B. LOI N° 2015-990 DU 6 AOÛT 2015 POUR LA CROISSANCE, L'ACTIVITÉ ET L'ÉGALITÉ DES CHANCES ÉCONOMIQUES
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, examinée par une commission spéciale comprenant des sénateurs de six commissions permanentes, présente des caractéristiques qui ont nécessité la mise en place de dispositions spécifiques pour assurer le suivi de ses textes d'application.
La commission des affaires économiques a la charge du suivi de l'application de 79 des 308 articles que compte le texte définitif (dont 18 ont été déclarés contraires à la Constitution).
1. Dispositions relatives à l'urbanisme
Les articles traitant d'urbanisme dans la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques sont les articles 36, 79 à 81, 87, 96, 97, 101, 108 à 113, 223 et 224.
a) Aperçu général
Sur ces seize articles, douze sont d'application directe, soit 75 %. Trois articles appellent des mesures réglementaires pour leur mise en application : les articles 87, 97 et 223. L'article 110 vise la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement. À l'exclusion de la transmission de ce rapport, toutes les mesures d'application relatives à ces articles ont été prises, ce qui porte le taux d'application à 100 %.
Par ailleurs, les mesures réglementaires d'application ont toutes été prises dans l'année ayant suivi l'adoption de la loi précitée, faisant preuve d'une application rapide des dispositifs législatifs mis en place.
(1) Mesures réglementaires
Pour les trois articles normatifs nécessitant au moins une mesure d'application réglementaire, le Gouvernement a, au 31 mars 2018, publié trois décrets :
- le décret en Conseil d'État n° 2016-384 du 30 mars 2016 fixant les conditions de délégation de l'exercice du droit de préemption urbain par les organes délibérants des organismes mentionnés à l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme ;
- le décret en Conseil d'État n° 2016-1160 du 25 août 2016 modifiant les dispositions réglementaires du code général de la propriété des personnes publiques relatives aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé de l'État et de ses établissements publics en vue de la réalisation de programmes de logements sociaux ;
- le décret en Conseil d'État n° 2016-688 du 27 mai 2016 relatif à la publicité sur l'emprise des équipements sportifs.
Ces textes rendent entièrement applicables les articles 36, 79 à 81, 87, 96, 97, 101, 108 à 113, 223 et 224.
(2) Mesures non réglementaires
Reste à publier au titre de l'article 110 un rapport sur l'évaluation des effets de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme, qui aurait dû être remis au Parlement au plus tard le 31 décembre 2015.
En revanche, le rapport devant être transmis au Parlement par le Gouvernement dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la loi aux termes de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 a finalement été publié le 29 juin 2016, avec près de cinq mois de retard.
b) Commentaire de l'applicabilité de la loi article par article
Trois articles normatifs nécessitent au moins une mesure d'application réglementaire. Un article appelle la transmission par le Gouvernement d'un rapport au Parlement.
(1) Article 87 : Article applicable
Délégation du droit de préemption urbain (article L. 211-2 du code de l'urbanisme) : Un décret en Conseil définit les conditions de la délégation du droit de préemption urbain par le titulaire à une société d'économie mixte, à un organisme d'habitations à loyer modéré ou à un organisme agréé.
Le décret en Conseil d'État n° 2016-384 du 30 mars 2016 fixant les conditions de délégation de l'exercice du droit de préemption urbain par les organes délibérants des organismes mentionnés à l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme, adopté 7 mois après la loi précitée, précise les conditions de délégation du droit de préemption urbain à l'organe exécutif des sociétés et organismes susmentionnés, ainsi que du suivi de cette délégation.
Cet article est donc applicable. La possibilité de délégation ainsi encadrée a d'ores et déjà été mise en oeuvre, en témoigne la délégation du droit de préemption à certaines sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural actée par décrets au cours des années 2017 et 2018.
(2) Article 97 : Article applicable
Décote pour la construction d'équipements publics destinés à des logements sociaux (article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques) : Un décret en Conseil d'État définit les modalités d'application de la décote pour la construction d'équipements publics destinés à des logements sociaux et fixe la liste des équipements publics concernés.
