B. ... MAIS LEURS RÉSULTATS SONT INÉGAUX ET NE PERMETTENT PAS ENCORE DE CONVAINCRE TOTALEMENT DE LEUR PERTINENCE...
Compte tenu des moyens mis en oeuvre par l'État, dans le cadre du PIA pour développer la valorisation de la recherche publique, en particulier par le financement de la maturation et la création des SATT, il est légitime de s'interroger sur les résultats obtenus .
Au-delà de la mise en place des structures et des moyens effectivement dépensés pour les projets soutenus, et même s'il est encore trop tôt pour juger réellement de leur efficacité, quels sont les premiers constats ? L'aide financière apportée et les moyens déployés ne risquent-ils pas de s'avérer disproportionnés ?
1. Globalement des résultats plus faibles qu'attendus même si en progression en termes de valorisation, qui ne cachent pas la diversité des situations et la difficulté à garantir la rentabilité financière de ces sociétés
a) Des indicateurs qui montrent une évolution mais aussi la faiblesse de certaines SATT
En termes d'activité, les SATT présentent des indicateurs en progression depuis leur création , ce qui paraît à la fois logique et rassurant. Ainsi, leurs statistiques sont globalement plus favorables non seulement du point de vue du nombre de projets de maturation décidés, mais aussi pour toutes les autres étapes de la valorisation depuis la détection jusqu'à la concession de licences ou la création de start-ups.
Pour les cinq structures relevant de la vague A, les déclarations d'invention ont ainsi plus que doublé entre 2012 et 2016 , pour atteindre 652 inventions déclarées, avec parallèlement une multiplication par quatre du nombre de brevets déposés (219 en 2016 contre 56 en 2012) et sept fois plus de concessions de licences signées au cours de la même période.
Évolution des indicateurs d'activité et de résultats (vague A)
Source : commission des finances d'après les données recueillies auprès du Commissariat général à l'investissement (CGI)
Évolution des indicateurs d'activité et de résultats (vague B)
Nb : S1 et S2 = premier semestre et second semestre.
Source : commission des finances d'après les données recueillies auprès du Commissariat général à l'investissement (CGI)
Les objectifs initialement fixés pour chaque SATT ne sont toutefois pas nécessairement atteints , et les résultats obtenus en sont parfois très éloignés .
Ainsi, dans son rapport annexé au projet de loi de finances pour 2017 relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir, le Gouvernement a comparé la réalisation des indicateurs d'activité et de résultat des SATT des trois vagues pour l'année 2015 aux objectifs fixés pour la troisième année de leur création (valeur cible). L'on constate alors d'importants écarts, comme le montre le graphique ci-dessous reprenant les données établies pour les SATT des vagues A et B, lesquelles avaient alors plus de trois ans d'existence 25 ( * ) .
Écart entre le réalisé et la
valeur cible des indicateurs d'activité et de
résultats
(vagues A et B)
Vague A
|
Vague B
|
Source : commission des finances d'après les données du rapport annexé au projet de loi de finances pour 2017 relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir
Ces écarts peuvent notamment s'expliquer par le fait que les SATT ont mis plus de temps que prévu pour se mettre en place et débuter vraiment leurs activités.
Il est fort dommageable de ne pas disposer d'un bilan statistique de l'activité réalisée avant la création des SATT par les dispositifs de valorisation préexistants, qu'il s'agisse des DMTT, des SAIC, etc . Cela aurait permis de comparer utilement l'apport réel de ces nouvelles structures par rapport à la situation antérieure , indépendamment de la progression de leurs propres résultats. Cette remarque rejoint d'ailleurs celle déjà formulée concernant l'absence de cartographie des structures de valorisation compétentes avant la création des SATT.
Les résultats enregistrés par les SATT sont variés , comme le montre notamment le graphique ci-dessous qui compare les statistiques par vague au bout de trois ans de création. Il convient toutefois de préciser que le nombre de déclarations d'invention et de brevets déposés n'est pas significatif pour la vague C, dans la mesure où les SATT Linksium et Paris Saclay n'ont pas d'activité de propriété intellectuelle et ne font pas de déclarations d'invention.
