B. LES ACQUIS DE L'INTERRÉGIMES SERVIRONT À LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME QUI S'AVÈRE NÉCESSAIRE POUR REMÉDIER RÉELLEMENT À LA COMPLEXITÉ DU SYSTÈME DE RETRAITES
1. Les acquis de l'interrégimes au service de la réforme
Le bilan de l'interrégimes en matière de retraite représente un héritage positif qui bénéficiera à la mise en oeuvre de la future réforme des retraites.
a) Des outils communs
Cet héritage repose d'abord sur les outils créés au sein de l'interrégimes. Le droit à l'information retraite permettra d'accompagner la réforme en étant capable d'apporter aux assurés des estimations précises sur leur futur montant de retraite y compris dans la période de transition où plusieurs modes de calcul des droits pourraient coexister 146 ( * ) .
Le RGCU jouera aussi un rôle considérable en présentant une base carrière nationale. Cette base ne permettra pas toutefois d'appliquer directement, le cas échéant, les nouvelles règles de calcul unifiées pour tous les régimes. En effet, les informations de longue période sur le détail de la rémunération des fonctionnaires de l'État détenues par le SRE sont inexistantes ou lacunaires, comme le rappelait le rapport de la Cour des comptes sur les pensions de retraite des fonctionnaires 147 ( * ) . Interrogé par vos rapporteurs, le SRE explique que « la réglementation et les flux techniques du régime ou des divers systèmes déclaratifs en amont ne concernent que les données actuellement utiles (carrière au sens des positions et des durées, du grade et de l'indice) mais non les rémunérations dans tous leurs éléments » 148 ( * ) . Les données de carrière des fonctionnaires sont tout particulièrement limitées concernant la part indemnitaire de leurs traitements qui n'entre pas dans l'assiette de cotisations pour l'assurance vieillesse. Le régime additionnel de la fonction publique (RAFP), membre du GIP, dispose de données parcellaires puisque d'une part, l'adhésion à ce régime est volontaire et possible que depuis sa création en 2005 et d'autre part, l'assiette de cotisation est plafonnée à 20 % du traitement indiciaire brut. Ce point constituera une difficulté technique considérable pour la mise en oeuvre de la réforme systémique et pourrait conduire à demander aux fonctionnaires de produire tout ou partie de ces données.
b) Une habitude de travail
Le GIP a réussi à réunir et à faire dialoguer des régimes qui aujourd'hui encore ne parlent pas toujours le même langage, sont gérés selon des règles différentes et sont soucieux de leur identité propre et de leurs spécificités issues de notre histoire sociale.
Un rapport récent de l'Igas sur la simplification technique des relations entre les assurés et leurs régimes de retraite le notait non sans humour : « Le vocabulaire de la retraite est riche mais souvent technique voire ésotérique (« liquidation de la retraite ! ») pour l'assuré. Il arrive de surcroît que les techniciens conseils ne parlent pas le même langage non seulement d'un organisme de retraite à l'autre (...), les régimes utilisant leur propre vocabulaire qui résulte parfois de bases juridiques distinctes (...) mais parfois au sein d'un même organisme. (...) Les exemples abondent d'expressions tantôt utilisées indifféremment, parce que considérées comme identiques, tantôt proches mais subtilement différentes, tantôt regardées comme suffisamment différentes pour conduire à des droits ou des décisions différentes (...). Sont proches, voire identiques, ou distinctes mais dans tous les cas souvent utilisées indifféremment des expressions telles que : régime/organisme/caisse, assuré/affilié/adhérent, allocataire/bénéficiaire, durée de service/durée d'activité, point de retraite/unité de compte, retraite/allocation/pension, liquidation/calcul des droits (...). Certains mots, simples et compréhensibles a priori peuvent couvrir des réalités différentes ou non selon le substantif qui leur est accolé ; âge : âge de la retraite, âge légal, âge minimum ou minimal, âge limite d'ouverture des droits, âge de liquidation, âge d'arrêt effectif de l'activité, âge de taux plein... ; droits : droits directs, droits propres, droits dérivés, droits contributifs, droits non contributifs, ;... » 149 ( * ) .
Les exemples pourraient se multiplier et ce rapport n'a sans doute pas évité cet écueil. Le GIP a toutefois permis aux régimes de travailler ensemble, de s'accorder sur un certain nombre de concepts pour rendre consistant un nouveau droit pour les assurés. Cette dynamique et cette habitude de travail devront être exploitées dans la perspective de la réforme.
c) La diffusion d'une culture de l'assuré
Depuis 2003, le GIP Info retraite puis Union retraite a instillé une culture de l'assuré différente de celle présente dans les régimes. Cette culture de l'assuré, complémentaire du souci des régimes de payer à temps les pensions aux bonnes personnes, part de la vision de l'assuré face à la complexité du système de retraite. C'est bien depuis ce point de vue que toute future réforme des retraites devra partir.
2. Une réforme systémique nécessaire pour remédier à la complexité du système de retraites
L'action de l'interrégimes en matière de retraite depuis 14 ans a permis de masquer pour l'assuré, en partie seulement, la complexité du système de retraite. Elle n'a toutefois pas permis d'y remédier et les tensions actuellement observées au sein des instances du GIP Union retraite soulignent que cette solution de simple habillage atteint ses limites.
Les projets nécessaires à la simplification et à la mutualisation de l'assurance vieillesse nécessitent une nouvelle impulsion politique qui ne pourra éluder la question du nombre de régimes de retraite existant dans notre pays. Notre système de retraite est complexe et cette complexité a un coût estimé entre 4,5 milliards d'euros et 6 milliards d'euros 150 ( * ) par an.
C'est pourquoi le débat qui s'ouvre, et auquel ce rapport souhaite contribuer, doit engager une réflexion profonde sur l'architecture de notre système de retraite. La réforme annoncée, qui serait d'une ampleur considérable, constitue une opportunité unique pour refonder le contrat qui lie, depuis la généralisation de la couverture vieillesse à l'issue de la Seconde guerre mondiale, les générations entre elles. Cette réforme, qui dépasserait la dimension uniquement paramétrique des différentes réformes entreprises dans la branche vieillesse depuis 1993, nécessite du courage.
Il est temps de décider 151 ( * ) .
* 146 La réforme des retraites en Italie, et dans une moindre mesure en Suède, a vu coexister pour de nombreuses générations deux systèmes de calcul des droits, ce qui pouvait à court terme rendre plus complexe le droit à l'information.
* 147 Cour des comptes, Les pensions de retraite des fonctionnaires. Des évolutions à poursuivre . Octobre 2016.
* 148 Réponse écrite à l'une des questions de vos rapporteurs.
* 149 Igas, Simplification technique des relations entre les assurés et leurs régimes de retraite , M. Laroque, J. Rousselon et B. Verrier, mai 2013.
* 150 D'après une estimation menée par le cabinet Accenture en 2013. « Eurostat met en évidence un écart du simple au double au double entre la France et des pays comme l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne, où le système de retraite est pourtant aussi complexe » , explique Erik Linquier, directeur exécutif du cabinet (interview aux Echos du 19 avril 2013).
* 151 Pour reprendre le titre du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Edouard Balladur, 2009.