B. LA SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME

1. Assurer la protection des défenseurs des droits de l'homme dans les États membres du Conseil de l'Europe

Au cours de sa deuxième séance du mardi 26 juin 2018, l'APCE a adopté, sur le rapport de M. Egidijus Vareikis (Lituanie - PPE/DC) au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, une recommandation et une résolution sur la protection des défenseurs des droits de l'Homme. Il y a près de 20 ans que les Nations Unies ont adopté leur Déclaration sur les défenseurs des droits de l'Homme et plus de 10 ans que le Comité des Ministres a adopté une déclaration sur l'action du Conseil de l'Europe pour améliorer leur protection.

Cependant, récemment le nombre de représailles contre les défenseurs s'est accru dans toute l'Europe. Nombre d'entre eux ont été victimes de harcèlement judiciaire ou administratif, de campagnes de diffamation et d'enquêtes judiciaires ouvertes sur la base de chefs d'accusation douteux, souvent liés à des activités terroristes supposées ou concernant prétendument la sécurité nationale. Certains ont été menacés, agressés physiquement ou détenus arbitrairement. D'autres ont même été assassinés.

Le rapporteur a considéré que les États membres devraient s'abstenir de tout acte de représailles contre les défenseurs des droits de l'Homme et les protéger contre les agressions commises par des acteurs non étatiques. Ils devraient également respecter leurs droits fondamentaux. Le Comité des Ministres devrait prendre un certain nombre de mesures pour renforcer la protection des défenseurs des droits de l'Homme, notamment mettre en place une plate-forme similaire à celle qui a été créée pour les journalistes et établir un mécanisme permettant de signaler les cas d'intimidation des défenseurs qui coopèrent avec le Conseil de l'Europe.

Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) , au nom du groupe du Parti populaire européen, a tout d'abord déploré l'ampleur des attaques portées contre les défenseurs des droits de l'Homme dans les États membres du Conseil de l'Europe. La création d'un mécanisme permettant de signaler les cas d'intimidation des défenseurs qui coopèrent avec le Conseil de l'Europe serait une bonne chose. Toutefois, Mme Marie-Christine Dalloz a regretté que le projet de recommandation ne préconise pas la création d'un défenseur des droits similaire au Défenseur des droits français ou aux ombudsmans d'autres États membres du Conseil de l'Europe. En effet, à l'échelle nationale, le rôle des défenseurs des droits de l'Homme dépend de leur capacité à s'opposer aux gouvernements, ce qui peut être difficile dans certains pays, surtout s'ils sont eux-mêmes victimes d'intimidations.

M. André Vallini (Isère - Socialiste et républicain) a regretté que vingt ans après la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'Homme, la nécessité de les protéger est hélas toujours aussi prégnante. Il a rappelé la responsabilité des États membres et déploré les attaques commises par des gouvernements de pays membres du Conseil de l'Europe contre les défenseurs des droits de l'Homme. Enfin, il a apporté son soutien au projet de résolution et au projet de recommandation proposés par la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) a dénoncé la montée de l'autoritarisme et du populisme dans certains États membres, ce qui explique la recrudescence des attaques contre les défenseurs des droits de l'Homme. Pour le pouvoir en place, tout est bon pour brider, museler les expressions divergentes et ainsi amener les peuples dans le chemin choisi pour eux et non par eux. Alors même que la Déclaration de Copenhague a réaffirmé l'attachement des États parties à la défense des droits de l'Homme, celle-ci peine encore à être mise en oeuvre. Malgré l'action du Commissaire aux droits de l'Homme ou de la Cour européenne des droits de l'Homme, elle a estimé nécessaire de développer des structures au niveau national, à condition que celles-ci puissent agir en toute indépendance pour assurer la protection des défenseurs des droits de l'Homme.

Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche) a rappelé le rôle des défenseurs des droits de l'Homme, qu'ils soient journalistes, membres d'ONG, militants de la société civile, lanceurs d'alerte ou avocats. Ils sont les garde-fous les plus efficaces contre les abus de pouvoir des États. Ils doivent, de ce fait, être défendus et protégés. Elle a ensuite déploré les violences dont ils sont encore victimes en Europe. Pour elle, l'action des défenseurs des droits de l'Homme doit s'inscrire dans la légalité pour garantir la crédibilité de leur intervention et éviter les procédures juridiques sur lesquelles les États pourraient s'appuyer pour entraver leur action. Enfin, Mme Nicole Trisse a indiqué souscrire entièrement à la proposition du rapporteur de voir le Conseil de l'Europe créer une plate-forme dédiée au signalement des représailles subies par les défenseurs des droits agissant dans les 47 États membres. De même, elle s'est déclarée favorable à la nomination d'un rapporteur général au sein de la commission des questions juridiques sur la situation des défenseurs des droits de l'Homme.

