C. FACILITER LE FINANCEMENT DES PME
1. Franchir la « vallée de la mort »
a) La « vallée de la mort » dans le cycle de croissance de l'entreprise
Cette expression désigne une phase critique de la croissance de l'entreprise.
Les étapes de la croissance de l'entreprise Étape 1. Incubation . Au premier stade du développement, lorsque l'entreprise n'existe pas encore et que son modèle d'affaire n'est pas établi, le financement repose essentiellement sur le love money (FFF pour Family, Friends and Fools), les aides publiques (concours, prêts d'honneur) ou encore l'aide apportée par les incubateurs ou les accélérateurs. Étape 2. Amorçage . Il s'agit du premier apport en capital de l'entreprise. Les fonds peuvent provenir de business angels , de la puissance publique (aides), de mécanismes d'appel à l'épargne privé de type crowdfunding ou de fonds spécialisés (fonds d'amorçage). Étape 3. Démarrage . C'est généralement à ce stade qu'intervient le capital-risque au sens strict, essentiellement au travers de l'activité de fonds spécialisés mais également via des aides publiques ici encore. Étape 4. Croissance. Durant la phase de croissance interviennent aussi les fonds de capital-croissance, qui permettent à l'entreprise d'étendre son volume d'activité et de s'attaquer à de nouveaux marchés. Étape 5. Sortie. La dernière étape éventuelle est celle de la sortie : revente de l'entreprise (le plus souvent à de grandes entreprises désireuses de s'approprier les actifs, les idées et/ou les technologies développées) ou introduction en Bourse. Source : note du CAE n° 33, juillet 2016 |
Malgré le renforcement de l'écosystème de financement des start-ups, la « vallée de la mort », période délicate où les jeunes pousses entre 1 et 3 ans meurent par manque d'accès au financement, n'a pas disparu en France. Le schéma de croissance de l'entreprise est le suivant :
Source : Renforcer le capital-risque français, note n° 33 CAE
Il est toujours difficile pour les entreprises, après un et trois ans, voire cinq ans, de traverser le passage délicat où elles ne dégagent toujours pas de bénéfice alors qu'elles ont besoin de cash supplémentaire pour financer leur croissance, dénicher de nouveaux marchés (notamment à l'international) et se faire connaître du public.
À leur création, les jeunes entreprises connaissent une première année florissante, épaulées par un système français solide favorisant le financement des jeunes entrepreneurs. Mais dès le début de leur deuxième année et jusqu'à leur troisième anniversaire environ, elles font face à de sérieuses carences en termes de financement disponible.
La mortalité des start-ups culmine autour du deuxième anniversaire 229 ( * ) , c'est-à-dire au moment où les entrepreneurs arrivent au bout de leurs fonds propres, alors même que la création de valeur de leur start-up est toujours faible.
Le risque de succomber dans cette vallée de la mort est d'autant plus important pour les start-ups qui évoluent dans des domaines où la phase de R&D est très longue, comme dans les biotechnologies, où qui s'adressent à un marché BtoC, où la rentabilité est difficile à atteindre.
S'il est difficile d'imputer la mortalité des start-ups uniquement à un problème de financement (au total, neuf sur dix finissent par mettre la clé sous la porte) et s'il se produit aussi un phénomène de « sélection naturelle », il manque toujours des investisseurs capables de financer des tours de table supérieurs à 20 millions d'euros , qui restent rares en France.
Mais l'intérêt croissant des fonds européens et internationaux pour la France (le nombre de levées de fonds impliquant des fonds étrangers a plus que doublé sur les cinq dernières années) et l e développement spectaculaire du « corporate venture » , c'est-à-dire le financement par les grands groupes 230 ( * ) , offre d'autres perspectives aux entrepreneurs en quête de financement.
b) La faiblesse de l'écosystème pour l'amorçage et le démarrage
L'étude du Conseil d'analyse économique consacrée au capital-risque en juillet 2016 a souligné que la France « exportait » son capital-risque : les fonds excèdent légèrement les investissements. Inversement, le manque d'attractivité pouvait se mesurer par la faiblesse des investissements provenant de l'étranger (850 millions en 2014), ne représentant que 9,4 % du montant total investi, contre 37,1 % en Allemagne.
Paris n'occupait en 2015 231 ( * ) que la 11 ème place mondiale des écosystèmes d'innovation derrières Londres (6 ème ) ou Berlin (9 ème ).
Sur les 226 licornes 232 ( * ) mondiales en 2018, seules trois sont françaises, valorisées au total à 2,7 milliards de dollars, autant qu'en Suède (mais elles sont valorisées à 11 milliards de dollars) et qu'en Allemagne (10,8 milliards de dollars), mais 6 en Suède (26 milliards) et 13 en Grande-Bretagne (25 milliards).
Certes, le capital-risque est en forte croissance. En 2015, avec 1,81 milliard d'euros, il doublait par rapport à 2014. Mais le capital-risque français réalise de plus petites opérations.
Pour le secteur des entreprises innovantes, ou start-up, une étude 233 ( * ) a dénombré 506 levées de fonds en 2017, une baisse de 10 %par rapport à 2016 (566) mais un montant global progressant légèrement de 2,5 à 2,6 milliards (2016/2017).
Plusieurs modes de financement dépendent du moment de la croissance de l'entreprise.
(1) L'incubation par les « copains, cousins et cinglés »
L'incubation est le début du développement d'une start-up et son financement se fait essentiellement à travers la love money , appelé également 3F « friends, family and fools » ou en français 3C : « copains, cousins et cinglés ».
Pour le créateur d'entreprise, la love money peut être plus facile à obtenir qu'un prêt accordé par une collectivité régionale ou par un établissement bancaire. Elle permet d'ouvrir son capital à des personnes connues avec des modalités généralement plus souples et de tester l'attractivité du projet. Elle peut amorcer d'autres types de financements (prêts bancaires classiques, crowdfunding ) grâce au gain de crédibilité qu'elle permet.
La love money présente pour ceux qui y participent deux avantages principaux : la possibilité de soutenir un proche dans la réalisation de son projet, et, sous conditions, une réduction d'impôt à hauteur d'une partie des sommes versées.
La love money est toutefois davantage indiquée pour les créations d'entreprises dont le besoin de fonds reste limité sauf à multiplier les financeurs. C'est un placement moins rentable et plus risqué pour l'épargnant, notamment en cas d'insuccès de l'entreprise, susceptible d'affecter les relations personnelles entre le créateur et l'investisseur en cas de difficultés dans l'activité financée ou dans le remboursement.
(2) L'amorçage par le crowdfunding
Le crowdfunding désigne un financement participatif. Il permet à des particuliers de participer à l'élaboration, en termes économiques et financiers, d'un projet.
Cette pratique se fait essentiellement par le biais d'internet et a connu un essor grâce aux réseaux sociaux. Ainsi, ce mode de financement s'inscrit dans un processus de désintermédiation et la contribution peut se faire par des particuliers ou des entreprises, quel que soit le domaine d'activité, sans passer par les banques.
Les différentes formes de financement participatif Le don. C'est une forme de participation sans attente ni contrepartie, qui se fait par une personne physique ou une personne morale (association, entreprise). Le don est alors désintéressé, même s'il existe une pratique de contre-don, tout à fait symbolique. La récompense, aussi appelée don avec contrepartie. La personne physique ou morale va ainsi participer à la hauteur de son choix, mais recevra quelque chose en retour. Cette « récompense » ou « contrepartie » est une forme de troc, qui peut se manifester matériellement (offre de cadeaux, d'objets promotionnels) ou de façon plus symbolique (en nature, en temps accordé, en publicité). Le prêt ou crowdlending (plateformes de prêts). L'emprunteur s'adresse, par le biais d'une plateforme web, à une multitude de prêteurs qui vont participer à hauteur de leurs moyens. La somme se doit d'être remboursée dans des temps impartis, avec ou sans intérêts (selon la plateforme et les accords prédéfinis). L'investissement en capital ou equity crowdfunding . C'est une forme de crowdfunding où les particuliers participant à l'effort collectif deviennent actionnaires du projet (souvent, il s'agit de monter une entreprise). Ces capitaux sont détenus par ces « petits actionnaires », leur donnant un droit de regard, un droit de vote mais également un droit à une partie des bénéfices futurs. La production communautaire . C'est lorsque les investisseurs sont aussi coproducteurs. À ce titre, ils vont percevoir des royalties sur les ventes à venir (parfois, cela peut être plus symbolique et ne consister qu'en des invitations ou cadeaux promotionnels). Mais dans tous les cas, il y a contrepartie. Le microcrédit ou microcrédit solidaire . Il est souvent utile dans le cadre de microprojets : les internautes donnent de petites sommes afin de favoriser l'essor de l'activité concernée. Source : Crowdlending.fr, décembre 2014 |
En France, cette activité est soumise à la réglementation bancaire et financière par l'ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif, entrée en vigueur le 1 er octobre 2014.
Les plateformes de dons sont soumises, depuis le 1 er mars 2017, à l'obligation d'être immatriculées au registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance géré par l'ORIAS 234 ( * ) en tant qu'intermédiaire en financement participatif (IFP).
Par ailleurs, la Commission européenne a présenté le 8 mars 2018 une proposition législative visant à aider les plateformes de financement participatif à se développer dans le marché unique de l'UE.
La réglementation du financement participatif Les transactions se font, la plupart du temps, auprès d'organismes agréés, qui reçoivent des fonds sur un compte ouvert spécifiquement pour l'appel au projet, qu'un teneur de compte se charge de tenir, ce que l'on appelle des « services de paiement ». La réglementation variera ensuite en fonction de la forme de transaction concernée. Si la plateforme fournit elle-même les services de paiement (compte dédié et teneur de compte), ou si elle délègue ce service de paiement à un prestataire tiers, elle doit être agréée auprès de l' Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution . Dans le cas où la plateforme ne serait qu'un simple lieu de mise en relation des particuliers et non un lieu d'encaissement des fonds, elle n'est pas soumise à cette législation de l'intermédiaire financier. Si la plateforme consent des prêts rémunérés ou non mais par le biais d'une multitude de particuliers prêteurs, elle devra alors être inscrite sur les registres de l' ORIAS (Organisme pour le Registre des Intermédiaires en Assurance) . En effet, la plateforme n'aura alors pas le statut d'établissement de crédit, mais celui d'intermédiaire en financement participatif (IFP ) . La plateforme pourra alors consentir un prêt d'un montant maximum d'un million d'euros et les prêteurs pourront investir au maximum 2 000 euros par projet pour les prêts rémunérés et 5 000 euros pour les prêts sans intérêts. Si la plateforme consent des minibons ou des obligations, elle devra obtenir le statut de Conseiller en Investissement Participatif (CIP ) auprès de l'AMF. Elle pourra alors consentir des prêts jusqu'à 2,5 millions d'euros et les épargnants n'auront pas de limite d'investissement. Enfin, les plateformes ont l'obligation de souscrire un contrat d'assurance de responsabilité civile professionnelle depuis le 1 er juillet 2016. La législation sera différente selon l'activité exercée par la plateforme de financement collaboratif. Trois statuts juridiques sont possibles : - l'agrément de prestataire de service d'investissement (PSI) sera délivré si la plateforme est à la recherche de souscripteurs pour son compte dédié aux fonds du projet. L'agrément ne pourra s'obtenir que par le biais, encore une fois, de l'ACPR après accord de l' AMF (Autorité des Marchés Financiers) . - lorsque la plateforme fournit des conseils d'ordre financiers (CIF), des opinions, elle doit être enregistrée sur les registres de l'ORIAS. La plateforme peut également opter pour le statut CIP. Elle sera alors limitée à des opérations de 2,5 millions d'euros maximum ; - enfin, lorsqu'elle récolte seulement des fonds auprès d'un large public, elle est soumise au formalisme de « l'offre au public » (en lien avec l'AMF). Pour éviter cela, il est possible de qualifier l'opération d'investissement de « placement privé », seulement dans le cas où moins de 150 personnes participent à cet investissement. Source : AMF |
Le financement participatif permet de financer un projet en se passant des banques et dans des délais relativement courts pour les petits projets, mais également de réaliser indirectement une étude de marché. En effet les donateurs ou prêteurs peuvent donner leur opinion sur le projet. Si la campagne de « levée de fonds » échoue, il conviendra de déterminer pourquoi et d'en tirer les leçons. Si elle réussit, les participants deviendront de véritables ambassadeurs du projet de l'entreprise.
Faire appel à une plateforme de crowdfunding a cependant un coût non négligeable : des commissions pouvant atteindre 4 à 12 % du financement obtenu sont généralement prélevées.
Deux principales différences distinguent les crowdfundeurs des business angels :
- les apports des premiers sont bien moins importants au capital des start-ups. Ils sont par conséquent bien plus nombreux à entrer au capital de l'entreprise ;
- surtout, ils investissent à travers une plateforme et ne rencontrent que rarement les entrepreneurs, à la différence des business angels dont l'accompagnement est toujours présent.
Le ministre de l'Économie et des finances a annoncé le 28 mars 2018 qu'il allait « engager une réflexion sur les possibilités de rehaussement des seuils de financement participatif autorisés par projet », à savoir leur doublement , de 2,5 millions actuellement à 5 millions. Rien ne semble devoir s'opposer à cette mesure que votre rapporteur encourage vivement de prendre.
(3) La post-création par les business angels
Les business angels sont des personnes physiques qui investissent une part de leur patrimoine personnel au capital de start-ups innovantes et qui les accompagnent sur la durée :
Ø des personnes physiques et non des fonds d'investissement . Ils investissent en tant que personnes physiques, et chaque business angels est actionnaire en son nom propre de la société investie. A l'inverse, les fonds sont des véhicules d'investissement qui regroupent tous les actionnaires au sein de l'entreprise investie ;
Ø des personnes physiques qui investissent une part de leur patrimoine personnel au capital d'entreprises : les business angels prennent une part de l'entreprise dans laquelle ils investissent. En échange d'une somme d'argent injectée au capital, ils obtiennent des actions et détiennent ainsi une partie de l'entreprise. Ils ont vocation à détenir une part toujours minoritaire de l'entreprise afin que l'entrepreneur reste le premier décisionnaire. Ces parts leur confèrent un droit de regard sur l'activité de l'entreprise, notamment dans sa ligne stratégique. En tant qu'actionnaires, ils ont une place au Conseil d'Administration et/ou au comité stratégique ;
Ø un financement des start-ups innovantes - tous types d'innovation - non cotées en bourse et scalables 235 ( * ) . Les business angels investissent à un stade précis de la vie de l'entreprise, lors de la phase de post-création.
La levée de fonds en amorçage ou en seed 236 ( * ) est la première levée d'importance pour l'entreprise. Cette levée est parfois précédée d'autres en pré-seed qui rassemblent le capital des fondateurs, de la famille ou des amis (la « love money ») et des levées en crowdfunding .
La levée en seed intervient au moment où l'entrepreneur présente un projet économiquement viable. Elle a pour objectif de financer la validation d'un marché à plus grande échelle. Les montants levés vont de 100 000 à 1 million d'euros.
Ce moment de la naissance de l'entreprise est critique. Pour France Angels : « un financement doit être apporté pour prendre l'avantage sur ses concurrents et pour passer le cap de la « vallée de la mort », ce moment où l'entreprise a plus que jamais besoin d'argent pour financer sa croissance, mais où son business model ne lui permet pas de dégager des bénéfices. A ce stade de sa vie, la start-up a absolument besoin d'investisseurs pour survivre. Mais le business model , en raison de son caractère innovant, n'a pas encore fait ses preuves sur son marché. Les fonds d'investissements sont donc très réticents à investir dans des entreprises si jeunes, qui ont pourtant besoin de cet argent pour passer de l'état de projet à celui de PME. Les Business angels sont prêts à prendre ce risque, et cela les rend indispensables à la chaîne de financement ».
Au-delà de l'apport financier, le business angels met à disposition de l'entrepreneur ses compétences, ses contacts et son expérience. Puisqu'il est présent dans les organes de gouvernance, il est amené à entrer en contact régulièrement avec l'entrepreneur et à l'aider dans ses prises de décisions stratégiques par des conseils, des mises en relation ou autre. En aucun cas il ne s'agit pour les business angels d'interférer dans la gestion quotidienne de l'entreprise, mais plutôt d'apporter leur aide pour éviter des erreurs classiques en matière de création d'entreprise.
Ainsi, les business angels sont indispensables pour la phase d'amorçage des entreprises, en assurant la continuité entre la période d'apports de financements par l'équipe entrepreneuriale et un éventuel financement par du capital-risque.
Toutefois leur poids économique ne représentait en 2013 que 1,7 % du PIB français contre 2 % en Allemagne, 4,4 % en Grande-Bretagne et 4,6 % en Suède.
Il n'existe que 4 500 business angels en France, ayant investi 43 milliards en 2016, contre 20 000 en Grande-Bretagne, ayant investi 300 milliards, presque sept fois plus !
Non seulement les business angels sont moins nombreux en France mais ils apportent de faibles montants aux projets qu'ils soutiennent, comparativement à leurs homologues étrangers.
c) La double difficulté du chef d'entreprise
Le chef d'entreprise doit trouver comment financer son projet entrepreneurial. Il doit par ailleurs réaliser un arbitrage entre la croissance et la rentabilité de son entreprise.
(1) Une connaissance inégale des nouvelles sources de financement
Les nouvelles sources alternatives de financement (fonds de dettes, placement privé, financement participatif, prêt interentreprises...) sont maîtrisées de manière inégale par les chefs d'entreprise.
Comme l'a relevé le Médiateur du crédit dans son rapport de mars 2017 pour l'activité de l'année 2016 : « Pour que ces sources représentent effectivement une alternative, il faudra que les dirigeants s'approprient mieux leurs modalités d'utilisation et leurs possibilités de combinaison avec un socle de financement bancaire. La Médiation du crédit a un rôle à jouer dans les efforts d'information à mener au niveau des chefs d'entreprise ».
Pourtant, un chef d'entreprise innovante a témoigné avoir réalisé en 18 ans 27 levées de fonds en utilisant toutes les facultés proposées : « d'abord Pôle emploi, des fonds personnels, la love money, des business angels -soit des entrepreneurs soit des investisseurs pour optimiser l'ISF-, des FCPI 237 ( * ) , des FCPR 238 ( * ) , des FIP 239 ( * ) , du venture capital pour développer la croissance internationale de l'entreprise, le programme Ambition numérique de la BPI, le programme Large Venture de la BPI, de l'ISF-PME, du PIA 240 ( * ) , du Fonds unique interministériel 241 ( * ) des pôles de compétitivité, des fonds FEDER, des fonds européens du programme H2020 242 ( * ) , une IPO 243 ( * ) , le recours au fonds de gestion PME-PEA, de l'assurance-vie, du financement secondaire.... ». Significativement, dans ce parcours, cet entrepreneur n'a pas mentionné les banques.
(2) Le dilemme de la croissance ou de la rentabilité
La trajectoire de croissance d'une entreprise et son rythme de création d'emploi est le reflet davantage de son âge que de sa taille. Il diffère selon sa position dans le cycle de vie.
L'objectif premier d'une entreprise nouvellement créée est de survivre puis d'exister : soit par la conquête du marché (satisfaire la demande nouvellement acquise ou captée par un avantage compétitif), soit par la sécurisation de son avantage compétitif.
Les jeunes entreprises croissent plus rapidement que leurs aînées quelle que soit leur taille, et l'âge est un facteur déterminant du rythme de croissance en taille des entreprises. Toutes choses égales par ailleurs, une TPE âgée va croître moins fortement qu'une jeune TPE mais cet effet diminue à mesure que les niveaux de 10, 50 et 250 salariés sont franchis.
Pour croître en taille, il faut renoncer, au moins à court terme, à la rentabilité.
Le modèle empirique développé par l'Observatoire de la BPCE le confirme : « la croissance en effectifs impacte négativement la croissance de l'EBITDA 244 ( * ) sur le segment des TPE et des PME. Autrement dit, la croissance du chiffre d'affaires d'une entreprise sert à nourrir une trajectoire de croissance qui portera soit sur les effectifs, soit sur le capital. L'impact de l'âge dans ce choix de trajectoire est déterminant. Les jeunes entreprises choisissent de croître d'abord en effectifs, une question de survie d'abord, puis de coût. Par la suite, la croissance en effectifs laisse place à la croissance en EBITDA. En effet, une fois les entreprises plus âgées, elles sont de plus en plus nombreuses à préférer la croissance des actifs et de leur EBITDA à une croissance en effectifs. Une fois que la taille objectivée est atteinte, le rythme de croissance des emplois peut ralentir et le choix d'affectation de la valeur ajoutée se porte alors davantage vers la productivité du capital.
L'approche par le cycle de vie des entreprises fait donc apparaître deux segments de tailles sensibles pour les PME : le seuil de 50 et celui de 250 salariés. En effet, les moyennes entreprises subissent une double contrainte. Une fois le seuil de 50 salariés franchi, le rythme de création d'emplois des moyennes entreprises ralentit alors que chaque point de croissance en taille requiert un sacrifice en EBITDA tout aussi grand que pour les entreprises plus petites. Ce n'est que lorsque l'entreprise franchit le seuil des 250 salariés que la croissance en effectifs est moitié moins coûteuse en EBITDA et que ni l'âge, ni le taux de croissance passé n'influent sur le taux de croissance futur. Les PME dynamiques qui deviennent des ETI fournissent donc un effort et un coût en rentabilité plus élevé dans un premier temps que les autres ETI installées. Cet effet s'estompe heureusement avec le temps, à mesure que le taux de croissance des ETI s'émancipe de l'âge ou du taux de croissance passé ».
Lorsque le choix de la croissance est effectué au détriment de la rentabilité, l'entreprise est exposée à un triple besoin :
1/ un besoin en fonds de roulement plus élevé , financé soit par de l'autofinancement, soit par de l'endettement de court terme auquel ont davantage recours les entreprises en forte croissance ;
2/ un endettement de long terme pour financer des investissements productifs afin de gagner en compétitivité ;
3/ une croissance des fonds propres à due proportion, afin de ne pas rendre plus risquée la position d'un prêteur potentiel et de ne pas augmenter la probabilité d'un refus de crédit. Pour cette croissance, les actionnaires peuvent mettre en réserve des résultats et/ou réaliser des apports en fonds propres.
Ces entreprises en croissance ont donc des problématiques de financement propres.
Le marché du capital investissement est particulièrement adapté pour les PME-ETI en croissance qui ont besoin de renforcements réguliers de leurs fonds propres.
Elles sont très souvent trop petites pour être cotées en bourse mais peuvent notamment recourir aux aides publiques (voir 2.) et au crédit bancaire (voir 3.). Le financement des PME est également en phase de désintermédiation ou « d'ubérisation » (voir 4.), tandis que les pouvoirs publics s'interrogent sur les moyens d'orienter structurellement une partie de l'épargne des ménages vers cette catégorie d'entreprises (voir 5.), tout en essayant d'améliorer l'accès des PME au marché (voir 6.).
