement démocrate social et européen (RDSE). Notre assemblée prouve ainsi sa capacité à s'inscrire dans les débats de notre époque, qui voit une frange grandissante de nos concitoyens aspirer à des soins plus naturels et rechercher le bien-être via les plantes médicinales et leurs dérivés (huiles essentielles, compléments alimentaires...). Le groupe CRCE prend toute la mesure du très important travail effectué par la mission et se félicite de la qualité et de la richesse du présent rapport. Il remercie en particulier le rapporteur et la présidente pour leur animation énergique et passionnée ainsi que la centaine d'acteurs rencontrés qui ont bien voulu enrichir la réflexion du Sénat.
Le document que vous avez entre les mains brosse un portrait complet de la filière dans notre pays. Retraçant son histoire, il détaille ses évolutions, son potentiel, son ancrage profond dans les territoires, ses vertus écologiques, son cadre règlementaire contraint et flou ainsi que son besoin de reconnaissance officielle. Il formule 39 propositions pour valoriser ce patrimoine naturel, amplifier le développement d'une filière agricole compétitive et respectueuse de l'environnement, faire évoluer le cadre règlementaire et inscrire plus nettement les plantes médicinales dans notre système de soin.
Ce rapport est le fruit d'un consensus qui a été long à bâtir et qui témoigne de la capacité du Sénat, en dépit de désaccords parfois difficilement conciliables, à réfléchir de manière constructive pour formuler des propositions à même de faire évoluer le droit quand cela s'impose. Cela peut entrainer une frustration légitime quand les propositions ne vont pas aussi loin ou aussi vite que l'on espérait, mais c'est néanmoins une garantie de progrès. Pour reprendre la jolie formule de notre rapporteur, le travail de cette mission d'information « était une étape de plat avant d'attaquer la montagne ».
Le Sénat est donc unanime pour promouvoir la filière agricole des plantes à parfum aromatique et médicinale (PPAM) et commerciale, notamment via son inscription au patrimoine immatériel de l'UNESCO, pour favoriser son développement, en renforçant la formation, en créant une interprofession et en assurant sa reconnaissance dans les règlements européens. Il souhaite l'inscrire pleinement dans la transition vers une agriculture respectueuse de l'environnement en fixant un objectif de 50 % de surfaces cultivées en bio, en renforçant les aides à la conversion et paiements pour services environnementaux, et la transparence à destination des consommateurs avec la création d'un label « Plantes de France ».
Le groupe CRCE salue vivement toutes ces propositions. Il se félicite également de la place très importante accordée à l'Outre-mer dans ce rapport. Avec 80 % de la biodiversité française et 10 % de la biodiversité mondiale, les territoires d'outre-mer représentent un vivier considérable pour le développement de l'herboristerie, de la pharmacopée en générale et bien sûr de la connaissance botanique. Les territoires ultramarins sont par ailleurs parfaitement adaptés au développement de pratiques agroécologique et permacole comme le souligne le rapport. La volonté de professionnaliser les activités de cueillette durable est aussi à saluer.
S'agissant du cadre règlementaire, le Sénat a aussi su s'accorder sur la nécessité de règlementer la fabrication et l'usage des huiles essentielles et des cosmétiques notamment en réfléchissant à un statut unique des productions artisanales à base de plantes. Il convient également de saluer la volonté de réexaminer la liste des 148 plantes médicinales pour la compléter avec les plantes d'outre-mer et d'enrichir cette liste de leur propriétés (non curatives) reconnues. Promouvoir une réflexion européenne sur cette question sera également bienvenue.
La volonté de favoriser l'usage thérapeutique du chanvre est également une excellente proposition qui encouragera le développement d'une filière en pleine expansion. La commercialisation des feuilles et des fleurs de chanvre, qui rappelons-le n'ont pas d'effets psychoactifs, permettra le développement d'une filière du cannabidiol (CBD). Cette molécule non psychoactive présente des propriétés thérapeutiques étonnantes (notamment anti-inflammatoires), reconnues par l'OMS et que la recherche commence à mettre au jour. Dotée de propriétés anxiolytiques, elle est également utilisée pour composer des liquides de vapotage et pourrait donc contribuer au sevrage tabagique et nicotinique, comme tendent à le suggérer les premières études sur le sujet.
