EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie, le jeudi 19 avril 2018, pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par Mmes Pascales Gruny et Laurence Harribey, le débaat suivant s'est engagé :
M. Claude Haut . - Je partage l'analyse de nos rapporteures. Je m'interroge néanmoins sur le point 23 de la proposition de résolution européenne, qui s'oppose, sous l'argument du coût de la mesure pour les finances publiques, à la rémunération des congés des parents et aidants sur la base de l'indemnité journalière versée dans le cadre d'une prestation-maladie. Il me semblerait opportun de distinguer les parents des aidants pour autoriser la rémunération de ces derniers et favoriser ainsi l'équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée.
M. René Danesi . - J'ai particulièrement apprécié la qualité et la précision de votre rapport ! Il y a vingt-cinq ans, Jacques Delors prônait déjà une convergence sociale européenne, mais elle progresse si lentement... Je n'ose évoquer à son égard l'injustement nommé pas de sénateur, car nous courons d'une réunion à l'autre... L'Union européenne est avant tout libérale, raison pour laquelle la convergence sociale peine autant. Elle favorise ainsi la concurrence entre salariés, qui a pour corollaire les délocalisations. Je n'y suis pas opposé lorsqu'elles permettent le développement de l'Europe centrale et orientale et non celui d'un pays tiers. Elle permet également le travail détaché - ne doutons pas à cet égard que la présence de nombreux travailleurs détachés polonais ait représenté l'une des causes du Brexit - et la concurrence des travailleurs immigrés. Elle accueille favorablement, en somme, la mondialisation, dont les effets ne sont bénéfiques que pour les populations aisées. Ne nous étonnons pas alors des succès du populisme en Europe ! Même en France, la candidate de cette mouvance a conquis 35 % des électeurs lors des élections présidentielles du printemps dernier et je ne doute pas que son score aurait pu atteindre 45 % si elle s'était d'aventure montrée moins mauvaise... Il me semble urgent d'accélérer la convergence sociale pour contrer le populisme, même si cela ne sera pas suffisant à enrayer le phénomène.
M. Claude Raynal . - Il convient toujours de se montrer patient en matière de politique européenne, et plus encore dans le domaine social... À grand slogan, petite cause, pourrait-on déplorer ! Je souhaiterais quelques éclaircissements sur le fonds dit parapluie. Dans une lecture optimiste, sa création permet de rassembler, pour plus de visibilité, des dispositifs actuellement éclatés. De façon plus pessimiste, nous pourrions craindre qu'elle ne conduise à une diminution du montant des aides allouées. Quelle est, selon vous, la juste vision ? Existe-il un dispositif de sécurisation du niveau des aides ? Il me semble, en effet, difficile de construire une Europe sociale en les réduisant...
Mme Laurence Harribey . - Monsieur Haut, sur la rémunération des parents et des aidants, les auditions que nous avons menées ont montré que le coût de la disposition s'établirait à 300 millions d'euros pour les aidants, dont le nombre devrait largement croître d'ici 2020, et à 1,7 milliard d'euros pour les parents. Sur onze millions d'aidants, un peu plus de quatre millions et demi seulement sont actuellement rémunérés. Il s'agit à nouveau d'une injonction contradictoire entre politique sociale et diminution des dépenses publiques !
Je ne puis, monsieur Raynal, vous rassurer sur les moyens du fonds dit parapluie car ils dépendent du cadre financier pluriannuel, non encore fixé. Autrefois, un fonds était créé pour accompagner chaque nouvelle politique avec les conséquences que vous connaissez sur la lisibilité des actions européennes, d'autant que l'on admet rarement, sur les territoires, le recours aux fonds européens. Il convient donc de rationaliser les fonds pour améliorer leur visibilité. La création du fonds parapluie doit, en outre, être envisagée à l'aune de la réforme de la politique de cohésion, qui va accroître le ciblage des actions menées. Je ne pense pas que les crédits qui y seront consacrés augmenteront, mais peut-être leur montant sera-t-il sécurisé et les critères d'attribution des aides modifiés. Dans ce dernier point réside effectivement un risque de diminution des aides pour certains postes.
Mme Pascale Gruny . - Nous ignorons effectivement la réponse à votre interrogation, monsieur Raynal, car, comme pour la politique agricole commune, les négociations sont en cours. Nous espérons seulement que le niveau d'aide ne sera pas réduit.
J'entends, monsieur Haut, votre remarque sur la rémunération des aidants car les besoins dans ce domaine sont considérables. Mais l'indemnité envisagée serait versée sous forme de l'indemnité journalière, qui, en France, s'élève à 43,82 euros, soit 1 100 euros par mois. Le dispositif serait dès lors extrêmement coûteux ! Je reconnais toutefois qu'une réflexion est nécessaire, même si son résultat n'a rien d'évident. Je fus par le passé shadow rapporteur au Parlement européen sur le dossier du congé maternité ; imaginez que la rapporteure, de nationalité portugaise, souhaitait le porter à vingt-quatre mois rémunérés !
Mais pour les représentants permanents comme les Anglais, les Allemands, ce n'est tout simplement pas possible. Nous sommes donc véritablement confrontés à des niveaux différents entre les États membres.
L'Union européenne peut fixer des principes, mais elle ne peut pas les imposer si elle n'a pas les moyens de soutenir financièrement les pays.
En ce qui concerne les travailleurs détachés, le plombier polonais est un mythe hérité du passé. La révision de la directive va permettre d'imposer la même rémunération pour tout le monde. Quant aux cotisations sociales, en tenant compte des réductions dont ne bénéficient pas les travailleurs détachés, les écarts sont faibles. Le problème vient de la fraude, car des personnes non déclarées sont payées 400 euros. Cela se pratique, je l'ai encore vu il y a 18 mois.
Mme Laurence Harribey . - L'Europe sociale a été conçue comme un moyen d'harmonisation pour parvenir au marché unique. Si l'on veut répondre aux enjeux sur le populisme et l'envie d'Europe, nous ne pouvons pas continuer ainsi. L'Europe sociale est pour moi un des piliers du modèle européen. Le problème, c'est que le droit européen est un droit dérivé : 80 % du droit européen vise à intégrer dans les législations nationales des dispositions européennes. Si nous continuons à nous acharner sur des petits secteurs, en réaction à certains problèmes, nous ne serons pas audibles. À en croire les professionnels, une politique publique ne cherche pas à résoudre un problème : elle est révélatrice de la manière dont on pose un problème ! Cela doit nous donner à réfléchir. Nous sommes à un moment charnière. Vous avez trouvé Pascale Gruny pessimiste : pour avoir travaillé pendant trente ans dans les milieux européens, je ne suis guère plus optimiste qu'elle !
M. Pascal Allizard . - Gardons confiance !
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À l'issue de ce débat, la proposition de résolution européenne est adoptée, à l'unanimité, dans le texte suivant :