2. Sortir du dédale des aides publiques
a) 1654 dispositifs d'aides publiques aux entreprises : est-ce bien raisonnable ?
Le portail aides-entreprises.fr recense à ce jour 1654 dispositifs d'aide aux entreprises.
Parmi celles-ci, si l'on souhaite créer une entreprise à Paris, 108 dispositifs sont proposés.
La plus connue est l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (Accre) qui consiste en une exonération partielle de charges sociales pendant les 12 premiers mois d'activité.
À compter du 1 er janvier 2019, tous les créateurs et repreneurs d'entreprise seront éligibles à ce dispositif sous réserve d'en respecter les conditions. La nature de l'aide restera inchangée. Cette aide prendra le nom d'exonération de début d'activité.
Comme en témoigne un jeune chef d'entreprise, « Pôle emploi est le premier financeur des start up », car une start up n'a pas besoin de beaucoup de capitaux pour démarrer.
Caractéristiques de l'ACCRE L'aide est une exonération de charges sociales pendant un an (un dispositif spécial est prévu pendant 3 ans pour les micro-entrepreneurs ) à compter, soit de la date de l'affiliation au régime des travailleurs non-salariés, soit du début d'activité de l'entreprise, si l'assuré relève du régime des assimilés-salariés. Pour les créations et reprises intervenant à compter du 1 er janvier 2017, l'aide est réservée aux personnes éligibles à l'exonération Accre dont les revenus d'activité sont inférieurs au plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) soit 39 732 euros en 2018. De plus, l'exonération devient : - totale, lorsque les revenus ou les rémunérations des bénéficiaires sont inférieurs à 3/4 du PASS (soit 29 779 euros en 2017). - puis dégressive, lorsque les revenus sont supérieurs à 3/4 du PASS et inférieurs à 1 PASS (soit entre 29 779 euros et 39 732 euros en 2018) - nulle, lorsque les revenus sont supérieurs à 1 PASS.
Le
décret du 8 mars 2017
détermine la formule de calcul de la
dégressivité.
Sont exonérées, dans les deux cas, quel que soit leur nouveau statut, les cotisations (patronales, et salariales pour les assimilés salariés) correspondant : - à l'assurance maladie, maternité, invalidité, décès, - aux prestations familiales, - à l'assurance vieillesse de base. Restent dues les cotisations relatives à la CSG-CRDS, au risque accident du travail, à la retraite complémentaire, au FNAL, à la formation professionnelle continue et au versement transport. L'exonération pendant un an de la cotisation d'assurance vieillesse au titre de l'Accre permet la validation de 4 trimestres maximum (selon le montant du revenu réalisé) d'assurance vieillesse de base. En revanche, la personne ne cotisant pas pendant cette période d'exonération, les trimestres sont considérés comme non cotisés. Ceci signifie que le revenu procuré par l'activité professionnelle pendant cette année d'exonération ne sera pas pris en compte dans le revenu annuel moyen entrant dans le calcul de la pension de retraite. Les personnes éligibles doivent créer ou reprendre une entreprise, quel que soit son secteur d'activité, sous forme d'entreprise individuelle ou de société (associations, GIE et groupements d'employeurs exclus) et en exercer effectivement le contrôle. En cas de création ou reprise sous forme de société, la personne éligible doit exercer le contrôle effectif de l'entreprise, c'est-à-dire : - soit détenir plus de 50 % du capital seul ou avec son conjoint, son partenaire pacsé ou son concubin, ses ascendants ou ses descendants, avec au moins 35 % à titre personnel. - soit être dirigeant dans la société et détenir au moins 1/3 du capital seul ou avec son conjoint, son partenaire pacsé, ses ascendants ou ses descendants, avec au moins 25 % à titre personnel, sous réserve qu'un autre associé ne détienne pas directement ou indirectement plus de la moitié du capital. Plusieurs personnes peuvent obtenir séparément l'aide pour un seul et même projet à condition : - qu'elles détiennent collectivement plus de 50 % du capital, - qu'un ou plusieurs d'entre eux aient la qualité de dirigeant, - et que chaque demandeur détienne au moins 1/10ème de la fraction du capital détenue par la personne qui possède la plus forte. Ces conditions doivent être réunies au minimum pendant 2 ans. Source : Pôle Emploi |
b) Un logiciel pour se repérer
Pour se repérer dans cette complexité et trouver l'aide publique financière adaptée à sa situation, l'entreprise peut désormais naviguer grâce à un logiciel spécifique, opérationnel depuis janvier 2017.
Dans le cadre du programme de simplification en faveur des entreprises, le Gouvernement a décidé fin 2012 la mise en place d'une base de données unique sur les aides publiques aux entreprises 245 ( * ) .
Cette base de données permet la consultation par les chefs d'entreprise et les porteurs de projet des informations sur les aides financières aux entreprises ainsi que la mise à disposition de ces informations auprès des organismes publics souhaitant les relayer auprès des entreprises. Le pilotage de ce projet a été confié à la Direction générale des entreprises.
Au terme d'une analyse de faisabilité menée en 2014, le ministère chargé de l'économie a choisi de s'appuyer sur la base de données de l'Observatoire des aides aux entreprises de l'Institut supérieur des métiers (ISM) , en raison de sa robustesse, de la qualité des mises à jour régulières, de son exhaustivité dans le champ des aides financières et de son homogénéité géographique.
Depuis le 1 er janvier 2015, la base de données de l'ISM, disponible à l'adresse www.aides-entreprises.fr, constitue la base de données de référence sur les aides financières aux entreprises, sélectionnée par l'État, le Répertoire National des Aides aux Entreprises.
Sa mise en ligne est effective depuis le 24 janvier 2017 et le lancement officiel a eu lieu au Salon des Entrepreneurs à Paris le 1 er février 2017.
Aides-entreprises.fr offre une information complète et actualisée sur plus de « 2 000 aides » (selon le site) aux entreprises, à l'échelle locale, nationale ou européenne et oriente le demandeur vers l'interlocuteur de référence sur chaque dispositif visé.
Un exemple d'aide publique : le soutien aux jeunes entreprises innovantes Suite aux assises de l'entrepreneuriat d'avril 2013, la loi de finances pour 2014 a créé un dispositif de soutien aux petites entreprises investissant au moins 15 % de leurs charges dans la recherche et développement. Le statut de jeune entreprise innovante (JEI) s'applique à des petites et moyennes entreprises de moins de 8 ans dont une partie des dépenses est affectée à la recherche . Il permet de bénéficier d'exonérations fiscales et sociales. L'entreprise doit, à la clôture de chaque exercice, répondre aux conditions suivantes : - être une PME, c'est-à-dire employer moins de 250 salariés et réaliser soit un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros, soit un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros ; - avoir moins de 8 ans d'existence ; - être indépendante (son capital doit être détenu pour 50 % au minimum par des personnes physiques) ; - être réellement nouvelle, c'est à dire ne pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, restructuration, extension d'activité ou reprise d'activités préexistantes ; - réaliser des dépenses de recherche représentant au moins 15 % des charges fiscalement déductibles ; - avoir été créé au 31 décembre 2019 dernier délai. La jeune entreprise innovante bénéficie d'avantages fiscaux et sociaux substantiels : - exonération totale d'impôt sur les bénéfices (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés) pour les résultats du premier exercice ou de la première période d'imposition bénéficiaire et application d'un abattement de 50 % au titre de l'exercice ou de la période d'imposition bénéficiaire suivant ; - exonérations pendant 7 ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutées des entreprises (CVAE) sur délibération des collectivités locales ;- sous certaines conditions, exonération des plus-values de cession de parts ou actions des JEI détenues par des personnes physiques ; - exonérations sociales sur les rémunérations des personnels 246 ( * ) si 50 % de leur temps de travail est consacré au projet de recherche et développement. L'exonération est applicable jusqu'au dernier jour de la 7 e année suivant celle de la création de l'entreprise. Elle s'applique dans la limite d'un double plafonnement : - une rémunération mensuelle brute par personne plafonnée à 6 661,20 euros correspondant à 4,5 fois le Smic ; - un plafond annuel de cotisations éligibles par établissement, fixé à 196 140 euros (correspondant à cinq fois le plafond annuel de la sécurité sociale). Les entreprises qui souhaitent bénéficier des avantages attachés à la qualité de jeune entreprise innovante peuvent, à tout moment de leur existence, interroger par écrit l'administration fiscale afin de savoir si elles respectent les critères fixés pour l'application du dispositif. Cette demande doit être formulée à l'aide d'un modèle de demande d'avis et adressée en recommandé avec accusé de réception (ou par remise directe contre décharge). L'avis exprès ou tacite délivré au contribuable dans un délai de quatre mois par l'administration fiscale est opposable à l'Urssaf. Aucune déclaration préalable auprès de l'Urssaf n'est nécessaire pour obtenir l'exonération de charges sociales. L'entreprise applique elle-même l'exonération en remplissant le bordereau récapitulatif des cotisations . En régime permanent, le coût annuel de la mesure pour les finances publiques a été évalué à environ 200 millions d'euros pour un montant total d'investissement annuel prévisionnel de 600 millions d'euros, réparti de manière équivalente entre investissement direct et investissement intermédié. Source : ministère de l'Économie |
Cependant, d'autres sites publics fournissent toujours ce type de renseignements : le site de l'AFE, l'espace profession du site Service public, le référentiel des financements des entreprises de la Banque de France, le site les-aides.fr des CCI...
De multiples interlocuteurs publics prodiguent leur conseils pour accompagner les entreprises soit pour l'obtention d'une aide publique, soit, plus globalement, pour les développer : DIRECCTE, Bpifrance, correspondant TPE de la Banque de France dans chaque département, réseau des Chambres de commerce et d'industrie...
Dans ce même objectif, un foisonnant secteur privé de prestation de services s'est développé pour fournir, en ligne ou en direct, des conseils rémunérés pour développer une entreprise.
c) Objectif n° 17 : rationaliser les aides publiques
Depuis 10 ans, de nombreux rapports ont procédé à une évaluation des aides publiques aux entreprises.
Un audit de modernisation des aides publiques a été effectué en janvier 2007 par une triple mission de l'IGF, de l'IGAS et de l'IGA, qui a analysé l'efficacité de 65 milliards d'euros dépensés chaque année en subventions d'aide aux entreprises, représentant 4 % du PIB. Cet audit recensait plus de 6 000 dispositifs et soulignait des redondances dans les aides et les organismes, un empilement faisant naître le doute sur l'efficacité réelle de ces aides pour les entreprises et l'économie en général.
Le rapport annuel de la Cour des comptes pour 2007 analysait pour sa part les aides publiques aux PME. Dans ce rapport, la Cour des comptes estimait le montant des seules aides à la création, au développement et à la transmission des PME à environ 6 milliards d'euros répartis entre les aides fiscales et financières et les allègements de charges.
Le rapport Guillaume du comité d'évaluation des dépenses fiscales et niches sociales de 2011 , qui a procédé à l'évaluation de 339 dépenses fiscales et 46 niches sociales, dispositifs dérogatoires au droit commun des prélèvements obligatoires, concluait à l'inefficacité de 37 % des dépenses fiscales évaluées (125 dispositifs pour un total de 11,8 milliards d'euros) et de 37 % des niches sociales (17 dispositifs pour un total de 3,3 milliards d'euros).
Le rapport Queyranne de juin 2013 Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité , quoique limité dans son champ d'investigation 247 ( * ) , constatait leur sédimentation, leur manque de pertinence au regard des priorités de la compétitivité (« ni les secteurs d'avenir ni ceux soumis à la concurrence internationale ne sont aidés prioritairement ») et leur manque d'efficacité, comme en témoigne cet extrait :
« La pertinence de ces mesures de faible montant peut être remise en cause de plusieurs manières : faible connaissance par les bénéficiaires potentiels, doutes sur l'effet incitatif, ciblage trop fin qui peut générer des coûts de gestion excessifs, obsolescence des objectifs ou existence justifiée par la seule satisfaction d'intérêts catégoriels. Il résulte de ces flux des cofinancements, des redondances et des incohérences, provoquées par la juxtaposition de plusieurs milliers d'aides, dans tous les secteurs, parfois avec des montants unitaires très limités et un nombre de bénéficiaires faible ».
« Plusieurs raisons militent en faveur d'une réforme du système global des aides et soutiens publics aux acteurs économiques. Le système général, pris dans sa globalité, nous apparaît inefficace et inadapté . Trop d'évaluations ont conclu à l'existence d'effets d'aubaine , au manque de ciblage et de pertinence dans de nombreux dispositifs ».
Depuis ce rapport, les interventions économiques, en direction des entreprises notamment, des collectivités locales ont été rationalisées et confiées aux régions en 2015 et la création de Bpifrance a permis de simplifier le paysage des opérateurs financiers. L'accessibilité aux aides a été améliorée, comme on l'a vu, avec la création d'un logiciel permettant une plus grande lisibilité de l'intervention publique dont les entreprises peuvent bénéficier et facilitant leur accès par le dépôt dématérialisé de demande de soutien.
Toutefois, la préconisation de réduire drastiquement le nombre d'aides publiques de faible montant (sur les 700 dispositifs d'aides de l'État, la moitié (365) ne représente qu'un montant annuel inférieur à 5 millions d'euros) n'a pas été suivie d'effet.
Le logiciel facilitant, pour l'entrepreneur, le « repérage » des aides publiques ne doit pas servir de prétexte à abandonner toute volonté de les rationaliser . Votre rapporteur est persuadé que les 1654 dispositifs ne sont pas tous efficaces et pertinents et que la priorité doit être donnée aux aides à l'innovation. Il faut réduire les micro-aides publiques, conforter les aides à l'innovation, rationaliser les aides financières existantes (proposition n° 21).
d) Objectif n° 18 : un accès privilégié des PME à la commande publique
Dix ans après le rapport Stoléru 248 ( * ) , il manque toujours un accès privilégié des PME à la commande publique. Il est paradoxal que la France multiplie les dispositifs d'aide publique, et construise un avantage compétitif avec le crédit d'impôt recherche (CIR) ; mais que la demande publique ne consomme pas les produits ou services créés grâce à ce crédit d'impôt.
Un récent rapport du Sénat 249 ( * ) a ainsi souligné que les PME ne profitent que trop peu du potentiel de la commande publique . En 2011, alors qu'elles ont représenté 35,7 % du chiffre d'affaires des entreprises françaises, elles n'ont exécuté en tant que titulaires que 25 % du montant total des 200 milliards d'euros de marchés publics. Il constatait que « les acheteurs se privent ainsi des capacités d'innovation des PME - les PME innovantes ne représentant que 0,01 % des marchés de l'État », alors même que se multiplient les dispositifs publics d'aide à l'innovation !
Le rapport ne recommandait pas un « small business act » européen et la réservation d'« une partie des commandes publiques à des PME au niveau européen » , en raison de son risque d'inconstitutionnalité 250 ( * ) , de son incompatibilité avec les règles de l'OMC 251 ( * ) et de son inefficacité. En effet, et malgré le Small Business Act de 1953, les taux d'accès respectifs des PME aux marchés publics aux États-Unis et en Europe sont assez proches, avec même un léger désavantage pour les États-Unis.
En France, une circulaire du Premier ministre du 31 juillet 2013 relative à la modernisation des achats de l'État fixe comme objectif que 2% des achats des administrations soit réalisé en 2020 auprès d'entreprises innovantes et notamment des PME de croissance innovantes , car « l'accès aux marchés publics permet aux PME de croître et de contribuer au développement économique de la France. Il est donc important que les stratégies d'achat de l'État et de ses établissements intègrent cette dimension lorsqu'il existe une offre économique pertinente, notamment par la voie de l'allotissement ».
Le décret n° 2013-623 du 16 juillet 2013 qui réforme le Service des achats de l'État (SAE) assigne à ce dernier la mission de « s'assurer que les achats de l'État sont réalisés dans des conditions favorisant le plus large accès des PME à la commande publique ».
Pourtant, comme en a témoigné un chef d'entreprise innovante entendu par votre rapporteur : « l'État a accordé à mon entreprise le label d'entreprise stratégique mais je n'ai aucune commande publique. Comme les grandes entreprises achètent au meilleur prix dans le monde et n'achètent pas français, si l'État ne passe pas des commandes, vais-je pouvoir rester longtemps une PME française ? ».
Décréter une politique générale de réservations en faveur des PME apparaîtrait cependant à contre-courant. Le rapport sénatorial voulait faciliter l'accès des PME à la commande publique par des incitations à agir , la commande publique souffrant d'un excès de règles, et proposait des solutions concrètes notamment en faveur des PME innovantes. En 2012 252 ( * ) , l'État a affiché un objectif de 2 % des achats de l'État et de ses opérateurs attribués aux PME innovantes à l'horizon 2020. Cet objectif est ambitieux puisqu'en 2014, le taux a été de 0,01 % pour l'État et de 0,57 % pour ses établissements publics.
Il faut donc sinon remplacer les aides publiques, du moins les compléter par un accès plus facile des PME à la commande publique (proposition n° 22) reprenant les propositions du rapport sénatorial.
e) Objectif n° 19: sécuriser le crédit d'impôt recherche
La dépense fiscale en faveur de la recherche et l'innovation s'est élevée à près de six milliards d'euros en 2017.
Les trois principales dépenses fiscales sont :
- le crédit d'impôt recherche (CIR), dont le coût est évalué à 5,8 milliards d'euros pour 2018 (5,5 milliards en 2017) et qui constitue, de loin, la principale dépense fiscale ;
- la taxation à taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets, dont le coût peut être estimé à 660 millions (300 millions en 2017) ;
- le crédit d'impôt en faveur de l'innovation (CII), institué par la loi de finances pour 2013 , dont le coût serait de 180 millions d'euros en 2018 (115 millions en 2017).
Créé par la loi de finances pour 1983, le CIR consiste, depuis le 1 er janvier 2008, en un crédit d'impôt de 30 % des dépenses de recherche et développement (R&D) jusqu'à 100 millions d'euros et 5 % au-delà . Entre 2008 et 2013, le nombre d'entreprises déclarantes a augmenté de plus de 50 % , dépassant 21 000 , pour un montant de dépenses éligibles de 20,5 milliards d'euros et un crédit d'impôt de 5,6 milliards d'euros en 2013 , contre 1,7 milliard d'euros en 2007.
Le montant du CIR a dépassé les aides directes à la R&D des entreprises depuis 2008, en se stabilisant autour de 19 % des dépenses intérieures de R&D des entreprises. Les aides directes représentent moins de 10 % de ces dépenses depuis 2009, contre 18 % en 1993. Le cumul des deux types d'aide porte le taux de financement public des dépenses de R&D des entreprises à 27 % en 2013 (soit 0,40 % du PIB).
Ce niveau de soutien public place la France en deuxième position, selon les données de l'OCDE, nettement derrière la Russie (dont le soutien public atteint 58 % de la dépense intérieure de R&D des entreprises), proche du Canada (25 %) et du Portugal (21 %), mais loin devant les États-Unis, l'Allemagne ou le Japon. En Allemagne ou au Japon en particulier, l'intensité en R&D privée est élevée du fait de la structure sectorielle de ces économies où les secteurs comme l'automobile et l'électronique représentent une forte part de la R&D privée.
Cet outil fiscal fournit donc à la France un véritable avantage comparatif dans la bataille de l'innovation qu'il convient de préserver. Cependant, son usage par les entreprises est parfois contesté par l'administration qui exerce un contrôle tatillon, y compris sur les entreprises stratégiques, comme l'illustre cet exemple, anonymisé :
Le contrôle du CIR dans l'entreprise Z 5 juin 2015 : avis de vérification de comptabilité 23 juin : premier rendez-vous avec l'administration 21 juillet : première transmission de documents (119 Mo de fichiers) 2 septembre : 2 ème rendez-vous avec l'administration 16 septembre : 2 ème transmission de documents (98,1 Mo de fichiers) 30 septembre : 3 ème rendez-vous avec l'administration 7 octobre : 4 ème rendez-vous avec l'administration 14 octobre : 5 ème rendez-vous avec l'administration et 3 ème transmission de documents (9,9 Mo de fichiers) 3 novembre : 6 ème rendez-vous avec l'administration 2 décembre : 7 ème rendez-vous avec l'administration et 4 ème transmission de documents (2,89 Mo de fichiers) 11 décembre : proposition de rectification émise par l'administration 15 décembre : remise d'un rapport d'expertise portant sur l'année 2013, proposant de rejeter l'éligibilité de l'intégralité des travaux réalisés au titre du CIR 4 janvier 2016 : l'entreprise Z adresse à l'administration un courrier de contestation 14 janvier : visioconférence entre l'entreprise et l'expert qui demande l'envoi de données complémentaires 15 février : transmission des données complémentaires à l'expert concernant le dossier A 15 mars : transmission des données complémentaires à l'expert concernant le dossier B et le dossier C 19 mai : transmission des données complémentaires à l'expert concernant la répartition du temps par salarié et par projet 24 mai : 2 ème rapport d'expertise qui valide les dépenses déclarées pour 2013 au titre du CIR et regrette que l'entreprise Z n'a « pas assez approfondi certains éléments » et que la description faite de ses travaux « n'ait pas assez mis en évidence le caractère novateur de ceux-ci » 29 juin : 2 ème proposition de rectification de l'administration 26 juillet : réponse de l'entreprise Z à l'administration et nouvelle réclamation 15 septembre : maintien de la position de l'administration qui indique les voies de recours 10 octobre : demande de recours gracieux par l'entreprise Z 10 octobre : demande de saisine du comité consultatif du CIR par l'entreprise Z 9 novembre : recours hiérarchique par l'entreprise Z 21 novembre : l'administration transmet le dossier au comité consultatif du CIR 31 janvier 2017 : 3 ème rapport d'expertise réalisée par un nouvel expert dont les conclusions sont contraires à celles du ministère de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche 28 mars : réunion du comité consultatif du CIR 253 ( * ) 15 septembre : notification de l'avis du comité consultatif du CIR qui maintient la contestation de l'éligibilité au CIR de projets datant de 2012 et de 2014 pour un montant total de 550 000 euros et qui propose un nouvel examen au fond 5 février 2018 : rendez-vous avec un interlocuteur départemental du ministère qui estime que l'éligibilité au CIR d'un des projets doit être réexaminée et qui demande « de le recontacter dans un mois si l'administration ne donne pas de réponse »... |
Cet outil indispensable pour les entreprises innovantes doit donc être allégé et celles qui y recourent doivent être dispensées d'une suspicion permanente de détournement d'emploi.
Plusieurs membres de la délégation aux entreprises du Sénat avaient soutenu des amendements au projet de loi de finances rectificative pour 2015, allant dans le sens d'un renforcement de l'efficacité du CIR dont le contrôle se fonde in fine sur l'appréciation d'experts, la plupart du temps universitaires, qui ne sont pas toujours en mesure d'apprécier le caractère innovant, ou de recherche, d'une dépense d'une entreprise.