Indicateurs d'activité et de résultats par vague trois ans après la création des SATT
Nb : Pour la vague A, ont été retenues les années 2012 à 2014.
Pour la vague B, les trois premières années s'échelonnent du second semestre 2012 à la fin du premier semestre 2015.
Pour la vague C, il convient de préciser que pour deux SATT (Linksium et Paris Saclay), leur date de création correspond à juillet 2014, les années 2014 à 2016 retenues dans les présentes statistiques ne correspondant dès lors pas totalement à leurs trois premières années d'existence.
Pour la SATT Grand Centre, créée en avril 2013, c'est la période du second semestre 2013 au premier semestre 2016 qui a été prise en compte.
Par ailleurs, les SATT Linksium et Paris Saclay n'ont pas d'activité de propriété intellectuelle et ne font pas de déclarations d'invention, ce qui explique les chiffres bien moins importants de la vague C pour ces deux catégories.
Enfin, pour mémoire, la vague B ne compte que quatre SATT, contrairement aux deux autres qui en regroupent cinq chacune.
Source : commission des finances d'après les données fournies par le Commissariat général à l'investissement (CGI)
On peut notamment constater que les résultats des SATT de la vague C sont plutôt en-deçà de ceux des SATT précédemment créées , avec seulement 25 concessions de licences signées contre respectivement 104 pour la vague A et 107 pour la vague B au bout du même nombre d'années d'existence. En revanche, le nombre de start-ups créées est très proche.
L'établissement de la moyenne par SATT et par vague permet de tenir compte du fait que la vague B ne compte que 4 structures, contre 5 pour les autres. Ainsi, il apparaît que les vagues A et B ont des résultats relativement proches , avec en particulier une moyenne de respectivement 75 et 72 projets maturés par SATT, contre seulement 55 pour la vague C.
Moyenne par SATT et par vague au titre des indicateurs d'activité et de résultats trois ans après la création des SATT
Nb : Pour la vague A, ont été retenues les années 2012 à 2014.
Pour la vague B, les trois premières années s'échelonnent du second semestre 2012 à la fin du premier semestre 2015.
Pour la vague C, les deux SATT (Linksium et Saclay) ont été créées en 2014 ; les années 2014 à 2016 retenues dans les présentes statistiques ne correspondent dès lors pas totalement à leurs trois premières années d'existence (il manque un semestre).
Enfin, la moyenne pour les déclarations d'invention et les dépôts de brevets a été réalisée sur les trois SATT qui exercent cette compétence au sein de la vague C (hors SATT Linksium et SATT Paris Saclay).
Source : commission des finances d'après les données fournies par le Commissariat général à l'investissement (CGI)
Ayant eu accès aux données de chaque SATT, votre rapporteur spécial a pu constater des disparités relativement importantes entre elles . Certaines rencontrent ainsi d'indéniables difficultés pour développer leur activité mais aussi valoriser et faire aboutir les projets qu'elles financent.
Toutefois, il convient de nuancer ces propos par deux remarques. D'une part, comme cela a pu être mis en exergue supra , la diversité des compétences exercées par chacune des SATT peut rendre malaisées les comparaisons entre elles.
En outre, il convient bien entendu de tenir compte du fait que, même si les SATT ont été créées dans le souci d'atteindre une certaine « masse critique », elles ne disposent pas toutes du même potentiel de valorisation de projets ni du même « passé » sur leur territoire sur lequel se reposer. D'ailleurs, elles ne se voient pas toutes fixer les mêmes objectifs en termes de développement d'activité et de résultats.
