III. AU NIVEAU DE L'ARCHITECTURE DU SYSTÈME DE RETRAITE, LE PROJET DE RÉFORME SYSTÉMIQUE DES RETRAITES INTERROGE L'AVENIR DE L'INTERRÉGIMES ET DU GIP UNION RETRAITE
A. L'AVENIR DU GIP DÉPENDRA DU SCHÉMA RETENU
1. Une réforme évoquée dès 2010 mais aux contours encore incertains.
Bien que la campagne présidentielle n'ait pas porté spécifiquement sur le thème des retraite, le programme du Président de la République porte une proposition ambitieuse : celle de créer « un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé » .
Le document de campagne dessine les contours d'un système en comptes notionnels dans lequel, « les cotisations, aux régimes de base comme aux régimes complémentaires, qu'elles soient versées sur les bases de revenus ou acquises au titre de la solidarité (...), seront inscrites sur un compte individuel et revalorisées chaque année selon la croissance des salaires » . Il précise que « le total des droits accumulées sera converti au moment de la retraite en une pension, à l'aide d'un coefficient de conversion fonction de l'âge de départ et de l'année de naissance [prenant en compte] l'allongement de l'espérance de vie [de façon continue] au fil des générations » . Et de conclure : « plus besoin de réformes successives, qui changent les règles et sont anxiogènes et source d'incertitude. Dans la durée, la réforme aura bien un effet financier en garantissant un équilibre sur le long terme » .
Cette proposition relance donc le débat public sur la mise en oeuvre d'une réforme systémique des retraites en France. Il avait en effet déjà été amorcé au moment de la réforme des retraites de 2010 en particulier par votre commission.
Comme le notait, par exemple, le rapport de notre collègue Dominique Leclerc, rapporteur de la branche « retraite » pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 138 ( * ) :
« Votre commission plaide, depuis plusieurs années, pour une réforme structurelle ou « systémique » qui présenterait plusieurs avantages :
- elle permettrait d'endiguer la crise de confiance des assurés sociaux dans leur système de retraite car, on le sait, les générations actuelles de quinquagénaires liquident leurs pensions dès qu'ils le peuvent, tandis que la majeure partie des jeunes actifs se demande si le système actuel survivra jusqu'à leur propre départ en retraite ;
- elle dégagerait un équilibre financier durable, condition indispensable au maintien d'un haut niveau de retraite pour les générations futures ;
- elle simplifierait et améliorerait les règles de fonctionnement du système de retraite, ce qui lui permettrait de gagner en cohérence et lisibilité ;
- elle renforcerait le caractère contributif des régimes de retraite, mis à mal aujourd'hui ».
Notre collègue Dominique Leclerc avait ainsi déposé un amendement à ce projet de loi, adopté par le Sénat et l'Assemblée nationale visant à confier au Cor « un rapport sur les modalités techniques de remplacement du calcul actuel des pensions personnelles par les régimes de base d'assurance vieillesse légalement obligatoires, soit par un régime par point, soit par un régime de comptes notionnels de retraite fonctionnant l'un comme l'autre par répartition » 139 ( * ) .
Ce rapport a été remis par le Cor en janvier 2010 140 ( * ) et demeure à ce jour le rapport public de référence en France présentant les options et les modalités techniques de mise en oeuvre d'une réforme systémique du système de retraite.
Ces travaux n'avaient toutefois pas conduit le législateur en 2010 à s'engager dans ce type de réforme, préférant au « bing bang » attendu en matière de calcul des droits à la retraite, la mise en place d'une nouvelle réforme paramétrique. Cette dernière avait toutefois prévu que le comité de pilotage des régimes de retraite, qu'elle instituait 141 ( * ) , devait mener une réflexion sur « les conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au coeur du pacte social qui unit les générations » 142 ( * ) .
En choisissant l'option d'une réforme vers un régime en comptes notionnels, la proposition du Président de la République oriente donc le débat en transposant le modèle suédois en France. Ce choix avait déjà été celui de la Mecss du Sénat en 2007 143 ( * ) qui avait recommandé de s'inspirer de la réforme des retraites suédoise à la fois pour la mise en place d'un régime de comptes notionnels mais également du mécanisme d'ajustement automatique des comptes.
Ce mécanisme, instauré dans un deuxième temps de la réforme en Suède en 2001, permet qu'en cas d'insuffisance des ressources du régime pour honorer le montant des retraites à servir aux assurés, un processus d'ajustement s'enclenche automatiquement pour modifier à la fois le taux de revalorisation du capital notionnel accumulé par l'ensemble des assurés mais également l'indice d'évolution des pensions déjà liquidées.