L'un prévoyait que, si le contribuable dont les dépenses sont examinées le demande, ce comité entend une personnalité qualifiée désignée par le contribuable, issue du secteur privé et présentant des garanties d'indépendance, susceptible d'apporter une expertise sur la qualification des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt. Cet amendement, adopté par le Sénat, n'avait pas été retenu dans le texte final qui prévoit seulement que « l'agent du ministère chargé de la recherche et l'agent du ministère chargé de l'innovation peuvent, s'ils l'estiment utile, être assistés par toute personne susceptible d'apporter une expertise sur la qualification des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt. Cette personne ne prend pas part aux votes » 254 ( * ) .
Un autre, qui n'a malheureusement pas été retenu, prévoyait d'autoriser les agents des ministères en charge de l'industrie et de l'innovation à vérifier, au même titre que les agents du ministère de la recherche, la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt recherche ou innovation, afin de mieux prendre en compte les enjeux économiques des dépenses de recherche considérées.
À tout moment, les services fiscaux peuvent vérifier l'éligibilité d'une dépense au CIR. Cette possibilité de contrôle fiscal fait peser une épée de Damoclès sur une entreprise. Celle-ci risque, lorsqu'il s'agit d'une PME, de ne pas avoir les moyens de rembourser le crédit d'impôt. Cet aléa constitue une menace pour l'entreprise et pèse sur l'entrepreneur.
Pour sécuriser l'entreprise qui utilise le crédit d'impôt recherche et le crédit d'impôt en faveur de l'innovation, votre rapporteur avait proposé qu'ils soient transformés en allègement de charges. Cependant, comme l'examen du présent rapport en Délégation l'a révélé, cette proposition pourrait être interprétée comme une remise en cause du principe même de ces dispositifs. C'est pourquoi, d'autres systèmes de sécurisation pourraient être imaginés, comme un agrément préalable des entreprises innovantes et une présomption du caractère innovant de leurs recherches, l'essentiel demeurant la sécurisation des entreprises innovantes qui ont recours au CIR (proposition n° 23).
3. Des banques trop frileuses pour financer les PME ?
a) Le financement bancaire des entreprises
Le financement bancaire vient après le recours aux fonds propres : le crédit bancaire pour les PME/TPE pèse entre 60 % et 70 % des financements empruntés et représente presque vingt fois les autres sources de financement externe . La situation est bien sûr différente pour les ETI (autour de 40 %) et pour les grandes entreprises (10 % à 20 %).
L'encours de crédit bancaire aux PME/TPE s'élève à 385 milliards d'euros en décembre 2016 sur un total de 894 milliards d'euros selon la Banque de France. Le crédit bancaire a bénéficié à 1,1 million de PME/TPE en France, soit plus de 25 %. Ainsi, 43 % des crédits bancaires aux entreprises vont aux PME/TPE qui représentent environ 50 % des salariés.
Selon la Banque de France, et son enquête trimestrielle sur l'accès au financement bancaire, ce dernier s'améliore, sauf pour les crédits de trésorerie des TPE.
Pour le Conseil économique, social et environnemental 255 ( * ) en revanche, 30 % des dirigeants d'une TPE ayant demandé un crédit de trésorerie ne l'ont pas obtenu . Cela représente 100 000 entrepreneurs qui contribuent à la représentation duale des banques, à la fois outils du développement de l'économie et institutions financières préoccupées par leurs propres profits.
De même, pour la Banque centrale européenne, qui conduit depuis 2009 une enquête semestrielle sur l'accès au financement par les entreprises 256 ( * ) , « l'écart entre demande et offre de crédit pour les PME/TPE françaises, s'est réduit fin 2016 mais il reste défavorable et la France est, avec la Grèce, le seul pays de la zone euro où la demande de financements se trouve supérieure à l'offre ».
La demande de crédit ne prend en compte que celle exprimée par les entreprises et n'intègre donc pas en compte l'autocensure de ces dernières, qui serait significative. Elle peut provenir du chef d'entreprise qui a peur de perdre le contrôle de son entreprise ou de s'endetter, mais aussi celui qui craint de se voir opposer un refus.
Selon la Banque de France, 15 % des dirigeants de TPE ne font pas appel au crédit « par principe ». Selon une étude Sofres-KMPG pour la CPME de septembre 2016, 25 % des dirigeants de PME restreignent leurs demandes de financement en raison des difficultés d'accès au crédit, 64 % témoignent du durcissement récent de leur banque, un tiers évoque des frais élevés ou des montants accordés plus faibles que demandés ou des garanties supplémentaires demandées par la banque ou encore des réductions de crédits ou de facilités de compte courant.
Ce sentiment est corroboré par l'étude SIAGI 257 ( * ) pour les artisans, lesquels sont 43 % à évoquer des freins tels que les garanties demandées, leur inexpérience en matière de crédits, un investissement non finançable par un prêt, l'anticipation d'un refus ou la lourdeur administrative d'une demande de prêt.
Ces relations difficiles entre PME et les banques ont été prises en considération par les acteurs concernés.
(1) Un code des bonnes pratiques entre les banques et les PME
Chaque trimestre, environ 10 % des 2,7 millions de TPE font une demande de crédit de trésorerie ou d'investissement, correspondant à environ un million de dossiers déposés par an.
L'Observatoire du financement des entreprises a pointé, dans un rapport rendu en juin 2014, la nécessité d'améliorer les relations entre les banques et les TPE . Cinq mesures pragmatiques ont été formulées par l'observatoire :
1. répondre rapidement, sous 15 jours ouvrés, à toute demande de financement d'un dirigeant de TPE ;
2. expliquer le refus de crédit au dirigeant de TPE ;
3. indiquer les recours existants, notamment la Médiation du crédit aux entreprises ;
4. développer une meilleure information sur le financement de la trésorerie et du court terme ;
5. favoriser une plus grande stabilité des conseillers TPE dans leurs fonctions au sein des banques.
Les banques adhérentes de la Fédération bancaire française (FBF) se sont engagées à suivre ces recommandations dans un code des relations banques/PME du 11 mai 2006 258 ( * ) .
Un premier bilan de ce code de bonnes pratiques a été élaboré par l'Observatoire du financement des entreprises le 25 novembre 2015. Il fait état « d'améliorations significatives qu'il faut toutefois prolonger et amplifier ».
L'évaluation de la mise en oeuvre des cinq mesures prises par la FBF pour améliorer les relations banques-TPE/PME Les banques, qui étaient en 2014 déjà pleinement conscientes de la nécessité de favoriser la stabilité de leurs chargés de clientèle TPE, ont mis en place plusieurs mesures pour accroître la durée moyenne de poste et favoriser les transitions entre chargés de clientèle. Différents indicateurs permettent de mesurer des progrès réels, et l'appropriation par les directions générales des banques de cette question semble convaincante. Pour mieux informer les TPE sur les différentes possibilités de financement court terme (découvert, mobilisation des créances commerciales, crédits échéancés), la FBF a très rapidement rédigé, imprimé et diffusé un mini-guide à destination des chefs d'entreprise sur les « Outils et solutions des TPE pour financer leurs besoins court terme » disponible, en consultation et téléchargement gratuit sur le site pédagogique de la FBF et sur le site de nombreux réseaux bancaires, et les conseillers peuvent souvent l'imprimer à partir de leur intranet. Ces derniers en ont parfois aussi directement sous format papier à leur disposition pour les distribuer. Les banques ont intégré à leurs lettres de dénonciation et à leurs lettres de refus de crédit la mention d'un possible recours à la Médiation du crédit aux entreprises. Cependant, l'envoi d'une lettre de refus de crédit n'est dans la plupart des réseaux bancaires qu'exceptionnel (le plus souvent à la demande du client). Or, mis à part le cas d'un réseau, les chargés de clientèle TPE-PME n'ont pas la consigne de mentionner l'existence de la Médiation du crédit lors des explications orales de refus de crédit. Pour autant, les banques se sont engagées, dans le cadre du nouvel Accord de Place, « en cas de refus ou dénonciation de financement ou de garantie, à informer l'entreprise de la possibilité de recourir au médiateur de crédit ». En pratique, les dirigeants de TPE-PME à qui un crédit est refusé ne sont donc pas, la plupart du temps, informés à ce moment-là de la possibilité de recourir à la Médiation. Par ailleurs, si les réseaux bancaires se sont organisés pour que les dirigeants de TPE-PME à qui un crédit a été refusé puissent bénéficier d'entretiens avec un responsable de la banque, les entrepreneurs ne se trouvent en pratique que très peu informés de cette possibilité. Le recours à ce type d'entretien, que les réseaux bancaires jugent très utile si la première explication n'est pas comprise, est donc exceptionnel. S'agissant des délais de réponse à toute demande de financement d'un client TPE-PME, si les réseaux bancaires conviennent de répondre à environ 90 % des demandes de crédit en moins de 15 jours ouvrés, 10 % des dossiers de TPE n'ont pas reçu de réponse dans ces délais et cette proportion semble plus élevée pour les PME. Les banques expliquent certains cas où le délai de réponse déroge aux 15 jours ouvrés par le caractère difficile, atypique, risqué de ces dossiers, que ce soit au regard du projet ou de l'entreprise (dossiers atypiques nécessitant souvent deux instructions, présentant souvent des montages complexes, ou nécessitant des intervenants extérieurs en garantie par exemple). A ce stade, les banques ne disposent pas du recul suffisant pour mettre en évidence une évolution de ce nombre de dossiers ne trouvant pas de réponse avant 15 jours ouvrés. Par ailleurs, le ressenti des entrepreneurs sur la durée de réponse peut être biaisé par le fait que le moment où le dossier est jugé complet par la banque n'est pas toujours signifié à l'entrepreneur. Les banques soulignent toutefois que ce point de départ peut évoluer avec l'analyse même du dossier et du projet. En conclusion, il apparaît que l'annonce des 5 mesures par la FBF en juin 2014 a conduit à une action des banques en faveur d'une amélioration du dialogue entre les banques et les TPE et PME, ce qui était l'objectif partagé suite au rapport de l'Observatoire du financement des entreprises. Cependant, des marges de progrès existent encore sur certains points. |
Il est nécessaire que les banques poursuivent leurs efforts pour répondre à l'ensemble des demandes de crédit de TPE-PME en moins de 15 jours ouvrés. Cela devrait passer notamment par une amélioration du suivi et de l'analyse des dossiers complets qui ne reçoivent pas de réponses en 15 jours ouvrés, une accélération du traitement des dossiers les plus complexes, et une meilleure information des clients sur le caractère complet de leur dossier et sur ce délai maximal de réponse de 15 jours ouvrés. Il serait par ailleurs souhaitable que les banques informent les entrepreneurs lors des entretiens oraux de refus de crédit, lorsqu'une incompréhension est détectée, de la possibilité de s'entretenir avec un responsable de la banque. Il est indispensable que les banques informent systématiquement en cas de refus de crédit - par écrit ou oralement - les entrepreneurs de la possibilité de recourir à la Médiation du crédit aux entreprises afin de respecter pleinement l'article 14 de l'Accord de Place. Enfin, il apparaît souhaitable que les efforts engagés pour une plus grande stabilité des chargés de clientèle soient poursuivis. Par ailleurs, il est important que les différentes fédérations professionnelles et les réseaux consulaires renforcent leur communication autour de la mise en oeuvre des 5 mesures, pour que les chefs d'entreprise les connaissent et se les approprient mieux. Source : synthèse du rapport l'Observatoire du financement des entreprises 25 novembre 2015 . |
L'Observatoire du financement des entreprises a par ailleurs contribué à améliorer la lisibilité des tarifs de financement : sur la base du rapport rédigé en 2016, la FBF et l'ASF ont élaboré des préconisations professionnelles applicables à leurs adhérents.
La lisibilité des tarifs des produits de financement utilisés par les TPE En mai 2015, le ministre des Finances et des Comptes publics et le ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique ont chargé l'Observatoire du financement des entreprises d'établir un diagnostic sur cette question. En effet, les coûts de ces produits - découvert, facilité de caisse, crédits court terme, mobilisation de créances professionnelles (anciennement appelées cession par loi Dailly), escompte, affacturage... - peuvent être assez difficiles à appréhender. Pour un produit donné, qu'il soit un « pur » produit de financement ou assorti de services complémentaires (gestion du poste clients en affacturage, par exemple), le nombre de composantes tarifaires peut être considéré comme élevé, avec une structure tarifaire bien plus complexe qu'un simple schéma « frais de dossier/intérêts débiteurs ». Par ailleurs, l'environnement monétaire et financier actuel, caractérisé par des taux historiquement bas, tend à limiter dans le coût effectif global le poids relatif du coût du crédit (intérêts débiteurs) au profit des frais fixes et des tarifications annexes : la compréhension de l'ensemble des composantes devient d'autant plus nécessaire. Trois axes d'analyse ont été déclinés dans le rapport : -les terminologies utilisées par les établissements bancaires et les affactureurs pour les différentes composantes tarifaires ; -la présentation, dite a priori , des tarifs des produits de financement aux entrepreneurs ; -la présentation, dite a posteriori , des coûts effectifs des produits utilisés par l'entreprise au cours de l'exercice annuel écoulé. |
Sous l'égide de l'Observatoire, les fédérations professionnelles de la banque et de l'affacturage ont élaboré des glossaires pédagogiques des principales composantes tarifaires des produits de financement étudiés, permettant aux entrepreneurs de pouvoir plus facilement se repérer dans l'ensemble des offres tarifaires, en leur indiquant, pour chaque famille de produit, la définition des composantes et, sommairement, le mode de calcul correspondant. En outre plus généralement, l'Observatoire a notamment recommandé : - que les glossaires soient largement diffusés à la fois par les établissements et les fédérations, notamment sur les sites internet, et qu'ils servent de référence pour les acteurs du marché ; - que les banques et les affactureurs reprennent les terminologies présentées dans ces glossaires dans leurs plaquettes ou guides tarifaires ; - que les plaquettes des banques soient complètes dans la présentation des composantes tarifaires des produits de financement court terme proposés aux TPE ; - que soit systématiquement proposé au professionnel/dirigeant de TPE un entretien annuel pour faire le point sur ses besoins et financements court terme. Cet entretien pourrait s'appuyer sur des informations récapitulant les frais annuellement facturés à l'entrepreneur pour ses besoins de financement court terme ; - que les établissements financiers proposent au professionnel/dirigeant de TPE un récapitulatif par produit des frais payés annuellement pour les produits de financement bancaire court terme les plus utilisés et pour l'affacturage. À partir de ces recommandations, la FBF et l'ASF ont élaboré des préconisations professionnelles applicables à leurs adhérents. Source : rapport de l'Observatoire du financement des entreprises (2016) |
(2) Le rôle de la Médiation du crédit aux entreprises
En cas de difficulté, un dirigeant d'entreprise peut saisir la Médiation du crédit aux entreprises, créée en 2008.
Sous l'effet d'un environnement économique et financier plus favorable aux entreprises, l'activité de la Médiation du crédit a légèrement reculé en 2016.
Sur les 2 780 dossiers déposés par les entreprises (contre 2 990 en 2015), la Médiation en a accepté 1 884 (contre 2 086 en 2015) ; soit un taux d'éligibilité de 68 %, comparable à celui de 2015. Les cas d'inéligibilité correspondent pour l'essentiel à des sociétés réorientées vers les procédures judiciaires en raison de leurs difficultés financières trop avancées.
Parmi les motifs de saisine, la dénonciation des découverts bancaires reste largement prédominante. Le taux de médiations réussies, qui augmente de 2 points par rapport à 2015, s'établit à 64 %.
Dans l'ensemble, 1 048 entreprises, employant près de 12 800 personnes, ont été confortées et 183 millions d'euros d'encours de crédits ont pu être renouvelés ou débloqués. La part de TPE dans les saisines (85 %) conduit à intervenir sur des besoins de financement toujours plus réduits (175 000 euros en moyenne).
Par rapport à 2015, le profil sectoriel des entreprises qui ont recours à la Médiation est peu modifié. Les services (43 % des dossiers déposés) et le commerce (25 %) demeurent les principaux secteurs d'intervention. L'industrie (11 %) et la construction (15 %) pèsent moins mais sont toujours un peu surreprésentées par rapport à la démographie des entreprises. L'agriculture reste une branche d'activité marginale, dont le poids (6 %) se maintient.
Fonctionnement de la Médiation du crédit aux entreprises LE TOP 5 DES MOTIFS DE SAISINE Une dénonciation de découvert ou autre ligne de crédit Un refus de rééchelonnement d'une dette Un refus de crédit (trésorerie, équipement, crédit-bail...) Un refus de caution ou de garantie Une réduction des garanties par un assureur-crédit LES 5 AVANTAGES DE LA MÉDIATION DU CRÉDIT Un service gratuit et confidentiel Un premier contact avec un médiateur du crédit dans les 48 heures suivant le dépôt d'un dossier de médiation Un maintien de ses concours bancaires existant pendant la durée de la médiation Une expertise sur mesure Un traitement local de son dossier POURQUOI ET COMMENT SAISIR LA MÉDIATION DU CRÉDIT ? L'entreprise : Remplit le dossier en ligne à l'aide du tutoriel Joint ses documents comptables au format électronique Peut se faire accompagner de son expert-comptable/tiers de confiance Le Médiateur du crédit : Contacte le dirigeant dans les 48 heures Vérifie la recevabilité de la demande Les établissements financiers : Bénéficient d'un délai de 5 jours ouvrés pour revoir leurs positions. Informent le médiateur de leur décision de maintenir ou non leur position. Le Médiateur du crédit : Contacte chaque établissement pour identifier et résoudre les points de blocage. Consulte si besoin d'autres acteurs financiers Propose des solutions concertées et adaptées aux besoins de l'entreprise Informe l'entreprise des solutions envisagée Source : rapport annuel 2016 du Médiateur du crédit (mars 2017) |
Depuis 2008, les TPE représentent une part croissante de l'activité de la Médiation, passant de 79 % de l'ensemble des dossiers traités en 2008-2009, à 85 % en 2016 . Cette évolution s'explique par un accès aux crédits (crédits de trésorerie et crédits d'investissement) toujours sensiblement moins facile pour les TPE que pour les PME. D'après la Banque de France 259 ( * ) , alors que 84 % des PME obtiennent totalement ou en grande partie les financements de trésorerie demandés, seulement 70 % des TPE obtiennent satisfaction.
b) Le rôle de Bpifrance : un effet dual
(1) L'intervention marginale de Bpifrance dans le segment du financement des PME/TPE
Pour le financement des PME/TPE, Bpifrance est un acteur de taille limitée avec seulement 3,6 % de l'encours total des crédits bancaires en 2015. Elle intervient en cofinancement de prêts bancaires associés.
Bpifrance ne dispose ni d'un réseau ni de ressources humaines suffisants pour jouer le rôle d'une banque de proximité pour les PME/TPE . N'étant pas dotée d'une capacité propre de sélection des dossiers, elle intervient en aval des choix des banques, à partir de dossiers sélectionnées par celles-ci.
Pour les TPE qui souhaitent un crédit de trésorerie, l'accès à Bpifrance était quasiment impossible en 2015 comme l'a montré le rapport d'évaluation par l'Assemblée nationale des premières années d'activité de Bpifrance 260 ( * ) .
Son positionnement est en revanche plus affirmé en faveur des PME innovantes.
(2) L'intervention décisive de Bpifrance dans le segment de l'innovation
La frilosité du secteur privé a conduit l'État à intervenir fortement en soutien à l'innovation, pour les raisons ainsi décrites par le Conseil d'analyse économique :
« La France manque de fonds de long terme . Pour des raisons réglementaires (ratios prudentiels), les banques et les compagnies d'assurances ne peuvent investir que des montants limités dans des projets risqués de long terme. Elles ont également des contraintes d'efficacité de gestion (temps passé/montant investi) et de ratio d'emprise sur les fonds souscrits qui leur font naturellement privilégier des fonds de grande taille. Surtout, la France ne dispose pas de fonds de pension ni d'endowments 261 ( * ) d'universités, qui dans d'autres pays travaillent dans le long terme et peuvent donc prendre des risques. Or, le capital-risque a un rendement imprévisible, historiquement faible, qui de surcroît ne se réalise pas avant 7-10 ans. La politique d'investissement de Bpifrance dans des « fonds de fonds » privés procède ainsi de la volonté de faire émerger des investisseurs de long terme référents français ».
Ainsi, sur la période 2012-2015, la part des nouveaux fonds levés par le capital-risque provenant des institutions publiques était bien plus élevée en France qu'au Royaume-Uni et dans les pays nordiques.
Le capital-risque sert à financer des entreprises généralement de très petite taille, qui se trouvent aux premiers stades de leur existence et qui présentent un fort potentiel de croissance et de développement.
Les fonds de capital-risque n'apportent pas que des capitaux mais aussi des conseils. Ils fournissent aux entreprises des compétences et des connaissances précieuses, des contacts professionnels, des conseils stratégiques.
Dans le domaine du capital-investissement et de l'innovation, Bpifrance est devenu le principal acteur français du segment du capital-risque et de l'amorçage 262 ( * ) .
Elle intervient notamment dans des PME désireuses d'ouvrir leur capital. Grâce à des tickets compris entre 250 000 euros et 13 millions d'euros, son activité sur ce segment a été en forte expansion avec 132 millions d'euros en 2015 (+ 78 % par rapport à 2012).
Sur le segment de l'innovation, les prises de participations de Bpifrance ont fortement progressé (+ 48 % entre 2013 et 2015) pour atteindre 169 millions d'euros, avec notamment le Fonds national d'amorçage, fonds de fonds qui réalise des investissements dans des fonds d'amorçage investissant eux-mêmes dans des start-up et des jeunes entreprises innovantes.
Bpifrance est très présente dans l'investissement direct dans les start-up. Elle apparaît même comme l'investisseur européen le plus actif du 1 er trimestre 2016, avec 15 opérations, devant Index Ventures (dix opérations), l'un des tout premiers fonds pan-européens. Bpifrance est également très active en investissement indirect puisqu'elle est présente, via 262 fonds partenaires en 2015, dans la moitié des acteurs français du capital-innovation.
En revanche, la participation de l'université au financement de l'innovation est faible, contrairement aux pays anglo-saxons.
L'investissement direct de l' É tat dans le capital risque est trop important . Il investit chaque année 366 millions d'euros dans le capital risque, soit 0,018 % du PIB. Cela représente 40 % du total des investissements dans le capital risque en France. De son côté, le Royaume - Uni investit en moyenne 112 millions d'euros par an dans le capital risque, soit 0,006 % de son PIB, et 18 % du total investi. L'Allemagne quant à elle investit 149 millions d'euros soit 0,005 % de son PIB, soit 20 % du total des investissements dans le capital risque. En effet l'absence de la participation de Bpifrance dissuade parfois d'autres investisseurs d'apporter leurs capitaux.