Selon les informations recueillies auprès de l'État et l'ANR, seules trois des neufs SATT des vagues A et B ont atteint à plus de 90 % huit des dix objectifs qui leur étaient fixés au titre des indicateurs d'activité, financiers et de résultat pour l'année 2016. Aucune n'a fait mieux, tandis que deux SATT n'ont pu atteindre plus de 90 % de l'objectif que pour 4 indicateurs.
Répartition des SATT des vagues A et B au regard des résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés pour l'année 2016
Objectifs considérés comme atteints lorsqu'ils le sont à plus de 90 %
Nb : les données utilisées pour ce graphique sont susceptibles d'évoluer car elles n'étaient pas encore complètement consolidées à juillet 2017, selon les informations transmises par l'administration.
L'ANR a également indiqué au rapporteur spécial que l'indicateur « taux de couverture des dépenses par les revenus » faisait l'objet d'un travail en cours sur la méthodologie du mode de calcul et qui n'a pas encore été validé par le comité de gestion des SATT.
Source : commission des finances d'après les données fournies par le Commissariat général à l'investissement (CGI)
Pour certains indicateurs, les résultats obtenus peuvent s'avérer très en-deçà des objectifs fixés . Ainsi en est-il notamment des projets de maturation, où deux SATT des vagues A et B ne sont parvenus en 2016 qu'à engager 50 % du montant des investissements initialement prévus en la matière et une troisième à peine plus de 60 %. Par ailleurs, deux SATT (l'une d'entre elles figurant déjà dans la catégorie précitée) n'ont engagé que la moitié du nombre prévu de projets de maturation de plus de 120 000 euros.
De même, plusieurs SATT enregistrent des résultats peu performants en termes d'aboutissement de la procédure de la valorisation , avec un objectif de licences fermes et payantes signées dans l'année, ou encore un taux de couverture des dépenses par les revenus très faible (moins de 5 %, correspondant à un tiers de l'objectif initial). De même, deux SATT présentent un taux de valorisation des projets de maturation (c'est-à-dire la proportion de projets achevés ayant abouti à la signature d'une licence par un tiers) particulièrement bas (moins de 10 % pour l'une, moins de 20 % pour l'autre), soit la moitié ou un peu plus de l'objectif initialement fixé.
Répartition des SATT des vagues A et B selon la réussite des objectifs fixés au titre de l'année 2016 pour chacun des dix indicateurs d'activité, financiers et de résultat
Nb : les données utilisées pour ce graphique sont susceptibles d'évoluer car elles n'étaient pas encore complètement consolidées à juillet 2017, selon les informations de l'État.
L'ANR a également indiqué au rapporteur spécial que l'indicateur « taux de couverture des dépenses par les revenus » faisait l'objet d'un travail en cours sur la méthodologie du mode de calcul et qui n'a pas encore été validé par le comité de gestion des SATT.
Source : commission des finances d'après les données fournies par le Commissariat général à l'investissement (CGI)
Les documents en possession de votre rapporteur spécial mais aussi les auditions réalisées lui ont permis de constater que, tandis que certaines SATT progressent et rencontrent des résultats plutôt satisfaisants, d'autres semblent particulièrement fragilisées .
Ainsi, les plus récentes, créées entre 2013 et 2014, enregistrent encore très peu de concessions de licences signées, avec un total sur la période (jusqu'au 31 décembre 2016) de 0 à 11 licences par SATT et, sur l'année 2016, deux SATT qui n'en ont conclu qu'une.
Certaines structures cumulent par ailleurs plusieurs mauvais indicateurs. Généralement, cela s'accompagne, comme cela sera mis en évidence infra , de difficultés à obtenir une réelle volonté d'association ( affectio societatis ) des actionnaires.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la situation des SATT est très variable. D'autres rapports ont ainsi mis en exergue cette variété de résultats après quelques années de mise en oeuvre, comme le rapport de Philippe Maystadt, remis en mars 2016 et évaluant à mi-parcours le PIA. Celui-ci précise ainsi que « les premières évaluations montrent des résultats très contrastés » entre les SATT « qui fonctionnent bien, à la satisfaction des partenaires industriels qui sont heureux d'avoir un interlocuteur au lieu de plusieurs » et celles qui, en revanche, « semblent rencontrer de sérieuses difficultés » .