La Mecss considérait que ce système présentait « quatre avantages principaux » :
« - il garantit un équilibre financier pérenne, sur la base de taux de cotisations élevés, mais stables à l'avenir ;
- il préserve l'équité entre les générations ;
- il assure une meilleure transparence de l'effort contributif, ainsi que des niveaux de prestations perçues par les assurés sociaux suédois ;
- il garantit une pension minimum aux personnes âgées les plus modestes. » 144 ( * )
C'est donc avec conviction et enthousiasme que votre mission, dans la continuité de ses précédents travaux, accueille la proposition du Président de la République et y voit une opportunité unique de simplifier l'architecture de notre système de retraite.
2. Trois pistes d'évolution possibles pour le GIP Union retraite
Dans la perspective de cette réforme, l'activité de l'interrégimes et du GIP Union retraite en particulier sera amenée à évoluer. Trois pistes ont été évoquées au cours des auditions de vos rapporteurs.
• La disparition du GIP Union retraite
La première piste conduirait à la dissolution du GIP à l'issue de la mise en oeuvre de la demande unique de retraite en ligne et de la montée en charge du compte personnel retraite dans le périmètre des services d'ores et déjà envisagé. Cette disparition pourrait intervenir dans un horizon correspondant à l'échéance de la prochaine période de contractualisation 2019-2022. Le projet de demande de pension de réversion unique en ligne doit en effet être a minima poursuivi et le GIP apparait à court terme comme la structure la plus efficiente pour porter ce projet.
Néanmoins, la création d'un système de retraite fondé sur des règles identiques, a fortiori dans le cas d'un régime unique 145 ( * ) , lui ferait perdre son objet social. Par ailleurs, les inquiétudes soulevées par ce projet de réforme au sein des régimes ainsi que le moindre consensus à envisager de nouveaux services de simplification et de mutualisation au sein du GIP vont inévitablement freiner l'activité de l'interrégimes dans les prochaines années.
• Le GIP Union retraite , acteur de la réforme des retraites
La deuxième piste consisterait à faire jouer au GIP un rôle dans la réforme des retraites en lui donnant la mission d'approfondir la convergence des régimes de retraite pendant la période de transition. Le GIP a acquis une connaissance des règles et des modalités de fonctionnement de chaque des régimes, qu'il pourrait être pertinent d'utiliser pour la mise en place de la réforme.
Le portage politique et technique d'une telle réforme ne pourra bien évidemment pas être assuré par le GIP, qui n'en ni les moyens actuellement, ni la légitimité. Mais ce dernier pourrait être une force d'appui auprès de l'administration chargée de la réforme afin de faire prévaloir l'exigence de service à l'assuré et de simplification du système de retraite.
• Le GIP Union retraite , instrument de l'interbranches
La troisième piste consisterait enfin à transformer le GIP Union retraite en un instrument, non plus seulement interrégimes, mais interbranches. Les travaux liés au schéma directeur du système d'information du service public de la sécurité sociale ont souligné l'importance des problématiques transverses à l'ensemble des organismes de sécurité sociale en matière d'identification des assurés, de simplification de leurs démarches ainsi que de celles des employeurs mais aussi de lutte contre la fraude. L'expertise du GIP en matière de production de service à l'assuré pourrait compléter, et le cas échéant se fusionner au sein d'une task force chargée de mettre en oeuvre ces projets dans la sphère sociale. Le GIP Modernisation des données sociales a également acquis une expertise interbranches en matière de déclarations des entreprises.
La plus forte prégnance des problématiques transverses au sein de la sécurité sociale pourrait conduire à créer plus de synergies entre ces différentes structures.
* 138 Rapport n° 83, tome V (2008-2009) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, commission des affaires sociales du Sénat, novembre 2008.
* 139 Article 75 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.
* 140 Retraites : annuité, points ou comptes notionnels ?, Options et modalités techniques, Conseil d'orientation des retraites, septième rapport, janvier 2010.
* 141 Installé le 31 mai 2011, le comité de pilotage des régimes de retraite a été supprimé par la réforme des retraites de 2014 au profit du comité de suivi des retraites.
* 142 Article 16 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 déjà citée.
* 143 Rapport d'information de la Mecss n° 377 (2006-2007) - « Réformer la protection sociale : les leçons du modèle suédois », Alain Vasselle et Bernard Cazeau, juillet 2007.
* 144 Op. cit.
* 145 Qui ne semble toutefois pas dans le plan évoqué par le Président de la République.