L'intervention de l'argent public dans le capital risque, si elle apparaît comme la contrepartie de la faiblesse de l'initiative privée, risque à terme de fausser l'allocation optimale des ressources , comme l'a parfaitement analysé le Conseil d'analyse économique en juillet 2016 :
§ « l'État n'a, en général, pas de compétences particulières pour détecter les secteurs et les entreprises d'avenir ; il n'a pas de faculté le prédisposant à « choisir les gagnants » mieux que le secteur privé ;
§ l'intervention publique peut évincer certains acteurs privés en concurrence de facto avec un acteur qui ne fait pas face aux mêmes objectifs de rentabilité ni de levée de capitaux auprès de tiers ;
§ les groupes de pression peuvent, par l'intermédiaire du processus politique, obtenir des choix différents de ceux que des experts indépendants opéreraient ; les personnalités politiques peuvent être tentées d'utiliser l'intervention publique à des fins électorales, soit afin de capter les votes de groupes ciblés, soit pour se positionner sur des symboles forts et porteurs auprès de l'électorat ;
§ de façon reliée, il est très difficile de mettre un terme à des initiatives publiques. Cela est vrai que le projet initial s'avère justifié ou non. Ces facteurs font que les politiques industrielles ne sont pas toujours fructueuses sur le long terme et que les institutions s'empilent les unes sur les autres au cours du temps ;
§ le poids important du secteur public peut être perçu négativement par les investisseurs étrangers qui considéreraient Bpifrance comme le « bras armé » d'un État français à réputation « protectionniste ou craindraient des quotas géographiques d'exposition française ».
Bpifrance a joué un rôle majeur pour pallier les carences du secteur privé suite à la crise de 2008 . Mais la pérennité de son intervention interroge. Elle « aura parfaitement réussi le jour où elle ne sera plus nécessaire que sur des segments bien spécifiques qui ne peuvent être financés par le seul secteur privé ». Dans cet objectif, l'écosystème doit être alimenté par de nouveaux fonds innovants, lesquels supposent que les acteurs privés puissent prendre le relais.
Or, comme le souligne le Conseil d'analyse économique, « La difficulté est que du fait même de son existence, et parce qu'elle joue un rôle clé d'instruction des dossiers et de coordination des acteurs privés, Bpifrance porte en elle le risque, par effet d'éviction, d'entraver l'émergence d'un écosystème autonome ».
L'objectif des pouvoirs publics devrait donc être l'émergence d'une industrie du capital risque autonome et non de faire de Bpifrance un substitut permanent à la faiblesse de l'investissement privé .
4. « Ubériser » le financement des PME ?
a) La Fintech va bouleverser le système bancaire.
La technologie financière , aussi dénommée « Fintech » , est une nouvelle industrie financière qui déploie la technologie numérique pour améliorer les activités financières. Il s'agit d'une nouvelle étape de la désintermédiation bancaire qui s'est faite sur les produits et concerne désormais le métier lui-même.
Les Fintech prétendent en effet remplir la même fonction qu'une banque : assurer la sécurité d'un système de paiement, prêter de l'argent à partir de dépôts d'investisseurs, mais différemment et mieux, grâce à une meilleure connaissance de leurs clients par l'utilisation du Big Data 263 ( * ) , ce qui leur permet une meilleure analyse du risque de crédits des sociétés.
La nouvelle directive européenne « DSP2 » (ou Directive sur les Services de Paiement), entrée en vigueur le 13 janvier 2018, oblige désormais les banques à partager les données de leurs clients avec les autres opérateurs. L'exploitation de ces données va donc permettre aux nouveaux entrants, que sont les Fintech, de proposer des offres similaires aux banques, mais à moindre coût. Ils pourront même élaborer de meilleures offres, plus adaptées aux besoins des clients.
Le point fort de la Fintech est précisément l' exploitation des données financières des entreprises . Les banques « classiques » restent difficiles à concurrencer sur le coût du financement. Les Fintech font de la rapidité de leur réponse aux candidats à l'emprunt un argument commercial. Lendix promet ainsi une offre de prêt ferme en 48 heures grâce à la reconnaissance optique de caractère. Bankin' peut capter l'ensemble des données bancaires récentes des entreprises si celles-ci acceptent de partager leurs identifiants bancaires. Credit.fr , rachetée cet été par Tikehau Capital, assure analyser entre 160 et 400 paramètres sur chaque société en quête d'un financement, permettant à une équipe de trois analystes d'étudier 17 000 dossiers dans l'année, des algorithmes de scoring effectuant une partie du tri dès le départ 264 ( * ) .
La Fintech suscite un fort engouement mondial depuis 2012 : les volumes investis dans les Fintech sont passés de 2,5 milliards de dollars en 2012 à 20 milliards de dollars en 2015 , et des sociétés parfois non cotées en Bourse sont valorisées plus de un milliard de dollars. Les Fintech suscitent une véritable frénésie chez les investisseurs en capital-risque qui ont investi 16,6 milliards de dollars en 2017 dans un peu plus de 1 120 start-up de la finance. Après sa naissance en Californie, la vague atteint l'Europe : 2,7 milliards de dollars y ont été investis, soit plus du double de 2016, contre 300 millions de dollars en 2013. L'Europe a soutenu plus de Fintech que tous les pays d'Asie réunis (297 contre 290) l'an dernier, une première depuis 2014.
Au total, et selon KPMG 265 ( * ) , les fonds mondiaux investis dans les Fintechs ont progressé de 24 % en 2017 et s'élevaient à 31 milliards de dollars en 2017 contre 25 milliards en 2016. Le nombre de transactions réalisées dans ce secteur est passé de 1 076 en 2016 à 1 134 en 2017. La réalisation des 10 transactions les plus importantes a représenté 5,3 milliards de dollars en 2017. Le secteur des paiements/transactions accapare le top 10 des méga-transactions avec quatre Fintechs pour un volume de 31 %.
2017 a constitué une année record en France. Les fonds levés ont bondi de 84 % pour atteindre 318 millions d'euros via 64 transactions alors qu'en 2016, les fonds levés correspondaient à 172 millions d'euros. Cette croissance se constate aussi au niveau du ticket moyen des opérations : de trois millions d'euros en 2016, il est passé à cinq millions d'euros en 2017.
Le début de l'année 2018 témoigne de la poursuite d'une tendance dynamique du marché des levées de fonds Fintechs en France, avec déjà près de 110 millions d'euros de fonds levés à travers plus de dix opérations - soit déjà l'équivalent de toute l'année 2015.
En France, deux jours après l'entrée en vigueur de la nouvelle directive européenne sur les services de paiement ou DSP2 266 ( * ) , le 15 janvier 2018, la société française Bankin ' a été la première Fintech agréée comme établissement de paiement , ce qui lui permet d'avoir le même statut que les banques et d'assurer des services financiers sécurisés.
Pour l'instant, les Fintech restent sur des niches réservées aux clients exclus des banques ou à des besoins très spécifiques non couverts par le système bancaire. Mais la situation devrait rapidement évoluer.
La deuxième génération de technologie financière émerge et devrait concerner cette fois le système bancaire et financier dans son ensemble. Elle se fonde sur la technologie de la blockchain , dont le potentiel est comparé à celui du protocole TCP-IP qui a fondé Internet.
La blockchain souffre encore de la confusion que la presse fait à son égard. En effet, le bitcoin utilise la technologie blockchain , ce qui a conduit à l'amalgame blockchain/bitcoin . Cependant, le bitcoin est une cryptomonnaie tandis que la blockchain constitue un protocole sur lequel repose le fonctionnement de cette cryptomonnaie.
Le fonctionnement de la blockchain 267 ( * ) Ce protocole open source, qu'on pourrait traduire par « chaîne de blocs » ou, plus précisément, « enchaînement de blocs», a deux caractéristiques majeures : il est décentralisé (comme la plupart des protocoles, il vise à la communication entre machines sans utiliser de machine centrale) et cohérent. Que le système soit cohérent et décentralisé signifie qu'au lieu de devoir consolider l'information en un point qui serait l'autorité centrale, l'ensemble de l'information est disponible en chaque noeud du réseau. Il n'est plus besoin d'un « grand livre » central pour valider l'ensemble des informations. Par exemple dans le cas du bitcoin, l'ensemble des transactions sont enregistrées après avoir été confirmées en chaque noeud du réseau. Il n'est donc plus nécessaire d'avoir une autorité centrale ou un hôtel des Monnaies pour s'assurer qu'il n'y a pas eu de fraude ou double dépense (i.e. utiliser le même bitcoin pour deux transactions distinctes). Il suffit de vérifier la cohérence avec l'ensemble des transactions ou avec le noeud précédent du réseau. Entre Internet (TCP-IP) et la blockchain existent des parallèles puisque ce sont tous les deux des protocoles permettant la création d'une infrastructure décentralisée. Néanmoins, là où Internet transfère des paquets de données d'un point A à un point B, la blockchain permet à la « confiance » de s'établir entre des parties distinctes. Dit autrement, avec la blockchain , le « tiers de confiance » devient le système lui-même. Source : « Fintech 2020, reprendre l'initiative », CroissancePlus PME Finance, 2016 |
b) La France, premier pays au monde à autoriser l'usage financier de la blockchain
La France est le premier pays en Europe et au monde, avec l'État américain du Delaware, à autoriser dans sa législation l'usage financier de la blockchain .
(1) L'encadrement législatif de la blockchain
Il s'est opéré en deux temps.
L'o rdonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse a introduit dans les articles L.223-12 et 13 du code monétaire et financier la définition légale de la blockchain comme « un dispositif d'enregistrement électronique partagé [DEEP] permettant l'authentification » d'opérations grâce à la constitution d'un registre décentralisé permettant de garantir à tout instant la sécurité et la validation d'échanges de données grâce à la technologie des « DLT » ou technologies de registre distribué 268 ( * ) .
Les bons de caisse peuvent faire l'objet d'une offre par l'intermédiaire d'un prestataire de services d'investissement ou d'un conseiller en investissements participatifs au moyen d'un site internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Ils prennent alors la dénomination de minibons.
Dès lors, ces titres peuvent être cédés selon des modalités adaptées : l'inscription de l'opération de cession dans le dispositif d'enregistrement partagé opère le transfert de propriété du titre.
L'ordonnance précitée prévoit que l'émission de minibons peut être inscrite dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé, la blockchain , dans des conditions précisées par le décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016 relatif aux titres et aux prêts proposés dans le cadre du financement participatif.
Précédée de deux consultations publiques, l' ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017 269 ( * ) fait de Paris la première place financière en Europe à définir un régime juridique adapté pour le transfert de propriété de titres financiers par un dispositif d'enregistrement électronique partagé.
La technologie de la chaîne de blocs s'appliquera notamment aux :
- titres de créance négociables ;
- parts ou actions d'organismes de placement collectif ;
- titres de capital émis par les sociétés par actions et les titres de créance autres que les titres de créance négociables, à condition qu'ils ne soient pas négociés sur une plate-forme de négociation, au sens du I de l'article L. 420-1 du code monétaire et financier , dans sa rédaction en vigueur à compter du 3 janvier 2018.
L'ordonnance permet de conférer à l'inscription d'une émission ou d'une cession de titres financiers dans une blockchain les mêmes effets que l'inscription en compte de titres financiers. Elle ne crée pas d'obligation nouvelle, ni n'allège les garanties existantes relatives à la représentation et à la transmission des titres concernés. Les dispositions au sein du code monétaire et financier et du code de commerce relatives aux titres financiers sont ajustées pour permettre le recours à ce dispositif.
Au plus tard au 1 er juillet 2018, un décret en Conseil d'État devra fixer les conditions applicables à l'inscription de titres financiers dans un DEEP.
(2) La régulation de la blockchain
La Banque de France a défini la blockchain comme « une technologie de stockage et de transmission d'informations. Par extension, ce mot désigne une base de données numérique décentralisée. Souvent assimilée à un registre, cette base regroupe un historique de transactions électroniques (c'est le « chain » dans blockchain).
Cette technologie permet à des personnes connectées en réseau qui ne se connaissent pas, de :
- réaliser des transactions en quasi-temps réel à partir d'une même application
- s'affranchir des intermédiaires tels que les banques, notaires, cadastres
- s'assurer de la fiabilité et de la sécurité de leurs opérations ».
La Fintech est régulée par l'Autorité des marchés financiers 270 ( * ) et par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution .
Les acteurs sont en principe les prestataires de services d'investissement (PSI) 271 ( * ) , autres que les sociétés de gestion de portefeuille. Ces entreprises d'investissement et établissements de crédit ont reçu un agrément délivré par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) après avis de l'AMF. L'exercice de chacun de ces services est soumis au respect de règles de bonne conduite et d'organisation.
L'exercice de services d'investissement requiert, sauf exemptions prévues dans le code monétaire et financier, un agrément du programme d'activité portant sur le service de conseil en investissement et/ou le service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers. Concernant les autres services d'investissement, le service de tenue de compte-conservation et l'activité de compensation d'instruments financiers, l'AMF peut émettre des observations.
Les règles prudentielles auxquelles sont soumis les PSI sont de la compétence de l'ACPR.
(3) Une prochaine régulation des Initial Coin Offerings
L'AMF a organisé une consultation publique dont elle a rendu compte le 22 février 2018 272 ( * ) sur les Initial Coin Offerings (ICO), levée de fonds en jetons virtuels.
Qu'est-ce qu'une ICO (Initial Coin Offering) ? Une ICO ( Initial Coin Offering ) est une méthode de levée de fonds, fonctionnant via l'émission d'actifs numériques échangeables contre des cryptomonnaies durant la phase de démarrage d'un projet (définition de ICO Mentor ) . Ces actifs numériques sont appelés tokens (jetons, en français). C'est pourquoi les ICO sont également appelées « token sales ». Dans un premier temps, les tokens sont émis par l'organisation à l'origine de l'ICO, et peuvent être acquis par quiconque lors de l'ICO en échange de cryptomonnaie (le plus souvent, de l'ether ou du bitcoin). Dans un second temps, ces tokens : - sont vendables et achetables sur des plateformes d'échange, à un taux dépendant de l'offre et de la demande. Ils sont donc très liquides ; - ont vocation à être utilisables dans le projet financé par l'ICO en question. Leur valeur est donc censée dépendre du service fourni in fine par l'entreprise à l'origine de l'ICO. Les tokens ne représentent pas des parts de l'entreprise, à la différence d'actions . Acheter des tokens lors d'une ICO revient en fait à pré-payer le produit ou le service appelé à être développé. Pour prendre un exemple, une IPO 273 ( * ) consisterait à acheter des actions d'Air France, une ICO serait pré-acheter les Miles. Les porteurs d'un projet d'ICO garantissent que ces tokens seront rares. Le terme Initial est donc clef : il s'agit d'acheter ces tokens au tout début du processus, lorsque leur valeur est encore relativement faible. Cette méthode incite fortement les participants de l'ICO à être investis dans le projet : ceux-ci ont en effet intérêt à ce que celui-ci devienne par la suite un succès, afin de pouvoir à terme utiliser les tokens acquis ou bien espérer en tirer une valeur financière supérieure à leur valeur d'achat. Ces « early-adopters » sont clefs pour la réussite espérée du projet. Les ICO sont utilisés par des créateurs d'applications blockchain ou de blockchains elles-mêmes. Le plus souvent, les ICO servent à financer le lancement d'applications décentralisées qui fonctionnent sur un protocole blockchain spécifique. Parfois cependant, les ICO visent à financer directement des protocoles blockchain . N'importe quel investisseur disposant de cryptomonnaie peut également utiliser des ICO. C'est pour cette raison que les ICO sont souvent appelées crowdsales : dans une logique similaire à celle du crowdfunding , n'importe quel internaute peut investir dans un projet initiant une ICO, à condition de posséder des cryptomonnaies. Pour investir, l'internaute échange le montant de cryptomonnaie qu'il souhaite contre des tokens , émis par le projet réalisant son ICO. Les initiateurs des ICO les utilisent pour s'affranchir des contraintes des levées de fonds traditionnelles. Les ICO permettent aux lanceurs de projets de contourner le système classique de venture capital (capital-risque) qui n'aurait souvent pas permis de financer (autant) leur projet à un stade aussi précoce de développement. Les ICO, qui se concentrent sur les phases de démarrage des projets (d'où le terme Initial ), sont en effet lancées lorsque le produit n'en est encore qu'à ses toutes premières étapes de développement (voire de prototypage). De nombreux projets ont ainsi pu lever des sommes considérables - plusieurs dizaines de millions de dollars, parfois même des centaines de millions - qu'ils n'auraient jamais pu lever avec des fonds de capital-risque traditionnels. Les investisseurs les utilisent pour être les premiers à miser sur des projets très prometteurs. Deux principaux objectifs expliquent les mises des internautes-investisseurs dans les ICO : un objectif spéculatif (en faisant l'hypothèse que le token prendra de la valeur), et un objectif utilitaire (volonté d'utiliser à terme le token dans le cadre du projet financé). Les deux objectifs se rejoignent plus ou moins, puisque l'idée reste fondamentalement la même : miser sur un fort développement à venir du projet, qui permettra d'accroître mécaniquement la valeur du token acheté au départ (en raison de l'offre et de la demande). Dès lors, les possesseurs des tokens pourront soit les revendre à un taux bien plus avantageux que ceux de départ, soit utiliser ces tokens dont la valeur aura grimpée. Les ICO représentent un changement de paradigme. Ce mécanisme bouscule les règles traditionnelles de l'économie numérique, en premier lieu l'effet de réseau, qui est au fondement du succès des plateformes comme Facebook, AirBnb, BlaBlaCar, etc. En renversant cet effet de réseau, il permettra à des services numériques d'émerger bien plus facilement. Les ICO permettront également à des protocoles (comme le sont TCP/IP et HTTP pour Internet et le web) de se développer plus rapidement, et d'opérer un rééquilibrage radical en termes de captation de valeur. La valeur créée par les chercheurs à l'origine d'Internet et du web a été récupérée par les Google, Facebook, etc. : cette logique, ici, se renverse. Les ICO font également tomber la barrière entre investisseurs professionnels ( business angels ou VCs) et investisseurs particuliers. Tout un chacun peut miser sur des services jugés prometteurs. Malgré leurs atouts considérables, les ICO présentent des risques aussi bien pour les investisseurs que pour les porteurs de projets. L'incertitude réglementaire est notamment au coeur des problématiques actuelles puisqu'il existe une sorte de vide juridique entourant les ICO. Source : Blockchain France, 22 août 2017 |
Pour l'AMF, un document d'information sera nécessaire pour informer les acheteurs de tokens . Il devrait comporter a minima des informations sur le projet lié à l'ICO et son évolution, les droits conférés par les tokens et le traitement comptable des fonds levés lors de l'ICO. Ce document devrait également permettre l'identification de la personne morale responsable de l'offre, leurs dirigeants fondateurs et leurs compétences. Il pourrait faire l'objet d'un visa accordé par l'AMF ou une institution ad hoc .
La régulation est un enjeu car ce mode de financement se développe très rapidement .
Dans le monde, 3,8 milliards de dollars ont été levés par plus de 211 opérations de ce type en 2017.
En France, 21 ICO ont été réalisées au 19 février 2018, pour un montant total de levées de fonds réalisées ou envisagées par les porteurs de projets d'environ 350 millions d'euros, dont environ 66 millions d'euros collectés par 5 opérations déjà terminées. La moyenne des levées de fonds atteindrait 25 millions d'euros.
Les montants levés en France sont disparates, allant de 700 000 euros pour l'ICO la plus ancienne à environ 50 millions d'euros pour des projets en cours de concrétisation. En comparaison, la plus grosse ICO réalisée à l'étranger visait une levée de fonds de 700 millions de dollars. La messagerie cryptée Telegram vient de lever 850 millions de dollars, pour un objectif initial de 600 millions, afin de financer son projet TON 274 ( * ) .
Selon le ministre de l'Economie 275 ( * ) , l' É tat anticipe cette révolution qui « pourrait bouleverser nos usages quotidiens dans les secteurs de la banque et de l'assurance, des marchés financiers, mais aussi des brevets et des actes certifiés. Elle pose la question des conséquences pour les épargnants comme pour les acteurs traditionnels comme les banques et les fonds d'investissement » et « offre des opportunités inédites à nos start-ups », en promettant de « créer un réseau de confiance sans intermédiaire, d'offrir une traçabilité accrue des transactions et, globalement, de faire gagner l'économie en efficacité ».
Un cadre législatif adapté sera proposé dans la loi PACTE, une fois les conclusions tirées d'un rapport confié à Jean-Pierre Landau sur la « construction d'un cadre juridique efficace », afin de permettre « aux entreprises initiant une ICO de démontrer leur sérieux aux investisseurs potentiels ».
Le Gouvernement propose ainsi que l'AMF donne « un visa aux entreprises émettrices de jetons respectant certains critères précis de nature à protéger les épargnants. Cette « liste blanche » constituera un repère précieux pour les investisseurs qui souhaitent financer des projets sérieux et créateurs de valeur ».
D'ores et déjà, la commission des Finances du Sénat a renforcé la protection des utilisateurs de Fintech à l'occasion de l'examen, le 14 mars dernier, du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, dite "DSP 2" 276 ( * ) .
La France « ne veut pas rater la révolution de la blockchain » car les ICO sont un moyen de créer de nouvelles sources de financement pour les entrepreneurs, d'offrir de nouvelles opportunités d'investissement pour les particuliers, et, surtout, de créer de nouveaux business models , aussi bien pour les entrepreneurs que pour les créateurs de protocoles.
Les ICO concurrencent le travail des investisseurs traditionnels, puisque n'importe quel internaute peut décider d'investir dans un projet : « les ICO feront tomber la barrière entre investisseurs professionnels et acheteurs de tokens de la même façon qu'Internet a fait tomber la barrière entre journalistes professionnels d'une part, et blogueurs et utilisateurs de Twitter d'autre part. Internet a permis à chacun de devenir journaliste amateur. Désormais, des millions de gens vont devenir investisseurs amateurs » 277 ( * ) .