Bruno Rostand, dans son rapport de 2015 remis au Commissariat général à l'investissement « Transfert et valorisation dans le PIA. Quelques éléments de comparaison », estimait pour sa part que les SATT se situaient, à ce stade, dans « une situation transitoire dont l'appréciation relève un peu de la comparaison d'un verre à moitié plein avec un verre à moitié vide ».
b) Des résultats financiers encore limités permettant difficilement d'envisager un équilibre financier à 10 ans et de conclure à la réussite des SATT
Selon les chiffres transmis par l'État et ses opérateurs, les SATT enregistrent encore des montants très limités en termes de recettes , représentant depuis 2012 environ 82,5 millions d'euros, pour des charges d'exploitation à hauteur de 326 millions d'euros sur la même période.
Il convient toutefois d'être prudent sur les données établies, lesquelles reposent sur les déclarations des SATT.
Total des dépenses et des recettes des SATT entre 2012 et 2016
(en millions d'euros)
* Il s'agit des charges d'exploitation.
Source : commission des finances d'après les données fournies par la Caisse des dépôts et consignations
Seuls 16 millions d'euros correspondent à des recettes issues des activités de maturation et de transfert de technologies , pour près de 215 millions d'euros de dépenses. Les autres produits proviennent des activités de prestations et, pour Linksium et Pulsalys, d'incubation.
Répartition des recettes enregistrées par les SATT entre 2012 et 2016 par type d'activité
Source : commission des finances d'après les données fournies par la Caisse des dépôts et consignations
Il convient également de relativiser les montants des recettes issues des prestations puisque les chiffres fournis à votre rapporteur spécial et qui correspondent à plus de 65 millions d'euros tiennent notamment compte des prestations financées par le FNV au cours des cinq premières années de création de la SATT, comme le prévoyait la convention de mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir. Or, cette enveloppe financière accordée par l'État dans le cadre de l'action du PIA, couvre déjà plus de 20 millions d'euros des dépenses des SATT depuis 2012. Cette ressource est sujette à caution pour l'avenir dans la mesure où rien ne garantit que les actionnaires continueront de recourir aux SATT pour réaliser ce type de prestations une fois que le FNV ne pourra plus être utilisé.
Les situations sont, encore une fois, contrastées entre les SATT , certaines structures enregistrant de nettes progressions en termes de recettes et des résultats suffisamment satisfaisants pour permettre, notamment à l'État, d'être optimiste pour leur avenir.
D'autres conduisent , au contraire, à rester plus prudent , au regard des recettes globalement enregistrées mais surtout de celles tirées de leur activité de maturation . Certaines SATT de la vague C ne bénéficient encore d'aucun revenu à ce titre en 2016 ou bien ils sont encore très faibles. L'on peut également constater qu'ils restent excessivement réduits aussi pour une SATT pourtant créée depuis cinq ans. Ce constat rejoint les préoccupations déjà partagées sur les difficultés de certaines entités à développer leurs activités.
Les recettes issues des prestations sont également très variables selon les structures , compte tenu notamment des compétences développées auprès de certains de leurs actionnaires. Ainsi en est-il notamment lorsque la SATT gère les contrats de recherche sur lesquels elle se rémunère.
D'un point de vue comptable, quels que soient leurs résultats, toutes les SATT enregistrent encore une perte en fin d'année et leur activité reste très largement portée par le financement du PIA .
Les difficultés enregistrées par certaines structures, l'évolution de l'activité et des résultats mais aussi des pertes enregistrées conduisent à s'interroger plus globalement sur leur possible atteinte de l'équilibre financier .