Le décret en Conseil d'État n° 2016-1160 du 25 août 2016 modifiant les dispositions réglementaires du code général de la propriété des personnes publiques relatives aux conditions d'aliénation des terrains du domaine privé de l'État et de ses établissements publics en vue de la réalisation de programmes de logements sociaux, pris dans l'année ayant suivi l'adoption de la loi précitée, adapte les dispositions réglementaires du code général de la propriété des personnes publiques afin de préciser les modalités d'application de cette décote. Il étend notamment cette dernière aux « programmes de logement », et non plus uniquement aux « programmes de construction ». La décote la plus élevée est désormais applicable en cas d'insuffisance de financement.
(3) Article 110 : Article d'application directe
Rapport du Gouvernement au Parlement sur les effets de l'ordonnance relative au contentieux de l'urbanisme : Un rapport est remis au Parlement, avant le 31 décembre 2015, sur l'évaluation des effets de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme.
Aucun rapport n'a été remis au Parlement au sujet de l'évaluation des effets de l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme, qui aurait dû être remis au Parlement au plus tard le 31 décembre 2015. Il ne semble pas qu'un tel rapport soit en préparation.
(4) Article 223 : Article applicable
Dérogation à la législation concernant les dispositifs publicitaires implantés sur l'emprise des grands équipements sportifs (article L. 581-10 du code de l'environnement) : Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les dispositifs publicitaires, lumineux ou non, implantés sur l'emprise des équipements sportifs ayant une capacité d'accueil d'au moins 15 000 places assises peuvent déroger au premier alinéa de l'article L. 581-9 du code de l'environnement en matière d'emplacement, de surface et de hauteur.
Le décret en Conseil d'État n° 2016-688 du 27 mai 2016 relatif à la publicité sur l'emprise des équipements sportifs , pris 9 mois après l'adoption de la loi précitée, décrit la procédure de déclaration ou d'autorisation concernant les dispositifs publicitaires implantés sur l'emprise des grands équipements sportifs, les types de dispositifs autorisés et encadre les dérogations aux règles maximales de hauteur.
2. Dispositions relatives aux communications électroniques
a) Adoption d'ordonnances par le Gouvernement
Comme évoqué dans le bilan de l'année dernière, le Gouvernement a adopté, en respectant le délai exigé (neuf mois à compter de la promulgation de la loi), les trois ordonnances prévues à l' article 115 . Le projet de loi de ratification de ces ordonnances a été déposé le 14 septembre 2016 à l'Assemblée nationale. Néanmoins, à ce jour, ces ordonnances n'ont toujours pas été ratifiées . En conséquence, elles demeurent des actes administratifs dont la légalité peut être contestée devant le juge administratif, tant par voie d'action que par voie d'exception.
b) Statut de zone fibrée
Issu d'un amendement sénatorial , l' article 117 a créé le statut de « zone fibrée » , inséré à l'article L. 33-11 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Cet article prévoyait l'adoption d'un décret pour définir ses modalités d'application. Ce décret n'a pas été publié. Seul le décret en Conseil d'État n° 2016-1182 du 30 août 2016 modifiant les articles R. 111-1 et R. 111-14 du code de la construction et de l'habitation prend en compte la création du statut de zone fibrée par la loi : il supprime l'obligation de relier les bâtiments au réseau cuivre dès lors qu'ils sont connectés en fibre optique et situés dans une « zone fibrée ».
Cependant, le suivi de cette mesure d'application est aujourd'hui devenu sans objet , dans la mesure où l'article 71 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a modifié, suite à l'adoption d'un amendement sénatorial, l'article L. 33-11 du CPCE. Au demeurant, cet article a octroyé un délai supplémentaire pour l'adoption d'un décret d'application -en Conseil d'État et non plus un décret simple : il devait être pris dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi pour une République numérique, c'est-à-dire le 7 avril 2017. Le Gouvernement considère néanmoins que l'adoption de ce décret n'est plus nécessaire, aucune obligation réglementaire autre que celle concernée par le décret n° 2016-1182 précité n'ayant été identifiée comme devant être adaptée.