Les ICO, un nouveau business model du financement des entreprises Jusqu'alors, figurer parmi les utilisateurs pionniers d'un service numérique n'était pas récompensé ; c'était même le contraire, puisque les grands succès du numérique se sont développés avec l'effet de réseau selon lequel la valeur d'un service augmente plus que proportionnellement à chaque nouvel utilisateur. Par exemple, BlaBlaCar présentait peu de valeur à ses débuts, puisque très peu de covoiturages étaient proposés ; désormais BlaBlaCar présente un maillage territorial très fin et une quantité d'offres très importante, ce qui rend le service très attractif pour les utilisateurs. Les ICO bousculent ce paradigme en offrant, via l'émission de tokens , des incitations fortes à rejoindre le réseau le plus tôt possible, au moment où le token lié à ce réseau présente une valeur encore relativement faible (par rapport à ce qu'il pourra valoir ensuite). Ce mécanisme de création de viralité via l'émission de tokens bénéficie donc aux early adopters et encourage (financièrement) les internautes à rejoindre tôt le service. Les ICO permettront donc à des services numériques d'émerger bien plus facilement, là où les start-ups tentaient toutes les ruses possibles jusqu'ici pour réduire le blocage de l'effet de réseau (Facebook a commencé en aspirant la base des étudiants d'Harvard pour pouvoir présenter une base qui ne soit pas vierge ; Reddit générait son propre contenu avant que les utilisateurs postent le leur sur la plateforme ; etc.). Les services numériques ne sont pas les seuls à pouvoir profiter des ICO. C'est aussi le cas des protocoles, sur lesquels reposent par exemple les plateformes numériques actuelles. Les protocoles clefs, en particulier celui à l'origine d'Internet (TCP/IP) et du web (HTTP), sont nés du travail de chercheurs. Or la grande majorité des chercheurs qui ont créé ces protocoles en ont tiré très peu de gains financiers directs. La captation de valeur s'est faite au profit des Google, Facebook, etc. Avec la blockchain et son système de tokens , la relation entre protocoles et applications se renverse. Les créateurs d'un protocole peuvent le monétiser directement, et en tirer d'autant plus de bénéfices que d'autres construisent des business par-dessus ce protocole. C'est la notion de ` fat protocols' : avec l'économie des tokens , la valeur se concentre dans la couche protocolaire, et seule une partie de cette valeur est distribuée tout au long de la couche applicative. De ce fait, dans l'univers blockchain , la valeur de marché d'un protocole augmente toujours plus vite que la valeur de marché combinée des applications construites par-dessus . Le créateur originel d'un protocole obtiendra d'autant plus d'argent que le protocole est adopté par un grand nombre d'utilisateurs et qu'il a conservé pour lui certains des tokens du protocole (ce qui lui permettra de les vendre plus cher ensuite). Avec les ICO et plus profondément les tokens , les règles traditionnelles de l'économie numérique sont renversées . Un nouveau web, que certains appellent web 3.0, fondé sur une logique de décentralisation, est en train d'émerger... « ICO, un changement de paradigme », 22 août 2017, ICO Mentor. |
(4) Vers une régulation européenne
La Commission européenne a présenté le 8 mars 2018 un projet de règlement visant à créer un passeport européen spécifique aux plates-formes de crowdfunding souhaitant lever des fonds dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.
Cet encadrement ne portera que sur les plateformes en prêt ou titres financiers (actions ou obligations). Les modèles tels que l'investissement en start-ups ou le crowdfunding immobilier entendu comme le financement de la promotion immobilière sont également concernés par cette uniformisation. Les promoteurs font en effet partie de ces PME pour lesquelles les conditions d'accès à l'emprunt bancaire depuis 2008 (accords Bâle II) ont été durcies et qui ont besoin d'effet de levier pour se développer et accroître leur chiffre d'affaires.
La mise en place de ce nouveau régime européen pour le financement participatif prévoit :
- la création d'un agrément « European Crowdfunding Services Provider » (ECSP) que les plateformes devront demander si elles souhaitent s'étendre hors de leur marché national ;
- la désignation de l'ESMA ( European Securities and Markets Authority ) en tant que superviseur des activités des plateformes à l'échelle de l'Union européenne. Cette autorité indépendante sera également en charge de traiter les demandes d'agrément des différentes plateformes.
- le plafonnement à un million d'euros par levée sur 12 mois pour les offres individuelles de financement sur les plateformes.
Par ailleurs, la Commission présentera, dans le courant de l'année 2018, un rapport sur les problèmes et les potentialités des actifs cryptographiques et elle élaborera une stratégie globale en matière de technologie des registres distribués et de chaînes de blocs, couvrant tous les secteurs de l'économie.
c) Objectif n° 20 : mettre la Fintech au service du financement des PME
(1) Une meilleure connaissance des PME pour les épargnants
Si l es ménages ont déserté les marchés financiers, ce n'est pas en raison de leur manque de culture financière mais plutôt leur insuffisante appréhension du risque financier. Les épargnants ont subi la crise des subprimes en 2007-2008 puis la crise de la zone euro en 2012. Ils constatent des rendements faibles de l'ordre de 1,5 % pour les fonds en euros et de 0,75 % pour le livret A. Ils ont donc acquis une expérience négative des marchés financiers entre krachs et rendements décevants. Les banques ne leurs proposent guère d'innovation financière sûre et adaptée à leur besoin.
La Fintech pourrait proposer de nouvelles solutions financières plus adaptées à la demande des épargnants et plus à même de sécuriser leurs investissements .
Ces nouveaux opérateurs financiers « proposent des solutions technologiques permettant de préciser la connaissance de l'épargnant, de concevoir des solutions de placement moins formatées, plus individualisées, d'apporter des outils de maîtrise de risque adaptés aux conditions de marchés, tels qu'ils sont devenus. Les Fintechs permettent de mieux satisfaire les besoins réels de l'épargnant, de tenir compte de ses contraintes, de contribuer au maillage des compétences capable de résoudre le dilemme de l'épargnant engagé sur les marchés financiers entre temps long et temps court, de rétablir sa confiance en apportant, l'une un profilage, l'autre une allocation, une autre encore une surveillance de risque, une autre enfin la flexibilité indispensable à la gestion dès lors qu'elle vise à la performance en maîtrise de risque » 278 ( * ) .
Dans le contexte du resserrement du crédit professionnel et de la défiance structurelle des établissements bancaires classiques envers les entrepreneurs - liés principalement au risque de défaut de paiement -, la Fintech ouvre de nouvelles perspectives dans la recherche de capitaux pour financer les entreprises et l'économie : « pour les artisans, les auto-entrepreneurs et les entreprises, tout comme pour les particuliers, des opportunités peuvent apparaître notamment dans la réduction tarifaire des prestations bancaires, dans la capacité à trouver d'autres formes de financement alternatif - participatif par exemple - et aussi à entreprendre dans un nouvel univers pour les entrepreneurs les plus créatifs et audacieux » 279 ( * ) .
(2) Une réduction des coûts de transaction des marchés pour les PME
Pour les PME, dont le financement demeure encore à 90 % bancaire, ces technologies numériques ouvrent de nouvelles solutions de financements répondant de façon satisfaisante à leurs besoins : financement de l'innovation, du risque, du court-terme, sans garantie. Elles vont pouvoir à leur tour profiter de la désintermédiation financière jusque-là réservée aux grandes entreprises.
Le développement des Fintech dans le crédit aux PME pourrait aussi conduire, paradoxalement, à une hausse du coût des crédits bancaires.
Les moyens de paiement sont aujourd'hui une source de revenus abondants pour les banques françaises, qui leur permet notamment d'offrir leurs autres services, en particulier le financement de l'investissement pour les particuliers ou les PME, à bas coût. Ceci contribue à expliquer la faible désintermédiation bancaire dans le crédit aux PME en France par rapport aux États-Unis.
La situation pourrait toutefois changer avec la concurrence opérée par les Fintech sur le système bancaire traditionnel : « pour retrouver leurs marges actuelles, déjà attaquées, les banques devront trouver d'autres sources de revenus. Cette autre source de revenus ne semble pas pouvoir être le paiement des particuliers, qui est sujet à une concurrence croissante et l'objet d'une grande attention du politique et du régulateur. De même, la concurrence est forte dans le crédit aux particuliers et particulièrement néfaste pour les banques qui quand elles perdent un crédit, risquent de perdre un client. Le crédit d'investissement consenti aux PME et aux particuliers semble donc pouvoir être une source de revenus de substitution au moins partielle pour les banques françaises. Si les banques doivent renchérir leurs conditions de financement du crédit aux PME pour compenser leurs pertes de revenus, cela aura de lourdes conséquences pour l'ensemble du tissu de PME françaises. De même, une hausse des coûts de gestion de compte (aujourd'hui relativement faibles pour les particuliers) pourrait être accentuée avec le développement de nouveaux systèmes de paiement » 280 ( * ) .
Si ce scénario pessimiste se réalisait, les PME seraient pénalisées. En réalité, elles trouvent dans la Fintech davantage d'opportunités en termes de nouveaux modes de financement que d'inconvénients en termes de coût de leur financement.
Ainsi, la Fintech LiquidShare , cocréée par BNP Paribas , Société Générale , Caceis , la Caisse des Dépôts , Euroclear , S2iEM 281 ( * ) et Euronext avec le soutien de Paris Europlace , a pour finalité de sécuriser et faciliter les opérations post-marché 282 ( * ) des PME en utilisant la technologie blockchain , les coûts de transaction pour le règlement-livraison de titres de PME étant aujourd'hui trop importants : « La blockchain reposera sur un registre virtuel de données distribuées et partagées entre les parties. À terme, cette individualisation permettra de réduire les frais de transactions, car le règlement et la livraison se feront instantanément (pour l'instant, il faut attendre deux jours entre ces deux opérations), en simplifiant les différentes étapes des opérations de post-négociation et en garantissant la transparence des registres de titres. Néanmoins, la Fintech continuera à travailler avec un dépositaire central, l'intervention d'un tiers de confiance restant nécessaire » 283 ( * ) .
Un autre exemple a été donné lors de l'audition par notre commission des finances du Sénat du 7 février 2018 sur les nouveaux usages et la régulation du blockchain par le témoignage de M. Gilles Fedak, cofondateur de l'entreprise iExec Blockchain Tech , start-up fondée en octobre 2016 qui est la première plateforme décentralisée de cloud computing utilisant la technologie blockchain, qui est « une place de marché, une sorte d'Airbnb du serveur, mais sans plateforme centrale » :
Lever 11 millions d'euros en trois heures grâce à la blockchain Nous avons ainsi proposé à une communauté de souscrire à ce jeton en échange d'une monnaie dont le cours est déjà établi -en l'occurrence, le bitcoin. La préparation a duré six mois ; puis, en avril 2017, nous avons levé, en moins de trois heures, 10 000 bitcoins, pour un montant de 11 millions d'euros, soit la cinquième levée mondiale de crypto-monnaie. Une fois l'ICO terminée, les investisseurs ont reçu leurs jetons, échangeables sur un marché secondaire. Notre capitalisation est désormais de 100 millions de dollars et nous sommes cotés sur une dizaine de places d'échanges dont quatre majeures - aux États-Unis, en Corée du Sud, à Hong-Kong et à Londres. (....) Une start-up comme la nôtre fait face à trois risques. Le premier est la volatilité liée au cours du bitcoin. Sur ce plan, nous avons plutôt bénéficié de l'envolée des cours. Le deuxième est le risque comptable et fiscal : nous ne sommes pas en mesure de déterminer quel montant nous avons levé, et il y a plusieurs scénarios très différents de comptabilisation. Dans l'un d'entre eux, nous paierions davantage d'impôts que Facebook ! Nous espérons éliminer ce risque cette année (...). |
D'autres entreprises ont réalisé des levées encore plus spectaculaires 284 ( * ) :
- le projet Tezos (nouvelle blockchain qui pourrait concurrencer la blockchain Ethereum) est à ce jour l'ICO ayant levé le plus d'argent : l'équivalent de 232 millions de dollars 285 ( * ) ;
- le protocole Bancor a levé l'équivalent de 153 millions en seulement trois heures ;
- En avril 2017, Cosmos (réseau visant l'interopérabilité entre les blockchains ) a levé l'équivalent de 16 millions de dollars en moins de 30 minutes ;
- Gnosis (plateforme décentralisée de marché prédictif) a levé l'équivalent de 12 millions en 12 minutes ;
- le projet Brave , créé par le fondateur de Mozilla, de Firefox et du langage Javascript, a levé en juin 2017 l'équivalent de 34 millions en moins de 30 secondes...
L'économie 4.0 est en marche et nos PME doivent s'y préparer.
La France devrait donc se doter rapidement d'une stratégie publique et d'un plan d'action destinés à mettre la Fintech au service du financement des PME (proposition n° 24).
Cette stratégie devrait approfondir le programme « Transition Numérique », lancé par le Gouvernement en 2012, pour aider les TPE et les PME à s'approprier les nouveaux usages numériques et à intégrer ces technologies afin d'améliorer leur compétitivité.
Elle pourrait également reprendre les préconisations du rapport Lemoine de novembre 2014 286 ( * ) , complété par le rapport d'information de l'Assemblée nationale de mai 2014 287 ( * ) .
5. Réorienter l'épargne des ménages vers l'entreprise
a) Le paradoxe de l'investissement en France
Selon une étude récente 288 ( * ) , la France connaît un fort taux d'investissement qui contraste avec une faible croissance de ses entreprises. Il est resté stable à un niveau élevé et n'a pas décroché malgré la crise de 2008-2009.
Ce taux a été en 2015, par rapport à la valeur ajoutée, de :
- 20,3 % en Allemagne,
- 24,3 % en Italie et en Grande-Bretagne,
- 25 % en Espagne,
- 29,3 % en France.
Les entreprises industrielles françaises ou établies en France ont donc investi 80 milliards d'euros environs répartis dans l'appareil de production (53,7 %, soit 43 milliards environ), la recherche-développement (31,9 %, soit 25,6 milliards) et la construction de bâtiments (14,4 %, soit 11,5 milliards).
L'investissement français serait en réalité plus improductif qu'insuffisant car moins bien orienté vers des activités innovantes à forts gains de productivité. La France souffrirait d'un « manque d'investissement dans l'innovation de produits et dans la modernisation des équipements de production. Le nombre relativement faible de robots utilisés dans la production manufacturière est un indicateur fréquemment mentionné comme révélateur d'un phénomène plus large » selon le rapport de M. Henrik Enderlein et de M. Jean Pisani-Ferry remis aux ministres allemand et français de l'Économie en 2014, alors MM. Sigmar Gabriel et Emmanuel Macron 289 ( * ) .
L'investissement est non seulement sous-dimensionné mais également très concentré . Selon une étude de l'INSEE de 2016 290 ( * ) , 70 % des dépenses d'investissement sont réalisées par seulement 3 000 entreprises. Parmi elles, la moitié sont des grands groupes, un tiers sont des ETI et seulement 15 % des PME. De manière plus générale, le taux d'investissement des PME reste nettement inférieur à la moyenne. Tous secteurs confondus, il s'élève à 15,2 %, alors qu'il atteint 22,5 % pour les grands groupes et 23,9 % pour les ETI.
Le soutien public à l'investissement privé ne manque cependant pas, avec les deux principaux dispositifs d'aide à l'investissement que sont le CICE, instauré en 2013, ou le Crédit impôt-recherche, créé en 1983, et considéré comme l'un des tout premiers dispositifs de soutien à la recherche et à l'innovation dans le monde.
Or, malgré ces politiques publiques, les investissements de recherche-développement des entreprises françaises n'ont progressé, entre 2008 et 2015, que de 23 % contre 28 % en Allemagne et 44 % en Grande-Bretagne.
Le développement de l'investissement dans l'innovation est donc un enjeu stratégique en France.
b) Le capital-risque, « armure » de la French Tech
Le marché du capital-investissement s'est développé en France, particulièrement depuis le début des années 2000, pour devenir le deuxième marché européen derrière le Royaume-Uni.
Environ 1 650 entreprises ont fait l'objet d'un financement par les membres de l'AFIC (Association Française des Investisseurs pour la Croissance) en 2014, ce qui place la France au deuxième rang mondial en termes de nombre d'entreprises financées (5 000 aux États-Unis, 1 300 en Allemagne, 900 en Royaume-Uni, 200 en Italie et en Espagne). Par ailleurs, le marché du capital-investissement français a vu sa taille décupler depuis le milieu des années 1990, passant de 876 millions d`euros investis en 1996 à 8,7 milliards d`euros en 2014.
Son rôle essentiel dans le financement de l'innovation a été souligné par France Stratégie en 2014 : « si le crédit bancaire est bien adapté au financement d'une économie en rattrapage ou dont la productivité repose sur des innovations incrémentales, ce n'est pas une modalité adéquate au financement d'innovations radicales qui supposent une phase plus ou moins longue d'incubation suivie, en cas de succès, d'une croissance très rapide. Pour accompagner de telles dynamiques, il faut faire plus de place à l'investissement en capital ».
Capital-investissement et cycle de vie de l'entreprise Le capital-investissement se décompose en plusieurs types d'activité correspondant à des stades distincts de la vie de l'entreprise. Selon la terminologie de l'AFIC, on distingue : - le capital-innovation : financement d'entreprises en création ou aux premiers stades de leur développement ; - le capital-développement : financement d'entreprises ayant atteint leur seuil de rentabilité et dégageant des profits. Les fonds sont employés pour augmenter les capacités de production, la force de vente, développer des nouveaux produits et services, conquérir de nouveaux marchés à l'international,... ; - le capital-transmission (ou « leverage buy-out » - LBO) : acquisition d'entreprises existantes par une équipe d'investisseurs financiers et de dirigeants venant de la société ou de l'extérieur par le moyen d'un effet de levier ; - le capital-retournement : financement d'entreprises connaissant des difficultés. L'activité de capital-investissement fait intervenir des souscripteurs variés au capital des entreprises non cotées : - des investisseurs institutionnels : banques, assurances, caisses de retraite agissant via des véhicules dédiés comme les Fonds Professionnels de Capital Investissement (FPCI) ; - des investisseurs privés regroupés dans des family offices ; - des particuliers regroupés dans des fonds fiscaux de type FIP (fonds d'investissement de proximité) et FCPI (fonds commun de placement dans l'innovation) bénéficiant de réductions d'impôt sur le revenu ou la fortune ; |
- des investisseurs dits « corporate » (grandes entreprises) : ce type d'investisseurs reste cependant minoritaire en France ; - des entités publiques françaises et étrangères : Bpifrance, fonds souverains étrangers, etc. Source : Rapport sur le financement des PME et ETI en croissance, Observatoire du financement des entreprises, octobre 2015 |
Depuis 2000, plus de 105 milliards d`euros ont été investis dans le capital investissement de quelques 5 800 entreprises. L'encours des participations du capital-investissement dans les entreprises françaises était estimé fin 2015 autour de 60 milliards d`euros.
Le capital-investissement français présente un des taux de couverture de son marché domestique les plus importants au monde : en 2012, environ 0,9 % des entreprises françaises de plus de 10 salariés ont été financées par les acteurs du capital-investissement français. Ce ratio de couverture du marché domestique était comparativement de 0,6 % aux États-Unis, de 0,4 % au Royaume-Uni, et de 0,3 % en Allemagne.
Ces flux bénéficient à l'économie de la connaissance dans des secteurs d'avenir qui représentaient 40 % des entreprises financées en 2014 (informatique, biotechnologie, télécommunication, technologies vertes), l'industrie et la chimie concentrant à eux seuls près de 20 % du total des montants investis ces 10 dernières années.
Toutefois, le marché du capital-investissement français est un marché majoritairement composé de « tickets » 291 ( * ) de petites tailles. En 2014, 56 % des entreprises financées ont reçu moins d'1 million d'euros (52 % en moyenne sur la période 2009-2014) et 80 % moins de 3 millions d'euros. À titre de comparaison, l'investissement moyen est de l'ordre de 5,5 millions d'euros/an sur les segments risque et développement aux États-Unis.
L'émergence de fonds de taille plus importante était ainsi vivement recommandée par l'Observatoire du financement des entreprises, dans son rapport précité d'octobre 2015.
L'enjeu est donc de trouver des marges de progression pour mobiliser à plus grande échelle le capital-risque en France. En effet, si 8,2 milliards d'euros ont été investis en capital-investissement dans des entreprises françaises en 2015, contre 6,6 milliards en Allemagne, 12,3 milliards l'ont été au Royaume-Uni.
Définition du fonds d'investissement de capital-investissement et du fonds d'investissement capital-risque Le fonds met des investissements communs de plusieurs investisseurs dans les actions et les titres de fonds propres (comme des quasi-fonds propres) de sociétés (entités émettrices). Il s'agit généralement de sociétés privées dont les actions ne sont pas cotées en bourse. Le fonds peut prendre la forme d'une société ou d'une entité sans personnalité juridique, comme une société en commandite. Dans sa forme, une société de capital-investissement/capital-risque peut être ou bien une entreprise ou bien une société en commandite: il est rare qu'elle soit cotée en bourse. Les sociétés de capital-risque investissent dans l'intention de participer à la croissance de la valeur pour les actionnaires, tout en réalisant une sortie profitable (à savoir la vente des actions). Cette finalité doit figurer dans les statuts. Les sociétés de capital-risque sont considérées comme des sociétés ordinaires (par exemple dans les secteurs des produits pharmaceutiques, des transports, de l'énergie, etc.), qui choisissent comme activité accessoire d'investir des capitaux dans une autre société (généralement une jeune entreprise) tout en poursuivant leur activité principale. Source : AMF |
Par ailleurs, le développement du capital risque préserverait la French Tech d'un coup de grisou financier comme l'a analysé M. Jean-David Chamboredon, directeur du fonds ISAI et qui fut le porte-parole du mouvement des pigeons 292 ( * ) en 2012 :
Imaginons un « coup de grisou » sur les bourses mondiales Dans les semaines qui suivront, se dérouleront trois phénomènes. 1/ Les grands « corporates » français prendront la décision au sein de leur Comex de stopper ou de limiter fortement leur activité de « corporate venture ». Ils décideront, ici de ne pas refinancer des sociétés dans lesquels ils détiennent une participation, ou là de faire défaut lors de l'appel de fonds de tel ou tel fonds de capital-risque dont ils sont souscripteurs. Ils mettront une partie de l'écosystème dans l'embarras. Ils en seront un peu gênés, mais mettront logiquement la priorité sur leur coeur de métier. 2/ Les investisseurs internationaux se replieront naturellement sur leurs marchés domestiques, assumeront a minima leurs engagements d'actionnaires vis-à-vis de leur portefeuille tricolore, mais arrêteront, au moins pour un temps, de faire des nouveaux deals. Passant d'offensifs à défensifs, ils créeront une pénurie subite de capital pour nos start-ups les plus ambitieuses. |
3/ Bpifrance (et le FEI), comme c'est leur mission, essaieront autant que faire se peut de combler la nouvelle « défaillance de marché », mais leur emprise, déjà importante, se trouvera naturellement capée [ limitée ] par les ratios admissibles en termes de financements publics... De la même façon que nous avons connu un triplement sur les cinq dernières années, nous connaîtrons en tendance une division par deux ou trois des montants levés et des tours de table « externes » (avec un nouvel entrant). Ce freinage sera suivi d'une difficulté retrouvée pour les capital-risqueurs français à lever de nouveaux fonds... « Gloomy » [ sombre ] sera le bon terme pour désigner l'atmosphère au sein de notre écosystème. La raison pour laquelle ce retournement sera plus violent en France qu'ailleurs est simple à expliquer : hormis Bpifrance et les entrepreneurs, il n'y a pas d'investisseurs « longs » dans l'innovation et la technologie en France ! Quand on sait qu'il faut a minima dix ans pour construire un champion du numérique, on comprend que seuls les investisseurs ayant un horizon de ce type, peuvent soutenir une croissance pérenne et vertueuse d'un écosystème comme French Tech... Nos compétiteurs ont la chance d'avoir beaucoup plus d'investisseurs « longs » : qu'il s'agissent des university endowments 293 ( * ) (exemple, 35 milliards de dollars pour la seule Harvard) pour les Américains ou des caisses de retraite par capitalisation (que beaucoup satanisent en les désignant comme « fonds de pension spéculatifs » voulant faire oublier qu'il s'agit de simples gérants de retraites souhaitant servir un bon rendement à leurs futurs retraités) de nos amis américains, britanniques, germaniques ou nordiques, qui investissement de 5 à 10 % de leurs actifs dans le non-coté, dont un quart dans le capital-risque, (exemple, la seule caisse de retraite des fonctionnaires de Californie, nommée Calpers, détient environ 30 milliards de dollars d'actifs soit 8 % de son bilan dans le non-coté). Par comparaison, nos quelques caisses de retraite par capitalisation sont minuscules et les gérants de la principale épargne longue des Français (assurance-vie) ont dans leur bilan environ 0,4 % de non-coté dont epsilon en capital-innovation ! Les raisons sont prudentielles (Solvabilité II, réforme européenne de l'assurance, en 2009) et culturelles (épargne à capital garanti, liquidité permanente et faible rendement)... Source : « La French Tech a-t-elle un maillot de bain ? » La Tribune.fr, 18 janvier 2018 |
c) Objectif n° 21 : mobiliser l'épargne des Français vers le financement des entreprises
(1) Moins d'actionnaires
Les Français aiment le risque en tant que créateurs d'entreprise, mais moins lorsqu'il s'agit de mobiliser, en faveur des entreprises, leur épargne, laquelle reste assise sur l'immobilier et l'assurance-vie.