L'objectif d'équilibre à dix ans ne pourra vraisemblablement être atteint , y compris pour les plus performantes et celles qui exercent un large spectre d'activités. Il n'est pas totalement exclu que l'une ou l'autre s'en approche mais cela restera une exception. Ainsi, la SATT Conectus en Alsace pourrait peut-être y parvenir mais son assise sur un dispositif de valorisation préexistant déjà très efficient et son lien fort avec une université fusionnée (Strasbourg) placent cette structure dans une situation particulière qui n'est ni nécessairement comparable ni transposable au reste du territoire national.
Ainsi, la SATT Sud-Est s'est fixée des objectifs ambitieux de progression de son chiffre d'affaires, en prévoyant une augmentation de 30 % par an. Avec de tels engagements, ses dirigeants espèrent atteindre une autosuffisance à 60 % d'ici 2022, créant ainsi un besoin de financement public encore conséquent pour couvrir les 40 % restants.
Des rapports tels que celui de Philippe Maystadt, remis en mars 2016 et ayant pour objet d'évaluer le PIA à mi-parcours, rejoignent ainsi ce constat : « compte tenu notamment du délai de maturation de la plupart des projets et de la rigidité des règles imposées, la possibilité pour les SATT d'arriver à l'équilibre financier dans les dix ans est d'ores et déjà mise en doute. » 26 ( * )
L'ensemble de ces indicateurs et résultats obtenus par les SATT ne permettent pas, à ce stade, de déterminer réellement le bien-fondé de leur création et la pertinence de leurs actions . Il est encore trop tôt pour en juger , d'autant que, comme cela a déjà été présenté, les structures ont généralement connu des mises en place longues et tardives. En conséquence, les prochaines années seront probablement décisives et il appartiendra de rester vigilant, compte tenu, en particulier, du coût de ces nouvelles structures issues du PIA.
2. La « fausse bonne idée » des prestations financées par le FNV
Comme indiqué précédemment, la convention de mise en oeuvre de l'action du programme d'investissements d'avenir prévoyait que 5 % des crédits alloués à chaque nouvelle structure soient réservés au financement d'activités de prestations réalisées par les SATT au bénéfice de leurs actionnaires. Une liste de prestations susceptibles d'être couvertes par cette dotation a été établie.
Ce dispositif, qui prenait la forme d'une subvention et permettait aux établissements de recherche d'acheter des prestations facturées « à un prix de marché » aux SATT, poursuivait deux objectifs.
D'une part, il s'agissait, par cette enveloppe financière, utilisable pendant les cinq premières années de la SATT, d'inciter au développement de ses activités de prestations , comme demandé dans le cadre de la convention de mise en oeuvre du PIA.
D'autre part, cette enveloppe devait permettre de faciliter la mise en place des relations entre les SATT et leurs actionnaires.
Cette faculté a été largement utilisée depuis la création des premières SATT, puisque plus de 20 millions d'euros sur les 42,8 millions d'euros disponibles ont d'ores et déjà été consommés au 31 décembre 2016 . Selon les chiffres transmis à votre rapporteur spécial, son usage reste toutefois varié selon les SATT.
Dotation totale, décaissements et dépenses constatées pour les SATT de chaque vague au titre des « prestations FNV », au 31 décembre 2016
(en euros)
Source : commission des finances d'après les données fournies par le Commissariat général à l'investissement (CGI), la direction générale de la recherche et de l'innovation (DGRI) et la direction générale des entreprises (DGE)
Malgré les intentions louables ayant conduit à sa mise en place, cette disposition a tout d'une « fausse bonne idée ».
Tout d'abord, sur le principe, il est assez étonnant que des établissements soient dotés de fonds pour acheter des prestations à une société privée, dont ils sont par ailleurs actionnaires et alors qu'elle est elle-même financée par de l'argent public .
Ensuite, la liste des prestations susceptibles d'être financées dans le cadre de cette enveloppe couvre notamment des activités que les SATT ont parfois, en tout état de cause, vocation à développer pour exercer efficacement ce qui constitue leur coeur de métier, à savoir la maturation et la valorisation de la recherche publique. Ainsi en est-il, en particulier, de la détection de projets dans les laboratoires. Il est donc contestable et peu réaliste d'envisager de faire payer ainsi les établissements actionnaires.