Les produits à base de CBD sont aujourd'hui autorisés en France, mais la règlementation empêche de les produire alors même que nous sommes le premier producteur européen de chanvre. Il est temps d'en finir avec cette incongruité. A titre personnel, j'espère qu'une fois ce premier pas rapidement franchi, nous nous intéressions rapidement aux évolutions législatives nécessaires pour autoriser le cannabis thérapeutique en France. Le retard de notre pays sur cette question est incompréhensible alors que tant de pays ont ouvert la voie. Les propos du Gouvernement sur ce sujet sont à ce titre plutôt encourageant.
S'agissant de l'intégration de l'herboristerie dans l'offre de soins française, le compromis a été beaucoup plus difficile à bâtir. Le groupe CRCE regrette vivement que la proposition de reconnaissance du métier d'herboriste n'ait pas été retenu dans le rapport. Faute de reconnaissance du métier, faute de reconnaissance du diplôme, il existe un vide juridique considérable qu'il revient de combler. En effet, ce flou juridique est dangereux pour les consommateurs. Faute de reconnaissance du métier, les charlatans peuvent prospérer grâce à la vente directe en ligne et les velléités d'automédication de certains de nos concitoyens.
La pratique de l'herboristerie n'a pas cessé avec la suppression du certificat d'herboriste en 1941. Elle s'est autogérée, a créé ses propres écoles de formations et ses propres règles. Alors que l'usage des plantes médicinales est en croissance constante, il est inconcevable de laisser la filière dans un tel flou juridique. Contrairement aux arguments trop entendus des médecins et des pharmaciens, - très bien représentés parmi les membres de cette mission - ce n'est pas rendre service aux usagers que de laisser le monopole de la médication officinale aux pharmaciens, bien au contraire.
La pharmacie et l'herboristerie sont parfaitement complémentaires et on a du mal à comprendre les profondes réticences des pharmaciens à reconnaitre les métiers d'herboriste (paysan-herboriste et commerçant-herboriste) comme une profession intermédiaire et non-médicale. Bien des pays, notamment la Belgique ou le Canada proposent des exemples de législation équilibrée permettant un exercice encadré de l'herboristerie sans dimension médicale. Rappelons que l'objet n'est pas de remplacer la médecine traditionnelle, mais bien de permettre à nos concitoyens désireux de se tourner vers l'herboristerie pour soigner les petits maux du quotidien, de pouvoir bénéficier de produits contrôlés et d'une information sûre et reconnue.
Le groupe CRCE, s'il salue le consensus et l'unanimité trouvés sur ce rapport grâce notamment aux propositions constructives du rapporteur, regrette que le Sénat ne soit pas parvenu à un compromis plus ambitieux sur cette question. Le groupe CRCE salue la proposition du rapporteur de poursuivre la réflexion au travers d'un groupe de travail avec l'ensemble des sensibilités politiques. Il espère vivement que les prochains travaux du Sénat permettront d'avancer sur le développement et l'harmonisation de la formation ainsi que sur la reconnaissance des métiers de l'herboristerie.
En dépit de ce regret, le groupe CRCE partage largement les conclusions et les propositions de ce rapport qu'il souhaite voir rapidement suivi d'effet.
Contribution de Marie-Pierre MONIER, Jean-Luc FICHET, Angèle PRÉVILLE, Maurice ANTISTE et Roland COURTEAU
Membres socialistes de la mission d'information
Nous avons participé à la mission d'information sur le développement de l'herboristerie, à l'initiative du Groupe R.D.S.E.