La part de la richesse des ménages investie en actifs risqués est plus de trois fois moins élevée en France qu'aux États-Unis : 77 % contre 241 % du PIB respectivement.
Entre 2000 et 2014, la part du patrimoine financier des ménages placé en actions cotées a été divisée par deux, passant de 8,8 % à 4,2 %. En sept ans, la France a perdu plus de la moitié de ses actionnaires individuels (trois millions en 2016 contre 7,4 millions en 2008), même si on assiste à une progression de 22 % en 2016, avec 700 000 actionnaires de plus, soit 3,7 millions. De même, le nombre de plan d'épargne en actions (PEA) a baissé de cinq à quatre millions entre 2014 et 2017.
Mais cette frilosité est relative car les Allemands possèdent deux fois moins d'actions que les Français, notamment dans les PME. Un Allemand détient en moyenne, directement, 3 643 euros d'actions cotées et 3 659 euros d'actions non cotées, contre respectivement 3 550 euros et 12 270 euros pour un Français. Un autre indice peut être trouvé en comparant les comptes courants, qui par définition ne contribuent pas au financement des entreprises. Ainsi, si 1 400 milliards d'euros « dorment » sur les comptes des Allemands, 850 milliards sur ceux des Britanniques, on n'en recense que 450 milliards en France.
(2) Moins d'entreprises cotées
L'investissement en direction des entreprises ne doit pas être assimilé à l'« investissement en bourse ». Par ailleurs, la baisse du nombre d'entreprises cotées est une tendance lourde et mondiale.
Aux États-Unis, les sociétés cotées étaient 7 322 en 1996, mais ne sont plus que 3 671 en 2016.
En France, le nombre de PME-ETI françaises cotées à Paris est passé, entre 2007 et 2017, de 733 à 641 (sur Euronext et Euronext Growth), soit une baisse de 13 % (-90 sociétés).
En 2017, 33 entreprises ont quitté la cote, dont 23 suite à des offres de retrait et 10 suite à des faillites, pour seulement 14 introductions en Bourse (neuf sur Euronext et cinq sur Euronext Growth), contre 17 en 2016, alors que 2017 a été l'année la plus active depuis la crise financière en matière d'introduction en bourse dans le monde.
La bourse de « Paris ne fait plus partie du classement des places les plus actives : 5ème en 2016, elle est sortie du Top 12 cette année » 294 ( * ) . Si leur nombre a été limité, les introductions en bourse ont cependant été beaucoup plus grosses en 2017 qu'en 2016 (2,429 milliards d'euros levés, contre 909 millions en 2016).
Toutefois, les introductions en bourse ne sont qu'une facette des marchés de capitaux. Ainsi, 107 sociétés ont réalisé des augmentations de capital en 2017, soit deux opérations par semaine, et deux fois plus qu'en 2016. Celles-ci ont levé près de 14 milliards d'euros, contre 9,1 milliards en 2016. Cette vitalité témoigne de l'attractivité retrouvée des entreprises françaises en dépit de la faiblesse de la place financière .
L'attrition du marché boursier et le départ d'entreprises, notamment des PME, qui substituent à l'appel public à l'épargne, régulé, le financement par le private equity , non régulé, peut s'expliquer par un encadrement croissant du marché.
Ainsi, le Règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) peut-il conduire, au nom de la lutte contre les délits d'initiés, à imposer à toutes les entreprises des contraintes difficilement conciliables avec leur développement et leur bon fonctionnement au quotidien.
Comment en particulier apprécier la notion de « personne étroitement liée à des personnes exerçant des responsabilités dirigeantes » selon le règlement qui serait un « conjoint ou partenaire considéré comme l'équivalent du conjoint conformément au droit national » dans le champ d'investigation de la prévention des abus de marché et, en particulier, des opérations d'initiés ? Comment, concrètement, une entreprise doit-elle procéder afin de permettre l'accomplissement des pouvoirs de surveillance et d'enquête comportant « l'accès à tout document et à toute donnée, sous quelle que forme que ce soit », et permettant « d'en recevoir ou en prendre une copie » ou « de se faire remettre les enregistrements des conversations téléphoniques, des communications électroniques ou des enregistrements de données relatives au trafic détenus par des entreprises d'investissement, des établissements de crédit ou des institutions financières » ? L'appréciation par une entreprise de la portée exacte de ces dispositions est difficile.
Aucun coupable de délit boursier en France n'a jamais été condamné à une peine de prison ferme , le rapport du parquet national financier de février 2015 soulignant que « l'ensemble des peines d'emprisonnement prononcées au cours des dix dernières années a été assorti du sursis total ; la durée moyenne d'emprisonnement s'élève à 9,3 mois, la plus importante étant de 20 mois ». Or, pour tout écart individuel non sanctionné, la tendance est à édicter une régulation de plus en plus stricte que devront appliquer toutes les entreprises dont l'immense majorité est vertueuse.
(3) La création d'un support fiscal adapté et individualisé.
Ni le Gouvernement, qui promet la stabilité du système fiscal après les grandes réformes de la loi de finances pour 2018, ni la Banque de France, ne sont favorables à créer une nouvelle niche fiscale sur l'épargne , car nous aurions « abusé de cette intéressante spécificité hexagonale » selon son Gouverneur 295 ( * ) .
En revanche, la Fédération Bancaire Française propose, dans sa contribution au PACTE « la création d'un produit long d'épargne réglementé et défiscalisé », lequel « s'impose comme une nécessité ». Elle considère en effet que la fiscalisation du plan d'épargne logement (PEL) via le PFU « a pour conséquence de mettre en extinction les flux générés par ce produit ce qui conduit à la mort programmée de la seule ressource longue d'épargne réglementée des bilans bancaires et compromet la stabilité des conditions du financement long de l'économie, notamment des entreprises » 296 ( * ) .
Pour votre rapporteur, il faut, et de manière pragmatique, permettre à notre économie de lutter à armes égales .
Il conviendrait donc de booster le mécanisme de l'IR-PME en s'inspirant du dispositif britannique de l'Enterprise Investment Scheme (l'EIS) (proposition n° 25), comme l'a proposé votre Délégation aux entreprises le 23 novembre 2017 297 ( * ) dans le cadre des amendements qu'elle a initiées à la loi de finances pour 2018 298 ( * ) .
L'EIS permet à un particulier de bénéficier d'un dégrèvement fiscal de 30 % du montant investi dans une PME 299 ( * ) et d'une exemption d'impôt sur les plus-values, les pertes en capital étant par ailleurs prises en charge par le fisc à hauteur de 50 %. Au total, grâce à cette fiscalité, 61,5 % de l'investissement est protégé. Le coût fiscal est d'environ 325 millions de livres sterling. Avec cet instrument, la Grande-Bretagne attire 36 % des investissements en capital-risque en Europe. L'EIS vient d'être doublé dans le budget britannique pour 2018 et porté de un à deux millions.
Ce dispositif particulièrement encourageant explique que chaque année, près de deux milliards de livres sterling sont investis dans les jeunes entreprises britanniques quand l'ancien dispositif ISF-PME ne permettait de mobiliser que 800 millions d'euros.
Par ailleurs, le Seed Enterprise Investment Scheme (SEIS) encourage l'investissement dans les petites entreprises 300 ( * ) et a permis en 2016 d'injecter 180 millions de livres sterling dans 2 000 entreprises.
Avec le Venture Capital Trust 301 ( * ) , ce sont au total 4 milliards d'euros qui financent les entreprises non cotées britanniques par des systèmes de défiscalisation contre 1,8 milliard en France.
Avec cette politique fiscale particulièrement favorable, la Grande-Bretagne attire 36 % des investissements en capital-risque en Europe.
d) Objectif n° 22 : assouplir les contraintes de la directive Solvalibilité II
Un autre enjeu, permettant de développer l'épargne en actions, est européen.
Après la crise des subprimes de 2008, la redéfinition de la marge de solvabilité en fonction des risques de l'ensemble des acteurs financiers, a conduit à l'adoption de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (Solvabilité II) 302 ( * ) .
Elle offre un nouveau cadre prudentiel au secteur de l'assurance selon une approche en trois « piliers », comparable à celle de Bâle II pour la banque :
- le premier porte sur les exigences quantitatives en capital (niveau minimal de fonds propres qu'une entreprise doit détenir pour offrir des produits d'assurance ; calcul des provisions techniques...) ;
- le deuxième concerne les exigences qualitatives (gestion des risques notamment) et la gouvernance des assureurs.
- le troisième porte sur les informations à fournir aux autorités de supervision et au public.
Les assureurs considèrent que les exigences posées par cette directive pénalisent l'investissement en actions des assureurs et plombent la croissance.
Les assureurs ont ainsi réduit leurs investissements en actions de trois points depuis 2009. Axa par exemple, a réduit la part de ses fonds détenus en actions de 14 % à 4 %, car les normes de Solvabilité II « fixent un horizon de gestion très court, avec des exigences en capital très lourdes qui découragent l'investissement en actions » 303 ( * ) .
En effet, les actions sont la classe d'actifs la plus « chargée en fonds propres » 304 ( * ) , avec 39 % pour les actions cotées et 49 % pour les actions non cotées, ce qui signifie que lorsqu'un assureur investit 100 en actions non cotées, il doit immobiliser dans son bilan 49.
A l'inverse, les contraintes sont moindres sur l'immobilier (25 %) et les obligations d'entreprise (7 %) et nulles pour les obligations d'État, ce qui fait dire à un assureur qu'il est « davantage pénalisé s'il investit en actions Google qu'en obligations de l'État grec »....
Afin de retrouver un flux supplémentaire d'investissements en actions estimé à 30 milliards d'euros en cinq ans , la Fédération française de l'assurance préconise donc, dans sa contribution au PACTE, les mesures suivantes :
- abaisser la charge standard en capital , qui serait appliquée aux actions investies par les assureurs dans le cadre de stratégies d'investissement à long terme (majoritairement en actions) adossées à des passifs de long terme. Cette charge en capital devrait être modulée en fonction de la duration des passifs et converger vers 22 % (contre 39 % actuellement pour les actions cotées et 49 % pour les actions et la dette non cotées) ;
- supprimer la provision pour risque d'exigibilité (PRE) 305 ( * ) , qui a pour vocation de permettre aux assureurs de faire face à leurs engagements en cas de moins-values de certains actifs. Elle ne se justifie plus dans le cadre prudentiel actuel. Cette provision ne connaît pas les mêmes modalités de lissage selon qu'il s'agit de comptabilité sociale de l'entreprise (où elle peut être lissée sur huit ans) ou du compte de participation aux bénéfices (où elle ne peut être lissée que sur trois ans) ;
- à défaut de cette suppression, aligner ses modalités de lissage au compte de participation aux bénéfices sur celles applicables à la comptabilité sociale , ce qui permettrait aux assureurs de libérer du capital qui peut être réalloué à la détention d'actifs plus dynamiques.
Le desserrement des contraintes de la directive Solvabilité II (proposition n° 26) apparaît en effet nécessaire pour votre Délégation afin de favoriser l'investissement de long terme dans les entreprises. Ce dossier doit être porté au plus haut niveau de l'État et faire l'objet d'une position commune franco-allemande, alors même que l'Allemagne a obtenu un report à 2032 de la mise en oeuvre des contraintes de la directive. L'objectif serait d'abaisser la « charge en capital » à 22-30 %pour les portefeuilles de longue durée afin de favoriser des stratégies d'investissements à long terme en actions.
e) Objectif n° 23 : favoriser l'investissement des ménages dans les entreprises
Une révolution culturelle est nécessaire à plusieurs titres pour obtenir :
- une meilleure éducation financière 306 ( * ) des Français. Suite à un rapport 307 ( * ) de février 2015, un « Comité national d'éducation financière » a été installé le 20 décembre 2016, la Banque de France étant chargée de piloter la stratégie nationale en la matière, mais celle-ci est avant tout tournée vers la prévention du surendettement ;
- une confiance à long terme dans l'entreprise, pour sortir l'économie française du capitalisme sans capital, où l'épargne nationale ne s'investit pas suffisamment dans le capital productif, les entreprises manquant chroniquement de fonds propres ;
- un second pilier de l'épargne-retraite en fonds de pension , épargne longue et stable pour renforcer le capital des entreprises ;
- une meilleure image du private equity , au sein des opérateurs financiers eux-mêmes, car il est souvent considéré comme du shadow banking , finance non régulée par opposition aux banques et aux marchés, alors que cette finance n'est pas gérée par un algorithme mais est régulée par l'AMF, avec un code de déontologie.
Par ailleurs, il faut un support adapté pour remédier à la sous-allocation structurelle en défaveur du financement de long terme en actions.
Plusieurs voies sont envisageables pour améliorer l'orientation de l'assurance-vie en direction des entreprises, sachant que 61 % des 2 433 milliards d'actifs de l'assurance-vie sont déjà placés auprès des entreprises en 2017, soit 1 473 milliards , 39 % l'étant en obligations, 18 % en actions et 4 % dans l'immobilier. Seuls 70 milliards d'actifs de l'assurance-vie sont fléchés vers les PME-ETI .
(1) Les paradoxes français des fonds de pension
Élément de l'exception française, les fonds de pension 308 ( * ) sont marginaux en France.
Dans une étude de 2016 sur les fonds de pension, l'OCDE souligne la spécificité de la France. Avec seulement 14,7 milliards de dollars (0,63 % du PIB) d'actifs, notre pays est parmi les plus mauvais élèves des pays membres, la moyenne de l'actif des fonds de pension représentant 86 % du PIB pour les pays de l'OCDE.
Avec ce taux, la France affiche les actifs des fonds de pension les plus faibles par rapport aux autres pays européens : ils représentent en Allemagne 6,76 %, au Royaume-Uni, 95,29 % et aux Pays-Bas, 180 %. La France fait même moins bien que la Grèce (0,68 %) et se situe loin derrière la plupart des pays riches membres de l'OCDE comme le Canada (85 %), les États-Unis (79,8 %), l'Australie (120 %) ou la Suisse (126 %).
Les 14,7 milliards de dollars d'actifs français investis en fonds de pension ne peuvent rivaliser face aux 1 289 milliards de dollars au Canada, les 14 877 milliards de dollars aux États-Unis, les 2 273 milliards au Royaume-Uni ou même les 224 milliards en Allemagne.
Il est également paradoxal que seuls les fonctionnaires français bénéficient d'un fonds de pension 309 ( * ) .
L'adoption d'un pilier de retraite par capitalisation est débattue en France depuis longtemps.
Ainsi, en novembre 2015, lorsqu'il était ministre de l'Économie, M. Emmanuel Macron avait affirmé que « la France aurait besoin de fonds de pension ».
Mais le mot reste tabou, contrairement à l'épargne-retraite.
(2) L'impasse d'un fléchage général de l'assurance-vie
Un fléchage général d'une part de l'assurance-vie vers l'entreprise est préconisée par le Conseil économique social et environnemental dans son rapport de mars 2017 310 ( * ) .
Une part de l'épargne dite réglementée (livrets A, livrets de développement durable, livrets d'épargne populaire) contribue au financement bancaire des PME. C'est la partie « non centralisée », c'est-à-dire conservée par les banques et non reversée à la Caisse des Dépôts. S'agissant de cette partie « non centralisée », la loi fixe une obligation d'un pourcentage d'utilisation 311 ( * ) en faveur des PME/TPE.
La partie « non centralisée » serait de 150 milliards d'euros en 2015, selon l'Observatoire de l'épargne réglementé. L'obligation de financement des PME pour au moins 80 % des ressources non centralisées a été respectée en 2015.
Pour mobiliser les 1 600 milliards d'épargne des ménages investie par ailleurs en assurance-vie, le CESE estime « utile qu'un dispositif, analogue à celui existant pour l'épargne réglementée collectée par les banques, puisse assurer qu'une partie des fonds et réserves de l'assurance-vie soit fléchée vers le financement des PME/TPE, y compris les associations employeuses. Ces dispositions devraient prendre en compte les impératifs réglementaires mais aussi de sécurité et de rendement s'imposant aux compagnies et sociétés d'assurance ».
Un tel fléchage serait cependant contraire au droit européen 312 ( * ) et serait assimilé à une aide d'État, interdite en application du principe de non-discrimination.
(3) Les propositions pour réorienter l'assurance-vie
Pour tenir compte de ces contraintes et résoudre cette équation (créer de nouvelles incitations à la détention de long terme en assurance vie sans niche fiscale), la Fédération française de l'assurance (FFA) a proposé le 22 janvier 2018 « d'introduire la faculté optionnelle d'une modulation des garanties des fonds euros incitative à l'allongement de la détention, de desserrer les contraintes réglementaires qui entravent le développement de l'eurocroissance et d'élargir l'accès à l'investissement non coté à travers les unités de compte ».
Ces objectifs avaient déjà été annoncés dans un rapport Dynamiser l'épargne financière des ménages pour financer l'investissement et la compétitivité, d'avril 2013 313 ( * ) , qui se proposait déjà de « réorienter l'épargne financière des ménages au bénéfice des PME-ETI à hauteur de 15 à 25 milliards par an », en réaménageant, sans la bouleverser, la fiscalité spécifique de l'assurance-vie « pour renforcer la nature de long terme de ce support d'épargne, redonner aux assureurs des marges de manoeuvre dans l'allocation d'actifs en faveur de l'économie productive et inciter les épargnants les plus à même de le faire vers le financement des entreprises ».
À cet effet, le rapport proposait :
- de mettre en place un nouveau contrat «Euro-Croissance» sur le principe des contrats « euro diversifiés » existants et reposant sur une allocation d'actifs combinant mieux au profit de l'économie le risque et la sécurité ;
- de dynamiser leur montée en charge en assurant le maintien de l'antériorité fiscale pour la transformation des contrats existants ;
- de créer au sein de ces contrats des compartiments obligatoires en direction des PME.
(a) Moduler la garantie des contrats d'assurance-vie pour encourager leur détention à long terme
Pour les assureurs, ce nouveau cadre incitatif et de fidélisation ( Fonds « euro bonifié » ) serait fondé sur la possibilité, pour l'assureur, de moduler la garantie en capital offerte et, en contrepartie, la participation aux bénéfices versée aux assurés pour les inciter à une détention longue. Son fonctionnement pourrait, à titre d'exemple, être le suivant :
- avant un horizon de placement défini (huit ans ou plus), un « partage de sort » serait mis en place entre l'assureur et l'assuré, dans la limite d'une garantie minimale du capital (par exemple 80 %ou 90 %) ;
- après cet horizon, 100 % du capital serait garanti au client, augmenté chaque année de la participation aux bénéfices acquise et bonifiée, afin d'inciter à allonger la détention.
Ce mécanisme ne repose pas sur la reconstitution de nouvelles incitations fiscales et permettrait , dans un horizon de cinq ans, d'investir 10 milliards d'euros en actions.
Dans le prononcé de son discours le 28 mars 2018 lors du forum « Entreprises en action(s) », le ministre de l'Économie et des finances a cependant écarté cette piste « ni souhaitable ni responsable » afin de ne « faire prendre aucun risque aux épargnants ».
(b) Desserrer les contraintes du support « eurocroissance »
Le support « eurocroissance » comporte une garantie en capital, totale ou partielle, au terme d'une durée de détention contractuelle d'au moins huit ans. Ce fonds en euros diversifié doit permettre aux assureurs d'obtenir de meilleures rémunérations que les classiques fonds en euros. C'est un support adapté, du fait de sa garantie à terme, à une détention longue (notamment en vue de la retraite). Il représente des encours encore faibles (2,1 milliards d'euros) mais une composante actions plus élevée (24 %).
Des freins, et notamment l'opposition de la direction du Trésor à ce nouvel instrument, imaginé en 2013, ont entravé son développement jusqu'en 2016. Ce n'est que depuis mai 2017 que ce support se développe, le Président de la République y étant favorable lorsqu'il était secrétaire général adjoint de l'Élysée au moment de la création de ce support.
Le ministre de l'Économie, M. Bruno Le Maire, a annoncé 314 ( * ) vouloir accélérer son développement par une simplification « drastique » pour offrir « plus de lisibilité sur la performance et le rendement du produit, année après année. Ce rendement sera unifié pour tous les épargnants. Il pourra être bonifié lors d'engagements d'investissement plus longs, en particulier dans les PME. Le nouvel Eurocroissance, qui a été conçu en lien étroit avec les assureurs, pourra devenir ainsi un support de référence, fournissant un équilibre entre rendement et prise de risque ». Le Gouvernement attend que les sommes investies atteignent 20 milliards d'euros sous deux ans .