Certes, il est possible que cette subvention ait effectivement permis , dans certains cas, de développer les relations entre les établissements et les SATT , en incitant les premiers à bénéficier des compétences des secondes et en créant, de ce fait, des relations de confiance bénéfiques pour l'implantation de ces jeunes structures. En outre, certaines prestations ont pu être utiles en termes de valorisation de la recherche publique et d'innovation, à l'instar des cartographies de laboratoires ou d'entreprises.
Pour autant, une fois que le financement par l'État sera achevé ou épuisé (comme c'est le cas depuis le début de l'année pour certaines structures), rien ne garantit que les établissements continuent de recourir aux SATT pour réaliser ce type de prestations. Ils ne disposeront pas nécessairement des moyens nécessaires. Lors des auditions et déplacements, il a ainsi été confirmé à votre rapporteur spécial que le financement du FNV n'a généralement pas rempli ses objectifs . Les établissements actionnaires y ayant recours ne prévoyaient pas de dégager une partie de leur budget en faveur de ce type de prestations par la suite.
En conséquence, comme cela a déjà été indiqué supra , les recettes des SATT issues de prestations pourront s'avérer mécaniquement réduites , parfois de façon importante. Une SATT pour laquelle le financement du FNV n'est désormais plus disponible a d'ailleurs confirmé que cette situation était source de crispations avec les actionnaires.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, votre rapporteur spécial considère que cette mesure n'aurait probablement pas dû être prévue .
3. Le choix coûteux de créer de nouvelles structures en « dur » pour exercer ces activités
Certes, les SATT reposent, pour certaines d'entre elles, sur de précédentes structures de valorisation, soit les DMTT soit le regroupement de services de valorisation éclatés sur plusieurs établissements.
Pour autant, la création de ces sociétés privées, au regard des missions confiées et des moyens qui leur ont été octroyés, a conduit à l'établissement de structures « en dur » non négligeables .
Ainsi, les charges d'exploitation de chaque SATT représentent un peu moins de 5 millions d'euros à presque 14 millions d'euros en 2016, pour un total de plus de 110 millions d'euros et une moyenne de 7,9 millions d'euros par structure. De nombreux éléments peuvent expliquer les variations, notamment l'ancienneté de la SATT et les compétences qu'elle exerce. Par exemple, la gestion des contrats de recherche induit des coûts supplémentaires pour celles qui en sont responsables, compte tenu des emplois nécessaires pour couvrir les besoins et même si des mutualisations sont possibles avec la maturation et l'activité de transfert en termes de frais généraux.
Les dépenses relevant des fonctions support mettent ainsi en évidence l'importance des coûts induits par ces structures avec notamment : la location de bureaux, la fourniture de fluides (eau, électricité...) et les autres consommables, les frais de télécommunication, les frais juridiques et comptables, la communication et la publicité...
Surtout, le choix de créer de nouvelles structures a conduit au recrutement de nombreux personnels.
En effet, même si des mutualisations ont eu lieu, comme cela a pu être présenté supra , avec les anciens services de valorisation des établissements actionnaires et les DMTT, le développement des activités des SATT a généré également des recrutements de chargés de valorisation, de business developers , de juristes spécialisés en propriété intellectuelle mais aussi de postes support pour la communication, les ressources humaines ou encore la gestion administrative et financière.
Ainsi, les 14 SATT employaient près de 780 personnes en 2016, dont environ 500 permanents . Les autres personnels sont surtout des contractuels recrutés dans le cadre d'un projet de maturation (par exemple un chef de projet « recherche et développement » pour exercer une mission de développement de technologie ou de service par le biais de prototypes ou de démonstrateurs). Ces contrats à durée déterminée sur projet étaient au nombre de 180 au 31 décembre 2016 pour l'ensemble des SATT, selon les chiffres transmis par les services de l'État, contre 153 à la même date en 2015.