M. Bernard Cazeau (Dordogne - La République en Marche) a fermement condamné les pressions et représailles que certains États membres du Conseil de l'Europe exercent sur les défenseurs des droits de l'Homme. Il a appelé les membres de l'Assemblée parlementaire à faire pression sur leurs gouvernements pour que les cas de violences fassent l'objet d'une enquête effective. Il a également soutenu la proposition de mettre en place une plate-forme similaire à celle existant pour les journalistes et permettant de contrôler les actes de représailles dont peuvent être victimes les défenseurs des droits de l'Homme. Enfin, il a appelé l'Union européenne à sanctionner financièrement les États membres qui entravent l'action des défenseurs des droits de l'Homme.

2. Nouvelles restrictions des activités des ONG dans les pays membres du Conseil de l'Europe

Mercredi 27 juin 2018, l'Assemblée parlementaire a adopté, sur le rapport de M. Yves Cruchten (Luxembourg - SOC) au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, une recommandation et une résolution sur les nouvelles restrictions des activités des ONG dans les États membres du Conseil de l'Europe.

La séance au cours de laquelle ce débat a eu lieu était présidée par Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche) .

Le rapporteur s'est inquiété de nouvelles restrictions législatives imposées aux activités des ONG ainsi que d'un climat de plus en hostile envers ces dernières. En Azerbaïdjan et en Fédération de Russie, les conditions de travail des ONG continuent à se détériorer suite à l'application des lois restreignant leur financement étranger. En Hongrie, une nouvelle législation sur la transparence des organisations recevant de l'aide de l'étranger est entrée en vigueur et le gouvernement a proposé le paquet législatif « Stop Soros », qui vise à restreindre les activités des ONG aidant les migrants. En Roumanie et en Ukraine, des projets de lois visant à imposer aux ONG de nouvelles obligations de déclaration financière sont en cours d'examen au Parlement.

Le rapporteur s'est montré particulièrement préoccupé par la situation en Turquie, où, suite à l'introduction de l'état d'urgence, près de 1 600 associations et fondations ont été fermées.

Les États membres du Conseil de l'Europe sont appelés à respecter pleinement le droit à la liberté d'association et à consulter la société civile sur les projets de lois pertinents. Le Conseil d'Europe devrait établir un mécanisme pour recevoir des alertes sur les restrictions imposées aux ONG et davantage coopérer avec ces dernières.

Pour Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) , les restrictions qui pèsent sur le travail des ONG se multiplient. Elle a cité l'exemple de la Hongrie où l'assistance à des migrants est devenue passible d'une peine d'emprisonnement d'un an. De telles dérives doivent être dénoncées. L'idée d'une plate-forme permettant le signalement des abus doit être soutenue en vue d'une concrétisation rapide. En France, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme et le Défenseur des droits, de création plus récente, sont tous deux des autorités administratives indépendantes qui ont prouvé leur efficacité. Le travail des ONG est un complément indispensable. Acteurs classiques de la défense et de la promotion des droits de l'Homme, elles ont su créer un tissu associatif riche et dense. Elles inspirent souvent davantage confiance à ceux qui ne peuvent utiliser les recours officiels.

M. André Gattolin (Hauts-de-Seine - La République en Marche) s'est inquiété des réactions de certains de ses collègues qui ne voient pas la situation qui se dégrade dans certains États membres du Conseil de l'Europe. Il a ensuite expliqué qu'en 1988, il était membre d'une ONG qui a pris la défense d'un certain Viktor Orbán qui avait créé illégalement le Fidesz. À cette époque-là, ce sont les ONG internationales qui sont allées défendre sa liberté d'expression et M. Orbán ne se posait pas la question du financement des associations qui venaient le soutenir. M. André Gattolin a ensuite déploré le distinguo fait par certains parlementaires entre les ONG nationales, qui auraient une légitimité, et les ONG internationales, qui seraient nécessairement maléfiques. La plupart des grandes ONG publient des bilans sociaux et sont transparentes. Pour lui, il faut soutenir et appuyer les recommandations faites par le rapporteur.

3. Persécutions des personnes LGBTI en République tchétchène (Fédération de Russie)

Au cours de la même journée du mercredi 27 juin 2018, l'APCE a adopté, sur le rapport de M. Piet De Bruyn (Belgique - NI) au nom de la commission de l'égalité et de la non-discrimination, une recommandation et une résolution sur les persécutions des personnes LGBTI en République tchéchène.

Le 1 er avril 2017, le journal russe Novaïa Gazeta a publié son premier rapport sur une campagne de persécution contre les personnes LGBTI en République tchétchène, comprenant des cas d'enlèvement, de détention arbitraire et de torture d'hommes présumés homosexuels avec l'implication directe des services répressifs tchétchènes. Cette campagne s'est déroulée dans le contexte d'actes graves de discrimination et de harcèlement perpétrés à grande échelle et de manière systématique contre les personnes LGBTI.

L'existence même des personnes LGBTI en République tchétchène a été niée par les autorités russes et tchétchènes. À ce jour, aucune enquête de fond n'a été menée. Plus de 114 personnes LGBTI et membres de leur famille ont fui la République tchétchène.