Dans cette perspective, la FFA propose :
- d'assurer une équité à l'entrée entre les clients sur fonds euros et fonds eurocroissance en permettant le transfert de plus-values latentes des fonds euro vers l'eurocroissance, en prorogeant le mécanisme au-delà du 31 décembre 2018 et en rendant éligibles les primes souscrites en 2015 ;
- de favoriser le développement de l'eurocroissance au sein des plans d'épargne retraite populaire (PERP), en supprimant l'obligation de créer un fonds eurocroissance spécifique au sein de ces plans ;
- de simplifier et rendre plus pertinente la communication financière aux assurés, en définissant les engagements vis-à-vis d'eux sur la base d'une valeur contractuelle globale « au lieu et place des deux composantes actuelles (provision mathématique et provision technique de diversification), difficilement compréhensibles » ;
- de renforcer la mutualisation entre assurés en étendant le rôle de la provision collective de diversification différée (PCDD).
Les flux supplémentaires d'investissements en actions qui peuvent être attendus atteignent, selon la FFA, environ 13 milliards d'euros à l'issue de cinq années, soit une prévision plus modeste que celle du Gouvernement.
Il faut toutefois noter que la garantie en capital peut être totale ou seulement partielle et ne s'applique qu'au terme d'une durée de détention (d'au moins huit ans) contractuelle.
(c) Améliorer l'accessibilité de l'investissement non coté
L'assurance-vie étant essentiellement investie en fonds euro, lesquels ont un rendement faible (environ 1,5 %), l'attractivité du marché non coté est un atout. Toutefois, selon France Invest : « les contraintes réglementaires des assureurs les empêchent d'aller vers le non coté. Il faut que les unités de compte d'assurance-vie puissent investir plus de 10 % dans le non coté ».
La FFA propose ainsi de desserrer les contraintes règlementaires pour faciliter la commercialisation du capital risque à travers l'assurance, la loi pour la croissance d'août 2015 ayant permis d'investir dans des unités de compte 315 ( * ) dédiées au financement d'entreprises non cotées , en private equity.
Pour cela, il conviendrait :
- d'augmenter le plafond d'investissement sur ces supports à 30 % de l'encours du contrat (contre 10 % aujourd'hui), levant ainsi le principal frein commercial à ces dispositifs ;
- de modifier les conditions, pour la remise en titres, de détention dans le cercle familial notamment en les alignant sur le PEA, également pour élargir la clientèle ;
- d'élargir le dispositif en créant un nouveau type d'unités de compte à deux « poches » (une liquide, pour faire bénéficier les assurés du rachat à tout moment, une investie principalement dans des entreprises non cotées et des infrastructures), permettant ainsi d'élargir considérablement la clientèle potentielle.
Cependant, le Gouverneur de la Banque de France, s'il note le dynamisme de la collecte des unités de compte (+ 27 % en 2016 et un doublement pour les dix premiers mois de 2017) avertit que ce produit 316 ( * ) « n'offre pas de protection en capital » et préconise plutôt d'encourager les fonds « eurocroissance qui doivent être rénovés et amplifiés ». Il estime, de manière constante, que les épargnants français préfèrent la protection du capital à la liquidité du produit financier.
L'évolution récente du comportement d'épargne des ménages indique toutefois qu'ils sont de en plus en plus prêts à un prendre un risque plus élevé en contrepartie d'une plus forte rémunération puisque le montant de la collecte de l'assurance-vie en unités de compte est passé de 12 % en 2012 à 30 % en 2017 (elle était encore de 17 % seulement en 2016). La collecte nette en unités de compte a été de 20 milliards en 2017 contre une décollecte nette en euros de 13 milliards.
Ainsi, les assureurs proposent-ils un nouveau produit, l'euro bonifié , qui aurait une plus forte exposition en actions (24 %) et une garantie du capital au terme du contrat, entre huit et dix ans. Ce produit constituerait un 3 ème pilier de la gamme de l'assurance-vie, entre les fonds euro et les unités de compte.
f) Objectif n°24 : créer un fonds de mobilité internationale permettant une portabilité de l'assurance-vie
Les taux de remplacement diminuant, il est indispensable de développer un outil d'assurance retraite volontaire. Les dispositifs actuels sont très variables et leurs règles sont différentes, ce qui les rend difficilement compréhensibles : certains sont des contrats individuels, d'autres sont réservés aux travailleurs indépendants, d'autres encore dépendent des entreprises.
Alors que le Haut-commissaire à la réforme des retraites, M. Jean-Paul Delevoye, travaille à une réforme systémique des régimes de retraite, pour améliorer leur lisibilité et leur universalité, les assureurs proposent un produit universel d'assurance retraite, le « revavie », qui entend simplifier radicalement le fonctionnement actuel des produits de retraite, fournira un complément de revenus garanti à vie et inclura une option pour le risque dépendance. Ce produit serait favorable à l'investissement en fonds propres des entreprises , avec un investissement plus long -mais avec une phase d'accumulation estimée à 30 ans- et un volume d'actifs plus important. Les assureurs estiment que l'encours des produits retraite serait porté à 270 milliards en 2022, soit une hausse de 20 milliards, apportant cinq milliards par an d'investissements supplémentaires en actions .
Il correspond aux attentes du Gouvernement qui souhaite « une portabilité et une transférabilité totales des produits [d'assurance-vie] au cours de la vie professionnelle » 317 ( * ) . Ce produit étant portable , en cas de changement de statut de son titulaire, et concurrentiel , permettant le transfert du contrat d'un assureur à l'autre , votre rapporteur propose de saisir cette occasion pour en faire un instrument d'attractivité de la France pour tous les entrepreneurs européens.
Ce nouveau produit d'épargne retraite devrait favoriser la mobilité internationale des salariés , en garantissant sa portabilité européenne (proposition n° 27). Cela permettrait à la nouvelle génération d'entrepreneurs, notamment de start-uppers de se lancer dans une aventure entrepreneuriale à l'échelle européenne en étant garantis d'une épargne-retraite constituée indépendamment de leurs lieux d'activité successifs, laquelle concourrait au financement de l'économie, en renforçant l'investissement en fonds propres des entreprises.
Cette proposition trouve un écho dans les préoccupations exprimées par les chercheurs français expatriés et recensées dans le récent rapport de M. Cédric Villani sur l'intelligence artificielle 318 ( * ) , lequel cherche à « augmenter l'attractivité de la France pour les talents expatriés ou étrangers », indiquant que, « pour un chercheur senior, rentrer dans le système français représente une marche très haute financièrement parlant (rachat des cotisations sur une longue période) qui pourrait être en partie franchie avec une aide ad hoc , ce qui semble quasiment impossible aujourd'hui », révélant une convergence inattendue entre jeunes chercheurs et jeunes entrepreneurs.
6. Faciliter l'accès des PME au financement par le marché
Symétriquement à une orientation de l'épargne vers l'investissement productif, il conviendrait de faciliter l'accès des PME au financement des marchés.
a) Objectif n° 25 : adapter aux PME la règlementation du financement du marché en révisant la directive Prospectus
Suite à la crise des subprimes de 2007-2008, l'Union européenne a encadré de façon stricte les marché financiers afin d'accroître la stabilité financière dans l'ensemble, de garantir que les mêmes règles techniques de base y soient appliquées, de déceler le plus tôt possible les risques qui menacent le système et de permettre une action collective beaucoup plus efficace dans les situations d'urgence pour le règlement de différends entre autorités de surveillance nationales.
La contrepartie de ce que certains ont qualifié de « tsunami » réglementaire a été précisément de rendre plus complexe pour les PME l'accès au financement par le marché, ce que souligna dès 2010 le rapport Demarigny 319 ( * ) .
La prise de conscience de ces difficultés a entraîné une adaptation de cet encadrement, sans pour autant nuire à la sécurité des investisseurs.
Dans le cadre de l'Union des marchés de capitaux de l'Union européenne, la modification de la directive Prospectus en 2012 visait à élargir à la fois l'accès des PME aux marchés financiers et la base d'investisseurs en Europe.
Le règlement (UE) n° 2017/1129 du 14 juin 2017 entend pour sa part faciliter l'accès des entreprises aux marchés de capitaux sans compromettre l'information pertinente des investisseurs.
Pour l'Autorité des marchés financiers, ce règlement comporte de nombreuses avancées :
- un relèvement des seuils de déclenchement de l'obligation d'établir un prospectus d'offre au public (à partir d'un million d'euros), les États membres pouvant toutefois prévoir (dès le 21 juillet 2018) une exemption jusqu'à huit millions d'euros. De même, le seuil d'exemption de prospectus d'admission en cas d'émission dilutive est relevé de 10 % à 20 % ;
- la mise en place d'un « document d'enregistrement universel » ( universal registration document - URD), très inspiré du document de référence français, qui permet au marché de disposer d'une information annuelle complète et aux entreprises de bénéficier d'une procédure accélérée d'approbation (cinq jours) lorsqu'elles intègrent ce document dans un prospectus ;
- la rationalisation du résumé, qui ne devra pas dépasser sept pages compréhensibles (et jusqu'à 10 pages dans certaines circonstances) ni comporter plus de 15 facteurs de risque, et pourra incorporer - pour les produits qui y sont soumis - le document d'informations clés du règlement « PRIIPs » 320 ( * ) , afin de faciliter la comparaison des instruments financiers émis sur le marché européen ;
- un nouveau schéma sensiblement allégé pour les émissions secondaires, qui représentent la majorité des prospectus, afin de mieux tenir compte de l'information périodique et permanente déjà disponible ;
- un prospectus simplifié, appelé « prospectus de croissance de l'Union », dédié aux PME cotées sur les marchés non réglementés (dont les nouveaux « marchés de croissance des PME ») et aux petites offres de sociétés non cotées ;
- une meilleure sélectivité et présentation des facteurs de risque, qui devront faire l'objet d'une catégorisation, les facteurs les plus importants étant présentés en premier ;
- la reconnaissance du pouvoir de contrôle de la documentation commerciale par l'autorité de l'État membre d'accueil, lorsque les titres sont distribués sur plusieurs territoires en application de la procédure de passeport ;
- un élargissement de l'incorporation par référence et une amélioration du fonctionnement du prospectus de base obligataire.
Compte-tenu de la complexité de la mise en oeuvre de ces préconisations, la date « d'effectivité » du règlement devrait être repoussée en juillet 2019.
En simplifiant les prospectus, la Commission entend encourager les valeurs moyennes à émettre de la dette et des fonds propres.
L'Autorité des marchés financiers (AMF) a lancé une consultation du 24 janvier au 21 février 2018 afin de définir ce nouveau seuil d'exemption pour les offres au public 321 ( * ) et propose :
- une exemption de prospectus d'offre au public jusqu'au seuil maximum permis par le règlement Prospectus, soit huit millions d'euros sur douze mois, accompagnée d'une suppression du critère actuel de 50 % du capital offert au public ;
- un régime allégé d'information pour les offres inférieures à ce seuil, selon des modalités déjà existantes (offres de financement participatif) ou nouvelles, s'agissant des offres non intermédiées de titres non cotés.
Pour certains, le nouveau règlement Prospectus est toutefois loin de satisfaire à l'objectif de simplification, notamment pour les PME.
Ainsi, le prospectus devra présenter les « facteurs de risques ». Les émetteurs devront les lister selon trois principes : identifier les facteurs de risques propres à l'entreprise et aux titres financiers, évaluer leur importance selon leur probabilité d'occurrence et l'ampleur estimée de leur impact, et les présenter par nature dans un nombre limité de catégories en les hiérarchisant.
Pour les émissions dont le montant nominal par titre est inférieur à 100 000 euros, les entreprises devront rédiger un « résumé » du prospectus limité à sept pages et mentionnant les quinze facteurs de risques les plus importants, confrontant les émetteurs à des choix complexes. Faute d'une maîtrise suffisante de l'information, les PME risquent de renseigner un maximum de ces facteurs dans la catégorie « hauts risques », ce qui pourra se retourner contre elles en détournant les investisseurs.
Au-dessus d'un montant unitaire de 100 000 euros, les émetteurs de dette structurée devront appliquer le règlement « PRIIPs », lequel prévoit de rédiger un document d'information clé de trois pages en cas de placement auprès de particuliers, ce qui est probablement encore plus difficile à rédiger que le résumé du règlement Prospectus.
b) Encadrer les débordements du droit souple
Les agences qui régulent les marchés financiers, AMF ou APCR, et désormais l'Agence française anticorruption, produisent des normes de droit souple, en théorie facultatives mais en réalité, appliquées par les entreprises .
Face à l'importance croissante de la régulation par de tels instruments de droit souple, le Conseil d'État a pris en compte les conséquences que ces actes étaient susceptibles d'avoir, dans les faits, sur la situation des acteurs concernés : il a jugé recevable le recours pour excès de pouvoir contre les actes des autorités de régulation qui sont de nature à produire des effets notables, ou qui ont pour objet d'influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il s'adresse 322 ( * ) . Mais la Haute juridiction administrative ne freine pas avec vigueur ces débordements puisqu'elle a validé 323 ( * ) la compétence de l'AMF pour publier sur son site internet des communiqués de « mise en garde » des épargnants, publications qui n'étaient pas explicitement mentionnées par le code monétaire et financier, ni par le règlement général de l'Autorité 324 ( * ) .
Plus généralement, l'explosion de la réglementation sur les marchés boursiers depuis une dizaine d'années ainsi que l'attrition accélérée de la cotation démontrent bien que le système n'est plus adapté.
Non seulement le droit « dur » est trop complexe mais les débordements du droit « souple » ont dégradé la situation.
Ainsi la doctrine de l'Autorité des Marchés Financiers est-elle éparpillée dans 80 documents. On recense au total 790 éléments de cette doctrine, soit « une tous les trois jours » comme l'a indiqué Mme Caroline Weber, de Middlenext 325 ( * ) , lors de la 3 ème journée des entreprises du Sénat organisée le 29 mars 2018.
Définition et portée de la doctrine de l'AMF La doctrine de l'AMF permet aux acteurs de marché, en complément de la lecture de la jurisprudence de la Commission des sanctions et de la motivation de certaines décisions individuelles, de connaître la façon dont le régulateur applique, sous le contrôle des tribunaux, les dispositions législatives et réglementaires concernant les sujets relevant de sa compétence. Elle comprend les instructions, les positions, les recommandations, les pratiques de marché admises ainsi que les rescrits : - l 'instruction constitue l'interprétation des dispositions du règlement général de l'AMF en indiquant leurs modalités d'application ainsi que leurs conditions de mise en oeuvre. Elle informe les acteurs de marché des procédures à suivre et des règles à appliquer ; - la position constitue une interprétation des dispositions législatives et réglementaires entrant dans le champ de compétence de l'AMF. Elle indique la manière dont l'AMF les applique à des cas individuels et est extériorisée dans un souci de transparence et de prévisibilité ;
-
la recommandation
est une invitation
à adopter un comportement ou à se conformer à une
disposition, comportement ou disposition que l'AMF considère comme
susceptibles de faciliter la réalisation des objectifs des normes ou
principes généraux relevant de son champ de compétence.
Néanmoins, la recommandation n'exclut pas que d'autres comportements ou
dispositions soient également compatibles avec ces normes ou ces
principes généraux. Elle ne revêt donc pas de
caractère impératif. Toutefois, le fait de se conformer à
une recommandation contribue généralement à nourrir une
présomption de conformité à la
règlementation. Dans certains cas, les dispositions d'une recommandation peuvent, compte tenu des circonstances de l'espèce, constituer l'un des éléments d'appréciation pris en compte dans le traitement d'un cas individuel, par exemple une demande de visa ou d'agrément. Mais d'une manière générale, le non-respect d'une recommandation ne peut, en lui-même, caractériser une violation de la réglementation ; - la pratique de marché admise par l'AMF dont le champ ne concerne que les manipulations de marché, permet d'instaurer une présomption de légitimité à l'égard des acteurs de marché qui s'y conforment. - le rescrit offre enfin la possibilité pour une personne partie à une opération de solliciter un avis sur la conformité de celle-ci aux dispositions du règlement général de l'AMF. Si le rescrit ne vaut que pour le demandeur, sa publication anonymisée permet à l'AMF de faire connaître la façon dont les dispositions de son règlement général s'appliqueraient à une opération particulière. Source : AMF |
Par exemple, « l'avis relatif aux recommandations de l'Agence française anticorruption destinées à aider les personnes morales de droit public et de droit privé à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d'influence, de concussion, de prise illégale d'intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme » est en quelque sorte le commentaire officiel de la loi du 9 décembre 2016 (dite loi Sapin 2). Publié au Journal officiel du 27 décembre 2017, ce document comporte 36 pages.
Prenant conscience de l'illisibilité de ce droit souple, l'AMF a clarifié le champ et la portée de celui-ci, structuré son processus d'élaboration et déterminé un format de publication adapté. L'AMF a décidé de systématiser et de mieux organiser la publication de sa doctrine « qui jusqu'alors faisait l'objet d'une diffusion sur des supports variés - à savoir, des guides, des listes de questions-réponses, des positions, des lignes directrices, des communiqués de presse, des rapports annuels...-, dont la portée n'était pas toujours explicite et dont l'accès n'était pas toujours aisé ». La doctrine de l'AMF « regroupe désormais, par thématique, des instructions, positions, recommandations, pratiques de marché admises et rescrits. La doctrine permet aux professionnels de connaitre la façon dont l'AMF applique les lois et règlements concernant les sujets de sa compétence ».
Toutefois, l'AMF continuera à « publier des documents de doctrine mixtes, contenant à la fois des positions et des recommandations », chacune d'entre elles devant être « clairement identifiée au sein du document afin d'éviter toute ambiguïté » et sa doctrine pourra toujours être présentée au travers « de différents supports tels que des listes de questions-réponses, guides ou rapports » tout en s'efforçant néanmoins « d'éviter une trop grande profusion de supports, susceptible de nuire à la lisibilité de la doctrine ».
On constate ainsi une sur-régulation qui frappe les entreprises cotées -et par effet de ruissellement de plus en plus les entreprises non cotées d'une certaine taille, comparée à la sous-régulation de la private equity . Ce sont pourtant deux systèmes de financement d'entreprises qui sont légitimes et nécessaires. Cela revient à priver, de fait, les entreprises de capacités de financement adapté.
c) Favoriser les circuits courts de financement
Une autre piste pour faciliter le financement des PME serait de traiter leurs besoins au niveau régional. Votre rapporteur ne la juge cependant pas convaincante.
En application de l'article 172 de la loi n° 2015-990 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, un rapport portant sur « la création de plateformes de cotation régionales ou de bourses régionales dans chaque métropole régionale, en hexagone et dans les outre-mer, afin de fournir un outil de circuits courts de financement régional » a été rédigé.
Ces bourses régionales devraient tout d'abord respecter les obligations européennes :
• le prospectus s'imposerait au marché primaire, comme pour toute offre au public de titres financiers, sauf réservée à un nombre limité d'investisseurs ou à des investisseurs qualifiés, ou d'un montant limité (inférieur à 1 million d'euros pour le financement participatif, 5 millions d'euros pour les autres formats d'offre) ;
• le marché secondaire devrait prendre la forme d'un marché réglementé 326 ( * ) , comportant un système multilatéral de négociation 327 ( * ) et éventuellement un internalisateur systématique 328 ( * ) ;
• pour dénouer l'opération et assurer le transfert effectif de la propriété des titres, il faudrait une inscription en compte chez un dépositaire central de titres ;
• l'entreprise cotée aura des obligations d'information financières très lourdes 329 ( * ) et devra se soumettre aux règles de prévention et de répression des abus de marché, imposant une organisation rigoureuse des informations au sein de l'entreprise.
L'ampleur de ces contraintes se traduit pour les PME par des coûts élevés d'accès et de maintien sur le marché , car ils sont indépendants de la taille de l'entreprise. Une multiplication de plate-formes régionales en concurrence sur le même segment de marché pourrait aboutir à renchérir le coût de la cotation.
Outre le recours croissant au private equity , le concept du Carnet d'annonces , développé par CiiB 330 ( * ) , vise à préparer les TPE, PME et ETI à une cotation sur Euronext Access ou Euronext Growth. Il consiste à mettre à la disposition d'une PME-PMI non cotée une « mini-bourse digitale » permettant l'échange de gré à gré d'actions entre acheteurs et vendeurs. En cas d'appel public à l'épargne, CiiB, agréé Listing Sponsor 331 ( * ) , accompagne la société dans la rédaction d'un prospectus conforme aux exigences de l'AMF.
Ce Carnet d'annonces est un moyen d'acclimatation à la bourse pour les petites PME.
* 229 Comme le soulignait déjà en 2015 un rapport du cabinet d'études Raise et Bain & Company .
* 230 Le « corporate venture » ou « capital investissement d'entreprise » est une forme spécifique de capital-investissement. Cette méthode de financement recouvre en pratique l'investissement d'une entreprise dans une autre, telle que la prise de participation d'une grande entreprise dans une jeune PME innovante. Le « corporate venture » se distingue du capital-investissement classique où l'investissement repose in fine sur des investisseurs individuels. Il est notamment utilisé par les grandes entreprises pour favoriser l'innovation dans leur secteur d'activité ou explorer de nouveaux marchés.
* 231 Dans le classement Compass.
* 232 Start-up valorisée à plus d'un milliard de dollars.
* 233 L'étude (janvier 2017) « In Extenso Innovation Croissance » , du groupe Deloitte, sur les 566 levées de fonds réalisées en 2016.
* 234 L'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance ( ORIAS ) est une association loi de 1901 , sous tutelle de la direction générale du Trésor . Créée en 2007, elle a pour but d'homologuer les intermédiaires en assurance, conformément à la directive 2002/92/CE du Parlement européen . ORIAS désigne également le registre administré par l'association, répertoriant les intermédiaires en France, quels que soient leurs domaines d'action, leurs produits et leurs activités.
* 235 La « scalabilité » est la capacité d'une entreprise à adapter son business model, son schéma d'entreprise, à une forte augmentation de son volume d'activité. Concrètement, c'est sa capacité à passer de la petite start-up à la multinationale. La scalabilité permet d'absorber le choc de croissance extrême que certaines start-ups connaissent. On peut la rencontrer dans tous les secteurs d'activité.
* 236 Le seed capital , ou capital d'amorçage, représente l'ensemble des fonds de départ que des investisseurs proposent afin de payer les frais préalables à une création d'entreprise. Le seed capital va donc être utilisé pour honorer différentes dépenses, comme les études de projet et de faisabilité, les études de recherche et développement, ou encore les prestations financières, comptables et juridiques.
* 237 Créé en 1997 pour inciter les épargnants à financer les PME innovantes, le FCPI est un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) donnant droit, sous conditions, à une réduction d'impôt sur le revenu (IR) ainsi qu'à une exonération des plus-values réalisées.
* 238 Les fonds communs de placement à risques, créés en 1980, sont investis en titres d'entreprises non cotées en bourse à hauteur de 50 % minimum.
* 239 Les fonds d'investissement de proximité sont investis dans des PME régionales à hauteur de 60 % minimum.
* 240 Doté de près de 57 milliards d'euros, le Programme d'Investissements d'Avenir (PIA), piloté par le commissariat général à l'Investissement, a été mis en place par l'État pour financer des investissements innovants et prometteurs sur le territoire, avec un principe de co-financement pour chaque projet.