Nous nous réjouissons que le Sénat se soit emparé de ce sujet passionnant, tenons à remercier toutes les personnalités qui ont contribué, par le partage de leur expertise, à enrichir les travaux de cette mission d'information et saluons l'investissement de l'ensemble des membres de la mission d'information, en particulier sa présidente et son rapporteur, ainsi que la qualité des débats qui ont eu lieu et du rapport qui en est issu.
Celui-ci dresse ainsi un vaste tableau de ce secteur en pleine expansion, en fait l' état des lieux, cerne les attentes et les enjeux liés au développement de la filière PPAM, et formule des propositions concrètes et pertinentes sur l'évolution du cadre réglementaire applicable à la commercialisation et la délivrance des plantes médicinales et produits à base de plantes, et sur le développement et la structuration de la filière.
En effet, au-delà de la forte et légitime attente sociétale pour des soins plus naturels, et l'essor significatif de l'intérêt pour les plantes médicinales depuis une vingtaine d'années, les enjeux liés au développement de la filière des plantes médicinales, sont multiples.
Ils sont bien sûr économiques et environnementaux : l'herboristerie constitue un levier important de développement local et participe à la revitalisation de certains territoires, notamment ruraux , en France métropolitaine et dans les Outres Mer, véritables réservoirs de la biodiversité végétale.
Les auditions qui ont été menées ont également démontré des attentes fortes sur la formation et la nécessité de faire reconnaître le métier d'herboriste , et notamment de paysan herboriste et d'herboriste « de comptoir » , qui nous le savons, s'exercent aujourd'hui dans un cadre contraint inadapté.
Nous regrettons vivement que le rapport, dans sa proposition 39, ne souligne pas davantage la nécessité d'accompagner le développement et l'harmonisation des formations existantes , l'une des propositions phares mise en avant lors des auditions.
Alors que la demande de formation s'accroît chaque année, nous sommes convaincus que le statu quo n'est pas satisfaisant . Il est nécessaire de définir un socle de formation solide et pour cela de mettre en place une formation validée par un diplôme reconnu et encadré par l'Etat . Les enjeux sont de répondre à cette demande de formation, d'encadrer l'exercice du métier d'herboriste, de mieux conseiller et informer le consommateur sur l'utilisation de ces plantes, et de mieux contrer les dérives existantes.
Nous regrettons également que les conditions d'une reconnaissance des métiers d'herboristes et les évolutions législatives correspondantes ne soient pas plus clairement revendiquées.
Cette mission d'information portait un immense espoir pour les professionnels de ce secteur : celui d'une réhabilitation et de la reconnaissance officielle des métiers de l'herboristerie.
Ces professionnels oeuvrent depuis des années, pour la construction d'une herboristerie de qualité et de proximité , écologique, locale, adaptée à la demande contemporaine, soucieuse de la santé publique et complémentaire du système de santé conventionnel, comme elle existe dans d'autres pays européens.
Ainsi, nous nous associons pleinement aux positions du rapporteur Jöel Labbé :
Oui, il y a une demande et une place pour la vente de plantes médicinales hors pharmacie, pour les petits maux du quotidien et le bien-être.
Oui, la structuration et l'harmonisation des formations professionnelles pour ce secteur d'activité doit s'engager, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés et notamment les pharmaciens.
Oui, il faut donner un cadre légal aux conditions d'exercice et aux métiers d'herboristes, complémentaires au métier de pharmacien.
Conclusion
Nous saluons le travail de la mission, ce rapport constituant une première étape dans la réflexion pour la structuration et le développement de ce secteur, et dans l'évolution du cadre règlementaire quant à la commercialisation et la délivrance des plantes médicinales et produits à base de plantes.
En ce sens, nous avons adopté ce rapport, mais estimons que les avancées ne sont pas aussi importantes que nous pouvions l'espérer, principalement sur les questions majeures de la formation et de la reconnaissance des métiers d'herboristes.
Nous espérons que les suites données à ce rapport, la création d'un groupe de travail pour la reconnaissance des métiers de l'herboristerie, permettront de faire avancer plus concrètement les attentes légitimes des professionnels de cette filière d'avenir.