Évolution des effectifs des SATT par vague
(en ETP)
Source : commission des finances du Sénat d'après les chiffres transmis par les SATT
En fonction des compétences exercées, les données transmises à votre rapporteur spécial par l'ensemble des structures font ainsi état d'un peu moins de 20 équivalents temps plein (ETP) à plus de 60 ETP correspondant à des effectifs permanents, auxquels s'ajoutent jusqu'à 44 ETP en effectifs non permanents en 2016 27 ( * ) .
Même si la date de création des sociétés et les différences de compétences qu'elles exercent (développement de prestations telles que la gestion des contrats de recherche) peuvent en particulier justifier les variations constatées en termes d'effectifs, il est étonnant que certaines structures emploient un nombre beaucoup plus important que d'autres .
Il convient de rester vigilant sur ce point , le nombre de personnels devant être maintenu à un niveau raisonnable pour ces structures encore jeunes et au financement principalement porté par le PIA.
Ne cessant d'augmenter parallèlement à la montée en puissance des SATT et des recrutements opérés, les charges de personnel représentent, en 2016, environ 40 millions d'euros pour l'ensemble des structures , sans tenir compte des emplois financés sur projet.
Pour les SATT ayant transmis le détail des coûts de maturation à votre rapporteur spécial, le recrutement de personnels sur les projets représente une dépense de moins de 500 000 euros à plus de 2 millions d'euros en 2016.
Autre exemple de coût engendré par la création de ces structures, selon les informations recueillies auprès de l'ensemble des 14 SATT, les mouvements de personnels (licenciements...) ont conduit à une dépense d'environ 2,3 millions d'euros sur la période. Or toute éventuelle remise en cause de l'une ou l'autre de ces sociétés aurait d'indéniables incidences, notamment s'agissant des personnels employés.
Compte tenu des sommes engagées dans l'activité des SATT et du coût intrinsèque des structures mises en place , il apparaît que les résultats attendus devront être particulièrement importants dans les prochaines années, en termes de retours financiers mais aussi d'impact pour l'ensemble de l'écosystème et du tissu économique local, pour justifier complètement leur existence et assurer totalement de leur pertinence . Pour l'heure, il est encore trop tôt pour s'en convaincre réellement . En outre, les SATT rencontrent encore des difficultés pour exercer efficacement leur action, certaines d'entre elles paraissant d'ailleurs moins aisément surmontables que d'autres, dans un futur plus ou moins proche.
La Cour des comptes s'est montrée très circonspecte sur ce choix d'un modèle de structure lourde. Elle mettait en avant en 2013 un grand nombre de risques, tels que la faible adhésion des partenaires, notamment les grands organismes de recherche, l'absence de maîtrise des frais de personnels, ainsi que « la viabilité des différents modèles économiques retenus ». Elle concluait ainsi que « l'investissement important de l'État dans ces nouvelles structures apparaît excessif et imprudent » et qu'il valait mieux procéder à des expérimentations en labellisant des entités déjà existantes, avant d'imposer un modèle unique sur l'ensemble du territoire. 28 ( * )
* 25 La comparaison entre la réalisation 2015 et la valeur cible établie pour la troisième année de création des SATT paraît moins pertinente pour les SATT de la vague C qui n'ont été créées, pour trois d'entre elles, qu'au cours ou à la fin de l'année 2013 et, pour les autres, en juillet 2014.
* 26 Philippe Maystadt, « Rapport du comité d'évaluation à mi-parcours », mars 2016.
* 27 Les chiffres transmis par les SATT à votre rapporteur spécial divergent parfois de ceux transmis par les services de l'État. Les explications sont notamment les suivantes : calcul par nombre de personnels plutôt que des ETP ; la date de prise en compte...
* 28 Cour des comptes, 2013, rapport public thématique « Le financement public de la recherche, un enjeu national ».