Protéger chacun de la torture, des traitements dégradants, des disparitions forcées, de la détention arbitraire et des exécutions extrajudiciaires, sans considération d'origine, de couleur de peau, d'âge, de genre ou d'orientation sexuelle, est l'un des principes fondateurs à l'origine de la création du Conseil de l'Europe. Le rapporteur a estimé que les États membres du Conseil de l'Europe devaient fournir une protection internationale aux personnes LGBTI fuyant la persécution en République tchétchène, ainsi qu'à leur famille et aux témoins. Il ne peut y avoir d'impunité pour les responsables de cette campagne de persécution. L'Assemblée parlementaire devrait demander à ce qu'une enquête impartiale et efficace soit menée.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - Socialiste et républicain) a salué la précision du rapport de M. Piet De Bruyn sur une République de la Fédération de Russie où une véritable homophobie d'État a cours, et face à laquelle le pays, pourtant membre du Conseil de l'Europe, a d'abord opposé un déni systématique. Elle a ensuite rappelé les propos terribles tenus par le Président Kadyrov parlant de la nécessité d'éloigner les homosexuels pour purifier le sang du peuple. Elle s'est ensuite félicitée de voir que le Président de la République française a évoqué la question lors de son récent entretien avec le Président russe. C'est dans ce contexte que l'ambassade de France, comme celles d'autres pays de l'Union européenne - à commencer par la Lituanie -, ont délivré en urgence des visas à des victimes directes des persécutions homophobes. En conclusion, elle a indiqué craindre que dès la fin de la Coupe du monde de football, les exactions reprennent en Tchétchénie.

Mme Jennifer De Temmerman (Nord - La République en Marche) a déploré que la question de la persécution des personnes LGBTI en République tchétchène soit toujours d'actualité. Si la campagne de persécution a pris fin pour l'instant, rien ne garantit que cela ne recommencera pas, en Tchétchénie ou ailleurs. C'est pourquoi il est capital de dénoncer ces exactions et de faire en sorte que les droits humains ne soient déniés à personne.

Deux amendements déposés par Mme Jennifer De Temmerman sur le projet de résolution ont fait l'objet d'un débat en séance publique. Le premier visait à exhorter la Russie à autoriser une organisation internationale de défense des droits de l'Homme à effectuer une enquête internationale indépendante sur les violences commises contre les personnes LGBTI, en parallèle d'une éventuelle enquête menée par les autorités nationales. Le second amendement avait pour objectif de favoriser le traitement des plaintes déposées à l'encontre de dirigeants politiques appelant à la violence contre les personnes LGBTI, notamment par la levée d'une éventuelle immunité liée au mandat exercé.

Ces deux amendements n'ont pas été adoptés.

Dans le premier cas, le rapporteur a fait valoir que c'était à la Fédération de Russie de mener une enquête et dans le second cas, il a estimé que c'est au Parlement russe de déterminer comment ils peuvent mettre en oeuvre la lutte contre les discours de haine prononcés par des hommes politiques.

4. Les menaces pour la santé et la vie de prisonniers ukrainiens dans la Fédération de Russie et en Crimée occupée

Jeudi 28 juin 2018, l'Assemblée parlementaire a tenu, à la demande de M. Emanuelis Zingeris (Lituanie - PPE/DC) et plusieurs membres de son groupe politique, un débat d'urgence sur les ressortissants ukrainiens détenus par la Fédération de Russie en tant que prisonniers politiques. La commission des affaires juridiques et des droits de l'Homme, au travers du rapport de M. Emanuelis Zingeris, a manifesté sa préoccupation concernant 70 citoyens ressortissants ukrainiens, généralement considérés comme des prisonniers politiques. Ceux-ci sont toujours détenus en Crimée ou en Fédération de Russie pour des motifs de nature politique ou, d'une façon générale, pour de fausses accusations. La commission considère que les cas de M. Oleg Sentsov, de M. Volodymyr Balukh et de M. Pavlo Hryb en particulier, qu'elle a spécifiquement examinés, correspondent à la définition de prisonnier politique de l'Assemblée.

En ce qui concerne les cas de M. Sentsov, M. Balukh et M. Hryb, la commission est alarmée par les rapports concernant leurs conditions de détention, avec des allégations de torture, de traitements inhumains et de privation de soins médicaux essentiels. En outre, M. Balukh et M. Hryb font la grève de la faim.

La commission est aussi gravement préoccupée par des témoignages détaillés faisant état de mauvais traitements et de privation de soins médicaux concernant d'autres prisonniers politiques présumés.

Elle a donc proposé, à travers le vote d'une résolution, que l'Assemblée demande à la Russie de libérer tous les Ukrainiens qu'elle détient pour des motifs de nature politique ou, d'une façon générale, pour de fausses accusations. Jusqu'à leur libération, elle devra garantir le plein respect de leurs droits, autoriser des observateurs internationaux indépendants, y compris le CPT et le CICR, à contrôler leur situation, et autoriser le Commissaire aux droits de l'Homme du Parlement ukrainien à leur rendre visite. Enfin, la Russie doit renoncer à imposer par la force la nationalité russe aux citoyens ukrainiens qui vivent en Crimée.

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