* 241 Programme destiné à soutenir la recherche appliquée , pour aider au développement de nouveaux produits et services susceptibles d'être mis sur le marché à court ou moyen terme. Il permet de financer les projets de R&D dits « collaboratifs » (associant par exemple de grandes entreprises, des PME et des laboratoires) aidés par des pôles de compétitivité . Le FUI est logé au sein du fonds de compétitivité des entreprises (FCE).
* 242 Le programme-cadre de recherche Horizon 2020 (2014-2020), regroupe pour la première fois dans un seul programme, les programmes de recherche et d'innovation européens tels que le P.C.R.D.T., Euratom, actions pour l'innovation du programme-cadre pour l'innovation et la compétitivité, institut européen d'innovation et de technologie.
* 243 En anglais « Initial Public Offering ».
* 244 Earnings Before Interest, Taxes, Depreciations and Amortizations : correspond à l'excédent brut d'exploitation.
* 245 Décision n° 11 du CIMAP (Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique) du 18 décembre 2012.
* 246 Ces personnels sont les ingénieurs-chercheurs, techniciens, gestionnaires de projet de recherche et de développement, juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie liés au projet, personnel chargé de tests pré-concurrentiels, les mandataires sociaux, relevant du régime général de sécurité sociale, qui participent, à titre principal, au projet de recherche et de développement de l'entreprise.
* 247 Le champ global des interventions économiques de l'État et des collectivités territoriales en faveur des entreprises a pu être estimé à près de 110 milliards d'euros en 2013. Au sein de ce périmètre, la mission d'évaluation a porté sur 46,5 milliards d'euros d'interventions, après exclusion du champ d'une centaine de dispositifs de l'État. Il s'agit principalement de mesures dont la pérennité a été annoncée par le gouvernement (notamment les allègements de charges sociales sur les bas salaires, dits « Fillon » : 21 milliards d'euros; le crédit d'impôt recherche : 3,4 milliards d'euros; les interventions en faveur du handicap : 7,4 milliards d'euros, et du logement social : 4,4 milliards d'euros) ou qui font l'objet d'évaluations par ailleurs (taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée : 18 milliards d'euros ; mesures liées à la formation professionnelle : 4 milliards d'euros).
* 248 L'accès des PME aux marchés publics , rapport au Président de la République du 5 décembre 2007.
* 249 Rapport d'information n° 82 (2015-2016) de M. Martial Bourquin , fait au nom de la mission commune d'information sur la commande publique, du 14 octobre 2015.
* 250 Le Conseil constitutionnel a reconnu une valeur constitutionnelle au principe de la liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures (Décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003).
* 251 L'AMP (Accord sur les marchés publics) encadre la possibilité, pour les parties à l'accord, de réserver certains marchés publics à leurs PME et garantit le principe de non-discrimination entre les produits, les services et les fournisseurs des différentes parties. Toutefois, l'AMP permet à ses signataires de prévoir des exemptions à ces règles de non-discrimination. Aucune règle n'interdit à l'Union européenne de demander une telle exemption à l'occasion d'une renégociation de l'accord, mais elle supposerait l'accord de tous les autres signataires de l'AMP et le consensus entre États membres.
* 252 L'objectif 32 du Pacte national pour la croissance, l'économie et l'emploi, annoncé le 6 novembre 2012, est intitulé « accompagner le développement des PME de croissance innovantes en mobilisant l'achat public ». Il consiste à « mobiliser l'achat public pour accompagner le développement des PME de croissance innovantes ».
* 253 Afin d'améliorer les relations entre les contribuables et l'administration fiscale en cas de contrôle portant sur le CIR durant une procédure de contrôle, l'article 46 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, codifié à l'article 1653 F du code général des impôts (CGI), a instauré un comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche. En application de l'article L. 59 D du livre de procédures fiscales (LPF), lorsque dans le cadre d'une procédure de rectification contradictoire, un désaccord subsiste entre un contribuable et l'administration, sur des rehaussements portant sur la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du CIR défini à l'article 244 quater B du CGI, le litige peut être soumis pour avis au comité consultatif du crédit d'impôt pour dépenses de recherche sur demande du contribuable. Ce comité est compétent pour statuer sur les litiges résultant des propositions de rectification adressées depuis le 1 er juillet 2016. Un décret du 9 juin 2016 a précisé les modalités de fonctionnement de ce comité.
* 254 Article 46 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 insérant un article 1653 F au code général des impôts.
* 255 Les PME/TPE et le financement de leur développement pour l'emploi et l'efficacité , rapport de M. Frédéric Boccara, mars 2017.
* 256 Enquête SAFE, pour Survey on Access to Finance by Enterprises.
* 257 Société de caution mutuelle des TPE pour laquelle OpinionWay a réalisé une enquête en septembre 2016.
* 258 Voir annexe.
* 259 Pour le 4 ème trimestre 2016.
* 260 Rapport d'information n° 3097 du 30 septembre 2015 fait au nom de la mission d'information commune sur la Banque publique d'investissement.
* 261 Les fonds de dotation ou «endowment funds» sont un capital que les universités américaines et britanniques cumulent depuis des siècles. L'Université d'Harvard, la plus riche du monde, repose ainsi sur une réserve de plus de 36 milliards de dollars de dons privés, dont les intérêts alimentent 30 % de son budget opérationnel.
* 262 « Les PME/TPE et le financement de leur développement pour l'emploi et l'efficacité », Frédéric Boccara, avis de mars 2017.
* 263 Par l'exploitation du FIBEN (voir infra) désormais en open source.
* 264 Exemples cités dans Les Échos, lundi 5 mars 2018, « Prêts aux entreprises : comment les Fintech musclent leur analyse crédit ».
* 265 « The Pulse of Fintech », étude trimestrielle, 4ème trimestre 2017.
* 266 La DSP2, qui a été transposée par l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, instaure de nouvelles règles intéressant directement les consommateurs dont :
- l'interdiction de la surfacturation, autrement dit l'application de suppléments en cas de paiement par carte de débit ou de crédit, aussi bien dans un magasin qu'en ligne.
- le renforcement des droits de consommateurs, avec par exemple l'abaissement de la franchise restant à la charge du client en cas de paiement frauduleux par carte avant opposition de 150 à 50 euros, des délais plus courts de remboursement et l'introduction d'un droit au remboursement inconditionnel pour les prélèvements en euros.
- l'obligation de l'authentification forte (c'est-à-dire à deux facteurs au moins entre un code ou mot de passe que l'on sait, un appareil que l'on possède, une donnée biométrique telle que l'empreinte digitale, la voix ou l'iris) pour les paiements en ligne de plus de 30 euros, afin de réduire la fraude dans l'e-commerce.
- l'ouverture du marché à de nouveaux acteurs en donnant accès aux informations sur les comptes par un canal de communication sécurisé.
* 267 Voir « Comprendre les blockchains (chaînes de blocs) », note n°4 de l'OPECST du 12 avril 2018- Rapporteurs : Mme Valéria Faure-Muntian, M. Claude de Ganay, députés, et M. Ronan Le Gleut, sénateur.
* 268 Un registre distribué (distributed ledger technology) est une base de données de transactions partagée et synchronisée sur de nombreux ordinateurs et de nombreux sites, sans contrôle centralisé. Chaque partie possède un exemplaire identique de l'enregistrement, automatiquement mis à jour dès que des ajouts sont réalisés.
* 269 Prise en application de l' article 120 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (dite loi Sapin II).
* 270 L'AMF définit les règles d'organisation et de bonne conduite auxquelles sont soumis les professionnels autorisés à fournir des services d'investissement (livre III de son règlement général). Ces règles complètent les dispositions déjà précisées dans le code monétaire et financier (articles L.533-1 à L.533-24).
* 271 Définis à l'article L.531-1 du code monétaire et financier.
* 272 « Synthèse des réponses à la consultation publique portant sur les Initial Coin Offerings (ICO) et point d'étape sur le programme « UNICORN ».
* 273 Introduction en bourse ; en anglais « Initial Public Offering ».
* 274 Ce projet ambitionne de créer un service de blockchain décentralisé, reposant sur un protocole plus performant et moins consommateur en énergie que ses prédécesseurs. À partir de 2019, les utilisateurs auraient ainsi accès à des fonctionnalités telles que des VPN, des applications et un service de micropaiement affranchi des taxes internationales.
* 275 « Cryptoactifs, blockchain & ICO : comment la France veut rester à la pointe », par Bruno Le Maire, 19 mars 2018, Numerama.
* 276 « La directive "DSP 2" permet notamment de prendre en compte l'apparition de nouveaux acteurs proposant aux utilisateurs d'accéder aux données de l'ensemble de leurs comptes et produits bancaires et d'initier des ordres de paiement. Le nombre d'utilisateurs de ces nouveaux services a connu une croissance rapide : quatre millions de consommateurs ont déjà eu recours à un agrégateur de comptes en France et 2,5 millions à un initiateur de paiement. Un décalage s'est ainsi créé entre le cadre juridique et les pratiques, source d'incertitudes multiples.
À cet égard, la directive "DSP2" impose aux agrégateurs de comptes et aux initiateurs de paiement d'obtenir un agrément ou de s'enregistrer auprès de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Ces derniers sont également tenus de communiquer avec le gestionnaire de compte par le biais d'un canal de communication sécurisé et standardisé. En cas de fraude, l'utilisateur peut désormais être indemnisé immédiatement par sa banque. Le prestataire tiers doit, à ce titre, souscrire une assurance afin de pouvoir rembourser la banque si sa responsabilité est engagée.
L'ordonnance, dans la mesure où elle se borne à transposer la directive, ne concerne toutefois que les comptes de paiement. Pourtant, les nouveaux acteurs reconnus par la directive permettent aujourd'hui aux utilisateurs de passer des ordres et d'agréger les données concernant l'ensemble de leurs comptes et produits d'épargne (livrets, contrats d'assurance, comptes-titres, etc.). Ainsi, 80 % des comptes agrégés par les nouveaux acteurs ne sont pas des comptes de paiement.
Pour les comptes non couverts par la directive, les dispositions contractuelles liant l'utilisateur aux établissements bancaires et aux prestataires tiers conduisent à faire porter le risque par le consommateur : en cas de fraude ou de piratage, il serait seul responsable et ne pourrait pas être remboursé. Dans ce contexte, s'il n'apparaît pas souhaitable d'étendre les dispositions de la directive à l'ensemble des comptes et produits d'épargne - ce chantier devant être mené au niveau européen -, la question de la responsabilité en cas de fraude ne peut être laissée longtemps sans réponse.
Aussi, dans l'attente d'une solution européenne, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement permettant de garantir la possibilité pour l'utilisateur d'obtenir un remboursement auprès du prestataire tiers en cas de fraude, via la mise en place d'une obligation d'assurance complémentaire pour les comptes non couverts par la directive » (communiqué de presse du 14 mars de la commission des Finances du Sénat).
* 277 Selon Balaji Srinivasan, associé du fonds Andreessen Horowit, cité dans « ICO, un changement de paradigme », 22 août 2017, ICO Mentor.
* 278 « Les Fintechs au rendez-vous de l'investissement productif », Patrick Herter, FintechMag.
* 279 « Définition Fintech : changements pour les entrepreneurs et consommateurs », Rachatducredit.com, Nizar Fassi , 29 juillet 2016.
* 280 Source : « Fintech 2020, reprendre l'initiative », Croissance Plus PME Finance, 2016.
* 281 Sicav de place, S2iEM (société d'investissement en infrastructures européennes de marché), imaginée et portée par l'AF2i (Association française des investisseurs institutionnels) en juin 2014, a pour objet financier unique d'investir dans les titres d'Euronext.
* 282 Les missions principales du post-marché sont d'assurer la bonne fin des opérations initiées sur les marchés financiers, de les enregistrer dans les comptes des clients, et de prendre en compte tous les événements liés au cycle de vie des instruments financiers.
* 283 Fintech Mag.
* 284 Selon Blockchain France , 22 août 2017 .
* 285 Les projets ne lèvent jamais directement des montants en dollars ou des euros, mais bien des montants en cryptomonnaies. La juste formulation pour une levée en ICO exprimée en monnaies traditionnelles est donc `la start-up a levé l'équivalent de x dollars'.
* 286 La nouvelle grammaire du succès. La transformation numérique de l'économie française , Philippe Lemoine, Rapport au gouvernement du 7 novembre 2014.
* 287 Rapport d'information n° 1936 du 14 mai 2014 par la commission des affaires économiques sur le développement de l'économie numérique française présenté par Mmes Corinne Erhel et Laure de La Raudière.
* 288 « L'énigme de l'investissement », Les synthèses de la fabrique de l'industrie [« laboratoire d'idées »], n° 13, mai 2017.
* 289 Réformes, investissement et croissance : un agenda pour la France, l'Allemagne et l'Europe , apport du 27 novembre 2014.
* 290 « 3 000 entreprises au coeur de l'économie française », H. Bacheré, Insee Focus, n° 56, mars 2016.
* 291 Taille des fonds reçus par les entreprises financées.
* 292 Le Mouvement des Pigeons est un mouvement de contestation apparu en France le 28 septembre 2012, après la publication d'une contribution de Jean-David Chamboredon , président du fonds ISAI , dénonçant l'augmentation des cotisations et des taxations sur plus-values de cession d'entreprise contenue dans le projet de loi de finances 2013, augmentant la taxation du capital-risque dans les PME de 34,5 % à plus de 60 %, et susceptible de freiner les investisseurs et le développement des start-up et PME en France. Le mouvement a fédéré en quelques jours 75 000 entrepreneurs. Le Président de la République François Hollande annonça dans le cadre des premières Assises de l'entrepreneuriat en avril 2013 des aménagements significatifs de la réforme de la taxation des plus-values de cession, allant dans le sens de ces revendications.
* 293 Fonds de dotation universitaires.
* 294 Les Échos, 9 février 2018.
* 295 Discours prononcé le 22 janvier 2018 lors du Grand rendez-vous de l'investissement productif.
* 296 « PACTE : actions et propositions de la Fédération Bancaire Française », décembre 2017.
* 297 Voir http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20171120/entr.html
* 298 Un premier amendement proposait de relever le taux du dispositif Madelin à 30 % en le plaçant sous un plafonnement global de 18 000 euros. Un deuxième amendement proposait d'unifier le plafond des versements ouvrant droit à la réduction d'impôt, sans distinguer entre versements directs et versements intermédiés. Un troisième amendement, qui a été retenu, encadre les frais d'intermédiation.
* 299 Les actifs de l'entreprise ne peuvent excéder 15 millions de livres sterling ; l'entreprise doit compter moins de 250 salariés ; l'entreprise ne doit pas être cotée ou avoir l'intention d'entrer en bourse au moment de l'investissement.
* 300 Moins de 25 salariés, des actifs n'excédant pas 200 000 livres sterling et un financement par le SEIS plafonné à 150 000 livres sterling.
* 301 Schéma d'investissement collectif sous forme de trusts cotés pour développer le financement des petites sociétés non cotées.
* 302 Elle a été transposée par l' ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 pour une mise en application au 1 er janvier 2016.
* 303 Henri de Castries, Les Échos, 30 avril 2015.
* 304 Montant de capital minimum dont l'assureur doit disposer pour couvrir des pertes potentielles extrêmes à l'horizon d'un an avec une probabilité de 99,5 %.
* 305 La provision pour risque d'exigibilité est constituée lorsque les placements non amortissables se trouvent en situation de moins-value latente nette globale. C'est une provision technique réglementée en assurances, quantifiée par les Codes en vigueur en France.
* 306 En 2012, l'OCDE a défini l'éducation financière comme une « combinaison de conscience financière, de connaissance, d'habileté, des attitudes et comportements nécessaires pour prendre les bonnes décisions financières et finalement arriver à un bien-être financier individuel et apprécié par la personne elle-même ».
* 307 « La définition et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale en matière d'éducation financière »,
Rapport du groupe de réflexion présidé par M. Emmanuel Constans dans le cadre du Comité consultatif du secteur financier (CCSF).
* 308 Les actifs des fonds de pension sont acquis grâce aux cotisations à un plan de retraite dans le but exclusif de financer les prestations du plan de retraite. Un fonds de pension est un pool d'actifs doté d'une personnalité juridique indépendante.
* 309 Le régime de retraite additionnelle de la fonction publique est ouvert aux agents des trois fonctions publiques (État, territoriale et hospitalière) et aux militaires, il s'agit d'un régime par points assis sur les primes et indemnités qui n'entrent pas dans le calcul de la pension de base. Institué par l'article 76 de la loi du 21 août 2003 portant sur la réforme des retraites, il est entré en vigueur le 1 er janvier 2005. Aujourd'hui, les fonctionnaires de la fonction publique d'État représentent 44 % du total des bénéficiaires, ceux des collectivités locales 32 % et ceux des hôpitaux 29 %.
* 310 Les PME/TPE et le financement de leur développement pour l'emploi et l'efficacité, Simon Boccara, 15 mars 2017.
* 311 Évaluée d'après les bilans consolidés des banques.
* 312 Notamment aux dispositions de la directive du 10 novembre 1992, réaffirmées dans l'article 133, 1°, de la directive Solvabilité II du 25 novembre 2009 qui prévoit au nom de la liberté d'établissement, que « les États membres n'exigent pas des entreprises d'assurance et de réassurance qu'elles investissent dans des catégories d'actifs déterminées ».
* 313 De Mme Karine Berger et M. Dominique Lefebvre, alors députés.
* 314 Discours du 28 mars 2018 lors du forum « Entreprise en action(s) ».
* 315 Les contrats en unités de compte (UC) sont des contrats d'assurance-vie au sein desquels l'épargne est investie sur des supports financiers. Ils n'offrent pas de garantie sur le capital investi sont destinés aux épargnants à la recherche d'une rentabilité plus élevée qu'avec des fonds en euros.
Ils permettent un investissement diversifié sur les marchés financiers et immobiliers.
Contrairement aux contrats d'assurance-vie en euros , surtout investis en obligations et relativement épargnés par les mouvements boursiers, ceux en UC sont essentiellement investis en actions de valeurs mobilières ou immobilières ( Sicav , actions, obligations, parts de fonds communs de placement, parts de SCI, parts de SCPI).
* 316 «L'assurance dans un monde en disruption», 9 ème conférence internationale de l'assurance, 22 octobre 2017, François Villeroy de Galhau.
* 317 Discours du ministre de l'Économie et des finances, M. Bruno Le Maire, du 28 mars 2018 lors du forum « Entreprise en action(s) ».
* 318 « France Intelligence Artificielle », 28 mars 2018.
* 319 Un « Small Business Act » du droit boursier européen - Mettre en place un environnement financier et réglementaire adapté aux petits et moyens émetteurs cotés en Europe (« SMILEs ») ; rapport établi par Fabrice Demarigny, directeur des activités marchés de capitaux du groupe Mazars, mars 2010.
* 320 Le « Packaged Retail Investment and Insurance-based Products » vise à uniformiser l'information précontractuelle des produits financiers packagés (fonds d'investissement, produits dérivés, produits d'assurance vie en mode épargne, etc.) proposés à des investisseurs non professionnels (tels que définis par la Directive MIF II). Le Règlement requiert de l'initiateur du produit qu'il établisse un « document clé d'information » (DICI ou KID) standardisé permettant à l'investisseur de détail de disposer des informations de base pour comprendre le produit (qu'il soit financier, bancaire ou assurantiel) et de procéder à des comparaisons entre produits.
* 321 Les placements privés de titres financiers, auprès d'un groupe de moins de 150 investisseurs, ou les placements de titres auprès d'investisseurs qualifiés, ne donnent pas lieu à l'établissement d'un prospectus obligatoire, les investisseurs étant réputés faire les diligences nécessaires. De même, des obligations allégées sont prévues pour les offres au public d'un montant limité, en cohérence avec les seuils établis au niveau européen. C'est sur cette deuxième dérogation que repose le régime du financement participatif en titres financiers en France, pour lequel des offres proposées par l'intermédiaire de conseillers en investissement participatif ou d'un site internet d'un prestataire de services d'investissement sont disponibles sans établissement de prospectus à condition que le montant de l'offre soit inférieur à un million d'euros et que les titres ne soient pas admis aux négociations sur un marché règlementé ou un système multilatéral de négociation.
* 322 CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GMBH et autres ; CE Assemblée, même jour, Société NC Numericable.
* 323 Sur le fondement de l'article L. 621-1 du code monétaire et financier qui attribue à l'Autorité des marchés financiers une « mission générale de protection de l'épargne et d'information des investisseurs ».
* 324 CE, Assemblée, 21 mars 2016, Société Fairvesta International GmbH et autres , n os 368082 et autres, Rec.)
* 325 Middlenext est l'association (loi de 1901) professionnelle française indépendante exclusivement représentative des valeurs moyennes cotées. Créée en 1987, Middlenext fédère et représente exclusivement des sociétés cotées sur Euronext et Euronext Growth, tous secteurs d'activités confondus. Middlenext co-préside le Smaller Issuers Committee d'EuropeanIssuers, première association européenne qui promeut les intérêts des sociétés cotées en Bourse. Middlenext est présidée par Guillaume Robin, dirigée par Caroline Weber et gérée par un conseil d'administration de 11 dirigeants d'entreprises cotées. L'organisation est financée et gérée par des dirigeants de Valeurs Moyennes.
* 326 Fonctionnant conformément aux articles L. 421-1 et suivants du code monétaire et financier.
* 327 Conformément aux articles L. 424-1 et suivants du même code.
* 328 Conformément aux articles L. 425-1 et suivants du même code. Un internalisateur systématique est un prestataire de service d'investissement qui interpose systématiquement son compte propre face aux ordres de ses clients. A tout ordre à l'achat ou à la vente d'un client sur un instrument financier correspond ainsi respectivement une position vendeuse ou acheteuse de l'internalisateur systématique.
* 329 En application du règlement Transparence (UE) n° 909/2014 du Parlement européen et du Conseil. Il a eu pour objet de renforcer la transparence des émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché financier.
* 330 Conseil en ingénierie et introduction boursière des PME-PMI.
* 331 Les Listing Sponsors jouent un rôle déterminant dans le processus d'introduction en Bourse, leur présence étant destinée à renforcer la confiance des investisseurs. Ils s'assurent que la société réunit tous les critères requis pour être cotée et qu'elle répond aux obligations d'information et de publicité financières. Les Listing Sponsors travaillent en concertation avec la société, ses conseillers juridiques et ses auditeurs.
Les principales tâches du Listing Sponsor consistent à : évaluer l'aptitude de la société à être introduite en Bourse ; participer à la rédaction du prospectus ou de la note d'information ; coordonner le processus de diligence raisonnable ; assurer la liaison avec l'Autorité de régulation et / ou l'opérateur de marché de NYSE Alternext.