Par ailleurs, la décision n° 2017-0972 du 27 juillet 2017 de l'ARCEP propose au ministre les modalités et conditions d'attribution de ce statut ; le ministre est donc actuellement en mesure d'adopter l'arrêté prévu par l'article 71. Néanmoins, l'Autorité a souhaité déroger au principe selon lequel le silence vaut acceptation, ce qui nécessite de prendre préalablement un décret en Conseil d'État. Ce décret et l'arrêté devraient, selon le Gouvernement, être pris dans les prochains mois. Il convient de souligner que, selon les termes de l'article 71, l'arrêté devait être proposé dans les trois mois suivant l'adoption du décret en Conseil d'État, soit au plus tard le 7 juillet 2017...
c) Couverture mobile du territoire
Introduit par voie d'amendement au Sénat par le Gouvernement afin de mettre en oeuvre ses engagements pris au Comité interministériel aux ruralités du 13 mars 2015, qui faisaient eux-mêmes suite au dépôt de plusieurs initiatives sénatoriales en ce sens, l' article 129 de la loi poursuit les programmes de résorption des zones blanches , c'est-à-dire des zones non couvertes dans les centres-bourgs de communes identifiées à l'issue de campagnes de recensement.
En février dernier, cette couverture n'était pas encore totalement réalisée 33 ( * ) , principalement en raison de l'absence de pylônes mis à disposition. Au demeurant, les dispositions issues de l'article 129 pourraient être modifiées en cas d'adoption définitive dans les mêmes termes par les deux assemblées de la proposition de loi du sénateur Patrick CHAIZE tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit, adoptée au Sénat le 6 mars dernier.
Par ailleurs, l'article 129 entend également aller au-delà des centres-bourgs, à travers le dispositif « France mobile » décrit dans le bilan de l'année dernière.
Les programmes de résorption des zones blanches ainsi que le dispositif « France mobile » ont récemment été complétés par la conclusion d'un accord entre le Gouvernement, l'ARCEP et les opérateurs dont la teneur a été rendue publique par un document publié le 22 janvier dernier par l'ARCEP et la Direction générale des entreprises.
Enfin, l'article 129 vise à améliorer l'information du public sur la couverture mobile. Le site monréseaumobile.fr distingue désormais , sur l'ensemble du territoire métropolitain, quatre niveaux de couverture différents pour la 2G, au lieu de l'approche binaire « couvert/pas couvert » qui était auparavant adoptée. Elle devrait être étendue aux territoires ultramarins le 1 er juillet 2018.
3. Dispositions relatives au tourisme
Dans le cadre de l'étude des dispositions relatives à certaines activités sur Internet, le précédent bilan d'application des lois rappelait que l'article 133 de la loi, introduit à l'initiative du Sénat, a interdit la clause dite de « parité tarifaire » figurant dans les contrats entre les hôteliers et les plateformes de réservation hôtelière, dont la plus importante en France est Booking.com. Le législateur allait, en cela, au-delà des engagements pris par l'entreprise auprès de l'Autorité de la concurrence 34 ( * ) . En février 2017, l'Autorité publiait un « Bilan de l'efficacité des engagements pris par Booking.com devant l'Autorité de la concurrence » et, en avril 2017, la Commission européenne a publié les résultats des travaux menés en collaboration avec l'Autorité de la concurrence et neuf autres autorités nationales de concurrence européennes évaluant les effets des remèdes adoptés en Europe dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne.
Le groupe de travail sur le tourisme mis en place par la commission des affaires économiques en ce début d'année complètera l'analyse de l'Autorité de la concurrence en esquissant les éléments d'un bilan d'application de cette disposition.
* 33 Le rapport de notre collègue Marta de Cidrac relatif à la proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques à très haut débit faisait état de ce qu'en février dernier, 3 300 sur 3 855 communes étaient couvertes pour la partie voix/sms (2G), 22 étaient en attente de déploiement et 533 en attente d'un pylône. Pour la partie haut débit (3G), sur les 4 089 communes concernées, 3 533 étaient déjà couvertes, 23 étaient en attente de déploiement et 533 en attente d'un pylône.
* 34 Décision n° 15-D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises en oeuvre par les sociétés Booking.com B.V., Booking.com France SAS et Booking.com Customer Service France SAS dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne.